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CHAPITRE 2 : CONNAISSANCES SUR LES AQUIFERES KARSTIQUES LITTORAUX KARSTIQUES LITTORAUX

2. PARTICULARITES DES KARSTS LITTORAUX

2.2.2. Dans les aquifères karstiques côtiers

Même si le terme « hétérogène » est aujourd’hui galvaudé s’agissant de la description du milieu karstique, il reste celui qui le définit le mieux. La distribution des vides est, nous l’avons vue, complexe et engendre une répartition des perméabilités d’écoulement liée à l’intensité de la fracturation de la roche et/ou à la présence de conduits capables de drainer d’importantes quantités d’eau douce. Cette organisation est unique pour chaque massif karstique car elle reste inféodée à l’histoire de sa karstification.

L’hétérogénéité de structure des aquifères karstiques rend alors difficile la modélisation des équilibres eau douce-eau de mer. En effet, la présence de conduits peut dans certains cas modifier l’épaisseur de la nappe d’eau douce ou changer la position de la zone de transition (Moore et al., 1992 in Arfib, 2001).

La conséquence directe de la contamination saline dans les aquifères karstiques côtiers est d’observer à l’exutoire des sources d’eaux saumâtres. Qu’elles soient sur les terres, littorales ou sous-marines, ces sources sont polluées par l’eau de mer selon différents mécanismes.

Quatre scénarii typiques sont avancés (Arfib, 2001) :

La contamination saline par effet Venturi.

• L’existence d’un conduit karstique, plus ou moins profond, reliant le réseau karstique avec la mer. Nous parlerons alors de contamination saline locale.

• La présence d’un biseau salé susceptible d’envahir le massif karstique, quand celui-ci est fortement fracturé. Le réseau karstique sera alors contaminé de manière plus diffuse.

L’intrusion directe d’une langue d’eau salée pour les résurgences karstiques qui aboutissent directement en mer.

2.2.2.1. La contamination par effet Venturi

L’effet Venturi, phénomène hydrauliquement connu, est avancé pour justifier l’existence de sources karstiques saumâtres dont la salinité augmente avec le débit (Figure 2-9A). Citons pour exemple les sources de Waikoropupu en Nouvelle-Zélande ou celles d’Agios Nikolaos en Crète (Williams, 1977 ; IGME-CNRS, 1996 in Fleury, 2005). Ce mécanisme semble toutefois anecdotique.

2.2.2.2. La contamination saline locale

Dans le cas où un conduit karstique assure la connexion entre le réseau principal et la mer, une intrusion préférentielle d’eau de mer peut avoir lieu (Figure 2-9B). La contamination est alors contrôlée par la différence de charge entre le conduit rempli d’eau de mer et celui rempli d’eau douce.

Ce mécanisme peut expliquer l’observation de sources karstiques saumâtres sur terre, sur le littoral ou en mer, dont la salinité varie de manière inversement proportionnelle avec le débit. En cas de forte mise en charge de l’aquifère, l’intrusion peut être totalement stoppée et l’on observe à l’exutoire la sortie d’eau douce.

Dans certains cas, le conduit à l’origine de la contamination a été répertorié. Le cas le plus frappant est certainement celui des moulins d’Argostoli du karst céphalonique, où d’anciennes pertes karstiques absorbent littéralement l’eau de mer (Gilli et al., 2004b).

2.2.2.3. La contamination saline diffuse

La fracturation intense de certains massifs karstiques permet de comparer la matrice calcaire à un milieu continu, dans lequel s’appliquent les lois de l’intrusion saline des aquifères poreux. L’eau de mer peut alors envahir les zones fracturées et former un équivalent de biseau salé. Le conduit karstique principal subit une contamination saline tout au long de son contact avec le biseau salé (Figure 2-9C).

Cette contamination est la conséquence de la différence de charge entre l’eau présente dans le conduit et celle contenue dans les fractures. Le principe hydraulique de contamination est identique à celui opéré lors d’une contamination par un conduit relié en mer. Par conséquent, l’exutoire saumâtre aura une salinité variant en sens inverse du débit. Lors de fortes crues, l’eau à l’exutoire pourra être complètement douce. Ce type de fonctionnement est aujourd’hui proposé pour la source karstique terrestre de l’Almyros d’Héraklion en Crète (Arfib, 2001 ; Arfib et Ganoulis, 2004).

2.2.2.4. La contamination directe par la résurgence

Cette contamination est liée à la stratification densitaire entre l’eau douce et l’eau de mer. Elle a lieu dans certains conduits karstiques ouverts directement sous le niveau marin et dans lesquels circule l’eau douce ou saumâtre du karst (Figure 2-9D). Ce mécanisme sera abordé plus tard dans cet ouvrage au sujet de la source sous-marine de Port Miou. Anecdotique, ce problème est responsable d’une contamination à proximité de l’exutoire.

Figure 2-9 : Schémas des différents types de contamination saline des sources karstiques dans les aquifères littoraux (Arfib, 2005)

2.2.3. Conclusions

L’intrusion saline dans les aquifères karstiques littoraux a été bien moins étudiée que dans les milieux poreux et les résultats restent rares et limités à des cas d’études particuliers (Arfib, 2001 ; Fleury, 2005). Les mécanismes de contamination de type local ou diffus sont, pour généraliser, ceux qui affectent le plus couramment les aquifères karstiques côtiers. La difficulté réside dans le fait de savoir différencier le mécanisme à l’origine de la salinisation. Les explorations spéléonautiques et la compréhension de la paléokarstification, et notamment de l’héritage paléogéographique, de l’aquifère sont alors des outils indispensables pour pouvoir y répondre.

3. LES METHODES D’ETUDES ET DE CAPTAGES

L’hydrogéologue dispose de nombreux outils pour l’étude des aquifères karstiques : observations de terrains, forages d’essais, suivis piézométriques, prélèvements et analyses d’eaux, suivis physico-chimiques des sources, prospections géophysiques, bilans hydriques. L’objet d’étude hydrogéologique est, de manière incontournable, le (ou les) exutoire(s) du système, clé de la compréhension du fonctionnement karstique dans son ensemble.

L’étude et l’exploitation des karsts littoraux doivent faire face à de nouvelles contraintes qui nécessitent l’emploi de méthodes et techniques spécifiques. Nous aborderons dans ce paragraphe la synthèse des principales méthodologies d’étude et de captage des sources sous-marines et littorales karstiques.

A- Contamination schématique d’une source par effet Venturi

B- Contamination schématique d’une source par la présence d’un conduit connecté en mer

C- Contamination schématique d’une source par intrusion diffuse dans le conduit

D- Contamination schématique d’une source par intrusion directe via la résurgence

Pour une connaissance approfondie du sujet, le lecteur intéressé trouvera des synthèses exhaustives et étayées d’exemples dans des publications récentes (Gilli, 2000a ; Gilli et al., 2004b ; Fleury, 2005 ; Fleury et al., 2007) ou plus anciennes (Paloc et Potié, 1973 ; Mijatovic, 1987 ; Breznick, 1998).

3.1. METHODES DETUDES DES KARSTS LITTORAUX