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Caractérisation du caractère « immergeable » des sédiments

4.1 L OGIQUE DE GESTION DES SEDIMENTS DRAGUES

4.1.4 Caractérisation du caractère « immergeable » des sédiments

4.1.4.1 Rappel réglementaire

La comparaison avec les seuils N1/N2 des résultats d’analyses des sédiments est réalisée dans un double objectif :

Objectif 1 : Permettre l’analyse réglementaire du projet de dragage afin de définir les dossiers réglementaires à réaliser et la procédure administrative (aucune procédure / déclaration / autorisation) à laquelle est soumis le projet, conformément à l’article R 214-1 du Code de l’environnement.

Objectif 2 : Permettre l’évaluation des incidences du dragage et du rejet en mer des sédiments (le cas échéant).

La notion de sédiment « immergeable » signifie que le sédiment peut être dragué puis immergé (ou géré) en mer sans générer d’incidences significatives sur le milieu.

La circulaire no 2000-62 du 14 juin 2000 « relative aux conditions d’utilisation du référentiel de qualité des sédiments marins ou estuariens présents en milieu naturel ou portuaire défini par l’arrêté interministériel » précise que les seuils N1/N2 constituent des points de repère permettant de mieux apprécier l’incidence que peut avoir l’opération projetée :

Au-dessous du niveau N1, l’impact potentiel est en principe jugé d’emblée neutre ou négligeable, les teneurs étant « normales » ou comparables au bruit de fond environnemental. Toutefois, dans certains cas exceptionnels, un approfondissement de certaines données peut s’avérer utile.

Entre le niveau N1 et le niveau N2, une investigation complémentaire peut s’avérer nécessaire en fonction du projet considéré et du degré de dépassement du niveau N1. Ainsi une mesure, dépassant légèrement le niveau N1 sur seulement un ou quelques échantillons analysés, ne nécessite pas de complément sauf raison particulière (par exemple toxicité de l’élément considéré : Cd, Hg, ....).

Au-delà du niveau N2, une investigation complémentaire est généralement nécessaire car des indices notables laissent présager un impact potentiel négatif de l’opération. Il faut alors mener une étude spécifique portant sur la sensibilité du milieu aux substances concernées, avec au moins un test d’écotoxicité globale du sédiment, une évaluation de l’impact prévisible sur le milieu et, le cas échéant, affiner le maillage des prélèvements sur la zone concernée (afin, par exemple, de délimiter le secteur plus particulièrement concerné).

De façon générale, la circulaire no 2000-62 du 14 juin 2000 indique que l’investigation complémentaire doit être proportionnée à l’importance de l’opération envisagée. Elle peut porter, pour les substances concernées, sur des mesures complémentaires et/ou des estimations de sensibilité du milieu. Toutefois, le

coût et les délais en résultant doivent rester proportionnés au coût du projet et le maître d’ouvrage doit intégrer les délais de réalisation des analyses dans son propre calendrier.

4.1.4.2 Protocole pour caractériser le caractère immergeable ou non immergeable des sédiments

Le protocole s’inspire de la méthodologie développée par le groupe Geode pour évaluer les risques liés à l’immersion de boues de dragage des ports maritimes17.

4.1.4.2.1. Rappel de la méthodologie développée par Geode

Cette méthodologie s’appuie sur le calcul d’un « score de risque contaminant » à l’aide du logiciel GEODRISK. Le « score de risque contaminant » prend en compte différents paramètres :

La concentration en contaminant par rapport au seuil N1 correspondant ;

Les caractéristiques intrinsèques du contaminant (toxicité potentielle, affinité avec la phase dissoute, bioconcentration) ;

La capacité de transfert du contaminant ; La sensibilité de l’écosystème.

Le raisonnement tenu est le suivant :

Lorsque les concentrations sont inférieures au niveau N1, le risque potentiel est présumé faible et l’analyse des risques chimiques peut être considérée comme peu instructive.

Au-delà du niveau N1, les résultats analytiques seuls ne permettent pas de juger du risque écologique que représente leur immersion. On raisonne alors avec les scores de risque contaminant :

- Si le score de risque contaminant est inférieur à 1, il est souhaitable de connaître l’écotoxicité du sédiment, en particulier pour prendre en considération les effets des contaminants qui dépassent le niveau 1 de l’arrêté. Dans ce cas, un seul test d’écotoxicité peut être considéré comme suffisant

; il est alors recommandé de pratiquer de préférence le test sur le développement embryonnaire des bivalves, ou à défaut le test sur copépode marin Tigriopus brevicornis. Auquel cas :

• Si le résultat du test indique une note d’effet négligeable (0) ou faible (1), le rejet ou l’immersion peuvent être envisagés.

• Pour les sédiments dont la note d’effet sera égale à 2 ou 3, on prendra alors en compte la sensibilité de la zone d’immersion (proximité de zones conchylicoles ou de baignades, nurseries de poissons, présence d’espèces protégées, etc.) avant de proposer soit le rejet/immersion, soit une étude locale d’impact.

17C. Alzieu, F. Quiniou. Geodrisk. La démarche d’analyse des risques liés à l’immersion des boues de dragage des ports maritimes.

- Si le score de risque contaminant est compris entre 1 et 2, l’évaluation de l’écotoxicité sera réalisée à partir de trois tests, dont obligatoirement les tests « développement embryonnaire de bivalve » et copépode marin Tigriopus brevicornis ; le troisième test étant choisi entre Corophium sp. et Microtox® (Vibrio fischeri) phase solide. Les notes d’effet seront établies pour chacun des tests, mais seule la note la plus défavorable (effet toxique le plus marqué) sera prise en considération. Auquel cas :

• Si la note retenue correspond à un effet négligeable (0) ou faible (1), on prend alors en considération la sensibilité de la zone d’immersion, comme dans le cas ci-dessus.

• Si la note retenue correspond à un effet moyen (2), on procède alors directement à l’étude locale d’impact.

• Si la note retenue correspond à un effet fort (3), l’immersion ne peut être autorisée sans une étude d’impact approfondie « apportant la preuve qu’elle constitue la solution la moins préjudiciable pour l’environnement » (cf.

interprétation du niveau 2).

- Si le score de risque contaminant est supérieur à 2, l’immersion ne peut être autorisée sans une étude d’impact approfondie apportant la preuve qu’elle constitue la solution la moins préjudiciable pour l’environnement.

4.1.4.2.2. Proposition de protocole18

Le logiciel GEODRISK fonctionne avec les seuils de l’arrêté du 14 juin 2000 et prend en compte uniquement les métaux lourds et les PCB. Or la réglementation liée aux seuils N1/N2 a évolué et le logiciel GEODRISK n’a pas été mis à jour avec les nouveaux seuils pour les HAP, le TBT et les PCB. Le calcul du score de risque contaminant à l’aide du logiciel GEODRISK ne permet donc pas de prendre en compte l’ensemble des contaminants analysés réglementairement ainsi que les seuils N1/N2 en vigueur ; il apparaît de la sorte peu pertinent de l'utiliser pour définir le protocole.

Le protocole prend également en compte l’arrêté préfectoral du 10 Avril 2012 portant autorisation relative aux travaux de dragage et d’immersion des déblais de dragage dans l’estuaire du Scorff réalisés par DCNS Lorient (aujourd’hui Naval Group). Cet arrêté préconise que des investigations complémentaires soient menées lorsque les concentrations sont supérieures à 1,5 N1.

Au vu des sensibilités particulières de la rade de Lorient et de ses environs, il est ainsi proposé la méthodologie présentée sur la Figure 11, sur la base des analyses réalisées sur un ou plusieurs échantillons moyens, conformément au plan d’échantillonnage validé préalablement avec les services de l’état :

18 § mis à jour suite aux compléments apportés par les maîtres d’ouvrages au cours de l’instruction du dossier réglementaire

Lorsque les concentrations sont inférieures à 1,5 N1, le risque potentiel d’une gestion en mer des sédiments est présumé faible et aucune analyse complémentaire n’est réalisée.

Lorsque les concentrations sont comprises entre 1,5 N1 et N2, un test de toxicité sur bivalve sera réalisé. Le risque potentiel d’une gestion en mer des sédiments sera évalué en fonction des résultats des tests écotoxicologiques et du volume dragué.

Lorsqu’une ou plusieurs concentrations dépassent le seuil N2, une gestion à terre des sédiments de dragage sera envisagée.

Rappelons que la réglementation n’interdit pas le clapage de sédiments de qualité supérieure à N2, mais exige de réaliser une étude d’impact approfondie pour démontrer l’absence d’impacts significatifs sur le milieu. Cependant, étant donné que les sensibilités de la zone d’étude sont importantes, tant au niveau des usages liés à l’eau, qu’au niveau des fonctionnalités biologiques, le risque potentiel lié à l’immersion de sédiments de qualité supérieure à N2 est potentiellement significatif au niveau de la zone d’étude ; les pétitionnaires considèrent que la gestion à terre des sédiments de cette catégorie est la solution la moins dommageable pour l’environnement. Dans ce cas, des investigations complémentaires pourront être réalisées pour circonscrire la zone de sédiments contaminés.

Figure 11 : Proposition de protocole d’évaluation du caractère « immergeable » d’un sédiment pour les sédiments de la rade de Lorient

Pour les sédiments dont les concentrations sont comprises entre 1,5 N1 et N2, le test de toxicité sera réalisé sur bivalve. Ce test est usuellement pratiqué sur l’huître creuse (Crassostrea gigas), pendant la phase finale de développement embryonnaire qui correspond au stade de larve « D » au début du stade

larvaire. La toxicité des sédiments est alors évaluée par le pourcentage d’anomalies du développement embryonnaire pour des expositions à des concentrations en sédiment comprises entre 0 et 10 g/L.

Pour évaluer le niveau de toxicité, on se référera à la grille de notation proposée par C. Alzieu & F.

Quiniou du groupe de travail Geode [C. Alzieu, F. Quiniou] pour une concentration de 5 g/L de sédiment sec :

Tableau 18 : Grille de notation du niveau de toxicité pour le test « larve D » huître creuse

Pour les sédiments dont les concentrations sont comprises entre 1,5 N1 et N2, la distinction entre les sédiments de qualité « immergeable » et les sédiments de qualité « non immergeable » se fera de la manière suivante :

Lorsque le pourcentage de larves « D » anormales sera inférieur ou égal à 30% (toxicité négligeable ou faible), on considèrera que le sédiment est de qualité « immergeable » ;

Lorsque le pourcentage de larves « D » anormales sera supérieur à 30% (toxicité moyenne, forte ou très forte), on considèrera que le sédiment est de qualité « non immergeable ».

4 . 2 FI L I E R E S D E D E S T I N A T I O N E N V I S A G E A B L E S P O U R L E S S E D I M E N T S D E L A R A D E D E