• Aucun résultat trouvé

V. Les cancers de phénotype MSI

3. Caractéristiques cliniques et valeur pronostique de MSI

Les cancers colorectaux MSI et MSS résultent d’une dégénération de l’épithélium du côlon proximal principalement et/ou du rectum provoquant des adénocarcinomes. Ces derniers ont pour origine des polypes adénomateux non cancéreux provenant d’une perturbation de l’homéostasie des cryptes. En effet, l’épithélium colorectal forme des invaginations, les cryptes ou villosités, qui participent à son renouvellement grâce à un équilibre entre une prolifération cellulaire active au niveau de leur base et à une apoptose des cellules ayant migré à la surface apicale (De Santa Barbara, Van Den Brink and Roberts, 2003;

Mäkinen, 2007). L’équilibre des cryptes peut être rompu suite à des altérations génétiques causant un défaut d’apoptose et de migration; l’épithélium devient alors hyperplasique puis dysplasique lorsque l’architecture de la crypte est altérée (Mäkinen, 2007). Les CCR MSI sont reconnus pour avoir un mécanisme moléculaire unique de carcinogenèse ainsi que des caractéristiques cliniques spécifiques et différentes des tumeurs MSS. D’un point de vue macroscopique, les tumeurs MSI sporadiques ont une tendance à émaner d’adénomes sessiles (sans pédoncule) à l’architecture festonnée, tandis que celles MSI associées au syndrome de Lynch sont plutôt volumineuses, hautement dysplasiques et issues de polypes adénomateux préexistants (Jass, 2004; Setaffy and Langner, 2015).

Le degré d’invasion du carcinome dans les couches de la paroi intestinale a permis d’organiser les CCR en quatre stades ; à partir de son développement in situ dans l’épithélium de la muqueuse colique et/ou rectale (stade 0), le carcinome peut devenir invasif et infiltrer les autres couches de la paroi du côlon/rectum (stades I et II) jusqu’à diffuser sous forme de métastases dans les ganglions lymphatiques loco-régionaux (stade III) puis dans les organes à distance comme le foie, les poumons et le péritoine principalement (stade IV). Associée à ces stades, la classification TNM (T : envahissement tumoral, N : envahissement ganglionnaire, M : dissémination métastasique à distance) déterminée par l’Union Internationale Contre le Cancer (UICC) et l’American Joint Committee on Cancer (AJCC) permet une caractérisation histo-pronostique des tumeurs (figure 9) (Sobin and Compton, 2010; Lecomte, T André, Y Panis, P Laurent-Puig and Taieb, 2016).

Figure 9 │ Stades & classification TNM histopathologique simplifiée des cancers du côlon et du rectum

T : tumeur primaire; N : envahissement de nœuds ou ganglions lymphatiques régionaux; M : dispersion métastatique à distance.

*Métastases à distance confinées à un organe ou atteignant plus d’un site ou le péritoine.

Adaptée du National Cancer Institute, 2017. Sources : Lecomte et al., 2016, l’Union Internationale Contre le Cancer (IUCC) www.uicc.org/tnm) & the American Joint Committee on Cancer (AJCC).

Figure 10 │ Stades & classification TNM histopathologique simplifiée des cancers du côlon et du rectum

T: tumeur primaire; N: envahissement de nœuds ou ganglions lymphatiques; M: dispersion métastatique à distance. *Métastases à distance confinées à un organe ou atteignant plus d’un site ou le péritoine.

Adapté du National Cancer Institute, 2017. Sources: Lecomte et al., 2016, l’Union Internationale

Contre le Cancer (IUCC)www.uicc.org/tnm) & the American Joint Committee on Cancer (AJCC).

Vaisseau sanguin Ganglion lymphatique Séreuse Musculeuse Sous-muqueuse Muqueuse Lumière Tissu sain

Dissémination vers d’autres organes à distance Risque de métastases Tissu pathologique Stade 0 Stade I Stade II Stade III Stade IV

Stade T N M Tissus envahis par le

carcinome 0 Tis N0 M0 Muqueuse in situ (intra-épithélial) I T1-2 N0 M0 Sous-muqueuse II T3-4 N1 M0 Séreuse 1-3 ganglions

III T1-4 N2 M0 Péritoine viscéral

4-6 ou >7 ganglions

Les tumeurs colorectales MSI sporadiques ainsi que celles associées au syndrome de Lynch partagent plusieurs caractéristiques clinico-pathologiques communes. Histologiquement, et de façon commune aux deux types, les tumeurs MSI sont de haut grade c’est-à-dire peu différenciées et présentant une architecture médullaire (Jass et al., 1998; Ward et al., 2001; Jass, 2004). Elles sont souvent composées de cellules en forme de « bagues à chaton » responsables de leur aspect mucineux, sans nécrose intra-tumorale dominante (Kim et al., 1994; Raut, Pawlik and Rodriguez-Bigas, 2004; Setaffy and Langner, 2015). La réaction inflammatoire des tumeurs MSI est très importante et se caractérise par un infiltrat lymphocytaire intra-tumoral (i.e. TILs pour Tumor Infiltrating Lymphocytes) et péri-tumoral accru leur conférant un aspect dit « de type Crohn » rarement observé dans les tumeurs MSS (Jass et al., 2002; De Smedt et al., 2015). Enfin, le front d’invasion est qualifié d’expansif c’est-à-dire que les bords de la tumeur sont bien circonscrits et n’ont en général pas ou peu de points de dédifférenciation focale appelée aussi bourgeonnement tumoral (Jass et al., 1998, 2003). Ce dernier est défini par la présence de quelques cellules, isolées ou en amas, au niveau du front d’invasion et est considéré comme la traduction morphologique du phénomène de transition épithélio-mésenchymateuse caractéristique du processus d’invasion tumorale et de dissémination métastatique (Svrcek & Fléjou 2012; Mitrovic et al., 2012).

De manière générale, les cancers MSI tendent à être moins agressifs cliniquement comparés aux tumeurs MSS (Chang et al., 2017). Cependant, il existe une distinction certaine entre les CCR MSI de stades précoces et avancés.

Les CCR MSI sont plus communément de stade II et III (les stades II étant plus fréquents que les stades III ; Roth et al. 2012; Merok et al. 2013) traduisant un potentiel métastasique réduit (Gryfe et al., 2000; Lim et al., 2004; Mohan et al., 2016). Ils sont également associés à un meilleur pronostic que les tumeurs MMR-compétentes de même stade (Bae et al., 2013; Gelsomino et al., 2016). En effet, de nombreuses études rétrospectives, essais cliniques et méta-analyses sur de larges cohortes de plusieurs centaines de patients MSI, démontrent qu’en absence de traitement, ces patients présentent une survie globale (OS pour Overall Survival) et sans récidive (RFS pour Relapse Free Survival) augmentée par rapport aux patients MSS (Gryfe et al., 2000; Lim et al., 2004; Popat, Hubner and Houlston, 2005; Guastadisegni et al., 2010; Sargent et al., 2010; Roth et al., 2012; Merok et al., 2013). De plus, le statut MSI est associé à un risque de récurrence métastatique à des localisations extra-abdominales moins

important comparé aux tumeurs MSS. En revanche, les taux de récurrence métastatique au niveau local et péritonéal sont plus élevés pour les cancers MSI et ces tumeurs montrent des caractéristiques pathologiques plus agressives (Sinicrope et al., 2011; Kim et al., 2016).

En effet, bien que rares, les stades IV MMR-d (4-5% des cas ; Koopman et al. 2009; Smith et al. 2013) ont une valeur pronostique négative, inférieure à celle de cancers MSS de même stade (Smith et al., 2013). Une récente méta-analyse de données recueillies auprès de 3 063 patients recrutés dans quatre essais cliniques (CAIRO, CAIRO2, FOCUS et COIN) démontre que les OS et RFS des patients MMR-d de stade IV sont significativement réduites comparées aux cancers MSS de même stade (Venderbosch et al., 2014). De manière intéressante, la mutation oncogénique de BRAFV600E est reconnue comme facteur de mauvais pronostic dans ce contexte métastatique (Goldstein et al., 2014; Venderbosch et al., 2014).