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Caractéristiques de la population étudiée

Dans le document Genre et données longitudinales (Page 60-63)

Arnaud Dupray, Stéphanie Moullet *1

3. Caractéristiques de la population étudiée

La comparaison des carrières individuelles internes des hommes et des femmes nécessite de travailler sur deux populations supposées comparables du point de vue de la continuité de leurs carrières, dans la mesure où l’on souhaite écarter les disparités qui seraient relatives à des caractéristiques individuelles ou de parcours nettement différenciées selon le genre (plus forte propension à l’interruption d’activité des femmes). D’autre part, compte tenu de la faiblesse des changements de situation inter-annuels, nous avons pris le parti de mesurer les flux de mobilité sur l’ensemble de la période observée, c’est-à-dire sur 5,5 ans, entre le premier janvier 1996 et le premier juillet 2001.

La population de travail est donc constituée par un échantillon cylindré dans lequel les individus ont des carrières sans interruption – d’au moins six mois – sur toute la période considérée.

Ce cylindrage de la population revient à ne retenir que 63 % des individus parmi tous ceux qui ont été salariés (quelle que soit la nature du contrat de travail) au cours de la période observée.

Les salariés exclus de la sélection sont pour 54 % des femmes - alors qu’elles représentent 39 % de l’effectif des salariés du panel cylindré. Cette observation est le signe d’une mobilité plus grande de la main-d’œuvre féminine relativement à celle des hommes, observation largement confirmée par ailleurs (Le Roux & Tomasini 2002).

Parmi les exclus, près de 33 % quittent l’entreprise sans réembauche observée au cours de la période (population dont l’âge médian et l’ancienneté médiane sont respectivement de 56 et 29 ans et comptant 44 % de femmes). Près d’un quart des salariés exclus de notre sélection entrent dans l’entreprise entre 1996 et 2001 et sont toujours salariés à la dernière date d’observation. Il s’agit de salariés jeunes avec un âge et une ancienneté médiane, respectivement de 28 et 3 ans en juillet 2001 et d’une population féminisée à 59 %. Enfin, 43 % de l’échantillon non retenu sont composés d’individus qui entrent et quittent l’entreprise dans la période et sont éventuellement réembauchés. Il s’agit d’individus encore plus jeunes que les précédents avec un âge médian de 21 ans en 1996, et pour lesquels les durées d’emploi sont courtes : 50 % d’entre eux passent moins de 6 mois dans l’entreprise. Au final, on constate que les sorties de l’entreprise ont été plus fréquentes sur la période que les entrées, aboutissant à une légère baisse de l’effectif de l’entreprise.

Même si cet échantillon n’est pas retenu pour analyser la mobilité interne, il est utile d’examiner à la fois les postes sur lesquels entrent les nouveaux embauchés destinés à rester durablement dans l’entreprise, et quels postes sont abandonnés par les sortants. Ceci s’impose à double titre, d’une part pour valider le fait que les entrées se concentrent principalement sur un petit nombre de postes (en accord avec une caractéristique emblématique du modèle canonique de marché interne rappelé plus haut) et d’autre part, afin d’esquisser la structure des opportunités de promotion, selon les modalités d’approvisionnement des qualifications dans l’entreprise.

Sur le premier point, l’analyse montre que plus de 47 % des entrants, encore en poste en 2001 et donc destinés à l’occupation d’emplois durables, se concentrent dans deux niveaux hiérarchiques sur les douze recensés. Il s’agit du grade B-1, premier niveau des salariés gradés et du grade D-1, premier niveau alimentant l’encadrement supérieur.

Ces deux grades constituent donc les deux ports d’entrée principaux d’accès à l’emploi dans cette entreprise, et en cela désignent un premier élément de correspondance avec un trait de fonctionnement distinctif des marchés internes.

2. Les changements, quels qu’ils soient, ne sont observables, compte tenu des données disponibles, que tous les 6 mois (les dates précises des changements sont inconnues).

Les caractéristiques du personnel de cette entreprise montrent à la fois un faible taux annuel de rotation de la main- d’œuvre3 (6,2 %, soit un taux bien inférieur au taux de rotation moyen constaté sur la période 1996-2001 (Richet-Mastain, Vazeille 2000) et des situations d’emploi durables, puisque 25 % des salariés ont plus de 23 ans d’ancienneté tandis que les trois quarts comptent au moins 15 années passées dans l’entreprise. À cet égard, hommes et femmes ne se distinguent pas, même si ces dernières sont en moyenne un peu plus âgées – âge médian de deux ans supérieur à celui des hommes (Tableau 1). Cet écart tient au fait que les femmes de l’échantillon ont en moyenne été recrutées à des âges plus élevés que ceux des hommes.

Ces éléments soulignent un peu plus la proximité de ces conditions avec une gestion de la main-d’œuvre organisée en marché interne.

Selon le sexe, les salariés occupent des domaines de fonction différents en 1996 (Tableau 1). Les hommes sont pour plus des deux tiers concentrés dans le domaine Technique-production-informatique (TPI) tandis que les femmes sont plus équi-réparties avec un pic de concentration, près d’un tiers d’entre elles, dans le domaine commercial. En comparant, au sein des domaines, la part des femmes à celle des hommes, on constate que dans les domaines Commercial et RH-audit-conseil-communication, les femmes occupent plus de 60 % des postes. À l’inverse, les autres domaines de fonction (Technique-production-informatique, Recherche) sont masculins à plus de 80 %. Sur la période, on assiste à un redéploiement des domaines en faveur du commercial et au détriment de la fonction TPI (Tableau 2). Mais cette réorientation s’effectue de manière différente pour les hommes et les femmes, les premiers diminuent fortement leur présence dans la fonction TPI, alors que c’est la fonction logistique qui fait principalement l’objet d’une désaffection chez les femmes (11,4 contre plus de 20 % en début de période). En fin de période, les femmes se retrouvent ainsi pour près de 45 % salariées dans la fonction commerciale alors que la fonction TPI continue de concentrer environ 59 % de la main-d’œuvre masculine.

Les anciennetés des hommes et des femmes selon les domaines de fonction sont comparables, excepté dans le domaine de la recherche où l’ancienneté médiane des hommes dépasse celle des femmes de 5 ans environ en 2001.

Les femmes travaillent moins souvent à temps partiel à la fin de la période qu’en 1996, 22 % contre 27 %. C’est au sein du domaine recherche que la part du temps partiel féminin est la plus élevée (36 %). Le temps partiel s’est par contre légèrement accru chez les hommes même s’ils ne sont qu’environ 3 % à être concernés en 2001.

Si les hommes et les femmes ne se répartissent pas également entre les domaines de fonction, il en est de même de leur distribution dans les grades (Tableau 3). La catégorie B rassemble les effectifs les plus importants, avec 81 % des salariés de sexe féminin et 62 % des salariés masculins, en 2001 comme en 1996. La catégorie D (celle des cadres supérieurs) est celle où les femmes sont le moins représentées, entre 17 et 23 % selon le grade occupé dans cette catégorie, alors qu’elles sont majoritaires dans le grade B-2 et qu’elles représentent presque 40 % de l’effectif de l’entreprise.

3. Calculé comme la demi-somme des taux d’entrées et de sorties. Les entrées et sorties sont calculées sur cinq ans et rapportées au stock de janvier 1996, après quoi les taux obtenus sont ramenés à des taux annuels.

Tableau 2

ÉVOLUTION DE LA STRUCTURE PAR GRADE SELON LE SEXE ENTRE 1996 ET 2001

Part des Femmes Hommes Femmes

Grade occupé *

De manière générale, plus on s’élève dans la hiérarchie des grades, plus l’écart entre les parts relatives au sein de chacun des sexes s’accroît. Ainsi, plus de 10 % des hommes occupent le grade C-3 contre 4,8 % des femmes. Au niveau de la catégorie D, 12,5 % des hommes sont cadres supérieurs en 2001 contre 5 % des femmes.

En ce qui concerne les âges médians par catégorie de qualification, les femmes sont plus âgées que les hommes jusqu’au grade C-2, au-delà, elles sont plus jeunes que leurs homologues masculins.

Au total, il apparaît qu’hommes et femmes se distribuent différemment entre domaines de fonction et grades.

Compte tenu de leur positionnement dans la distribution des grades, on s’attend à ce que les femmes, très fortement concentrées dans la catégorie B, aient des taux de promotion supérieurs à ceux des hommes. On anticipe en effet qu’une promotion est d’autant plus probable que le salarié se situe au bas de la hiérarchie des qualifications en début de période. Un autre facteur est cependant susceptible de jouer un rôle sur les taux de promotion. Il s’agit du stock de postes au grade supérieur défalqué de l’écart entre les entrées et les sorties, rapporté au nombre de salariés dans le grade de départ. Le calcul d’un tel indicateur pour chaque grade et pour les domaines commercial d’une part (féminisé à 60 %) et TPI d’autre part (masculinisé à plus de 82 %), montre que la fonction commerciale dans les grades des catégories A, B et C est plus ouverte au marché externe que la fonction TPI. Par ailleurs, au regard des

entrées, les femmes entrent en plus forte proportion que les hommes à des niveaux de qualification inférieurs alors même que les âges moyens d’entrée (entre 22 et 28 ans) selon les grades laissent peu suspecter un écart notable de niveau de diplôme entre candidats et candidates4. Toutefois, les écarts de recrutement entre hommes et femmes dans l’encadrement supérieur sont négligeables dans le domaine TPI, alors que 11 % des hommes sont recrutés dans l’encadrement supérieur contre seulement 5 % des femmes dans le domaine commercial. Tout se passe comme si la forte masculinité du domaine TPI favorisait une certaine parité des recrutements dans l’encadrement, à l’inverse du commercial restant majoritairement féminisé.

Dans le document Genre et données longitudinales (Page 60-63)

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