• Aucun résultat trouvé

Le canal potassique TREK-1 (KCNK2, K2P2.1) (Tableau 8) pour TWIK RElated K+ channel, a été le premier membre de la sous-famille TREK/TRAAK a avoir été identifié (Fink et al., 1996). TREK-1 permet, en conditions physiologiques, de maintenir le potentiel de repos de la cellule. TREK-1 est un canal très largement exprimé dans le système nerveux central, plus particulièrement dans le cortex préfrontal et l’hippocampe, régions très impliquées dans la dépression (Hervieu et al., 2001). Ce canal est également présent dans le striatum, l’hypothalamus et l’amygdale. Il est modulé par de nombreux stimuli (Figure 16). Le canal TREK-1 est activé par une pression appliquée sur la membrane cellulaire. Pour activer 50% du canal il faut appliquer une pression négative de -36 mmHg (Maingret et al., 1999). TREK- 1 s’active lorsque la cellule subit des changements de volume. Il est également activé par les anesthésiques volatils. Ces derniers réduisent l’excitabilité neuronale en ouvrant les canaux potassiques (Heurteaux et al., 2004). TREK-1 est actif à des températures physiologiques. Une augmentation du courant est observée à des températures comprises entre 37 et 42°C. Le domaine C-terminal joue un rôle important dans sa sensibilité à la température (Gonzalez

- 56 - et al., 2012). La diminution du pH intracellulaire induit, elle aussi, une activation du canal TREK-1. Après transfection du canal TREK-1 dans des cellules COS-7, son expression provoque un courant qui peut être enregistré à la suite de l’ajout de bicarbonate HCO3- (qui induit une acidification du milieu) (Maingret et al., 1999). Les acides gras polyinsaturés (AGPI) tels que l’acide arachidonique (AA) ou l’acide α-linolénique (ALA), présents dans les huiles végétales (sous forme de triglycérides), induisent leur ouverture (Maingret et al., 1999). Dans un modèle murin l’injection aiguë d’ALA, une demi-heure avant de procéder à une ischémie globale ou à l’induction de crises épileptiques, est neuroprotectrice (Lauritzen et al., 2000). L’ALA permettrait de contrôler les dépolarisations neuronales excessives associées à l’excitotoxicité du glutamate en agissant notamment sur certains canaux ioniques neuronaux. Ce processus passerait à la fois par le blocage des conductances calciques et sodiques et par l’activation d’une conductance potassique sous-jacente à l’activation du canal TREK-1, dont la présence est requise pour que l’ALA exerce une quelconque protection contre l’ischémie (Heurteaux et al., 2004).

Figure 16 : Schéma des différents effecteurs du canal TREK-1

En revanche, la PKA et la PKC inhibent le canal TREK-1 via des sites de phosphorylation situés sur les sérines 300 et 333. Le canal est inhibé par les SSRIs, ce mécanisme passe par une phosphorylation via l’activation d’une protéine Gs (Honore, 2007).

La genèse de souris invalidées pour le gène TREK-1 (TREK-1 KO ou TREK-1-/-) a permis de montrer l’implication du canal dans différentes pathologies. Les souris TREK-1-/- ne

- 57 - présentent pas de différence morphologique avec les souris sauvages. En revanche, elles présentent une diminution de sensibilité aux anesthésiques volatils, une hyperalgésie et une neuroprotection altérée (Franks and Honore, 2004; Heurteaux et al., 2004). Le canal TREK-1 peut être activé par un stimulus nociceptif comme la chaleur. Les souris TREK-1-/- sont plus sensibles que les souris sauvages à un stimulus douloureux. De plus, ces souris montrent une sensibilité accrue à l’ischémie et à l’apparition de crises épileptiques (Honore, 2007). En 2006 notre équipe a démontré l’implication de ce canal dans la dépression. La délétion du gène codant le canal TREK-1 a permis, grâce à des tests comportementaux permettant d’évaluer l’état dépressif des animaux, de mettre en évidence un phénotype de résistance à la dépression chez les souris TREK-1-/-, phénotype similaire à celui observé après des traitements, aigus ou chroniques, aux antidépresseurs tels que la fluoxétine ou la paroxétine. En effet, les animaux TREK-1-/- montrent une diminution de l’immobilité dans différents tests très utilisés pour le criblage des antidépresseurs, en comparaison aux souris sauvages. L’immobilité des animaux étant corrélée à la résignation, des souris immobiles sont considérées comme résignées alors que des souris mobiles sont considérées comme des souris non résignées. En plus de leur comportement non résigné, les souris TREK-1-/- présentent une augmentation de la transmission sérotoninergique dans les neurones du noyau du raphé dorsal, ainsi qu’une augmentation de la neurogenèse hippocampique (Heurteaux et al., 2006).

Le blocage du canal TREK-1 induit donc un phénotype de résistance à la dépression puisque les souris TREK-1-/- se comportent comme des animaux traités avec des antidépresseurs. TREK-1 constitue une nouvelle cible dans la dépression, et notre hypothèse était qu’un bloqueur du canal pouvait être un antidépresseur efficace.

a. Protéines partenaires de TREK-1

Il est de plus en plus évident que la fonction « primaire » d’une protéine, récepteur ou canal, est modulable en fonction des protéines qui lui sont associées ou avec lesquelles il interagit (protéines partenaires). En 2006, AKAP150 a été identifiée comme étant la première protéine partenaire de TREK-1 (Sandoz et al., 2006):

- A-kinase anchoring protein (AKAP150)

TREK-1 et AKAP150 colocalisent fortement au niveau de la membrane plasmique. AKAP 150 est une protéine qui interagit avec le domaine transmembranaire M4 de TREK-1 (Sandoz et al., 2006). Cette liaison induit non seulement des changements dans les propriétés électrophysiologiques du canal mais modifie également son mécanisme de régulation. En effet, une fois lié à AKAP150, le canal TREK-1 perd son mécanisme de rectification entrante et devient dépendant du potentiel, insensible à l’acidification

- 58 - intracellulaire, à l’étirement membranaire et aux acides gras polyinsaturés (Sandoz et al., 2006). De même, l’inhibition de TREK-1, via les récepteurs couplés aux protéines Gq, est réduite dès que le canal est lié à AKAP150.

Depuis, d’autres protéines partenaires ont été mises en évidence :

- Microtubule-associated protein (Mtap2)

Tout comme AKAP150, la protéine Mtap2 interagit avec le canal TREK-1 et stimule son activité. Mtap2 n’a pas un effet direct sur le canal mais agit en augmentant l’expression du canal à la membrane plasmique. Comme son nom l’indique Mtap2 est une protéine associée aux microtubules dont elle module l’assemblage. AKAP150 et Mtap2 sont capables d’agir simultanément sur le canal TREK-1, elles possèdent des effets indépendants mais qui s’additionnent (Sandoz et al., 2008).

- β-spectrine

C’est une protéine du cytosquelette qui est également associée au canal potassique TREK- 1. En effet, une étude montre, par coimmunoprécipitation, l’association de ces deux protéines au niveau cardiaque. La fonction de la β-spectrine est d’adresser TREK-1 à la membrane et permettre ainsi son fonctionnement (Hund et al., 2014).

b. La sortiline

La sortiline, également connue sous le nom de récepteur 3 de la neurotensine (NTSR 3),

est une autre protéine partenaire du canal potassique TREK-1.

A B

Figure 17 : Interactions entre la sortiline et TREK-1

A : Immunoprécipitation de la Sortiline et de TREK-1 dans des cellules COS-7 et dans les neurones

corticaux de souris, avec un Anticorps anti-TREK-1 (α-TREK-1) et un Anticorps anti-Sortiline (α-Sort).

B : Immunofluorescence de TREK-1 (vert), Sortiline (Rouge) et colocalisation (jaune) dans des

- 59 - En effet, une colocalisation a été mise en évidence entre ces deux molécules. En plus de colocaliser, une interaction entre les deux protéines a été mise en évidence par coimmunoprécipitation (Figure 17). La sortiline est une protéine d’adressage membranaire de TREK-1. En d’autres termes la quantité de TREK-1 à la membrane est augmentée par la coexpression de la sortiline, dans une même cellule (Mazella et al., 2010). Alors que de nombreux effecteurs comme l’AA, AKAP150 et Mtap2 permettent d’activer le canal, un seul inhibiteur spécifique du canal TREK-1, un peptide dérivé de la sortiline, est connu à ce jour : la spadine.

La sortiline a été clonée pour la première fois en 1997 par une équipe qui cherchait à identifier les partenaires d’une protéine chaperonne RAP (Receptor Associated Protein) (Petersen et al., 1997). Cette protéine a également été clonée à l’Institut par l’équipe du Dr Jean Mazella en 1998 (Mazella et al., 1998). La sortiline est une protéine de 100 kDa (833 acides aminés), qui présente une structure caractéristique des récepteurs de type I : un seul domaine, transmembranaire, une large extrémité N-terminale, un site de clivage par la furine et des motifs d’internalisation dans la région intracytoplasmique (Mazella, 2001). Son extrémité amino-terminale a une certaine homologie avec la protéine Vps10p (Vacuolar sorting protein) de la levure Saccharomyces cerevisiae (Westergaard et al., 2004). D'autres récepteurs ont été identifiés et classés dans la même famille que la sortiline : SorLA et SorCS (Figure 18).

Figure 18 : La famille des récepteurs de type I, homologues à la protéine Vps10p D’après Mazella 2001.

- 60 - La sortiline est synthétisée sous forme de précurseur et nécessite une modification post- traductionnelle pour être active. La sortiline synthétisée quitte le réticulum endoplasmique sous forme de précurseur, qui est converti en un récepteur mature grâce à une enzyme, la furine qui reconnaît le site RWRR du récepteur, au niveau du compartiment trans-golgien. Cette maturation libère alors un peptide N-terminal, de 44 acides aminés appelé propeptide (PE) (Munck Petersen et al., 1999) (Figure 19). Seuls environ 10% de la sortiline sont présents à la membrane plasmique des cellules, la majorité étant localisée dans l'appareil de Golgi et dans les vésicules.

Figure 19 : Maturation de la sortiline PE : Propeptide.

Chez l’homme la sortiline est exprimée dans le cerveau, le cœur, la moëlle épinière, les muscles squelettiques, les testicules, le tissu adipeux mais également en plus faible quantité dans les poumons, le foie, les reins et le côlon (Lin et al., 1997; Petersen et al., 1997). Une étude structure-fonction a permis d’identifier les acides aminés responsables du site de

- 61 - liaison du peptide à son récepteur (Figure 19). La sortiline est connue pour être une protéine impliquée dans la régulation du trafic intracellulaire, plus particulièrement dans l’adressage membranaire (Munck Petersen et al., 1999).

i.

Ligands de la sortiline

Différents ligands de la sortiline ont été identifiés :

RAP est une protéine de 40 kDa située dans le réticulum endoplasmique et qui se lie aux

récepteurs des LDL (Low Density Protein). La protéine RAP sert de protéine chaperonne des récepteurs LDL. Cette protéine a également servi à purifier et à cloner pour la première fois le gène codant la sortiline (Petersen et al., 1997).

La lipoprotéine lipase est une enzyme qui joue un rôle important dans le catabolisme des

particules riches en triglycérides et dans la fixation des lipoprotéines à leurs récepteurs. Cette enzyme peut se lier à la sortiline avec une affinité de 26 nM mais elle possède un compétiteur sur son site de fixation : la neurotensine (Nielsen et al., 1999).

La neurotensine est un neuromédiateur peptidique de 13 acides aminés (Martin et al.,

2005). Grâce à des vésicules sécrétrices elle est sécrétée dans le milieu extracellulaire à partir d’un précurseur de 147 acides aminés. Ce peptide possède différentes fonctions dans le système nerveux central (augmentation du renouvellement de la dopamine, relaxation musculaire, hypothermie). Il peut induire des effets périphériques tels qu’une hyperglycémie, une hypo ou hypertension ou encore accroître la libération d’histamine (Beraud-Dufour et al., 2010).

Les neurotrophines (BDNF / proBDNF et NGF / proNGF). Les neurotrophines sont des

facteurs de croissance essentiels au développement et à la survie du système nerveux. Ces neurotrophines sont synthétisées sous forme de précurseurs. Le précurseur et la forme mature ont souvent des effets opposés. Comme nous l’avons décrit précédemment, les neurotrophines sont importantes dans la dépression. Leur forme précurseur induit une apoptose cellulaire, alors que la forme mature permet de maintenir une survie cellulaire et permet la différenciation des neurones (Nykjaer and Willnow, 2012).

Le propeptide 44 (PE). Le propeptide, issu de la maturation de la sortiline, est lui-même un

ligand de la sortiline mature (Munck Petersen et al., 1999). Il se fixe à son récepteur avec une affinité d’environ 5 nM. Ce propeptide permet, tant qu'il est fixé au récepteur, d'empêcher ce dernier de se lier prématurément à d’autres ligands, avant qu’ils n’aient atteint l’appareil de Golgi.

- 62 -

ii.

Les fonctions de la sortiline

La sortiline est une protéine pléiotrope exprimée dans les systèmes nerveux central et périphérique. Dans le cadre de cette thèse, nous nous intéresserons uniquement à ses effets centraux. L’une des principales fonctions décrites de la sortiline est son action via les neurotrophines. Elle contrôle la sécrétion du précurseur du BDNF. En effet, la modification d’un acide aminé sur le précurseur du BDNF induit une altération de la liaison avec la sortiline et pourrait expliquer la diminution de sécrétion du BDNF. Cette altération de sécrétion du BDNF est associée à des dysfonctions au niveau synaptique, notamment un déficit dans le processus de mémorisation. Il est également impliqué dans les processus de dépression et d’anxiété (Martinowich et al., 2007); (Egan et al., 2003). En dehors de la dépression, la sortiline est également impliquée dans d’autres pathologies du système nerveux central comme la maladie d’Alzheimer. En effet, les souris dépourvues du gène de la sortiline montrent une augmentation du nombre de plaques amyloïdes (Carlo, 2013).

c. La spadine

La spadine est un peptide de 17 acides aminés synthétique dont la séquence est contenue dans le propeptide de 44 acides aminés. Elle a été dessinée en conservant les 7 acides- aminés responsables du site de fixation du peptide auxquels ont été ajouté, à son extrémité C-terminale, 10 acides aminés qui lui confère un stress conformationel (Mazella et al., 2010) (Figure 19). Tout comme le propeptide, elle peut se fixer à la sortiline mais également au canal TREK-1. En raison de ses propriétés de blocage de l’activité de TREK-1, nous avons postulé que la spadine pouvait être un bon candidat antidépresseur.

i.

Inhibiteur du canal TREK-1

En utilisant la technique du patch clamp sur des cellules transfectées avec le canal TREK-1, notre équipe a montré la capacité de la spadine à se lier au canal TREK-1 et à l’inhiber. La concentration de spadine nécessaire pour inhiber 50% du canal (IC50) est de 70,7 nM (Figure 20). Le courant de base est faible, donc pour avoir un meilleur rapport signal-bruit nous avons utilisé la propriété de l’acide arachidonique d’amplifier le courant.

La spadine bloque le canal TREK-1 avec une plus forte affinité que le propeptide de 44 acides aminés. L’effet de la spadine a également été enregistré sur les cellules pyramidales d’hippocampe (enregistrements sur tranches de cerveau). Ces cellules pyramidales expriment de façon endogène TREK-1 et la sortiline (Hervieu et al., 2001; Sarret et al., 2003). La spadine inhibe, là encore, le courant généré par le canal TREK-1, préalablement activé par l’acide arachidonique.

- 63 -

A B

Figure 20 : Effets de la spadine sur l'activité du canal TREK-1

A : Courants natifs ou activés par l’aa, enregistrés en absence (contrôle) ou en présence de spadine. B : Courbe d’inhibition. D’après Mazella et al. 2010.

ii.

Effet antidépresseur in vivo

Les effets antidépresseurs de la spadine in vivo ont été étudiés dans différents tests comportementaux, précédemment utilisés pour la caractérisation des souris KO pour le gène TREK-1 (le test du stress chronique, le FST, le TST et le NSF), détaillés dans le Matériel et Méthodes. Dans les tests pour le criblage des antidépresseurs l’immobilité des animaux est corrélée à un désespoir comportemental, pouvant être interprété comme un état de résignation.

A B

Figure 21 : Effet d'un traitement de 4 jours avec la spadine dans le FST et le TST Mesure de l’immobilité des souris dans deux tests comportementaux (A : le FST ; B : le TST) après 4

- 64 - Dans les tests de la nage forcée et de la suspension par la queue, l’antidépresseur classique, la fluoxétine, induit une diminution de l’immobilité des animaux (Figure 21). De même, les souris KO pour le gène TREK-1 montrent, elles aussi, une diminution de l’immobilité. Cet effet est également observé après un traitement aigu de 10 µg/kg en i.v. avec la spadine. Les effets de la spadine dans le FST ont également été observés après une injection en i.c.v (intra-cérébroventriculaire) et en i.p.

Dans le test du CMST (Conditioned Motility Suppression Test) (Heurteaux et al., 2006), une forte diminution de la mobilité est observée chez les souris ayant reçu un traitement par le véhicule, lorsqu’elles sont placées dans la cage où elles ont reçu les chocs électriques. Dans les mêmes conditions, les souris traitées avec la spadine montrent une diminution nettement moins importante. En revanche, lorsque les souris ne reçoivent aucun choc, la spadine n’a aucun effet. Ce qui montre bien que l’effet de la spadine sur la mobilité des animaux est uniquement présent lorsqu’il y a au préalable induction d’un phénotype de résignation.

Lorsque les souris sont soumises au test de la résignation apprise (validé comme un modèle permettant d’induire une résignation, et donc utilisé comme modèle dans la dépression) (Caldarone et al., 2000; Krishnan and Nestler, 2008), les souris traitées avec le sérum physiologique montrent une augmentation de latence d’échappement après quatre jours de conditionnement par des chocs électriques non évitables. La spadine permet d’inverser cette résignation en diminuant la latence de fuite des animaux.

Le dernier test, le test de suppression de nourriture (voir chapitre Matériel et Méthodes), est utilisé principalement après administration de traitements chroniques avec les antidépresseurs. En effet, ce test est fortement lié à la mise en place de la neurogenèse (Santarelli et al., 2003). Les souris sont placées dans un milieu très anxiogène (avec un fort éclairage) et le temps qu’elles mettent pour aller manger est mesuré. Un antidépresseur efficace diminue cette latence. L’antidépresseur de référence, la fluoxétine, induit une diminution de cette latence après un traitement de 21 jours (par voie orale), alors que la spadine diminue la latence après seulement 4 jours de traitement (10 µg/kg en i.v.).

En résumé, tout comme les souris KO TREK-1, le blocage pharmacologique du canal TREK- 1, par la spadine, induit un phénotype de résistance à la dépression.

- 65 -

iii.

Neurogenèse et activation de CREB

Figure 22 : Effet de la spadine sur la neurogenèse hippocampique.

Marquage immunohistochimique et quantification des cellules Brdu et DCX positives, après traitement de 4 jours avec la spadine ou la fluoxétine. D’après Mazella et al. 2010.

Après 4 jours de traitement avec la spadine, le nombre de cellules en prolifération dans le gyrus denté de l’hippocampe est doublé. La spadine favorise la neurogenèse hippocampique après 4 jours de traitement. Parmi ces cellules, 85% sont des neurones néosynthétisés puisqu’ils sont immuno-positifs à la doublecortine (DCX) (Figure 22). De plus, la spadine augmente la phosphorylation de la protéine CREB dans l’hippocampe; la forme phosphorylée de CREB étant la forme active de ce facteur de transcription. Rappelons que l’augmentation de la neurogenèse hippocampique est également observée après un traitement chronique, d’environ 3 semaines, avec différents antidépresseurs (SSRIs et TCAs) (Boldrini et al., 2009).

iv.

Transmission 5-HT

Un autre facteur important dans la caractérisation d'un antidépresseur est la transmission sérotoninergique, puisque d’après l’hypothèse la plus fréquente, hypothèse monoaminergique, la dépression résulte d’un défaut dans la neurotransmisson. La délétion du gène TREK-1 induit une augmentation de la transmission 5-HT dans les neurones du noyau du raphé dorsal (Dorsal Raphe Nucleus, DRN), puisqu’environ 60% des neurones du DRN sont des neurones sérotoninergiques. L’effet de la spadine a donc été testé sur ces mêmes neurones.

- 66 -

Figure 23 : Augmentation de la transmission 5-HT avec un traitement spadine Enregistrement du taux de décharge des neurones 5-HT du noyau du raphé dorsal avec ou sans traitement spadine. D’après Mazella et al. 2010.

Après une injection intrapéritonéale (i.p.) de spadine à 100 µg/kg, des enregistrements de potentiels d’action spontanés ont été réalisés sur les neurones 5-HT du DRN. Là encore, la spadine exerce un effet positif et permet, après une injection en périphérie d'induire une augmentation du taux de décharge des neurones 5-HT au niveau central dans le noyau du raphé dorsal. Le taux de décharge des neurones de souris injectées avec du sérum physiologique est d’environ 1,26 Hertz, alors que pour les souris traitées avec la spadine le taux de décharge est plus que doublé, 3,1 Hertz (Figure 23) (Mazella et al., 2010).

Chez la souris, la particularité de la spadine est qu’elle permet d’obtenir des effets similaires aux antidépresseurs classiques, mais après seulement 4 jours de traitement. De plus, elle est issue d’un peptide endogène et possède les deux caractéristiques importantes des antidépresseurs, elle augmente la transmission sérotoninergique et stimule la neurogenèse hippocampique. Ces caractéristiques font de la spadine un antidépresseur très prometteur. Le canal TREK-1 est, comme nous l'avons vu précédemment, un canal potassique très important et impliqué dans de nombreuses pathologies (ischémie, épilepsie, douleur). Pour être protecteur ce canal doit être activé. L'inactivation pharmacologique de ce canal par la spadine pouvait induire de nombreux effets secondaires. L'étude des effets secondaires liés à l'utilisation de la spadine fait partie intégrante de mon travail de thèse et fera l'objet d'un chapitre de résultats. Ces travaux ont été publiés dans la revue Neuropharmacology (Moha Ou Maati et al., 2012).