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PARTIE I : INTRODUCTION THÉORIQUE

CHAPITRE 3 – L’EXPÉRIENCE UTILISATEUR (UX) : UNE ALTERNATIVE INTÉGRATIVE POUR

1. LES CARACTÉRISTIQUES DES APPROCHES BASÉES SUR L’EXPÉRIENCE DE L’UTILISATEUR

L’objectif des travaux dans la perspective de l'expérience de l'utilisateur est de comprendre ce qui permet une expérience d’usage de qualité en abordant la relation homme-technologie du point de vue du sujet et en tentant de rendre compte de la complexité de cette relation. De manière logique, l’UX inclut les affects puisqu’il s’agit de comprendre le ressenti des utilisateurs. L’un des

points importants de l’UX est que le sentiment affectif constitue la base centrale des évaluations subjectives de produits technologiques. Dans cette perspective, les affects sont considérés comme jouant un rôle important dans la construction d’une UX positive et de qualité (Hassenzahl, 2008 ; Hassenzahl, Beu, & Burmester, 2001). Ici, ce n’est plus l’intention d’usage qui constitue l’objet d’étude, mais le jugement évaluatif final lié à l’interaction avec le système, jugement qui pourrait se faire à trois niveaux : en termes d’esthétique, de qualité globale ou attrait global et de satisfaction. L’inscription dans cette perspective UX pourrait permettre aux ergonomes et aux chercheurs de répondre aux nouvelles exigences du monde industriel actuel, lequel a tendance à pointer les insuffisances liées à la seule prise en compte des critères d’utilisabilité16. Il existe deux grandes

façons d’envisager l’expérience de l’utilisateur : une conception holistique (essentiellement basée sur une approche phénoménologique de l’expérience) et une conception multidimensionnelle (essentiellement basée sur les sciences cognitives).

Certains auteurs tels que McCarthy et Wright (2004) prônent une conception holistique de l’UX : les pensées, sensations, émotions forment un tout inséparable. L’accent est mis sur la signification que les individus attribuent à l’interaction avec l’objet technologique (voir par exemple Light, 2006). Cette idée, selon laquelle l’expérience est une unité, est également présente dans les travaux qui abordent l’expérience utilisateur à partir de la théorie du flow (par exemple Takatalo, Nyman, & Laaksonen, 2008). Le flow (Csikszentmihalyi & Kazdin, 2000) se caractérise par le fait de ressentir un état agréable (le flow serait une sorte de plaisir cognitif) mais aussi par un sentiment de contrôle, une attention focalisée, tout cela s’intégrant dans une dynamique continue. Selon cette conception holistique, les émotions et l’expérience sont inséparables et toutes nos actions sont menées par rapport à nos valeurs, nos besoins, nos désirs et nos buts (McCarthy & Wright, 2004). C’est cette connexion entre nos actions, nos valeurs, nos besoins et nos désirs qui colorerait nos expériences, leur donnant une tonalité émotionnelle particulière. Dans cette perspective holistique, la conception de l’expérience est hautement située puisqu’elle est considérée comme une entité absolument indivisible, unique. Les auteurs parlent ici de perpétuelle nouveauté.

16 Nous n’incluons pas dans ce discours les industriels concernés par des contextes où l'efficience et la sécurité constituent les enjeux essentiels.

Toutefois, des auteurs tels qu’Hassenzahl, Diefenbach et Göritz (2010) émettent des réserves vis-à- vis de cette conception holistique. Notamment, ils suggèrent qu’une telle approche, en termes d’entité indivisible, amène à ne faire qu’une description des expériences sans pouvoir aller plus loin. Cela provient du fait que les auteurs qui s’inscrivent dans la conception holistique de l’UX refusent toute idée de catégorisation des expériences d’usage selon un ensemble de principes sous- jacents. Ils estiment au contraire que chaque expérience est différente des autres (y compris pour un même individu) et par conséquent ni catégorisable, ni reproductible.

Hassenzahl, Diefenbach et Göritz (2010) sont d’accord pour dire que plusieurs expériences d’usage seront toujours en partie différentes les unes des autres, mais refusent l’idée d’absolue non reproductibilité. En effet, cette idée veut dire qu’une fois terminée une expérience s’envole, pour reprendre leur expression, et ne se représentera jamais plus de la même manière. Selon Hassenzahl, Diefenbach et Göritz (2010), adhérer à cette idée de perpétuelle nouveauté reviendrait à programmer la fin des recherches portant sur l’UX, puisque toute recherche en IHM a notamment pour but d’améliorer la conception. Quel intérêt y aurait-il en effet à mener des recherches pour la conception sur la base d’expériences qui ne se produiraient jamais plus ? Comment extraire et former un ensemble de principes et de recommandations pour la conception si l’on considère qu’une expérience est unique et non reproductible et si l’on rejette l’idée d’une possible catégorisation des expériences, à un certain niveau, selon des principes sous-jacents ? L’approche de l’UX qui peut être qualifiée de multidimensionnelle suggère, sans toutefois s’opposer formellement à la conception holistique, que bien qu’elles soient pour une part différentes les unes des autres, les expériences d’usage peuvent néanmoins êtres regroupées, catégorisées, comparées sur la base de certains aspects.

D’après l’approche multidimensionnelle de l'expérience de l'utilisateur, les expériences d’usage peuvent être décrites et définies sur la base des dimensions qui la composent. Dans cette perspective, les affects occupent une place importante et sont considérés comme l’une des dimensions constitutives de l’UX (donc ils sont en quelque sorte distinguables de l’UX en elle- même). Les autres dimensions qui composent l’expérience d’usage sont liées notamment à l’utilisabilité perçue et à la valeur hédonique perçue du produit. Dans ce cadre, la dimension

« affects » est une variable qui va se combiner à d’autres variables telles que l’esthétique, la valeur symbolique, l’utilisabilité perçue, notamment. Selon cette approche, généralement très ancrée dans l’épistémologie de la psychologie expérimentale, l’évaluation d’un dispositif, et de l’interaction entre un individu et ce dispositif, va dépendre de ces différentes dimensions qui s’influencent mutuellement. Les travaux menés dans cette perspective s’attachent donc à identifier la contribution de chacune de ces dimensions à l’expérience de l'utilisateur, puis à pointer d’éventuelles relations de co-détermination ou de co-variation entre dimensions. Parmi les auteurs qui s’inscrivent dans cette perspective multidimensionnelle, l’on peut citer notamment Hassenzahl et ses collègues (Hassenzahl, 2004, 2008 ; Hassenzahl, Schöbel, & Trautmann, 2008), Thüring et Mahlke (2007) et Mahlke (2008), Van Schaik et Ling (2008), mais aussi Tractinsky et ses collègues (Tractinsky 2004 ; Tractinsky, Katz, & Ikar, 2000), Desmet (2002) ou encore Norman (2004a). Le nombre de dimensions pertinentes pour représenter l’expérience de l’utilisateur lors d’une IHM peut varier sensiblement d’un auteur à l’autre. D'ailleurs, Barcenilla et Bastien (2009) suggèrent qu'il n'existe pas une approche « UX », mais plusieurs approches basées sur la notion d'expérience utilisateur. Nos travaux s’inscrivant dans le champ de la psychologie expérimentale, c’est l’approche multidimensionnelle de l’UX qui retient notre attention. Dans cette perspective, deux modèles paraissent actuellement particulièrement intégratifs : ceux d’Hassenzahl (2001, 2003) et de Thüring et Mahlke (2007).