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Caractéristiques des marchés biologiques et conventionnels kenyans

convention-nels kenyans

Dans cette section, nous allons rappeler les principales caractéristiques des marchés bio-logiques et conventionnels sur lesquels producteurs biobio-logiques certifiés et non certifiés écoulent leurs produits. Nous commençons par rappeler quelques caractéristiques à la fois géographiques et climatiques.

Le territoire kenyan est situé pour 80%, dans des zones arides et semi-arides. Seules un tiers des terres sont cultivables, notamment les hauts plateaux du centre et les plaines côtières. Par ailleurs, les petits producteurs sont particulièrement exposés aux effets du changement climatiques. En effet, durant ces 100 dernières années, 28 sécheresses im-portantes ont été enregistrées au Kenya, dont quatre qui se sont produites au cours des dix dernières années (Adow, 2008). Les épisodes extrêmes de sécheresse et la baisse de la pluviométrie sur le long terme sont deux phénomènes observés dans le pays (Adger et al. 2003).

Malgré ces contraintes, il existe une grande diversité de cultures au Kenya. Sindi (2008) identifie 60 cultures différentes. Les principales cultures en volumes sont le blé,

Regions (Provinces) Productions biologiques vendues localement

Nairobi Fruits transformés

Central

Fruits - avocats, mangues, fruits de la passion, pommes, goyaves, ananas, papayes. Café, lé-gumes (exotiques et traditionnels), pommes de terres (irlandaises et patates douces), melon d’eau et autres variétés de melon, petits pois, gingembre, poivre vert, gombo.

Nyanza Bananes, fruits, arachides, sésame, canne à sucre, piments, sorgho, mil.

Rift Valley Miel, thé, fruits Eastern

Légumes, fruits (mangues, papayes et oranges), manioc, mil, sorgho, amarante, plantes médici-nales

North Eastern

Western Légumes traditionnels : amarante

Coast Noix de cajou, arachides, curcuma, gingembre.

Source : Taylor (2006)

Tableau 3.1 – Produits biologiques du Kenya

le maïs, la pomme de terre, les haricots, les choux ou encore les bananes. En dehors du blé, ce sont également les cultures qui sont le plus plantées par les petits producteurs kenyans (Muendo, 2004).

La production biologique est essentiellement située dans les provinces Central, Eas-tern et de Nairobi, soit dans les régions agricoles. La présentation du tableau 3.1 met en lumière les différences de productions d’une région à l’autre. Les producteurs biolo-giques, certifiés ou non, cultivent ainsi essentiellement des fruits types avocats, mangues, ananas, papayes, oranges et les légumes locaux (légumes traditionnels tels que l’ama-rante, african nightshade, african eggplant, spider plant, okra et du niébé), les pommes de terre, différentes variétés de pois, des épinards.

Les premiers marchés biologiques apparaissent dans les années 2000, mais c’est sur-tout depuis 2006 qu’ils se développent (annexe A4). Il existe une vingtaine de débouchés donnant aux producteurs la possibilité de vendre avec premiums. Parmi ces débouchés, 7 sont plus spécifiquement spécialisés dans la vente de produits biologiques. Ils sont es-sentiellement situés dans la ville de Nairobi, à une exception près qui se trouve à Thika, troisième ville du pays. La première caractéristique de ces marchés est la faible taille de

ce secteur, et le faible nombre de producteurs l’approvisionnant. En effet, seuls les pro-ducteurs initialement certifiés peuvent y accéder. Par ailleurs, afin de réduire les coûts de transaction, les producteurs ont fixé un calendrier de vente des produits, à Nairobi comme à Thika. Ainsi, une majorité de produits est écoulée dans le cadre d’une vente directe sur des marchés de producteurs qui donne lieu à des échanges entre producteurs et consommateurs (chapitre 1). Ces échanges sont l’occasion d’ajustements entre offre et demande. Par ailleurs, il faut revenir sur les mécanismes de fixation des prix sur les marchés de producteurs. Bien que les prix restent définis en fonction des prix du marché des fruits et légumes conventionnels et qu’ils soient donc liés aux évolutions du sec-teur dans son ensemble, les producsec-teurs procèdent à une négociation des prix collective qui permet de contenir de trop fortes variations. Dans la vente aux intermédiaires, des contrats informels notamment basés sur la répétition des transactions permettent aux producteurs de sécuriser en partie leur débouché. Enfin, le nombre réduit de produc-teurs certifiés oblige les intermédiaires à s’approvisionner auprès de producproduc-teurs sur la base de ce critère essentiellement.

La seconde caractéristique des marchés biologiques serait leur caractère a priori plus rémunérateur. Le rapport de l’UNEP (2010) mentionne les prix d’achats des produits aux agriculteurs biologiques par un des restaurants biologiques de la ville, en 2007. Les pre-miums vont de 37,5% à 166%. Ces données sont relativement proches de celles que nous avons observées (annexe A7.2). KOAN mentionne également des premiums allant de 50 à 600% (KOAN, 2009). Cependant, malgré la réduction attendue des dépenses en intrants, la production biologique est généralement assimilée à une production intensive en main d’oeuvre. En outre, comme on l’a rappelé dans le chapitre 2, l’accès aux débou-chés biologiques implique également des coûts de transaction et seule une minorité de producteurs parvient à valoriser l’ensemble de sa production sur ces marchés de qualité. Par ailleurs, la certification a initié, pour les producteurs vendant sur les marchés biolo-giques, des investissements initiaux importants liés au coût du certificat. Enfin, au coût de la certification continue de s’ajouter des coûts de transaction (tenue de registres des opérations agricoles notamment) (Mutersbaugh, 2005).

Les producteurs non certifiés sont formés à ce mode de production mais n’ont ja-mais engagé de démarche de certification (Scialabba, 2002 ; Taylor, 2006) (annexe A8). Contrairement aux producteurs certifiés, ils ne parviennent donc pas à valoriser leur pro-duction avec une plus-value. Ils tirent les bénéfices de la conversion des rendements dé-crits comme meilleurs par rapport à l’agriculture conventionnelle (Hine et Pretty, 2006) et de la réduction de leurs dépenses en intrants. Ils approvisionnent essentiellement des

marchés conventionnels. Les agriculteurs non certifiés écoulent leurs productions dans le cadre de quatre grands types de transactions : la vente (i) sur des marchés ruraux par le producteur lui-même, (ii) aux intermédiaires ou aux grossistes sur l’exploitation même ou en bord de route, (iii) aux détaillants sur l’exploitation même (iv) sur l’exploi-tation, par le producteur (annexe A5). Le choix de l’une ou de l’autre option dépend de ses capacités de transport6. Dans le cas de la vente directe, une partie importante des marchés conventionnels sont des marchés ruraux. Les producteurs non certifiés sont donc confrontés à une clientèle potentiellement moins urbaine, et nettement moins fa-vorisée que les producteurs qui vendent sur les marchés biologiques de Nairobi ou de Thika. Par ailleurs, une majorité de transactions se réalise via des intermédiaires du fait de la forte aversion aux risques des petits producteurs. Dans le cas de cette intermédia-tion, la transmission de l’information sur la demande des consommateurs, quand bien même elle porterait sur des variétés nouvelles, n’est pas relayée. En effet, une demande pour des variétés différenciées ne sera relayée par les grossistes aux producteurs que si elles portent sur des volumes importants (Tallec et Egg, 2009)7. Ainsi, l’organisation des transactions sur les marchés conventionnels ne favorise pas la répercussion de demandes spécifiques sur les choix des agriculteurs. Outre le rôle de “brouillage” de la demande exercé par les grossistes, l’absence de prime à la qualité ne favorise évidemment pas le changement de cultures chez les producteurs. Il existe en théorie une possibilité pour les petits producteurs de vendre à des supermarchés. Cependant, elle est très faible. En effet, la vente à ce type de débouché est en partie contrainte par la superficie des ex-ploitations ou encore par la nécessité de réaliser des investissements dans des systèmes d’irrigation (Neven et al. 2009).

Afin d’éclairer les liens entre mise en marché et pratiques agricoles, nous avons procédé à une enquête agricole et une enquête auprès des acteurs des marchés. Les différents éléments méthodologiques sont présentés ci-dessous.

6. Nous faisons ici référence au fait que le producteur dispose d’un véhicule ou non, à sa proximité à l’axe routier le plus proche, ou encore à la qualité du réseau routier.

7. Les auteurs ont montré qu’il existe, y compris sur des produits de consommation aussi courant que le mil et le sorgho au Mali, une demande pour des variétés spécifiques.

3.4 Méthodologie