CHAPITRE 5 ‐ CONCEPTION DU SYSTEME ET PREMIER RESULTATS OBTENUS
5.1. I NDICATEURS CRÉÉS POUR ÉVALUER LES VULNÉRABILITÉS
5.1.2. Caractérisation des premières variables retenues
Considérant que les variables qui définissent la vulnérabilité sont fortement influencées par le contexte socioéconomique et culturel, il paraît important de justifier les choix de certaines variables. Les choix ont été faits en s’appuyant sur la littérature dans le domaine et surtout d’après les collectes des données par le biais des entretiens avec la population résidente et les techniciens des services concernés, ainsi que l’observation directe sur le terrain. Pour la vulnérabilité physique des logements, certains paramètres font l’objet d’une analyse tout en prenant en compte le patrimoine architectural local.
a‐ Type de logement
Pour la typologie des logements, nous avons repris le classement de l’Institut National de Statistique (INE) du Cap‐Vert, qui propose les catégories suivantes : immeuble, bâtiment classique à rez‐de‐chaussée achevé, bâtiment classique à rez‐de‐chaussée non fini et logement précaire (partie de maison). D’un point de vue théorique, les immeubles représentent les capacités financières de leur propriétaire et par conséquent leur prédisposition de moyens à se protéger et à se rétablir en cas de catastrophe. Le rez‐de‐chaussée +1 étage aide par exemple à se protéger en montant à l’étage supérieur en cas d’inondation. On attribue ainsi un poids de valeur 3 à un bâtiment à simple rez‐de‐chaussée non fini et 2 à un bâtiment à simple rez‐de‐ chaussée achevé. Pour les logements précaires (partie de maison), nous considérons qu’ils ont un impact négatif sur le niveau de vulnérabilité, la note 3 a donc été affectée. Pour les immeubles finis à 2 étages, on a attribué la note 0. Ils sont donc non vulnérables du point de vue de leurs caractéristiques physiques. En résumant la typologie des bâtiments, 4 types sont pris en compte en matière d’évaluation des vulnérabilités intrinsèques (Figure 5.3).
- Les logements de type I comprennent l’ensemble des immeubles finis, y compris ceux qui sont clandestins. En effet, compte tenu des matériaux employés, ils offrent une résistance majeure d’un point de vue structurel. - Les logements de type II englobent tous les rez‐de‐chaussée finis, c’est‐à‐dire dont les murs extérieurs sont totalement enduits, les effets d’infiltration étant au moins atténués par les propriétés imperméabilisantes des enduits. - Dans le type III, on considère les rez‐de‐chaussée non finis. Ce sont le plus souvent des constructions d’origine illégale qui s’agrandissent peu à peu. Ces bâtiments aux murs sans revêtement constituent une fragilité par rapport aux crues du fait des risques accrus d’infiltration. Par ailleurs, le fait que ces logements ne soient pas finis entraîne une grande probabilité d’entrée d’eau par les ouvertures.
- La dernière classe, le type IV, comprend les maisons précaires. Ce sont des maisons très partiellement construites, dont la construction est faite de matériaux de mauvaise qualité, comportant parfois des morceaux de métal, de bois et des blocs de béton de qualité très variable.
Source : Photos R. Correia Logement de type IV : partie de maison Logement de type III : rez‐de‐chaussée non fini Logement de type II : rez‐de‐chaussée fini Logement de type I : immeuble fini Figure 5.3 : Types d’habitation, ville de Praia, Cap‐Vert On reviendra sur les critères qui ont servi de base pour établir la typologie des bâtiments. Le contexte et l’emplacement territorial sont envisagés comme des facteurs externes et ont été considérés dans la catégorie « vulnérabilité géographique et environnementale ». b‐ Nombre d’étages
Il existe une littérature assez abondante sur l’importance du nombre d’étages lors d’une inondation (Vinet, 2007 ; Defra, 2003). Deux cas de figure ont été envisagés. L’existence d’un rez‐ de‐chaussée +1 étage donne la possibilité de se réfugier à l’étage supérieur en cas d’inondation du logement par la crue, donc de diminuer la vulnérabilité. On a ici considéré trois modalités : - l’absence d’étage supérieur aggrave la vulnérabilité (poids 3) ; - un rez‐de‐chaussée + 1 a été affecté du poids 0, c’est‐à‐dire non vulnérable. - une augmentation du nombre d’étages au‐delà de 2 a un impact négatif parce qu’il y a aggravation de la vulnérabilité avec une concentration des enjeux, s’agissant surtout d’immeubles inachevés.
c- Type et qualité de revêtement des murs et des sols
Ces variables portent sur les types de matériaux utilisés pour les constructions ainsi que leurs qualités : ce sont des indicateurs de résistance en cas de crue centennale. Le type de revêtement et par conséquent l’imperméabilisation a un rapport direct avec l’infiltration et les entrées d’eau dans les logements. En fonction de l’intensité de l’aléa, les structures peuvent donc être fragilisées. Une fois que l’eau pénètre dans les maisons, les dommages peuvent être plus ou moins importants selon les types de revêtement, que ce soit les sols ou les murs. Normalement, les inondations ont un impact négatif sur les revêtements de sol, soit en occasionnant des dégâts aux revêtements, soit en demandant au moins un nettoyage du sol et des murs après les crues. Pire encore, si elle envahit le soubassement d’un logement, la crue peut entraîner sa destruction partielle ou totale, selon la qualité des matériaux utilisés (Tableau 5.1).
Variables Modalités Poids *
Type de revêtement des murs Revêtu, avec peinture 0 Revêtement mural avec des azulejos 0 Revêtu et sans peinture 1 Sans aucun revêtement : brique visible 3 Sans aucun revêtement : pierre visible 3 Autre (synthétique, liège, tapis) 3 Type de revêtement de sol Sol en mosaïque 0 Marbre/granit 0 Revêtement en béton (pas fini) 1 Bois 3 Terre 3 * Poids : de 0 non vulnérable à 3 très vulnérable Tableau 5.1. Vulnérabilité des constructions selon les revêtements d‐ Hauteur du seuil et orientation de la porte
Le plan d’occupation des sols ainsi que la supervision des travaux de chantier par les services de la mairie et par l’ingénieur responsable jouent un rôle dans l’atténuation ou l’aggravation de la vulnérabilité des bâtiments. L’existence d’outils de gestion territoriale, parmi lesquels des Plans Détaillés d’urbanisme imposent certaines contraintes d’occupation du sol en définissant la cote topographique de référence comme mesure de protection contre l’inondation. La loi impose que la hauteur du seuil de porte se situe de façon à empêcher l’inondation. Il s’agit d’une mesure institutionnelle pour faire face à l’inondation. Si l’on tient compte du fait qu’une proportion significative de bâtiments est d’origine illégale, donc sans permis de construire, on s’aperçoit de la difficulté à concrétiser une telle mesure. La pondération de ce facteur est fondée sur l’observation visuelle sur le terrain en considérant l’implantation des bâtiments par rapport aux normes d’urbanisme en vigueur au Cap‐Vert et à
la géomorphologie locale. Dans les secteurs où les logements ne respectent pas la cote de référence topographique pour réduire la vulnérabilité face à l’inondation, on affecte ainsi la note 3. Inversement le respect de cette prérogative a un impact positif en atténuant la vulnérabilité et la note zéro 0 est alors attribuée.
La hauteur du seuil de porte dans les zones basses constitue en quelque sorte une mesure importante pour se protéger face aux crues. Sur le terrain on a essayé de mesurer la hauteur du seuil tout en considérant le dénivelé entre la cote d’écoulement et le seuil de porte. Cette procédure exclut les logements qui sont en dehors des zones basses et à forte pente. Après le test du questionnaire sur le terrain, on a opté pour une réponse plutôt qualitative en demandant aux chefs de ménages leur appréciation de l’effet de la hauteur du seuil de porte comme élément de protection contre les crues. Néanmoins, la question doit être prise avec une certaine prudence vu la faible probabilité d’occurrence d’une pluie centennale. Cela dit, l’expérience d’un évènement sévère n’a jamais été vécue et cela influence nécessairement les réponses.
D’autres variables comme l’orientation de la porte par rapport à l’écoulement de l’eau ainsi que l’existence d’un plan d’architecte validé par la mairie ont été considérés. Par le biais des questions et l’observation in loco, les enquêteurs ont rempli les questionnaires. Les pondérations affectées sont affichées dans le Tableau 5.2 ci‐dessous.
Variables Modalités Poids*os
Hauteur du seuil par rapport au plan d'eau Supérieure à cote de référence 0 Inférieure à cote de référence 3 Orientation des portes
vis‐à‐vis de l’écoulement
Orientée vers un cours d’eau 3 Sens contraire à celui de l’écoulement de l’eau 0
Plan d'architecte SansAvec plan plan 30
* Poids : de 0 non vulnérable à 3 très vulnérable Tableau 5.2. Vulnérabilité des constructions selon la hauteur d’eau et l’orientation des portes e‐ Vulnérabilité humaine et socio‐économique Les variables déterminantes de la vulnérabilité humaine telles que l’âge, sont liées au cycle de vie des individus et par conséquent varient peu d’un contexte socio‐économique à l’autre. On ne saurait en dire autant des caractéristiques socioéconomiques et culturelles des populations qui varient fortement en fonction du milieu. Le contexte local a déterminé le choix de certaines variables socioéconomiques que l’on va décrire ci‐après.