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Caractérisation IR et Raman de la matière organique de Wild 2

Comme mentionné dans le chapitre 1, l’interprétation des signatures dans la ré-gion 2700-600cm−1 de mes échantillons est difficile en raison d’effets optiques qui affectent cette partie du spectre. Notre étude se limitera donc ici à la région à 3 µm (∼2800-2960 cm−1) où apparaissent les signatures des composés organiques aroma-tiques et aliphaaroma-tiques, qui n’est pas affectée par ces effets de diffusion. Nous avons également montré que la contribution de l’aérogel n’y est que négligeable (Figure 3.1). La signature la plus intense dans cette région du spectre de l’aérogel (2970 cm−1) est en effet décalée de ∼10 cm−1par rapport à celle des particules 35,21 (2957 cm−1) et 35,26 (2959 cm−1). Une contribution d’aérogel ayant été chauffé lors du ralentis-sement de la particule peut également être écartée puisque le décalage par rapport aux signatures des deux particules est encore plus important (∼20 cm−1).

Pour les hydrocarbures aliphatiques, les modes de vibration d’élongation de C-H apparaissent entre 2975 et 2840 cm−1 (3,36-3,52 µm) (Socrates, 2001). Le mode d’élongation asymétrique de CH3 apparaît entre 2975 et 2950 cm−1 (Tableau 3.1) et peut être facilement distingué de celui de CH2 à ∼2930 cm−1. La bande d’absorption du mode symétrique de CH3 apparaît entre 2885 et 2865 cm−1 et celle de CH2 entre 2870 et 2840 cm−1. Notons que la position du mode d’élongation symétrique de CH3 peut être modifiée par la présence d’un autre groupement, le mode asymétrique y est quant à lui relativement insensible.

CH2 CH3

asym sym asym sym

2940-2915cm−1 2870-2840cm−1 2975-2950cm−1 2885-2865cm−1

(m-s) (m) (m-s) (m)

Tableau 3.1 – Modes d’élongation symétriques et asymétriques des groupements -CH3 et -CH2- formant la bande à 3,4µm. (m : medium, s : strong), d’après Socrates (2001).

3.2 Caractérisation IR et Raman de la matière organique de Wild 2 3050 3000 2950 2900 2850 2800 0,00 0,05 0,10 0,15 (a) log(1/R) Nombre d'onde (cm-1) C2054,31,0,0,0 aérogel après-recuit particule 35,21 3050 3000 2950 2900 2850 2800 0,00 0,05 0,10 0,15 (b) log(1/R) Nombre d'onde (cm-1) C2054,31,0,0,0 aérogel après-recuit particule 35,26

Figure 3.1 – Bande à 3,4 µm des spectres IR des particules 35,21 (a) et 35,26 (b) comparée à celles du spectre de l’aérogel provenant de la cellule dans laquelle les particules 35,21 et 35,26 ont été prélevées ( C2054,31,0,0,0) et du spectre de l’aérogel après recuit. Les spectres ont été normalisés à leur bande la plus intense dans cette région pour mieux visualiser les décalages en nombre d’onde.

La signature des hydrocarbures aliphatiques à 3,4 µm (∼2941 cm−1) est présente dans les spectres IR des deux particules 35,21 et 35,26. La signature du mode d’élon-gation de la liaison C-H dans les hydrocarbures aromatiques à ∼3058cm−1 est quant à elle absente des deux spectres. Il est important de remarquer que la signature de la présence d’oxygène est quasiment absente des spectres IR des deux échantillons 35,21 et 35,26 (Cf Figure 1.6, page 128). En particulier dans la région de 1700 cm−1, seuls deux faibles pics autour de 1730 cm−1 sont observés et ce, malgré la difficulté d’interprétation des signatures dans cette région. Ces signatures sont attribuées à la présence de liaisons C=O dans des cétones et sont un bon indicateur de la présence ou non de matériaux oxydés. En tenant compte du fait que la force d’oscillateur de la liaison C=O est au moins dix fois supérieure à celle de la liaison C-H (d’Hen-decourt et Allamandola, 1986), on peut en déduire que l’abondance des C=O ne représente pas plus de 1% de l’abondance des C-H. Cette absence de C=O peut paraître a priori surprenante puisque la particule incidente est freinée dans un mi-lieu fortement oxydant. On peut donc supposer que cette particule n’a pas subi un échauffement important. Par ailleurs, on peut aussi noter que ce carbone réfractaire initial est à l’état réduit.

Ce résultat se trouve particulièrement conforté par nos analyses Fe-XANES faites sur les keystones (Cf partie III, chapitre 1). En effet, les variations de l’état d’oxy-dation du fer observées le long des traces, à la fois sur les analogues et sur les échantillons Stardust, ont montré que la matière présente dans la trace est dans un état oxydé au début de la trace alors qu’elle conserve son état d’oxydation initial en fin de trace et dans la particule finale. Bien que ce travail ait porté spécifiquement sur l’étude de l’état d’oxydation du fer, un comportement similaire peut être supposé pour tout matériau, minéral ou organique, qui peut réagir avec l’oxygène provenant de l’aérogel.

Une manière de caractériser la matière organique à partir de son spectre IR consiste à déterminer le rapport CH2/CH3, rapport des densités de colonne des groupements CH2 et CH3, permettant de caractériser la longueur des chaînes ali-phatiques. Pour chacune des particules, l’aire des bandes a été donc été convertie en colonne de densité et le rapport CH2/CH3 a été calculé suivant Matrajt et al. (2005) :

CH2 CH3

= N (aCH2)

N (aCH3) avec N (aCHx) =

R τνdν CHx

AaCHx

(3.1) où N(aCHx) est la densité de colonne de CHx asymétrique en cm−2, τ est l’épais-seur optique de la bande et AaCHx les forces de bandes des modes d’élongation asymétriques de CH2 et CH3 déterminées par Dartois et al. (2004). Les aires ont été calculées en ajustant les quatre bandes d’élongation avec quatre gaussiennes. Les modes asymétriques ayant des bandes plus intenses que les modes symétriques et la bande symétrique des CH3 étant à peine identifiable dans les spectres, l’ajustement s’est fait en plusieurs étapes. Dans un premier temps, seules les bandes des modes symétriques ont été ajustées à l’aide de deux gaussiennes. Un deuxième ajustement a ensuite été fait en fixant les paramètres des gaussiennes des bandes asymétriques

3.2 Caractérisation IR et Raman de la matière organique de Wild 2 3000 2950 2900 2850 2800 0,00 0,05 0,10 0,15 particule 35,21 (a) Nombre d'onde (cm-1) Données Ajustement Déconvolution log(1/R) 3000 2950 2900 2850 2800 0,00 0,05 0,10 0,15 0,20 particule 35,26 (b) Nombre d'onde (cm-1) Données Ajustement Déconvolution log(1/R)

Figure 3.2 – Ajustement à l’aide de quatre gaussiennes de la bande à 3,4µm des échantillons Stardust 35,21 et 35,26.

déterminés par le premier ajustement et en imposant que la largeur des gaussiennes du mode symétrique soit identique (à 20% près) à celle du mode asymétrique. L’ajus-tement ainsi obtenu est présenté Figure 3.2. Le rapport CH2/CH3 est alors calculé en faisant le rapport des aires des deux gaussiennes obtenues pour les bandes des modes asymétriques, en faisant intervenir les forces de bandes. Le rapport CH2/CH3 ainsi obtenu est d’environ 6 pour les deux échantillons de la comète Wild 2 que nous avons analysés (Tableau 3.2).

Echantillon aire (CH2) N(aCH2) aire (CH3) N(aCH3) CH2/CH3 asym (group./cm2) asym (group./cm2)

35,21 5,67 6,75.1017 1,29 1,03.1017 6.5 ± 1.4

35,26 7,71 9,18.1017 1,81 1,45.1017 6.3 ± 1.8

Tableau 3.2 – Rapports CH2/CH3 mesurés dans les échantillons Stardust 35,21 et 35,26 calculés à partir de l’aire des bandes des modes d’élongation asymétriques de CH2 et CH3 convertie en densité de colonne (N(aCHx)) à partir des forces de bandes déterminées par Dartois et al. (2004) : AaCH2=8,4.10−18 cm.group.−1, AaCH3=1,25.10−17 cm.group.−1.

Les analyses par µ-FTIR effectuées par d’autres équipes au sein des PETs "Spec-troscopy" et "Organics" sur d’autres échantillons, en particulier par l’équipe de A. Rotundi de l’Université Parthenope de Naples, ont permis de détecter la signature de CH aromatiques (∼3050 cm−1) dans deux particules. Des espèces aromatiques ont également été détectées par L2MS (two-step Laser desorption Laser ionization Mass Spectrometry) (Sandford et al., 2006). Toutefois, des expériences de chauffage d’aé-rogel par tirs laser ont montré que des molécules aromatiques complexes, semblables à celles observées dans le long des traces, peuvent se former à partir des impure-tés carbonées présentes dans l’aérogel utilisé pour la mission Stardust (Spencer et Zare, 2007). Le chauffage par impulsion laser est en effet un bon moyen de simuler la brutale élévation de température induite par l’entrée des particules supersoniques dans l’aérogel (Managadze, 2003; Sugita et al., 2003; Pirri, 1977) et ces résultats montrent donc que les mesures concernant la matière organique des échantillons Stardust doivent être interprétées avec une grande précaution.

Les analyses par microspectroscopie Raman1 revèlent également la présence de matériaux aromatiques. Les spectres Raman des deux particules 35,21 et 35,26 sont présentés Figures 3.3 et 3.4. Les seules signatures identifiables dans les spectres obte-nus sont les bandes D et G vers 1370 et 1585 cm−1. Les paramètres des bandes obtenus pour les grains 35,21 et 35,26 sont présentés Tableau 3.3. La bande à 1370 cm−1, gé-néralement appelée bande D (pour désordre), est due à des modes impliquant des atomes de carbone présents dans des cycles aromatiques. La bande à 1585 cm−1, bande G (pour graphitique), est quant à elle due à des modes d’élongation de car-bones sp2 à la fois présents dans des cycles aromatiques et dans des chaînes

alipha-1

3.2 Caractérisation IR et Raman de la matière organique de Wild 2 800 1000 1200 1400 1600 1800 2000 1600 1800 2000 2200 2400 2600 2800 3000 Particule 35,21 Raman shift (cm-1) Intensité (u.a.) Données brutes Ligne de base 800 1000 1200 1400 1600 1800 2000 -100 0 100 200 300 400 500 600 Intensité (u.a.) Raman shift (cm-1) Données Déconvolution Ajustement

Figure 3.3– Spectre Raman de la particule 35,21. En haut : données brutes avec la ligne de base adoptée. En bas : déconvolution des bandes D et G en deux lorentziennes.

800 1000 1200 1400 1600 1800 2000 600 800 1000 1200 1400 1600 Particule 35,26 Raman shift (cm-1) Intensité (u.a.) Données brutes Ligne de base 800 1000 1200 1400 1600 1800 2000 -50 0 50 100 150 200 250 300 350 Intensité (u.a.) Raman shift (cm-1) Données Déconvolution Ajustement

Figure 3.4– Spectre Raman de la particule 35,26. En haut : données brutes avec la ligne de base adoptée. En bas : déconvolution des bandes D et G en deux lorentziennes.