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L’étude électrocatalytique de l’oxydation du glucose prend également son importance dans un autre domaine : les capteurs de glucose. Le diabète est de nos jours une maladie très répandue et un problème de santé publique. Il provient d’un dysfonctionnement de l’insuline et provoque une dérégulation de la concentration en glucose dans le sang. Celle-ci peut être soit trop élevée (90 % des cas, diabète de type 2 caractérisé par une hyperglycémie) soit trop faible par rapport à la valeur normale située entre 4 et 7 mmol.L-1. [141] Plus de 400 millions de personnes sont touchées à travers le monde, ce qui en fait une des maladies les plus mortelles. En conséquence, ces millions de diabétiques doivent contrôler leur taux de glucose de façon journalière par un capteur de glucose appelé glucomètre ou communément dextro. En 2008, les capteurs de glucose représentaient 85 % du marché global des capteurs à usage médical. [5] Même si la technologie a évolué et qu’il n’est aujourd’hui plus nécessaire de prélever une goutte de sang pour analyser la glycémie, le principe de fonctionnement est resté le même et repose sur la mesure du courant d’oxydation directe ou indirecte du glucose. De nos jours, il existe aujourd’hui quatre générations de capteurs de glucose reposant sur des mécanismes d’électrooxydation différents, [142] schématisés sur la Figure 12.

Figure 12. Générations de capteurs de glucose et mécanismes d'électrooxydation associés : enzymatique (première, deuxième et troisième génération) et abiotique (quatrième génération). [143]

Un biocapteur électrochimique des premières générations est composé de deux parties : un récepteur (bactérie, enzyme, anticorps…) qui interagit avec l’analyte ; et un transducteur qui transforme cette réaction en signal électrique de façon proportionnelle à la quantité d’analyte.

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[104] Tout comme pour les GBFC, l’oxydation du glucose par catalyse enzymatique s’est largement imposée pendant des années, composant les capteurs de la première à la troisième génération. Ce n’est que depuis la fin des années 2000 que se sont répandus les capteurs fonctionnant par catalyse abiotique, créant ainsi la quatrième génération de capteurs de glucose. [85] Les caractéristiques que se doivent de montrer des capteurs de glucose efficaces sont :

- La linéarité de la réponse entre le courant et la concentration de glucose détectée. - La sensibilité pour être capable de fournir une réponse précise sur une large gamme de

concentrations, et notamment de détecter de faibles concentrations.

- La sélectivité, car les fluides biologiques sont des milieux complexes et ne contiennent pas que du glucose. Les autres composés chimiques ne doivent pas interférer dans la réponse ampérométrique.

- Le temps de réponse le plus court possible.

Le premier capteur de glucose fut inventé par Clark et al. [144] en 1962 et repose sur la détection indirecte du glucose. Il utilisait la GOx associée au cofacteur FAD pour oxyder le glucose en gluconolactone. Le FADH2 provenant de la réduction du FAD réduisait ensuite O2 en H2O2. Le peroxyde d’hydrogène se réoxydait et le courant faradique était mesuré, son intensité était alors proportionnelle à la quantité de glucose initialement oxydée. [145] Cette première génération de capteurs montrait quelques faiblesses. La mesure du courant d’oxydation de H2O2 dans des conditions physiologiques demandait de travailler à potentiel élevé afin d’assurer la régénération du biocatalyseur. Des électrodes métalliques servaient de support au système enzymatique mais ces métaux, communément le Pt, n’étaient pas assez sélectifs vis-à-vis de H2O2. De plus, la production de H2O2 empoisonnait la GOx et inhibait son activité. Pour s’affranchir entre autres de ce dernier phénomène, des médiateurs redox ont été utilisés dans la deuxième génération de biocapteurs en remplacement du couple O2/H2O2 pour assurer le transfert électronique entre l’enzyme et la surface de l’électrode. [146] Les médiateurs redox utilisés tels que les dérivés de ferrocène, ferricyanure, quinone, BBT, complexes métalliques… ont permis d’améliorer la précision et la stabilité des capteurs. [147-152] Pour être efficace, un médiateur redox doit respecter une différence minimale entre le potentiel standard de son couple, et celui du cofacteur de l’enzyme. L’expérience a montré qu’il faut assurer une différence minimale de 200 à 400 mV pour atteindre le taux de transfert électronique maximal entre enzyme et médiateur. [153-155] En choisissant bien le médiateur redox, il est possible de travailler à plus bas potentiel, ce qui réduit le risque de réactions d’oxydation parasites. La recherche dans cette deuxième génération s’est focalisée sur les techniques d’immobilisation

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des médiateurs comme l’adsorption, l’électrodépôt, le greffage direct ou par polymérisation. Cependant, la plupart des médiateurs ont un coefficient de diffusion élevé et peuvent sortir de l’espace entre l’enzyme et l’électrode. De plus, il peut y avoir compétition entre la réduction du médiateur et de l’oxygène, et des interférences avec des molécules extérieures. Suite à cela, la troisième génération de capteurs s’est démarquée par l’abandon des médiateurs redox. Le transfert électronique direct était auparavant impossible car la distance entre le centre actif de l’enzyme, siège de la réaction d’oxydation du glucose enfoui dans la structure tridimensionnelle (13 Å de profondeur pour la FAD dans la GOx), et la surface de l’électrode était trop importante. [145, 146] Pour assurer ce transfert électronique direct, cette distance doit être inférieure à 20 Å et le cofacteur doit être orienté en direction de l’électrode. [98, 153, 156] Les matériaux d’électrode poreux et à conduction électronique préférentielle se sont alors révélés intéressants comme supports d’enzymes. C’est par exemple le cas des nanotubes de carbone [104, 123, 131, 157, 158], très étudiés pour leur aptitude à créer des canaux de haute conduction électronique. Néanmoins, l’immobilisation et la stabilité des enzymes restent encore aujourd’hui une tâche ardue, et il faut faire attention à ne pas empêcher l’accessibilité du glucose au centre catalytique. De plus, la gamme de concentration pour laquelle la réponse ampérométrique était linéaire est plus restreinte que dans les deux premières générations. La quatrième génération de capteurs s’inscrit donc avec le début des nanosciences dans la logique d’abandonner les enzymes et de se concentrer sur la catalyse abiotique. En effet, les catalyseurs métalliques ont l’avantage d’être d’excellents conducteurs électroniques, et les nanoparticules, de par leur taille et leur grande surface spécifique, présentent une bonne activité électrocatalytique. Mieux encore, leur stabilité thermique et chimique supérieure à celle des enzymes les désigne tout à fait pour ce genre d’applications. Tout comme dans les piles, les métaux nobles tels que Au, Pt et Pd se sont montrés efficaces. [159-163] Des alliages de métaux nobles et/ou de métaux de transition ont également été décrits dans la littérature, parmi lesquels l’utilisation de Ni et de Cu, moins chers, sous forme métal/oxyde ou métal/hydroxyde, semble être une alternative très intéressante. [40, 42, 77, 164] La recherche est également très orientée sur les matériaux supports de nanoparticules afin d’améliorer la stabilité des catalyseurs et de maximiser le transfert électronique. Les dérivés du graphène et des nanotubes de carbone sont de plus en plus étudiés de par leurs fantastiques propriétés chimiques et de conduction. [77, 165, 166] Pour finir, les technologies peuvent être combinées. Tout récemment, Lee et al. [167] ont en 2019 mis au point un capteur GOx/FAD immobilisé sur un alliage AuNi par un polymère conducteur. Ce capteur était plus performant et plus stable que l’alliage AuNi seul. Le catalyseur hybride montrait une bonne sensibilité de 1,20 µA.mmol-1.L sur une large gamme de concentration en glucose (entre

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1 µmol.L-1 et 30 mmol.L-1) et une limite de détection à 0,29 µmol.L-1. Après 30 jours de fonctionnement, le courant produit par l’oxydation du glucose à un potentiel donné représentait 95 % du courant initial, contre 60 % pour AuNi après 18 jours. A ce jour, il s’agit du meilleur résultat rapporté.

I.10. Nanomatériaux

I.10.1. Définition

La nanotechnologie étant une discipline très jeune pour laquelle l’intérêt a explosé il y a moins de vingt ans. Elle sera sûrement une des plus importantes sciences qui marquera le XXIe siècle. La communauté scientifique s’accorde aujourd’hui pour définir un nanomatériau comme un matériau de taille comprise entre 1 et 100 nm, et dont la surface spécifique volumique est supérieure à 60 m².cm-3. Toutefois, cette même communauté précise que ce n’est pas la définition purement physique qui est la plus importante, mais bien les nouvelles propriétés qu’apporte cet état de la matière. [168] En effet, les propriétés d’un métal deviennent justement très dépendantes de la taille de ses particules lors du passage de l’état massif à l’état nanoparticulaire. La taille et la morphologie des nanoparticules influent entre autres sur la nature et la proportion des plans cristallographiques exposés : comme le montre la Figure 13, la proportion d’atomes de surface augmente considérablement [169], et la répartition des atomes entre faces, coins et arêtes est ainsi modifiée. [170]

Figure 13. A) Proportion des atomes de surface et internes en fonction de la taille des particules [169] ; B) Proportion des atomes d’or selon leur localisation dans un octaèdre tronqué (image insérée : corner = coins, edge = arête, surface = face) en fonction de la taille des particules (CN = coordination). [170, 171]

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I.10.2. Propriétés des nanomatériaux

La propriété optique la plus directement observable est la variation de couleur des solutions colloïdales de NPs en fonction de la taille et la morphologie de celles-ci. Ce phénomène est en fait dû à la différence de résonance des plasmons de surface, directement dépendante de la densité électronique en surface du matériau. Or la densité électronique est fortement augmentée lorsque la taille des particules diminue ; les ondes électromagnétiques formées par la vibration collective des électrons de valence auront donc des longueurs d’ondes différentes. Une autre propriété physique facilement observable est la dépendance de la température de fusion du métal en fonction de la taille des nanoparticules (Figure 14). Le phénomène physique sous-jacent repose sur les vibrations interatomiques. Il est bien connu que les atomes d’un corps oscillent autour d’une position d’équilibre, et que l’amplitude de cette oscillation augmente avec la température, entraînant de fait une plus grande fluctuation des distances interatomiques autour de la distance moyenne. Le solide fond lorsque cette fluctuation devient trop importante par rapport au paramètre de maille, valeur estimée à 14 % par le critère de Lindemann dans le cas des solides monoatomiques. [172]

Figure 14. Température de fusion de l'or en fonction du diamètre des particules.

I.10.3. Nanomatériaux utilisés pour l’électrocatalyse

La surface électroactive et l’activité du métal sont impactées par l’état de division de ce métal. Cette découverte a suscité un intérêt scientifique notoire dans le domaine de l’électrocatalyse. A l’état nanoparticulaire, le nombre de sites actifs disponibles pour des réactions s’en retrouve grandement augmenté. Le contrôle de la taille et de la morphologie permet également

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d’exacerber la surface de certaines faces cristallines, reconnues comme plus électro-actives que d’autres dans le cas de certaines réactions. [69, 70] Ces éléments sont donc à prendre en compte lors du choix de la synthèse des catalyseurs afin de maximiser leur activité catalytique dans le cas de l’électrooxydation du glucose. [173] Les premiers travaux présentant l’utilisation de métaux précieux à l’état nanoparticulaire comme électrocatalyseurs dans une pile à combustible, dans le but d’augmenter drastiquement la surface active des électrodes, sont apparus en 2007. [105]