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Caractéristiques des asthmatiques consultant aux urgences

Dans le document FACULTE DE MEDECINE DE TOURS A (Page 35-41)

Les asthmatiques adultes consultant aux urgences étaient dans près de deux tiers des cas des femmes (64%). La prédominance d’asthmatiques de sexe féminin consultant aux urgences était le reflet des résultats obtenus dans l’étude ESPS menée en France en 2006. Elle confortait le fait que la proportion de femmes asthmatiques était supérieure à celle des hommes après l’âge de 15 ans [1]. Deux études américaines retrouvaient cette tendance en révélant que les asthmatiques de sexe féminin recouraient aux urgences deux fois plus que les hommes [26, 27].

L’ESPS retrouvait une proportion de fumeur asthmatique identique à celle de la population générale, respectivement 24% et 25% [1]. Une étude américaine, publiée en 2003, étudiait le nombre de fumeurs parmi les asthmatiques consultant dans 64 services d’urgence, 35% d’entre eux étaient fumeurs [28]. Comme dans notre population d’étude où il était de 40.6%, le pourcentage d’asthmatiques fumeurs consultant aux urgences était plus important que celui des asthmatiques fumeurs en général. L’étude Er’Asthme identifiait l’absence de tabagisme comme un facteur associé à un contrôle optimal de l’asthme [9]. Ces éléments suggéraient que le tabac était un facteur irritant pouvant exacerber les manifestations de la maladie. L’arrêt du tabac doit donc rester une préoccupation majeure et faire partie intégrante de la prise en charge des asthmatiques.

d’exacerbations d’asthme chez les adultes [29]. Les principales publications disponibles sur ce point concernaient la population pédiatrique. Une étude française menée en 2007 dans des services pédiatriques retrouvait un facteur déclenchant dans 66% des épisodes, le plus souvent une infection ORL ou bronchique [30].

Comme identifié dans plusieurs travaux, les données de notre étude indiquaient que le contrôle de l’asthme était insuffisant. Plus de 40% des patients présentaient des gênes diurnes plusieurs fois par semaine, plus de la moitié souffraient de symptômes nocturnes et plus de 60% se sentaient essoufflés, au moins une fois par mois. Ces résultats étaient à rapprocher de ceux retrouvés chez les asthmatiques de l’étude AIRE où 46% des patients inclus présentaient des symptômes diurnes et 30% des symptômes nocturnes, au moins une fois par semaine [16]. L’enquête ESPS, en utilisant la classification du consensus international GINA 2006 [7] [Annexe 6], montrait que six asthmatiques sur dix (61%) présentaient des symptômes insuffisamment contrôlés. En utilisant les critères émis par le HAS 2004 [8] [Annexe 7], la répartition du contrôle était encore plus pessimiste : uniquement 17% d’asthmatiques étaient sous contrôle « optimal », 48% sous contrôle « acceptable » et 35% sous contrôle « inacceptable » [1].

Comme le signalait l’étude Er’Asthme, un des facteurs associés à un contrôle optimal était la bonne observance [9]. Malheureusement, dans notre étude, seuls 61.8% des asthmatiques ayant un traitement de fond l’utilisaient tous les jours. Les facteurs associés à ce manque d’observance n’ont pas été étudiés. Nos résultats sur ce point confirmaient les données de la littérature. Dans l’étude Européenne de Cerveri et coll., la médiane générale de l’observance pour l’ensemble des pays étudiés était inférieure à 70 %. Seuls 25 % des patients pensaient qu’ils devaient prendre autant de médicaments que nécessaire, 28 % pensaient que les médicaments étaient mauvais, 12 % pensaient que les médicaments n’étaient pas mauvais mais n’étaient pas nécessaires [31]. Dans l’étude Er’Asthme, seuls 59 % des patients déclaraient une observance totale de leur traitement de fond [9]. Selon une étude américaine, visant à déterminer les facteurs associés à une prise régulière de corticoïdes inhalés (CI) chez des patients asthmatiques, seuls 38% des patients utilisaient des CI au moins deux fois par jour presque tous les jours. Les deux principales raisons citées expliquant l’utilisation inconstante ou la non utilisation des CI étaient que cette thérapeutique était inutile pendant les phases asymptomatiques et la crainte de leurs effets indésirables. Les facteurs associés à l’adhésion au traitement étaient la participation active du patient et la décision partagée avec son médecin ainsi que l’hospitalisation pour asthme dans l’année précédente [32].

Une autre étude française, s’intéressait aux caractéristiques des patients interrompant de façon volontaire ou accidentelle leur traitement par corticoïdes inhalés : 31,6% arrêtaient intentionnellement les CI quand ils se sentaient mieux, 25,4% l’oubliaient, 18,3% modifiaient délibérément les doses. Par ailleurs, le risque d’arrêt était plus élevé chez les patients qui considéraient que les CI étaient dangereux pour la santé [33].

De plus, dans notre étude, 61.8% des asthmatiques affirmaient être traités par une thérapeutique de fond. Ce taux était nettement supérieur aux 47% de l’enquête ESPS [1]. Associé au contrôle insuffisant de la maladie, ces données confirmaient que le traitement de fond était mal utilisé par les patients et/ou que sa prescription n’était pas adaptée au stade de la maladie.

Il apparaît donc clairement que la mauvaise observance thérapeutique des asthmatiques est liée à un défaut de connaissance de leur maladie et un défaut d’informations sur les médicaments utilisés et leurs actions. L’éducation thérapeutique a donc un rôle primordial à jouer pour modifier ces croyances et ces comportements et ainsi espérer améliorer l’observance dans le but d’obtenir un meilleur contrôle de la maladie.

Nous avons observé que la proportion d’asthmatiques possédant un peak flow (17.3%) était insuffisante au vu du nombre important de patients incontrôlés. Elle était de 11% dans l’étude AIRE concernant les enfants français en 1999 [34] et de 16% dans l’enquête ASUR publiée en 2001 [17]. Nous avons donc constaté peu d’évolution des pratiques sur ces dernières années concernant cet outil. Dans notre étude, les équipes soignantes soulignaient que de nombreux patients ignoraient l’existence de cet objet. L’utilisation et la prescription des débitmètres de pointe par les pneumologues ou les médecins généralistes apparaissaient donc bien inférieures à ce qu’elles auraient dû être. Pourtant, cet outil est recommandé dans la prise en charge des asthmatiques. Un journal de suivi des résultats obtenus aide le médecin à adapter le traitement. De plus, le patient peut évaluer la gravité de sa crise en interprétant la valeur observée du débitmètre. Ceci lui permet d’avoir une réponse adaptée selon un plan de traitement écrit et défini avec le médecin [18]. Il est donc important d’éduquer les patients à cet outil mais aussi de promouvoir leurs utilisations et leurs prescriptions auprès des médecins généralistes et spécialistes.

eu une meilleure auto-évaluation des symptômes améliorant le recours au Centre 15 devant l’aggravation d’une crise d’asthme.

Cependant, dans notre étude, une grande majorité de patients (80.9%) admis en réanimation étaient arrivés par leurs propres moyens ou en transport non médicalisé. Ces données montraient qu’une proportion encore importante d’asthmatiques sous estimaient leur crise ou ne connaissaient pas suffisamment les critères de gravité qui devaient les alerter et les conduire à appeler les secours. Le délai entre le début des symptômes et l’arrivée aux urgences retrouvé dans notre étude appuyait ces constatations et soulignait le fait que les asthmatiques tardaient avant de consulter.

Plus de 15% des patients arrivés en transport non médicalisé aurait pu bénéficier d’une prise en charge médicalisée au regard de leur orientation. Plusieurs explications sont possibles : une régulation non optimale ou une dégradation rapide de leur état respiratoire durant le transport ou aux urgences.

Critères de jugement

Jusqu’à présent, l’objectif de la plupart des études évaluant l’impact de l’éducation thérapeutique des

asthmatiques aux urgences portait sur les réadmissions et les hospitalisations [21]. Une seule étude

publiée avait comme objectif principal de renforcer le suivi [36].

Notre étude n’a pas démontré d’amélioration significative du suivi médical des asthmatiques après une intervention éducative dispensée lors d’un passage aux urgences.

Cependant, un nombre important de patients a consulté un médecin généraliste ou un pneumologue pour faire le point sur son asthme, et ce, dès la première phase.

Les patients du groupe contrôle n’avaient pas bénéficié de l’intervention éducative testée, mais avaient tous rempli le questionnaire.

L’absence de différence significative est peut être liée au fait que le taux de consultation du groupe contrôle était très élevé, atteignant presque 80%. Plusieurs raisons peuvent l’expliquer :

- Les équipes soignantes ont souligné que le questionnaire modifiait le comportement des

patients, engageant les patients dans l’analyse de leur maladie et de son traitement. Les questions sur le contrôle de l’asthme leur faisait prendre conscience des symptômes dans leur vie quotidienne. Les questions sur la crise les ayant conduit aux urgences donnaient du sens à

qu’acteurs de la situation. Ils appréciaient l’intérêt porté à leur maladie et interrogeaient spontanément l’équipe soignante sur les points soulevant leur curiosité. Le questionnaire s’est avéré être un mode d’entrée dans l’éducation, un véritable outil éducatif.

- Le personnel soignant de l’étude s’investissait beaucoup dans sa mise en œuvre et son suivi.

Les équipes participaient aux groupes de travail et aux réunions qui ont conduit, entre autres, à élaborer les outils interventionnels (message oral et brochure). Il y a donc eu rapidement un phénomène de maturation intellectuelle du personnel soignant. Ainsi, au fur et à mesure, l’équipe soignante a acquis des compétences sur la pathologie asthmatique, l’éducation thérapeutique, et l’intérêt d’orienter les patients vers des structures adaptées telles que l’ « Espace du Souffle »1. Dès la première phase de l’étude, l’augmentation du temps passé avec les patients et les explications données à leurs interrogations peuvent avoir augmenté le respect de suivi dans le groupe contrôle et donc amoindrir l’effet de l’intervention éducative (effet Hawthorne). Il y a peut-être eu dans ces cas un véritable entretien éducatif.

Les résultats de cette étude diffèrent de ceux obtenus dans l’étude de Baren en 2001 [36]. Dans cette étude incluant 178 patients, les patients ayant reçu l’intervention éducative avaient significativement plus consulté en soins primaires que les patients du groupe contrôle. Cependant l’intervention était différente. Elle comportait plusieurs actions : la délivrance d’un traitement corticoïde de cinq jours, un bon de transport aller-retour jusqu’au cabinet du médecin généraliste, une fiche d’information sur l’asthme, et un rappel téléphonique à quarante-huit heures du passage aux urgences afin de motiver la prise de rendez-vous de consultation. Dans le groupe intervention, 46.3% des patients avaient consulté un médecin généraliste dans les huit semaines ayant suivi le passage aux urgences pour faire le point sur leur maladie asthmatique contre 28.9% dans le groupe contrôle.

Dans l’étude de Thomas, 67% des patients admis aux urgences, tous motifs confondus, qui avaient pour instruction de prendre rendez-vous avec un médecin l’avaient fait [37].

Les taux de consultation obtenus dans l’étude de Baren apparaissent faibles et nettement inférieurs à ceux constatés dans notre étude où près de 80% des patients ont consulté dans les deux groupes. Dans l’étude de Baren, aucun dialogue avec l’équipe soignante n’a eu lieu durant le passage aux urgences ni lors du rappel téléphonique.

L’interaction humaine a donc semblé jouer un rôle essentiel dans ce phénomène. Les patients ont possiblement été très réceptifs aux informations et conseils prodigués durant leur passage aux urgences.

Les patients du groupe intervention avaient tendance à suivre davantage les conseils du médecin traitant les incitant à consulter un pneumologue secondairement sans qu’il y ait de différence significative entre les deux groupes (p=0.71).

Lors de la seconde phase, le personnel de l’« Espace du souffle » a ressenti une augmentation d’appels de patients adressés par les urgences. Parmi les patients pris en charge dans cette structure en 2012-2013, 11.2% ont été adressés par les urgences. L’absence de données antérieures ne permet pas d’attribuer une potentielle recrudescence des appels à l’éducation dispensée aux urgences.

Concernant le renforcement et l’amélioration de l’observance entre l’inclusion et le rappel téléphonique, aucune différence significative n’était mise en évidence entre les deux groupes. A l’inclusion, significativement plus de patients du groupe contrôle avaient un traitement de fond et un peak flow à domicile. Ces patients étaient donc probablement plus sensibilisés à l’intérêt du traitement de fond, son observance et sa prise en charge au quotidien.

Ces éléments pouvaient biaiser l’évaluation non seulement de ce critère de jugement secondaire mais également du critère de jugement principal en faisant disparaitre un véritable effet. En effet, le fait que le groupe contrôle était significativement plus traité inclut inévitablement un suivi médical plus régulier ne serait-ce que pour le renouvellement du traitement de fond.

Le nombre de patients qui consultaient et qui n’avaient pas de traitement de fond à l’inclusion n’était pas significativement différent entre le groupe contrôle et intervention. Ce biais de sélection ne pouvait donc pas expliquer l’absence de résultat significatif. Une analyse ajustée par régression logistique sur ce point pourrait apporter cette précision avec certitude.

Les patients du groupe intervention avaient tendance à moins reconsulté aux urgences durant la période de suivi sans qu’une différence significative n’ait été mise en évidence (p=0.09). Ces données confirmaient celles obtenues dans la revue de littérature Cochrane, incluant les données de huit études évaluant ce critère. Seulement deux études présentaient une intervention éducative exclusivement aux

urgences. Le travail de Smith comparait deux méthodes éducatives sans mettre en évidence de différence significative sur la baisse du taux de reconsultation [38].

L’étude de Maiman, quant à elle, comparait trois méthodes éducationnelles différentes dont une durant le passage aux urgences qui n’était pas concluante sur ce même critère de jugement [39].

La revue Cochrane étudiait également l’influence sur le taux d’hospitalisations pour asthme qui était significativement abaissé en faveur de l’éducation thérapeutique. Ce critère n’a pas été étudié ici. Dans notre étude, le seuil de significativité était relativement proche de 0.05, indiquant que l’éducation avait tendance à diminuer le taux de reconsultation aux urgences. Cette absence de significativité pouvait être attribuée à un manque de puissance.

On peut interpréter cette donnée d’une façon différente en intégrant les résultats de la revue Cochrane concernant les hospitalisations. Si l'éducation n'affecte pas la fréquence des visites aux urgences, elle peut conduire à une présentation plus précoce aux urgences au cours d'un épisode aigu. Cela peut s’expliquer par l’amélioration de la reconnaissance des signes d’aggravation d’une crise d'asthme, et le recours à un traitement précoce évitant ainsi une hospitalisation. Il aurait donc été pertinent de connaitre le nombre d’hospitalisations pour asthme durant le suivi pour interpréter plus précisément le taux de reconsultation aux urgences.

Enfin, comme le soulignait Baren dans son étude, les facteurs de gravité à l’entrée aux urgences et la présence de facteur pronostic de sévérité de l’asthme n’étaient pas associés à une augmentation du suivi médical [36].

Dans le document FACULTE DE MEDECINE DE TOURS A (Page 35-41)

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