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PARTIE I : INTRODUCTION THÉORIQUE

CHAPITRE 1 – L'ADOPTION DES TECHNOLOGIES

3. LES MODÈLES BASÉS SUR LA NOTION DE SATISFACTION DES UTILISATEURS

3.3 Les études basées sur la théorie de la « disconfirmation » des attentes

Alors que les approches présentées précédemment considèrent que la satisfaction résulte en grande partie de la qualité ergonomique du système et de la qualité de l’information portée par le système, l’approche développée notamment par Oliver (1980, 1993, 1994) se focalise sur l’aspect déterminant des attentes préalables des utilisateurs vis-à-vis d’un produit ou système. Selon Westbrook et Oliver (1991), la satisfaction, ou au contraire l’insatisfaction, résultant de l’utilisation d’un produit détermine si ce produit sera utilisé de façon durable ou non. Le modèle d’Oliver (1980, 1994) exprime la satisfaction comme une fonction des attentes préalables des utilisateurs et de la disconfirmation de ces attentes. La disconfirmation est ainsi définie comme le résultat de la comparaison entre les attentes de l’utilisateur et l’expérience vécue (à différents niveaux) lors de l’usage réel du système. Le processus de disconfirmation aboutit à la formation du niveau de satisfaction (pouvant alors être positif ou négatif allant jusqu’à l’insatisfaction). L’utilisation durable (ou l’intention d’utiliser durablement) serait donc la conséquence d’une expérience hautement satisfaisante. Ainsi, selon le modèle d’Oliver, l’intention d’utiliser (ou non) durablement un produit se construit en plusieurs étapes. Il y a au préalable formation des attentes (avant l’usage réel du système). L’étape suivante correspond à l’utilisation réelle du produit en jeu, ce qui aboutit à la formation d’une expérience d’utilisation. L’utilisateur va alors être confronté aux différents attributs du produit, à ses points forts, à ses points faibles, etc. L’utilisation réelle du produit va déclencher un processus de comparaison entre les attentes préalables de l’utilisateur et l’expérience vécue lors de l'interaction avec le système. C’est ce processus de comparaison entre attentes et expérience qui est appelé généralement disconfirmation. Le niveau de satisfaction va alors se former sur la base de la confirmation ou de la disconfirmation des attentes préalables de l’utilisateur. Enfin, à partir du niveau de satisfaction, la dernière étape consiste en la formation de l’intention (ou de la décision) d’utiliser ou de continuer d’utiliser, d’acheter ou de re-acheter le système en jeu. Les auteurs définissent en somme la satisfaction comme un jugement évaluatif post-usage, impliquant un processus de comparaison entre attentes préalables et expérience d'usage. Par ailleurs, Oliver (1980) et Westbrook et Oliver (1991) notent qu’une fois formé, le jugement de

satisfaction influence les attitudes vis-à-vis du produit utilisé ainsi que l’intention d’achat. Quelques limites sont parfois pointées. Notamment Brangier, Hammes-Adelé et Bastien (2010) soulèvent la question de la définition des attentes préalables et par conséquent de leur opérationnalisation. Des auteurs tels que Liao, Chen et Yen (2006) ont contribué à préciser ce concept d’attentes préalables, en proposant notamment trois types d'attentes (voir Brangier, Hammes-Adelé et Bastien, 2010 pour une synthèse de cette proposition).

Au-delà du développement de leur approche basée sur la disconfirmation des attentes, Oliver (1994) et Westbrook et Oliver (1991) se sont intéressés aux antécédents cognitifs et affectifs des réponses des utilisateurs en termes de satisfaction. En résumé, leurs travaux suggèrent que la satisfaction correspond à un jugement évaluatif post-achat mais qui doit être considéré comme étant différent des attitudes envers le produit ainsi que des émotions ressenties. Les auteurs argumentent ainsi en faveur d’une distinction conceptuelle claire entre les construits d’affect et de satisfaction. Plus récemment, dans le champ des Interactions Homme-Machine (IHM), Lindgaard et Dudek (2003) ont suggéré que la satisfaction est un construit complexe comprenant a priori trois composantes : 1) une composante d’ordre affectif ; 2) une composante en termes d’utilisabilité perçue ; 3) une composante en termes d’adéquation du produit par rapport aux attentes préalables de l’utilisateur. On retrouve dans cette structure à la fois le fondement des questionnaires dits de satisfaction (la composante en termes d’utilisabilité perçue) et la proposition d’Oliver qui suggère que les affects des utilisateurs ainsi que leurs attentes préalables contribuent à la construction du jugement de satisfaction. Par ailleurs, les propos d'Hassenzahl (2004) apportent un appui supplémentaire en faveur de la différenciation entre affects et satisfaction : selon lui, les affects, en tant que ressentis, constitueraient des perceptions. La satisfaction utilisateur, quant à elle, correspondrait à un jugement évaluatif de plus haut niveau, en partie construit sur la base de différents types de perceptions (dont les perceptions affectives).

l’issue de ce premier chapitre présentant les différents types de modèles et d’approches concernant notamment les intentions d'usage, le succès des technologies et la satisfaction utilisateur, un certain nombre de points sont à souligner. Notamment, selon Bobillier-Chaumon et Dubois (2009), les modèles faisant référence à l'acceptabilité se fondent sur une conception extrêmement rationnelle

de l’individu. En effet, l’approche de l’acceptabilité cherche à prédire et à modéliser les probables comportements des utilisateurs dans le futur à partir d’un certain nombre d’indicateurs fonctionnels et sociocognitifs. L'approche de l'acceptation est moins probabiliste puisqu'elle prend en compte l'interaction réelle des utilisateurs avec un système implanté ainsi que les perceptions liées à cette interaction. Toutefois, l'approche de l'acceptation est relativement focalisée sur les notions d'utilisabilité et d'utilité (réelles et perçues). Cette approche reste donc plutôt techno-centrée (les perceptions évaluées concernent les caractéristiques des systèmes, pas les utilisateurs à proprement parler) et plutôt rationnelle ce qui constitue l'une de ses principales limites.

Une partie des chercheurs dans ce domaine a donc tenté d’enrichir les modèles existants, voire d’en proposer de nouveaux, dans le but d'aller plus loin dans la compréhension du phénomène d'adoption des technologies. Dans cette perspective, comme nous l'avons vu, l’étude de la relation homme-technologie est passée par une phase où des facteurs affectifs et liés aux caractéristiques personnelles ont commencé à attirer l’attention des chercheurs. Les premières illustrations concrètes en ont été, d'une part, l'ajout de variables externes liées aux caractéristiques des individus dans les modèles de type TAM et, d'autre part, le développement, dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, des questionnaires dits de satisfaction évaluant l'utilisabilité subjective). Toutefois, un certain nombre de ces questionnaires renvoient le plus souvent à la perception par l’utilisateur de l’efficacité ainsi que de la qualité du système et de l’information portée par le système. Dans ces propositions, la satisfaction n’est donc considérée que comme une conséquence, évidente, d’une bonne utilisabilité du système. De plus, elle n’est pas toujours appréhendée scientifiquement, c’est-à-dire autrement que selon le sens commun. Les travaux de chercheurs tels qu'Oliver (1980) et ses collaborateurs (Westbrook et Oliver, 1991), Lindgaard et Dudek (2003), Hassenzahl (2003, 2004), notamment, comportent alors un vrai intérêt puisqu’ils constituent une rupture avec la façon d’envisager la satisfaction. Westbrook et Oliver (1991) attirent l’attention sur les concepts d’affect et de satisfaction en tant que construits distincts, mais étroitement liés, et en tant que construits pertinents dans l’explication des jugements évaluatifs de produits, des décisions d’achat et des comportements post-achat.

Ce type de travaux représente une contribution non négligeable concernant la prise en compte des affects et de la satisfaction dans les études liées à la relation homme-technologie. Ils prennent une partie de leurs fondements dans les études concernant les liens émotions / cognition. Ce type de travaux a en effet su mettre en évidence l’impact de facteurs affectifs, et liés aux caractéristiques personnelles, sur un certain nombre de comportements humains et de processus cognitifs. Ces liens sont aujourd’hui largement admis. Néanmoins, concernant le domaine des Interactions Homme-Machine, des questions se posent encore

concernant l’incorporation de la sphère affective aux travaux de recherche. Les questions suivantes émergent le plus souvent. A-t-on réellement intérêt à intégrer les affects aux recherches sur l’acceptation et les intentions d’usage pour mieux comprendre et expliquer ces phénomènes ? En quoi la sphère affective et les caractéristiques personnelles peuvent-elles jouer un rôle explicatif ? Avec quelles méthodes et pour quels bénéfices peut-on intégrer ce type de facteurs à l’étude des situations d’Interaction Homme-Machine ? Pour tenter de clarifier ces questions, le prochain chapitre se focalise sur les concepts d'affect et de personnalité. Ces concepts feront d'abord l'objet d'une présentation théorique générale, puis nous tenterons de faire le point sur la contribution des affects et de certaines caractéristiques personnelles à l’explication des situations d'Interaction Homme-Machine.

CHAPITRE 2 – Les affects et les caractéristiques