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Caractérisation de l’infiltrat immunitaire d’une tumeur ovarienne associée à une dégénérescence

En 2015, l’équipe du Pr. J. Honnorat a pris en charge une patiente atteinte d’une ataxie cérébelleuse associée à un cancer ovarien et présentant le tableau clinique classique d’une DCP à Acs anti-Yo. Néanmoins, un test de fixation sur des coupes de cerveau de rat des Acs contenus dans le liquide céphalo-rachidien de cette patiente a révélé un profil de marquage bien différent de celui attendu pour des Acs Yo. Ainsi, un faible signal à la fois dans l’hippocampe et dans les cellules de Purkinje a été observé, alors que les Acs Yo marquent uniquement et fortement les cellules de Purkinje (figure 19A). Un test d’immuno-précipitation à l’aide d’un Acs anti-IgG humaines d’un broyat du cerveau de rat préalablement incubé avec les Acs du LCR de cette patiente, suivi d’une analyse par spectrophotométrie de masse a par la suite révélé que l’Ag ciblé chez cette patiente n’est ni CDR2 ni CDR2L, mais ARHGAP5 (Rho GTPase-activating protein 5). Cette protéine, exprimée dans le cytosol, régule négativement les Rho GTPases (figure 19B).

Figure 19 : Identification d’ARHGAP5 comme nouvel Ag associé à une dégénérescence cérébelleuse paranéoplasique. (A) Illustration du marquage observé après fixation des IgG du liquide céphalo-rachidien d’une

patiente DCP non-Yo sur des sections de cerveau de rat et incubation avec un Acs secondaire fluorescent anti-IgG humaines. Un marquage faible est observé dans l’hippocampe et le cervelet. (B) Identification de la protéine reconnue par les Acs du liquide céphalo-rachidien de cette patiente par immuno-précipitation des IgG fixés sur les protéines d’un broyat de cerveau de rat, puis analyse par spectrométrie de masse.

Cette patiente a été opérée au Centre Léon Bérard et nous avons pu avoir accès à des fragments de tumeur fraîche ou fixés afin de caractériser l’infiltrat immunitaire et les Acs produits dans le MET. Un marquage par CMF à l’aide d’Ac dirigés contre CD45, CD19, CD20, CD27, CD38, IgD, IgM, IgG et IgA montre que les LB CD19+ représentent 10% de l’infiltrat immunitaire de cette tumeur et sont constitués en grande majorité (83%) de PC (CD20-CD38Hi) (figure 20A). Une telle prédominance de PC n’est que très exceptionnellement observée dans les tumeurs ovariennes contrôles (figure 20B). Les LB non plasmocytaires sont constitués en majorité de LB mémoires (80%) exprimant principalement IgG et de LB naïfs (figure 20A). Trois quarts des PC infiltrant cette tumeur sont des cellules productrices d’IgG, ce qui a également été vérifié grâce à un test ELISPOT (figure 20C). L’analyse par CMF des LT, qui constituent 44% de l’infiltrat immunitaire, montre i) que la majorité des LT CD8+ sont PD1HI, suggérant qu’ils sont activés et ii) que les LT CD4 sont constitués pour 19% de LTreg exprimant Foxp3 et de 42% de cellules PD1HI correspondant probablement à des LTfh (figure 20D).

La réalisation de marquages multi-IF sur coupes FFPE a permis de montrer l’existence de nombreuses TLS en périphérie de la tumeur, avec des zones T et B ségrégées et la présence d’HEV (PNAd+), en accord avec la détection d’une proportion importante de LTfh par CMF (figure 20E haut). Un marquage CD20/IgG/IgA confirme la présence d’un contingent important de PC, présentant une dominance de cellules productrice d’IgG (figure 20E bas). Ces cellules se distribuent à la fois dans le stroma et dans la zone tumorale et sont également fréquemment retrouvées à proximité des follicules B des TLS, suggérant une différenciation locale.

Figure 20 : La tumeur ovarienne associée à une DCP ARHGAP5 présente une contexture immunitaire similaire aux tumeurs Yo et caractérisée par un infiltrat dense en plasmocytes. (A) Analyse par CMF d’une suspension

cellulaire préparée par digestion enzymatique de la tumeur permettant d’identifier parmi les cellules immunitaires viables CD45+ les LB totaux (CD19+), les LB naïfs (CD38-IgD+IgM+), les LB mémoires (CD38-IgD-) et les plasmocytes (PC, CD38hiCD20-), et déterminer la classe d’Ig exprimée/produite par les LB mémoires et PC. Les cellules IgA-IgM- sont considérées comme exprimant IgG. (B) Graphique mettant en évidence la proportion de PC parmi les LB totaux dans la tumeur ARHGAP5 (en rouge), une tumeur Yo-DCP (en bleu), et des tumeurs de l’ovaire non associées à des DCP (en noir). (C) Quantification par ELISPOT fluorescent des cellules productrices d’IgG, IgA, et IgM présentes dans la tumeur. (D) Illustration de l’expression de PD1, ICOS et Foxp3 sur les les LT CD4 (CD3+CD4+), CD8 (CD3+CD4-) permettant de distinguer les LTfh (CD3+CD4+PD1hi), les Treg (CD3+CD4+PD1+Foxp3+) et les LT CD8 activés (CD3+CD4negPD1+), analysée par CMF. (E) Marquages multiparamétriques par IF sur coupes FFPE mettant en évidence en haut les LB (CD20), les LT (CD3), et les vaisseaux HEV (PNAd), et en bas les PC à IgG, à IgA, et les LB (CD20).

Un dosage des Ig dans le surnageant obtenu lors de la dilacération de la tumeur a révélé des concentrations de 314 μg/mL d’IgG, 37 μg/mL d’IgA et 15 μg/mL d’IgM, en accord avec la forte infiltration de la tumeur par des PC à IgG. Cet échantillon était inclus dans la série de surnageants de tumeur d’ovaire testés sur puces à peptides couvrant le protéome, ce qui a permis de déterminer la présence d’Acs dirigés contre ARHGAP5 et les Ags Yo. Parmi les centaines de réactivités détectées, un épitope IgG composé de trois peptides contigus a été identifié dans ARHGAP5, alors qu’aucune réactivité n’est observée contre CDR2 et CDR2L (figure 21A). Aucune réactivité des IgG contre ARHGAP5 n’est détectée chez les 41 autres tumeurs ovariennes. Un ELISA réalisé à l’aide d’un peptide biotinylé (figure 21B) a permis de confirmer l’existence d’IgG dans la tumeur de la patiente et de révéler ce même type de réactivité dans le liquide céphalo-rachidien et le sérum, la différence d’intensité de signal étant à modérer par la dilution cent fois supérieure du sérum (1/1000) par rapport aux autres fluides (1/10) (figure 21C).

Figure 21 : Des IgG dirigées contre le nouvel Ag onco-neuronal ARHGAP5 sont produits dans le microenvironnement tumoral et détectés dans le liquide céphalo-rachidien. (A) Profil de réactivité des IgG

présents dans le surnageant de la tumeur d’ovaire contre ARHGAP5, CDR2 et CDR2L déterminé par l’utilisation de puce à peptides chevauchants (Roche Sequencing Solutions). (B-C) Illustration de la technique ELISA (A) permettant de mesurer la présence d’IgG dirigée contre un peptide ARHGAP5 versus un peptide contrôle (Irr.) dans le surnageant de la tumeur, le sérum et liquide céphalo-rachidien (CSF) de la patiente (B). Le surnageant de tumeur et le liquide céphalo-rachidien ont été testés à une dilution de 1/10, alors que le sérum a été testé à une dilution de 1/1000. Les graphiques de droite représentent la densité optique obtenue pour chaque fluide et chaque peptide.

Discussion

D

Discussion et perspectives

1. Des lymphocytes B à différents stades de différenciation infiltrent les tumeurs du sein et de