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III. Détection d'ions cadmium dans l’eau par le capteur optofluidique

III.4 Mesure d’ions cadmium par le capteur optofluidique fonctionnalisé

III.4.3. a Capture des ions cadmium

Les courbes de suivi en temps réel correspondant à deux concentrations, de 0,05 nmol/L et de 5 nmol/L d'ions cadmium dans l’eau déionisée sont représentées sur la Figure III 9 et la Figure III 10. Ces réponses du capteur ont bénéficié d’un traitement numérique post-mesure basé sur un moyennage par un filtrage médian sur 19 valeurs. Ce traitement permet de lisser les courbes obtenues.

Figure III 9. Réponse du capteur à l’injection de 0,05 nmol/L d’ions cadmium dans l’eau déionisée, moyennée par un filtrage médian sur 19 valeurs

Figure III 10. Réponse du capteur à l’injection de 5 nmol/L d’ions cadmium dans l’eau déionisée, moyennée par un filtrage médian sur 19 valeurs

Chaque injection d’eau déionisée est effectuée lorsque le décalage spectral atteint un palier d’équilibre (obtenu à t=1150 s à une concentration de 5nmol/L, Figure III 9, et à t=1250 s à

III.4 Mesure d’ions cadmium par le capteur optofluidique fonctionnalisé

183 une concentration de 0,05nmol/L, Figure III 10). Après rinçage à l’eau déionisée, on observe des décalages spectraux de 0,54 pm en polarisation TE à une concentration de 0,05nM (Figure III 9), et 3,5 pm à une concentration de 5 nM (Figure III 10). Il y a donc bien attachement des ions cadmium sur la surface du microrésonateur, via la liaison de coordination avec le ligand de reconnaissance.

Le décalage spectral observé lors de l’injection d’ions cadmium avant et après rinçage de la surface est dû à la fois à l’attachement non-spécifique et spécifique de molécules réactives à la surface du microrésonateur ainsi qu’à un léger écart de température entre la solution de référence et la solution avec les ions cadmium. Après le rinçage de la surface du microrésonateur, le décalage spectral TE est dû à la chélation entre le ligand de reconnaissance et les ions cadmium et, pour une faible portion, à l’attachement non-spécifique qui reste après rincage. Il n’est ici pas possible d’évaluer la quantité d’espèces attachées de manière non spécifique. La mesure différentielle à deux microrésonateurs, réalisée et présentée dans le Chapitre 4 Mesures différentielles et multiplexées, permet de quantifier cette quantité.

La réponse du capteur en fonction des différentes concentrations de cadmium injectées est représentée avec les barres d’erreur de répétabilité (nous avons reproduit 3 fois l’injection d’ions cadmium à chaque concentration) sur la Figure III 11. Ces données peuvent être ajustées à un modèle de Michaelis-Menten (106) :

 

 

max 22

Cd

K

Cd

d





(Eq. III 1)

où Kd est la constante de dissociation de la réaction de chélation et max est le décalage spectral obtenu au maximum de couverture des ions cadmium sur la surface. Ce modèle est approprié pour les catalyses hétérogènes en surface. Nous avons obtenu une constante de dissociation de 1,14.10-9 mol/L et un décalage maximal max de 4,39 pm. En effet, nous observons une saturation des décalages spectraux à partir de 5 nmol/L. Cette saturation sur la surface est due au fait que tous les sites disponibles pour la complexation d’ions cadmium par le ligand ont été occupés.

Les écarts entre trois mesures, à la même concentration et réalisées sur la même raie transductrice (écarts de répétabilité), sont inférieurs à 30%. A faibles concentrations (jusqu'à 3nmol/L d'ions cadmium), la courbe de sensibilité peut être considérée comme linéaire. En effectuant une régression linéaire sur cette zone (cf. Figure III 11), on peut en déduire la sensibilité de notre capteur aux ions cadmium en faibles quantités.

184 Figure III 11. Courbe des décalages spectraux en fonction de la concentration en cadmium et zoom sur la partie linéaire (0,05-3nM) de la courbe en polarisation TE, correspondant à de faibles concentrations. Une régression linéaire a été effectuée sur cette portion de la courbe afin de déterminer la sensibilité.

Une sensibilité de 1,23.109 ± 1,61.108 pm/(mol/L) a été trouvée en polarisation TE. Avec une résolution R de 0,393 ± 5,43.10-2pm, la limite de détection DL, définie pour une distribution gaussienne comme :

 

S S R DL 3    (Eq. III 2)

où ] est l’écart-type de la ligne de base du décalage spectral sur 100 points de mesure, est de 0,31 ± 0,08 nmol/L. Après moyennage sur 19 valeurs, la résolution est de Rm=0,166 pm et la limite de détection peut alors s'établir à 0,14 ± 0,06 nmol/L. Cependant, pour calculer ces sensibilités nous avons considéré que le décalage spectral et la concentration des ions cadmium étaient proportionnels, ce qui n’est pas tout à fait le cas (R2=0.90). Par ailleurs, différentes approches et conceptions existent pour la mesure de la limite de détection. Si nous considérons la limite de détection au sens de Currie (116) et Kaiser (117) (nommée limite de garantie de pureté selon les termes de Kaiser), la limite de détection devient alors :

III.4 Mesure d’ions cadmium par le capteur optofluidique fonctionnalisé 185

 

m S t DLKaiserCurrie 99%

 

, 2  (Eq. III 3)

où t99%=2,36 est le quantile de la fonction t de la loi de Student (loi de probabilité), qui correspond à une probabilité de 99% que le décalage spectral mesuré ne soit pas du bruit, s0

est l’écart-type sur 100 points de mesure sur la ligne de base et m le nombre de mesures. Avec une sensibilité de 1,23.109 pm/(mol/L), nous avons alors une limite de détection DLKaiser,Currie = 0,12 nM.

Nous pouvons également parler de limite de décision pour une valeur de signal (décalage spectral ici) critique, dû à un résultat d’expérience (118). Kaiser suggère qu’un signal supérieur à trois fois l’écart-type du bruit de fond (ligne de base ici) peut être considéré comme une quantité détectable avec une probabilité de 99,86% (119). Cette limite est nommée Nachweisgrenze selon les termes de Kaiser(117) et limite de décision (decision

limit) selon les termes de Currie. En étudiant la courbe de suivi en temps réel du décalage

spectral dû à l’injection de 0,05 nmol/L (Figure III 9), nous observons que le décalage spectral engendré, de 0,54 pm en polarisation TE, est supérieur aux résolutions R et Rm de notre capteur. Nous pouvons donc conclure que la limite de décision de notre système est de 0,05 nM, soit 5,5 ng/L.

La méthode de détection surfacique, avec une sensibilité en polarisation TE de 1,25.109, présente une sensibilité plus de 500000 fois supérieure à celle de la méthode en détection homogène(cf. III.2.2 Résultats). Cela montre l’efficacité de la fonctionnalisation de notre microrésonateur. Avec une limite de décision de 50 picomol/L, le capteur optofluidique développé dans cette thèse, est parfaitement adapté à des mesures d’ions lourds en très faibles quantités. Ces résultats ont été obtenus grâce à l’affinement de la détection par les méthodes décrites en II.4 Amélioration de la limite de détection du capteur par une optimisation de la mesure en temps réel du décalage spectral de la raie.

Comme le but affiché de notre capteur est de pouvoir détecter des ions cadmium dans l’eau potable, nous avons étudié l’impact de l’eau du robinet sur la mesure d’ions cadmium, afin d‘être certain qu’aucun ion présent dans l’eau potable n’interfère avec cette mesure. Pour cela, nous avons injecté de l’eau du robinet dans le canal microfludique. Cette eau potable a été prise directement du réseau de distribution de la ville de Cachan. Nous avons ensuite rincé la surface du microrésonateur par de l’eau déionisée (Figure III 12) pour vérifier l’absence d’adsorption ou d’attachement d’ions présents dans l’eau du robinet sur la surface (ions sodium Na+, calcium Ca2+ ou potassium K+). On observe , après rinçage de la surface, une absence de décalage spectral. On peut donc en conclure qu’aucun attachement spécifique ou non spécifique sur la surface n’est détectable aux concentrations usuelles des cations les plus répandus dans l’eau potable.

186 Figure III 12. Décalage spectral, moyenné sur 19 valeurs, dû à l’injection d’eau du robinet. L’absence de décalage avant injection d’eau du robinet et après rinçage par eau déionisée (EDI) montre qu’aucun accrochage d’ions présents dans l’eau du robinet n’a été observé sur la surface du microrésonateur.

Nous avons étalonné notre capteur optofluidique pour la détection d’ions cadmium dans l’eau du robinet considérée comme solvant (cf. Figure III 13), de 0,5 nM à 5 nM. On observe une bonne corrélation des valeurs des décalages spectraux dans l’eau du robinet et dans l’eau déionisée. Nous remarquons cependant une valeur moyenne à 1 nM dans l’eau du robinet qui est largement hors du modèle de Michaelis-Menten. Par ailleurs, aucun décalage spectral n’a pu être détecté pour des concentrations inférieures à 0,5 nM. Ces deux phénomènes pourraient être causés par un effet d’écran dû aux ions présents dans l’eau du robinet, qui limitent l’attachement des ions cadmium sur le ligand à de très faibles concentrations. Nous pouvons cependant en déduire que la limite de décision pour les ions cadmium dans l’eau du robinet est de 0,5 nM. En analysant la courbe de calibration et en calculant la pente sur la partie linéaire (en éliminant le point à 1 nM, hors de la régression linéaire) pour les ions cadmium dans un solvant d’eau du robinet, nous trouvons une sensibilité SEDR=8,51.108 pm/(mol/L) (SEDR = 9,63.108 pm/(mol/L) en considérant le point de mesure à 1 nM), soit une valeur légèrement inférieure à celle dans l'eau déionisée (1,26.109 pm/M). Les résolutions de la ligne de base en présence d’eau du robinet sont de R=0,34 pm et Rm=0,16 pm. La limite de détection, en considérant la résolution Rm, est donc de 0,19 nM. On observe, de façon étonnante, que la limite de détection est meilleure que la limite de décision (de 0,5 nM). Cela est certainement dû à l'effet d'écran à de très faibles concentrations d’ions concurrents présents dans l'eau du robinet qui réduit la limite de décision.

Les ions calcium peuvent perturber la titration d’autres ions dans l’eau. Dans notre cas, une titration du calcium, grâce à une électrode de calcium, a montré que la concentration de calcium dans l’eau du robinet que nous avons utilisée est de 1,26 nM. Cependant, à cette concentration, aucun décalage spectral n’a été observé sur le signal (cf. Figure III 12). Nous allons étudier la question d'une interférence possible d'autres ions présents dans l'eau

III.4 Mesure d’ions cadmium par le capteur optofluidique fonctionnalisé

187 potable sur la détection d'ions cadmium dans la section III.4.2.c Etude de l’interférence des

ions présents dans l'eau de robinet sur la détection d'ions cadmium

Figure III 13. Courbe de calibration combinée des ions cadmium de 0,5 nM à 5 nM, dans l’eau du robinet (croix bleues) et dans l’eau déionisée (carrés rouge). On observe une similarité de forme entre les deux courbes de calibration.