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Afin de comprendre le rôle de la valence du fer dans la formation des serpentines riches en fer et les processus d’oxydation du fer lors de l’altération d’assemblages chondritiques il était nécessaire d’avoir à notre disposition des techniques permettant de caractériser (i) la valence et la distribution de site du fer, mais aussi (ii) d’observer l’évolution à nanoéchelle de l’état de valence du fer.

2.6.1! Spectrométrie Mössbauer du Fe

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Nous avons utilisé cette technique en collaboration avec M. Abdelmoula du Laboratoire de Chimie Physique et Microbiologie pour l’Environnement (LCPME, Vandœuvre-lès-Nancy) et de G. Ona-Nguema de l’IMPMC (Paris). La spectrométrie Mössbauer est très utilisée en géologie afin de déterminer la valence et la distribution du fer entre sites tétraédriques et octaédriques dans les silicates et les oxydes. La spectrométrie Mössbauer est une technique nucléaire résonnante qui donne des informations sur l’environnement électronique de certains atomes par l’intermédiaire des interactions hyperfines. L’effet Mössbauer consiste en l’émission et l’absorption résonnante de photons gamma par un noyau dans un solide, sans recul du noyau. Ce phénomène de résonance nucléaire nécessite une énergie spécifique et donc une source adaptée à chaque noyau ; c’est pourquoi le nombre d’atomes possibles à étudier est limité (par exemple : 57Fe, 119Sn, 119Sb, 170Dy, 197Au). Du fait de la présence quasi-ubiquiste du fer et de l’influence de son état de valence sur les processus observés en Géologie, cette méthode s’est rapidement imposée pour caractériser la cristallochimie de cet élément dans des échantillons naturels.

L’appareil fonctionne en plaçant la source des photons gammas sur la tige d’un vibreur à accélération constante afin d’établir la résonance de l’ensemble des transitions hyperfines en modulant l’énergie des photons par effet Doppler. Pour étudier le fer, la source utilisée est une source de 57Co. La source utilisée a une activité initiale de 50 mCi. Les mesures ont été réalisées en transmission. Le spectre ainsi mesuré est constitué de bandes d’absorption qui reflètent les différents niveaux hyperfins excités.

Figure 25 : Explication schématique d’un spectre Mössbauer.

La distribution de charges du noyau est soumise au champ électrique créé par les électrons de l’atome, et par les électrons et les noyaux des atomes voisins. L’énergie des interactions électroniques est composée de deux termes : (1) un terme d’interaction dipolaire électrique (déplacement isomérique, Isomer shift) noté δ, qui diminue avec le degré d’oxydation du fer et augmente avec l’électronégativité des ligands et (2) un terme d’interaction quadripolaire électrique (quadrupole splitting) noté ∆, qui renseigne sur la symétrie du site cristallographique. C’est donc en caractérisant ces deux grandeurs qu’il est possible de caractériser la valence et le site cristallographique du fer dans un échantillon. Pour ce faire, grâce à l’utilisation du logiciel Recoil (Langarek et Rancourt, 1989), nous avons ajusté chaque spectre avec une somme de lorentziennes grâce à la méthode des moindres carrés.

Plusieurs auteurs ont rassemblé de nombreuses données acquises sur les minéraux (e.g. Coey, 1980 ; Dyar et al., 2006 ; Murad, 2010) et ont ainsi attribué des paramètres hyperfins à une valence et/ou une coordination du fer. Ainsi il nous est possible d’estimer par fingerprinting l’environnement d’un atome de fer à partir de ses paramètres hyperfins (Figure 26).

Figure 26 : Variations des paramètres hyperfins. Figure extraite de Murad (2010).

Dans le cas où la phase étudiée a un comportement magnétique, on observe en outre une interaction magnétique, qui est un effet Zeeman appliqué aux niveaux de spin nucléaires. L’existence d’un champ magnétique au noyau provoque une levée de dégénérescence des niveaux nucléaires. Dans le cas du 57Fe, six transitions sont possibles, produisant un sextuplet. Réaliser une étude en fonction de la température peut donc aider à l’identification des phases d’un échantillon, du fait des différences de températures auxquelles les différents minéraux magnétiques s’ordonnent. Baisser la température de l’échantillon présente aussi l’avantage d’améliorer significativement le rapport signal/bruit. On observe une variation des paramètres hyperfins avec la diminution de température qui peut être très variable selon les minéraux (e.g. De Grave et al., 1978, 1985, 1986a, 1986b, 2013, Dyar et al., 2008). La prise en compte de ce phénomène est cruciale lors de la comparaison des données avec celles de la littérature, qui n’ont pas toujours été acquises dans les mêmes conditions. Tous les échantillons présentés ici ont d’abord été mesurés à la température ambiante avant d’être mesurés à 77 K, et dans certains cas à 35 K ou <20 K.

Il n’existe que peu d’études s’intéressant à l’évaluation de l’erreur sur la valence et la distribution de sites obtenues à partir d’un spectre Mössbauer (e.g. Dyar et al., 2008). La communauté s’accorde à

réalisées à la température ambiante. L’effet de superposition des pics est très difficile à estimer, mais il peut jouer un rôle plus important sur l’estimation de la distribution de sites que sur celle de la valence, car les paramètres du Fe2+ et du Fe3+ sont suffisamment distincts. (Enfin, plus la proportion d’un type de cation est faible, plus il est difficile d’estimer précisément sa contribution au signal total. Ainsi, l’erreur augmente significativement pour les composantes inférieures à 15 %. Afin de mieux comprendre la prise en compte de cette incertitude, nous avons comparé dans la Figure 27, deux possibilités satisfaisantes d’ajustement d’un spectre. Si on observe que les spectres calculés sont extrêmement similaires (voir Figure 27c), leur interprétation en termes de distribution de sites varie sensiblement (voir Figure 27a, b et d), la valence étant par ailleurs la même (56%) dans les deux cas. L’interprétation de la nature des sites observés n’est pas modifiée car les valeurs restent dans les gammes définies plus haut, mais nous observons que la proportion de Fe3+ tétraédrique passe de 22 % dans le calcul a à 30 % dans le calcul b. La proportion du site (1) du Fe2+ varie quant à lui de 19 % dans le calcul a à 6 % dans le calcul b. Ces observations nous montrent que dans le cas de minéraux complexes comme les phyllosilicates riches en fer, dans lesquels la valence et les sites sont mixtes, les incertitudes relatives à la détermination de la distribution de sites peuvent être très élevées. En conséquence, nous considèrerons dans notre étude que l’estimation de la distribution des sites est semi-quantitative.

Figure 27 : Spectres Mössbauer mesurés et calculés pour le produit hydrothermal (6j, 60°C) de composition x=0,8. Iobs : spectre mesuré. Icalc : spectre calculé. Les figures a et b représentent le même spectre, avec deux fits satisfaisants (Icalc a pour la figure a et Icalc b pour la figure b). Les composantes des spectres calculés sont représentées par les courbes en vert, bleu et magenta. Les deux spectres calculés sont comparés sur la figure c. La figure d est un tableau présentant les paramètres hyperfins déterminés à partir de chacun des modèles. La composante Fe3+(1) est tétraédrique tandis que la composante Fe3+(2) est octaédrique.

L’ensemble des opérations de préparation d’échantillons est réalisé en boîte à gants afin de ne pas altérer la valence du fer. Du fait de la forte teneur de nos échantillons en fer, et pour éviter une absorption trop importante du faisceau par l’échantillon, nous avons mélangé la poudre obtenue après broyage des échantillons avec du sucre glace, du sucralose ou de la farine. Le mélange est alors broyé une nouvelle fois dans un mortier en agate afin de le rendre parfaitement uniforme. Les

cruciale car la pastille est nécessairement exposée quelques minutes à l’air ambiant lors de son introduction dans la colonne du spectromètre.