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CHAPITRE 2 : CONNAISSANCES SUR LES AQUIFERES KARSTIQUES LITTORAUX KARSTIQUES LITTORAUX

2. PARTICULARITES DES KARSTS LITTORAUX

3.2.1. Captage à l’émergence

La position géographique des sources sous-marines et littorales ne permet pas d’utiliser les techniques habituelles de captage direct à l’émergence, du type barrage de trop plein ou galerie drainante. Les solutions ont donc souvent fait appel à des techniques originales et adaptées au système en question.

Captage en mer

Des expériences de captages directes sur les griffons sous-marins ont été tentées en Italie et en France (Stefanon, 1972). Ces expériences et celles plus récentes, réalisées par la Société Nymphéa Water, démontrent que ce type de captage reste difficile et peu efficace (Fleury, 2005).

Les équipements sont à la fois soumis aux conditions marines extrêmes (houle, invasion algale…) et doivent répondre à de nombreuses difficultés techniques pour la récupération du flux d’eau douce.

Captage sur le littoral

L’un des ouvrages les plus réussis est sûrement l’ouvrage d’exploitation des sources d’Anavalos de la côte Est du Péloponnèse (Argyriadis, 2003). Un barrage en mer assure une régulation automatique du flux d’eau douce sortant et permet de conserver l’équilibre eau douce-eau de mer en faveur de l’exploitation des sources. Ce captage, à priori unique en son genre, est rendu possible du fait que les sources karstiques sont contaminées par l’eau de mer uniquement à leur résurgence.

3.2.2. Exploitation souterraine 3.2.2.1. Prélèvements par forages

Les prélèvements d’eau par forage sont fortement répandus au sein des milieux karstiques. Les difficultés habituelles rencontrées (zone de réserve souvent profonde et localisée, pertes d’outils…) dans ce type d’ouvrages sont liées à la structure hétérogène du karst.

En sélectionnant des sites sur le massif karstique suffisamment en amont des exutoires en mer, cette approche présente le grand avantage de s’affranchir des problèmes d’intrusion saline, mais pose le problème de la détection des zones les plus productives en eau.

3.2.2.2. Barrages souterrains

Les barrages souterrains ont pour objectif principal de disposer d’une réserve en eau en augmentant artificiellement en amont de l’ouvrage la charge hydraulique. Ce système a été appliqué dans les karsts littoraux dans un objectif différent, celui de séparer artificiellement la limite eau douce-eau de mer, régie par la loi de Ghyben-Herzberg, pour s’affranchir des problèmes de contamination saline.

Cette méthode a malheureusement montré son inefficacité dans le cas de systèmes possédant des profondeurs de karstification importantes, c’est le cas des résurgences de Port Miou ou de l’Almyros d’Héraklion (Thomas, 1977 ; Potié, 1979).

3.2.3. Conclusions

Les techniques d’exploitation des ressources en eau des aquifères karstiques littoraux s’articulent autour de deux approches différentes :

• La récupération de l’eau douce en point bas du réseau karstique, en mer ou sur le littoral, qui essaye de s’affranchir des problèmes de salinisation. Jusqu’à présent, l’existence d’une salinité résiduelle aux sources a conduit à l’échec de nombreuses tentatives.

• L’exploitation sur le massif karstique en amont des résurgences, par l’utilisation de système de barrage, ou par l’emploi de techniques de forage.

L’exploitation par des forages d’eau, même si elle reste difficile en milieu karstique, peut apporter l’avantage de ne pas subir les contraintes de l’intrusion saline à condition que les forages soient effectués suffisamment en amont du système. Toutefois, l’intrusion saline hétérogène à travers des conduits karstiques peut affecter des forages situés à plusieurs kilomètres de la mer.

Cette technique est fortement contrainte par la difficulté d’atteindre les niveaux noyés et les drains actifs du réseau karstique. Heureusement, des techniques de prospection géophysique, comme la résonance magnétique protonique, donnent des résultats encourageants dans la localisation de ces conduits (Vouillamoz et al., 2003 ; Boucher et al., 2006). Ces méthodes ne permettent pas actuellement de prospections plus profondes que la centaine de mètres (Legchenko et al., 2002), mais elles constituent peut-être l’avenir de la recherche d’eau dans ce domaine.

4. UNE RESSOURCE EN EAU IMPORTANTE 4.1. A LECHELLE MONDIALE

Les aquifères karstiques côtiers sont représentés sur l’ensemble des continents. Des affleurements calcaires existent en Europe du Nord (Grande Bretagne, Irlande) et du Sud (Espagne, France, Grèce…) en Amérique (golfe du Mexique et côte est des Etats-Unis), au Japon, en Australie, en Nouvelle Zélande, et en Afrique (Ford et Williams, 1989). Ces affleurements contribuent à l’alimentation de centaines de sources sous-marines karstiques dénombrées aujourd’hui dans le monde (Figure 2-10).

A l’heure actuelle, la majorité de ces sources ne sont pas exploitées et se perdent en mer. Aucune quantification véritable de ces ressources en eau n’a été faite jusqu’à ce jour.

Figure 2-10 : Localisation des principales sources sous-marines karstiques dans le monde (d’après Fleury, 2005)

4.2. SUR LE POURTOUR MEDITERRANEEN

Le bassin méditerranéen rassemble une grande majorité des sources sous-marines karstiques répertoriées et étudiées actuellement. La plupart sont localisées sur le nord des côtes de la Méditerranée (Figure 2-11). Leur situation correspond aux principaux secteurs d’affleurements des roches carbonatées sur le littoral. La ressource constituée par ces pertes en mer est actuellement peu connue. On peut estimer grossièrement que l’ensemble de ces pertes constitue un débit de plus de 1000 m3/s. Ce potentiel, même s’il était exploité à moitié de sa capacité, pourrait permettre d’alimenter en eau potable plus de 300 millions de personnes vivants sur la bordure méditerranéenne.

Figure 2-11 : Localisation des principales sources sous-marines karstiques sur le pourtour méditerranéen (Fleury, 2005)

5. CONCLUSION

L’aquifère karstique littoral est un système hydrologique particulier dont la connaissance actuelle reste limitée. A la rencontre de nombreux domaines scientifiques, comme l’hydrogéologie, la paléogéographie ou l’océanographie, l’étude de cet aquifère doit être abordée de manière pluridisciplinaire. A titre d’exemple, l’étude fonctionnelle des sources littorales et sous-marines karstiques, principal objet d’étude de ce système, ne peut s’effectuer sans une approche fondamentale sur la compréhension de sa genèse paléogéographique.

Enjeu de ressources en eau au niveau mondial et plus particulièrement dans le bassin méditerranéen, l’aquifère karstique côtier représente un attrait grandissant. Ainsi, l’atteste le développement de projets de recherches scientifiques européens, tel MEDITATE, destiné à valoriser l’utilisation de ressources en eau alternatives : les sources karstiques sous-marines et leurs aquifères littoraux, la désalinisation et/ou la réutilisation d’eaux usées.

Plus localement, les communes du littoral méditerranéen français s’intéressent depuis peu (Gilli, 1997, 2002) à ce potentiel prometteur comme renforcement des ressources en eau existantes (études en cours pour le Syndicat Intercommunal des Corniches et du Littoral à l’est de Nice, comm. orale E. Gilli ) ou comme solution complémentaire à la diversification des ressources (CHAPITRE 1 :4).