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4 Les deux vitraux étudiés

4.5 Caractérisation de la corrosion

Grâce à des analyses XRF89, une meilleure connaissance de la composition élémentaire de chaque sertissage a pu être obtenue. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les baguettes ne sont pas uniformes dans leur composition. Diverses proportions de plomb sont présentes, et celui-ci est parfois allié avec d’autres éléments, dans des pourcentages non-négligeables.

Fig. 41 Stokar : cartographie analyses XRF

Pour le vitrail Stokar, dont le réseau de plomb est relativement homogène, la comparaison entre la composition du plomb de bordure (1 et 2) et les plombs du centre (3) est intéressante. Le bord est un alliage de plomb à environ 97% et d’antimoine (Sb) à presque 1.5%. Le taux d’étain (Sn) est très faible, tout juste 0.1%. Dans le sertissage du centre en revanche, ce taux monte à plus de 31%. En plus de l’étain, les baguettes centrales sont constituées principalement de plomb, à presque 43.5%, mais aussi de fer (Fe) qui est présent à environ 11.5%. La silice (Si) détectée par l’appareil peut simplement être le verre serti dans la baguette, pris en compte dans la mesure élémentaire.

Fig. 42 Im Thurn : cartographie analyses XRF

Pour le vitrail Im Thurn, qui présente un sertissage plus irrégulier, il a été nécessaire de procéder à un plus grand nombre de mesures. Le métal de la bordure (4 et 9) est à nouveau composé majoritairement de plomb, à 95-97%, avec des traces d’étain, de zinc (Zn) ou de cuivre (Cu). Le point de soudure (10) montre, sans surprise, un haut taux d’étain. En effet, les brasures de ce type se font avec un alliage Pb-Sn90. La composition des plombs au centre est plus complexe. Une des baguettes mesurée (8) présente un taux de Sn plus élevé que de Pb. C’est également à cet endroit que le sertissage est parcouru de nombreuses fissures. La mesure 5, effectuée sur une baguette qui a été corrodée uniquement au verso de l’objet présente un taux de Sn très bas.

La comparaison entre les deux plombs de réparation en bas du vitrail montre que l’un (6), très corrodé, est composé à 94% de plomb, presque sans étain, tandis que l’autre (7), exempt de produits de corrosion, est composé d’un alliage de plomb avec 11% d’étain. Il existe donc un lien très clair entre le taux d’étain et l’apparition de la corrosion. Les baguettes étamée ou faite d’un alliage Pb-Sn sont moins, voire pas du tout, atteintes par la dégradation. En revanche, un très haut taux d’étain rend le métal cassant. Ceci explique probablement pourquoi la localisation de la corrosion n’est pas homogène et qu’elle soit apparue de manière préférentielle sur certaines baguettes. Le haut taux d’étain est probablement dû à des pratiques de recyclage de baguettes.

4.5.2 Produits de corrosion

Des échantillons91 de chaque forme de corrosion trouvée sur les deux vitraux ont été analysés en spectrométrie FTIR92.

Fig. 43 Exemples de corrosions

Les résultats ont montré que les composés formant la corrosion sont tous de l’acétate de plomb, avec parfois des carbonates de plomb. Et cela malgré des aspects visuellement très différents. Cela signifie que le métal a principalement été attaqué par de l’acide acétique. Le développement morphologique des différentes corrosions dépend donc d’autres paramètres. La présence de carbonates n’est pas étonnante, ce produit de corrosion étant créé dans la réaction entre l’acide acétique et le plomb93.

4.5.3 Progression de la corrosion

Des coupes métallographiques d’échantillons prélevés sur le plomb du bord de chaque objet ont permis une meilleure vue d’ensemble de la progression de la corrosion sur et dans le métal. Pour chaque coupe, des images en microscopie optique et au SEM ont pu être réalisées, ainsi que quelques analyses EDS94.

Pour le vitrail Stokar :

Fig. 44 Stokar : vue macroscopique Fig. 45 Stokar : vue en fond clair, 10x

91 Cartographie des prélèvements en Annexe 10.10.1, p.82

92 Annexe 10.10.3, p.87

93 Selwyn, 2004, p.133

Fig. 46 Stokar : vue en fond clair, 20x Fig. 47 Stokar : vue en fond noir, 20x

Les incrustations plus claire dans le métal, visibles en fond clair, sont de l’antimoine détecté avec la XRF (environ 1.5% dans l’alliage) dans le bord en plomb. La corrosion semble progresser autour de ces inclusions, sans affecter l’antimoine.

Cette progression est irrégulière sur l’ensemble de l’interface métal/produits de corrosion. Les spectre EDS sont semblables entre le métal et les produits de corrosion ; la seule chose notable est la variation des pics d’oxygène et de carbone, qui sont plus élevés dans la corrosion. Ceci n’est pas surprenant car les produits de corrosion acétate de plomb et carbonate de plomb sont faits des atomes Pb avec C et O.

Dans la corrosion elle-même, les images au SEM montrent différentes phases ou structures, mais les analyses EDS donnent des spectre similaires.

Fig. 49 Stokar : vue d’ensemble Fig. 50 Stokar : détail des phases de la corrosion Fig. 48 Stokar: détail corrosion-inclusion Sb

Antimoine Sb

Plomb Pb Corrosion

Pour le vitrail Im Thurn :

Fig. 51 Im Thurn : vue macroscopique Fig. 52 Im Thurn : vue en fond clair, 10x

Fig. 53 Im Thurn : vue en fond clair, 20x Fig. 54 Im Thurn : vue en fond noir, 20x

L’attaque de la corrosion ne se fait pas uniformément sur la surface. Localement, elle attaque en profondeur, alors qu’à d’autres endroits la surface n’est pas dégradée. Parfois, la corrosion est une seule efflorescence isolée, dont la structure rappelle les produits observés sur le métal.

Fig. 57 Im Thurn : structure corrosion Fig. 58 Im Thurn : détail structure corrosion Dans les produits de corrosion, plusieurs phases sont également visible. Là, à nouveau, les spectres EDS montrent approximativement les mêmes pics d’éléments : Pb seul pour le métal, Pb, C et O pour les produits de corrosion.

En comparant les morphologie et progressions des deux formes de corrosion, il est évident que celle qui affecte le vitrail Stokar est bien plus agressive que celle sur le vitrail Im Thurn. D’autant plus que l’échantillon observé pour Stokar provient du bord remplacé en 2009.

A ce stade, seul de suppositions peuvent être faites pour expliquer cette différence.

Il est possible que la présence d’antimoine (Sb) au sein du plomb Stokar ait favorisé la corrosion de ce dernier, à travers une réaction ressemblant à de la corrosion galvanique*. En observant les potentiels électrochimiques de chaque métal, il est évident que Sb est plus résistant que Pb, car son potentiel est plus haut95.

Sur les images SEM, les inclusions d’antimoine sont totalement préservées de la corrosion qui se développe dans le plomb autour. Ce qui expliquerait que le bord du vitrail Stokar soit autant corrodé,

95 Selwyn, 2004, p.31 Fig. 59 Im Thurn : détail corrosion

Potentiels électrochimiques (Girault, 2001, p.435-436)

Étain : Sn2+ +2e- -> Sn -0.136 V Plomb : Pb2+ + 2e- -> Pb -0.1251 V Antimoine : Sb4O6 + 12H+ + 12e- -> 4Sb + 6H2O 0.1504 V Plomb Pb Corrosion Corrosion

alors que celui du vitrail Im Thurn est moins dégradé. En plus de cela, il faut prendre en compte la sensibilité de chaque métal à l’acide acétique. Le plomb et l’étain ont des potentiels très proches, mais Sn n’est pas aussi sensible que Pb à ces acides organiques96, ce qui explique que le plomb réagisse et pas l’étain.

En observant la structure métallographique des deux alliages (Fig. 60-Fig. 61, p.36), il est possible de voir que les deux métaux sont composés de grains et non pas de dendrites. Cela signifie que ce n’est pas simplement du métal coulé, mais qu’il a été recuit, une ou plusieurs fois, et ensuite éventuellement retravaillé à froid (Fig. 62, p.36)97. Il est compliqué de tirer plus de conclusions, car les structures métallographiques ne sont pas assez clairement visibles.

Fig. 60 Stokar : vue en DIC Fig. 61 Im Thurn : vue en DIC

Fig. 62 Schéma des différentes microstructures des métaux cubique à face centrée

96 Sn est plus stable face aux acides que face aux bases, et il se corrode plutôt en présence de chlorures. (Selwyn, 2004, p.161)

4.5.4 Stratigraphies

Fig. 63 Stratigraphie Stokar Fig. 64 Stratigraphie Im Thurn

Les stratigraphies98 des corrosions sur chaque bord des vitraux, schématisent les différences entre les produits de corrosions.

Pour le vitrail Stokar, la limite de la surface d’origine est prise dans les produits de corrosion pulvérulents et instables ; cette limite n’a, en grande partie, pas été préservée. Les inclusions d’antimoine visible au SEM et au microscope optique ne sont pas visibles à l’œil nu, et elles sont le seul indicateur inférieur identifié.

Pour le vitrail Im Thurn, la limite de la surface d’origine est bien préservée, car la corrosion n’attaque que localement le métal. En revanche, ces attaques rentrent relativement profondément sous la surface.

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