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Les campagnes `a la mer PELagique GAScogne (PELGAS) sont men´ees chaque ann´ee, depuis 2000, dans le golfe de Gascogne. Elles sont effectu´ees `a bord du navire oc´eanologique Thalassa (75 m). Dans le cadre du plan de collecte europ´een de donn´ees pour la gestion des pˆeches (DCF), leur objectif principal est d’estimer la biomasse des anchois (Engraulis encrasicolus) et des sardines (Sardina pilchardus), pr´esents au printemps dans le golfe de Gascogne. Dans un contexte plus g´en´eral d’approche ´ecsosyt´emique des pˆecheries, les campagnes PELGAS sont une plateforme d’observation et d’´etude de l’environnement p´elagique du golfe au printemps. Les donn´ees collect´ees concernent tous les niveaux trophiques : des pr´edateurs sup´erieurs aux caract´eristiques des masses d’eau en passant les poissons p´elagiques et le plancton. La campagne se d´eroule en deux temps : les deux premiers legs sont consacr´es `a l’estimation de l’abondance des anchois et des sardines pour r´epondre `a la demande d’´evaluation des stocks de poissons d’esp`eces commerciales. Le troisi`eme leg (environ 10 jours) est d´edi´es `a des manipulations plus exploratoires. Pendant la premi`ere partie de la campagne, l’´equipe scientifique se divise en quatre ´equipes :

- L’´equipe acoustique, observe en temps r´eel les images acoustiques collect´ees en continu le long de radiales (figure 1.18). L’observation des ´echos enregistr´es donne lieu `a des pˆeches au chalut pour identifier la composition des bancs de poissons d´etect´es par acous-tique. Les membres du laboratoire acoustique sont charg´es de la correction manuelle des donn´ees acoustiques et de l’´echotypage.

- L’´equipe pˆeche, trie, compte, p`ese et mesure les poissons par esp`ece, collect´es par les chalutages. Divers param`etres biologiques (maturation, ˆage, contenus stomacaux, para-sites,...) sont ´egalement mesur´es sur des poissons individuels.

- L’´equipe hydro-biologique traite de jour les ´echantillons d’eau collect´es tous les 3 milles nautiques par une pompe fix´ee sur la coque du navire (Continuous Underwater Fish Eggs Survey, CUFES). Les ´echantillons sont observ´es `a la loupe binoculaire pour compter les oeufs d’anchois, de sardines et d’autres poissons. De nuit, le navire effectue des stations sur l’une des deux radiales prospect´ees pendant la journ´ee (figure 1.18). A chaque point d’´echantillonnage, les membres de l’´equipe hydro-biologique mettent `a l’eau une bathy-sonde ´equip´ee de CTD, rosette de bouteilles de pr´el`evement, capteur de fluorescence et des filets `a plancton, afin de caract´eriser l’hydrologie, la production primaire et les communaut´es planctoniques.

- L’´equipe des pr´edateurs sup´erieurs est compos´e d’observateurs positionn´es sur le toit de la passerelle du navire. Ils comptent et identifient les oiseaux et les mammif`eres marins ainsi que les navires de pˆeches et les macrod´echets.

Les campagnes PELGAS sont une plateforme pour des partenariats entre laboratoires de l’Ifremer (EMH, STH, Dyneco,...) mais aussi avec l’Universit´e de La Rochelle pour l’observation des pr´edateurs sup´erieurs et pour les ´etudes sur la production primaire et les communaut´es zoo-planctoniques. Depuis 2007, l’´echantillonnage des bancs de poissons est effectu´e en partenariat avec des pˆecheurs professionnels.

En 2012 et 2013, l’´echantillonnage du troisi`eme leg s’est concentr´e sur une zone d’´etude r´eduite au large de l’embouchure de la Gironde. Au d´ebut du mois de juin, le panache de la Gironde est dans une phase de transition d’un r´egime de stratification o`u `a lieu le bloom phytoplanctonique au d´ebut du printemps vers un r´egime o`u la colonne d’eau se m´elange. Une partie de l’´echantillonnage du leg 3 a ´et´e d´edi´e `a ce travail de th`ese pour notamment identifier la composition des couches diffusantes r´esonantes, observ´ees dans la zone. Les d´etails de l’´echantillonnage seront d´ecrits plus loin dans le manuscrit.

Figure 1.18 – Plan d’´echantillonnage de la campagne PELGAS. Les radiales (rouge) de pros-pection acoustique sont ´echantillonn´ees pendant la journ´ee. Les stations hydrologiques (´etoiles) sont ´echantillonn´ees pendant la nuit.

Chapitre 2

Les paysages acoustiques du golfe de

Gascogne au printemps 2013

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of them, to recognize them as interesting.

-2.1 Introduction

La distribution spatio-temporelle du zooplancton est ´etudi´ee depuis longtemps `a l’aide de filets, et plus r´ecemment d’instruments optiques. Le zooplancton du golfe de Gascogne a fait l’objet r´ecemment de nombreuses ´etudes se concentrant sur un nombre r´eduit de stations d’´echantillonnage. (Dupuy et al., 2011; Bonnet et al., 2007; Sautour et al., 1996; d’Elbee et al., 2009). Sautour et al. (1996) et Dupuy et al. (2011) n’´etudient que quelques stations dans le pa-nache de la Gironde, et d’Elbee et al. (2009) n’en consid`erent qu’une seule dans la zone du Gouf de CapBreton. Les travaux de Albaina & Irigoien (2007), Irigoien et al. (2011) ou Ibaibarriaga et al. (2007) prennent en compte un jeu de stations bien plus important mais ´echantillonn´e pendant des campagnes diff´erentes. Dans l’´etude de Sourisseau & Carlotti (2006), des stations sont positionn´ees sur l’ensemble du golfe de Gascogne et les auteurs ´etudient les structures en tailles des particules m´esozooplanctoniques sur l’extension du golfe de Gascogne, mais perdent la r´esolution verticale en int´egrant les donn´ees sur l’ensemble de la colonne d’eau. Avec de telles approches, il est difficile de se rendre compte de la distribution spatiale des commu-naut´es planctoniques `a diff´erentes ´echelles d’observation. Les donn´ees acoustiques collect´ees lors de campagnes halieutiques, contiennent potentiellement des informations `a fine, grossi`ere ou m´eso-´echelle sur les agr´egations de plancton, mais sont 10 fois moins utilis´ees dans les ´etudes zooplanctonologiques publi´ees dans la litt´erature (source : Web of Science). L’utilisation des donn´ees acoustiques pour ´etudier et quantifier la distribution spatiale du plancton est encore peu r´epandue, bien qu’en expansion. La majorit´e des travaux traitant de la distribution spatiale, s’int´eressent surtout `a la distribution verticale des diff´erentes classes de tailles du zooplancton (Barans et al., 1997; Benoit-Bird et al., 2009; Kringel et al., 2003; Simard et al., 2003; Wiebe et al., 1996) ou `a celle des m´eduses (e.g. Baamstedt et al. (2003)).

Quelques ´etudes s’int´eressent particuli`erement `a la distribution spatiale des couches diffu-santes `a ´echelle ”grossi`ere” (coarse scale, Haury et al. (1978)) soit en 3 dimensions soit en int´egrant les donn´ees sur la verticale. Greene et al. (1998) s’int´eressent `a la distribution des couches diffusantes d´etect´ees autour du banc Georges (golfe du Maine, USA) `a la fr´equence 420 kHz. Lawson et al. (2004) s’int´eressent `a des couches diffusantes observ´ees dans une baie `a l’ouest de la p´eninsule Antarctique. Ces deux exemples sont restreints `a des zones g´eographiques de 10 `a 100 km2. Plus r´ecemment, dans le d´etroit du Mozambique, B´ehagle et al. (2014) et Lebourges-Dhaussy et al. (2014) se sont respectivement int´eress´es `a la distribution spatiale des agr´egations de myctophid´es et des classes de tailles de la communaut´e zooplanctonique. En Polyn´esie fran¸caise, Bertrand et al. (1999) ´etudient la distribution spatiale de la communaut´e micro-nectonique. Ballon et al. (2011) s’int´eressent `a la distribution spatiale de la biomasse de macro-zooplancton dans la zone cˆoti`ere p´eruvienne o`u a lieu un upwelling cˆotier de grande envergure. Enfin, Trenkel & Berger (2013) et Lezama-Ochoa et al. (2011) s’int´eressent `a la dis-tribution spatiale de certains organismes zooplanctoniques `a l’´echelle du golfe de Gascogne. Ces ´etudes ont ´et´e men´ees dans des zones s’´etendant sur plusieurs centaines de kilom`etres (m´eso-´echelle).

La classification automatique des ´echos est le ”Saint Graal” des chercheurs en acoustique (Horne, 2000). Le potentiel de classification automatique des cibles acoustiques par esp`ece a ´et´e reconnu d`es les ann´ees 1970 (Deuser et al., 1979; Giryn et al., 1979), mais sa mise en œuvre ´etait alors limit´ee par la puissance des ordinateurs. Avec l’´evolution des outils de d´etection acoustique et des outils informatiques, des m´ethodes de classification op´erationnelles se sont d´evelopp´ees, mais ne permettent cependant pas encore d’identifier toutes les esp`eces de poissons et de zooplancton en utilisant uniquement les donn´ees acoustiques.

La m´ethode de classification la plus employ´ee est l’´echotypage. Cette classification est

fectu´ee par un op´erateur qui affecte manuellement les ´echotraces (agr´egats de pixels sur les ´echogrammes) de bancs de poissons et de couches diffusantes dans des cat´egories (ou ´echotypes) pr´ealablement d´efinies. Cette classification est valid´ee par des pˆeches au chalut pour identi-fier la composition des bancs de poissons (exemple de la campagne PELGAS : Doray et al. (2014)). L’´echotypage est utilis´e en routine pour identifier les bancs de poissons, dans une op-tique d’estimation de biomasse et de gestion des stocks exploit´es. Les ´echotypes concernant les couches diffusantes sont souvent beaucoup moins bien d´efinis, car peu ou pas valid´es par des pˆeches d’identification. Le principal inconv´enient de l’´echotypage manuel est qu’il n´ecessite des op´erateurs exp´eriment´es et calibr´es, ainsi qu’un temps de traitement tr`es long.

La discrimination automatique des ´echos des bancs de poissons et des couches diffusantes a jusqu’alors surtout ´et´e r´ealis´ee avec des approches de classification supervis´ees (James et al., 2013), appliqu´ees `a des donn´ees acoustiques collect´ees `a deux fr´equences, souvent 38 et 120 kHz (Ballon et al., 2011; Murase et al., 2009; Madureira et al., 1993). Ces m´ethodes de classi-fication des ´echotraces sont dites ”supervis´ees” (James et al., 2013) car elles cherchent `a seg-menter les ´echogrammes dans des cat´egories pr´ed´efinies sur la base d’hypoth`eses ou de connais-sances a priori sur la forme des r´eponses fr´equentielles enregistr´ees par les ´echosondeurs. Les vessies natatoires des poissons adultes provoquent une r´eponse acoustique relativement uni-forme, constante et tr`es intense aux fr´equences halieutiques (cf. 1.1). La d´etection des autres r´eflecteurs pr´esente une r´eponse fr´equentielle plus contrast´ee. Lorsque l’on consid`ere l’intensit´e de la r´eponse acoustique des cibles `a deux fr´equences assez ´eloign´ees, la r´eponse des bancs de poissons est g´en´eralement plate et forte et celle des couches diffusantes pr´esente une pente non nulle et d’intensit´e globale plus faible (Ballon et al., 2011; Trenkel & Berger, 2013). La classifi-cation bi-fr´equentielle propos´ee par Ballon et al. (2011) et appliqu´ee par Lezama-Ochoa et al. (2011) dans le golfe de Gascogne, est bas´ee sur le seuillage de la diff´erence et de la somme des r´eponses acoustiques aux fr´equences 38 et 120 kHz. Elle diff´erencie trois types de r´eflecteurs (Fish, Fluid-Like, Others). Cette approche repose sur l’hypoth`ese forte qu’il n’y a qu’un seul type de r´eflecteur dans chaque unit´e d’´echantillonnage acoustique, dont la r´eponse fr´equentielle est bien d´ecrite par les mod`eles th´eoriques de r´eflecteurs et/ou par une param´etrisation empi-rique des diff´erences entre fr´equences. La gamme de r´eflecteurs discrimin´es par cette m´ethode est limit´ee par le faible nombre de fr´equences.

D’autres auteurs disposant de plus de 2 fr´equences ont utilis´e d’autres approches super-vis´ees, parfois bas´ees sur les diff´erences entre fr´equences (Gauthier & Horne, 2004; Jech & Michaels, 2007; Woillez et al., 2012; De Robertis et al., 2010; Korneliussen & Ona, 2002; Ballon et al., 2011; Trenkel & Berger, 2013). L’approche de De Robertis et al. (2010) consiste dans un premier temps, `a ´echantillonner tous les ´echos observ´es sur les ´echogrammes dans le but de trouver des agr´egations dont la composition est mono-sp´ecifique. Des propections acoustiques sont effectu´ees sur les agr´egations mono-sp´eficiques pour calculer une r´eponse fr´equentielle. Les r´eponses fr´equentielles calcul´ees sont utilis´ees comme ”mod`eles de r´eflecteurs” pour caract´eriser les agr´egations h´et´erog`enes. Cette approche n’est applicable que lorsque des agr´egations mono-sp´ecifiques d’un petit nombre d’esp`eces sont effectivement pr´esentes dans la zone d’´etude. Les m´ethodes de classification de Korneliussen & Ona (2002) et de Trenkel & Berger (2013) utilisent les formes des r´eponses fr´equentielles issues de mod`eles de r´eflecteurs (approche mod`ele-centr´ee) afin de segmenter les ´echogrammes (Korneliussen & Ona, 2002) et de produire un indicateur de diversit´e sp´ecifique, bas´e sur la diversit´e fr´equentielle (Trenkel & Berger, 2013). Ces m´ethodes sont bas´ees sur des hypoth`eses fortes concernant la communaut´e des r´eflecteurs pr´esents dans la colonne d’eau. Or, dans les ´ecosyst`emes p´elagiques `a la diversit´e sp´ecifique ´elev´ee, la r´eponse acoustique des ´echotraces est une combinaison des r´eponses acoustiques individuelles des or-ganismes qui les composent. La diversit´e de tailles, de densit´es et de natures des oror-ganismes

marins induit des r´eponses fr´equentielles dynamiques et complexes. Cette r´eponse acoustique est ´egalement bruit´ee puisqu’elle prend en compte enti`erement ou partiellement les bancs de poissons (Berger et al., 2009) et qu’elle est tr`es d´ependante de l’orientation des organismes.

Durant les campagnes PELGAS, les p´eriodes de prospection acoustique sont d´edi´ees `a la d´etection des bancs de petits poissons p´elagiques. Les ´echogrammes acquis en temps r´eel sont surveill´es en continu, par des op´erateurs `a bord. La visualisation de ces ´echogrammes montre d’une part, l’omnipr´esence de couches diffusantes le long des radiales ´echantillonn´ees et d’autre part la diversit´e de couches diffusantes en terme de r´eponses fr´equentielles.

Pour diff´erencier les ´echos dans un ´ecosyst`eme multisp´ecifique comme le golfe de Gascogne, o`u les r´eflecteurs acoustiques produisent potentiellement des r´eponses fr´equentielles complexes, il nous est apparu n´ecessaire d’utiliser une m´ethode de classification non supervis´ee (James et al., 2013), c’est-`a-dire, qui ne repose sur aucune hypoth`ese pr´ealable sur la nature ou la r´eponse fr´equentielle des cibles. L’autre crit`ere ayant guid´e le d´eveloppement de la m´ethode est qu’elle soit applicable en mer, en quasi-temps r´eel, sur un PC de bureau `a la puissance de calcul standard. Ce chapitre d´ecrit la m´ethode de classification non supervis´ee qui a ´et´e d´evelopp´ee afin de d´ecrire des ”paysages acoustiques” du golfe de Gascogne, `a partir des patrons de distribution des couches diffusantes observ´ees. Les performances de la m´ethode non supervis´ee sont ´evalu´ees `a plusieurs ´echelles, et compar´ees `a celles des m´ethodes supervis´ees, d´ej`a appliqu´ees dans la mˆeme zone, sur des r´eponses fr´equentielles th´eoriques et des donn´ees in-situ.