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VI.1 CALIBRATION DU MODELE DIGESTAERO

VI.1.2 Calibration du modèle ADM1

Le tableau VI.1 et la figure VI.2 comparent, pour le lisier digéré, les valeurs simulées par l’utilisation du modèle non-calibré et les valeurs expérimentales. Ces résultats font référence à la configuration du digesteur au cours de la phase 1, c'est-à-dire non couplé au réacteur aérobie/anoxique.

Tableau VI.1 : Comparaison des caractéristiques du lisier digéré issues du pilote et du modèle au cours de la phase 1 (paramètres par défaut)

Paramètres Valeurs simulées

NTK (kgN.m-3) 3,6 0,1 3,5

NH4+ (kgN.m-3) 2,7 0,0 2,5

DCO totale (kgO2.m-3) 38,2 3,7 33,3 DCO soluble (kgO2.m-3) 10,9 1,2 4,4

AGV (kgO2.m-3) 0,9 0,4 0,0 Ac acétique (kgO2.m-3) 0,4 0,2 0,0 Ac propionique (kgO2.m-3) 0,5 0,2 0,0 Ac butyrique (kgO2.m-3) 0,0 - 0,0 Valeurs expérimentales

D’une part les résultats du tableau V1.1 montrent une bonne corrélation entre les valeurs simulées et expérimentales concernant l’azote totale.

Les résultats du tableau VI.1 soulignent également une surestimation des cinétiques de dégradation issues du modèle, et notamment en ce qui concerne la fraction soluble incluant

les AGV. La conséquence est une sous-estimation par le modèle de la concentration en DCO soluble et en AGV du lisier.

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 Temps (j) V C H4 c u m u ( N L )

Production modèle Production pilote

Figure VI.2 : Comparaison du volume cumulé de CH4 produit pendant un cycle sur le pilote et sur le modèle par défaut au cours de la phase 1

De même la figure VI.2 indique que cela conduit à une surestimation de la production de méthane, et une mauvaise représentation de la dynamique de production. La teneur en méthane, de l’ordre de 60%, est cependant correctement prévue par le modèle.

Un décalage important existe donc entre les valeurs simulées et les résultats expérimentaux. Ceci est lié à l’utilisation de paramètres par défaut du modèle, c'est-à-dire non calibrés pour les conditions de fonctionnement du pilote DIGESTAERO. Un ajustement de ces paramètres est donc nécessaire. Cependant, au vue du nombre important de paramètres à calibrer, il est important de mettre en place une stratégie de calage se basant sur l’étude de sensibilité préalablement réalisée. Pour mémoire, les conclusions de cette étude ont permis de souligner l’importance des paramètres régissant l’acidogenèse des sucres, l’acétogenèse du propionate et la méthanogenèse acétotrophe. L’inhibition par l’ammoniac peut également se révéler un point clé de la calibration.

VI.1.2.1 Méthodologie de calibration du modèle

Bien qu’il n’existe pas dans la littérature de consensus concernant le calage du modèle ADM1, plusieurs stratégies peuvent être répertoriées (Girault, 2008).

La première stratégie repose sur un calage à partir de données pilote relevant d’un régime pseudo-permanent (Lübken et al., 2007, Boubaker & Ridha, 2008, Wichern et al., 2008). Afin de caler les couples km/KS, cette stratégie nécessite des cinétiques de production de biogaz variables, ce qui n’est pas le cas pour le pilote DIGESTAERO. De plus, avec cette méthode, seule la cinétique de méthanogenèse pourrait être calée. Les résultats de la calibration ne

pourraient alors pas être transposés dans le cas d’une variation du temps de séjour de par son incidence sur la dynamique des production de biogaz.

La deuxième stratégie repose sur la calibration de la production de méthane consécutive à un ajout ponctuel d’AGV dans le digesteur (Batstone et al., 2003, Kalfas et al., 2006). Ce type de stratégie nécessite une durée d’expérimentation importante à cause notamment d’un retour à l’état d’équilibre relativement long (3 fois le temps de séjour). De plus, pour être exploitable les résultats doivent être obtenus durant un régime continu ou batch. Bien qu’elle soit la plus intéressante pour calibrer chaque étape de la digestion anaérobie, cette stratégie est cependant difficile à mettre en œuvre dans le cas du pilote DIGESTAERO. En effet, des ajouts d’AGV ont été testés sur le pilote mais la lenteur des dynamiques de dégradation n’a pas permis d’observer des changements pertinents pour la modélisation.

Une stratégie alternative, proposée par Girault (2008) et inspirée de celle utilisée par Batstone et al. (2003) et Kalfas et al. (2006), consiste à réaliser un calage du modèle à partir de données issues de tests méthanogènes en « batch ». Les tests « batch » sont réalisés selon la méthode de mesure du potentiel méthanogène et à partir de la boue du digesteur à laquelle un ajout d’AGV ou de glucose seul est effectué. Cet ajout permet ainsi de simuler des pics de substrat dans des conditions similaires à celles du digesteur. Une fois la calibration sur les tests batch réalisés, le modèle calé est ensuit confronté aux valeurs expérimentales du pilote.

Pour ce faire, une première simulation du pilote avec les paramètres par défaut permet d’obtenir les caractéristiques de la boue. A partir de ces caractéristiques, une simulation des tests « batch » est réalisée. A la suite de l’ajustement des cinétiques sur les tests « batch », une nouvelle simulation du pilote permet d’obtenir les caractéristiques de la boue. Le processus est alors réitéré jusqu’à concordance des caractéristiques simulées et expérimentales.

VI.1.2.2 Calibration du modèle en condition batch

L’étude de sensibilité a permis de souligner l’importance des paramètres régissant l’acidogenèse des sucres, l’acétogenèse du propionate, la méthanogenèse acétotrophe et l’inhibition par l’ammoniac.

Des expérimentations préalablement décrites dans le paragraphe V.2.1 ont permis d’écarter l’hypothèse d’une inhibition par l’ammoniac dans le digesteur. La constante d’inhibition KI_NH3 est donc fixée à une valeur élevée de façon à supprimer cette inhibition dans le modèle.

Pour étudier les étapes importantes et précédemment citées, des ajouts de glucose, de butyrate, de propionate et d’acétate ont été effectués.

Ces ajouts de substrat correspondent à un pic de concentration dans le digesteur de 4 kgDCO.m-3réacteur soit 10 fois la charge journalière moyenne en AGV. Un essai témoin sans ajout est également réalisé afin de connaitre la production de biogaz liée à la boue. De façon similaire à la mesure du potentiel méthanogène, les tests ont été incubés à 38°C. La production de biogaz a été suivie quotidiennement par mesure de pression et analyse en chromatographie en phase gazeuse.

Le calage grâce aux tests « batch » est obtenu par comparaison des résultats expérimentaux à la production de méthane simulée exclusivement due à l’ajout de substrat. Les paramètres ont été ajustés de manière itérative jusqu’à concordance visuelle des courbes

de production de méthane. Les résultats obtenus après calage pour l’acétate, le propionate, le butyrate et le glucose sont présentés sur la figure VI.3.

La figure VI.3 souligne une bonne corrélation entre les valeurs simulées et expérimentales pour les substrats l’acétate, le propionate et le glucose. La cinétique du butyrate est sous-estimée mais au vu de la faible influence de l’acétogenèse du butyrate sur la production de méthane révélée par l’étude de sensibilité, il n’est pas utile d’aller beaucoup plus loin dans le calage.

Conformément aux conclusions de l’étude de sensibilité, cette corrélation donc a été réalisée par l’ajustement des paramètres liés à l’acidogenèse des sucres, l’acétogenèse du propionate et des C4 et la méthanogenèse acétoclaste. Les paramètres ajustés sont présentés dans le tableau VI.2.

0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 0 2 4 6 8 10 12 Temps (j) V C H4 c u m u ( N L )

Modélisation acétate Modélisation propionate Modélisation butyrate Modélisation glucose

Expérimentation acétate Expérimentation propionate Expérimentation butyrate Expérimentation glucose

Figure VI.3 : Comparaison des courbes de production de méthane simulées et expérimentales pour l’acétate, le propionate, le butyrate et le glucose

L’ajustement du km_su et du KS_su fait évoluer leur valeur respectivement de 70 à 11 kgDCOsu.kg-1DCObiom..j-1 et de 1 à 1,8 kgDCOsu.m-3. La cinétique globale (km/KS) résultant de ces modifications est diminuée de 10 fois. Bien qu’il n’existe pas de valeur comparative dans la littérature, cela va dans le sens de la revue critique du modèle ADM1 réalisée par Batstone

et al. (2006) qui souligne une mauvaise représentation de la régulation de la dégradation du

glucose en digesteur. Dans ce cas, la modification porte donc sur l’ajustement de la cinétique apparente de la dégradation mais ne résout pas le problème de représentativité des voies métaboliques.

L’ajustement du km_ac et du KS_ac fait évoluer leur valeur respectivement de 22 à 7 kgDCOac.kg-1DCObiom..j-1 et de 1,17 à 1,5 kgDCOac.m-3. La cinétique globale (km/KS) résultant de ces modifications est diminuée de 5 fois. A titre de comparaison, Wichern et al. (2008) pour du lisier bovin et à 38°C proposent un km de 4,2 kgDCOac.kg-1DCObiom..j-1.

L’ajustement du km_pro et du KS_pro fait évoluer leur valeur respectivement de 6,8 à 18 kgDCOpro.kg-1DCObiom..j-1 et 0,335 à 0,6 kgDCOac.m-3.

D’une manière générale, le calage a porté sur la diminution des constantes de consommation des substrats (km) et l’augmentation des constantes de demi-saturation pour le substrat (KS). Cela a pour conséquence une baisse des cinétiques de dégradation des substrats concernés et donc une baisse des vitesses de production de biogaz. Ces résultats sont en adéquation avec les observations effectuées sur les résultats par défaut du modèle.

Tableau VI.2 : Valeurs ajustées des paramètres de calage de l’ADM1 à la suite des tests batch

Valeurs par

défault Valeurs ajustées

km_su (j-1

) 70 11

Ks_su (kgDCOsu.kg-1DCObiom..j-1) 1 1,8

km_ac (j-1) 22 7

Ks_ac (kgDCOac.kg-1DCObiom..j-1) 1,17 1,5

km_pro (j-1

) 6,8 18

Ks_pro (kgDCOpro.kg-1

DCObiom..j-1) 0,335 0,6

km_c4 (j-1) 43 15

Paramètres

Il est à noter que les KS ajustés présentent des valeurs élevées, ce qui signifie que la concentration en substrat doit être très importante pour pouvoir atteindre la vitesse maximale de dégradation du substrat considéré. Cette observation, déjà mise en avant par Batstone et al. (2003), souligne la possibilité de formation de flocs bactériens dans le digesteur et de la limitation diffusionnelle des substrats à l’intérieur de ces flocs.

Enfin, ces résultats proposant une variation importante par rapport aux paramètres par défaut et ayant pour conséquence une diminution des cinétiques de biodégradation des substrats suggèrent la possibilité de la sélection d’une biomasse adaptée aux gammes de concentrations élevées en ammonium mais possédant une activité limitée. Cet effet peut également être imputé à la nature des substrats.

VI.1.2.3 Validation de la calibration sur le digesteur seul

Les tests « batch » ont permis d’obtenir un jeu de paramètres calés présenté dans le tableau V.7. Une évaluation de ces paramètres par comparaison aux données expérimentales obtenues sur pilote est donc nécessaire pour valider le calage du modèle ADM1. Cette validation est effectuée sur les paramètres de sortie expérimentaux ou simulés du digesteur. Les résultats sont présentés dans le tableau VI.3. Une comparaison des productions expérimentales et simulées de méthane dans le digesteur est également réalisée. Les résultats sont présentés dans la figure VI.4.

Ces résultats illustrent une bonne corrélation entre les résultats simulés et expérimentaux. Néanmoins, à DCO totale équivalente, la concentration simulée en DCO soluble est 2 fois inférieures à celle mesurée. Parallèlement, la simulation de la teneur en AGV et de la production de méthane est bien corrélée aux valeurs expérimentales. Les cinétiques de biodégradation sont donc globalement bien représentées. La différence sur la DCO peut alors être imputée à l’analyse de la DCO. En effet, la DCO soluble se mesure, selon la méthode présentée en partie III.2.1, sur le surnageant de centrifugation du lisier. La centrifugation ne permet donc pas de séparer l’ensemble de la DCO particulaire au sens du modèle ADM1. Il en résulte donc une surestimation analytique de la DCO soluble au profit de la DCO particulaire.

Tableau VI.3 : Comparaison des caractéristiques du lisier digéré sur le pilote et sur le modèle calé au cours de la phase 1

Paramètres Valeurs simulées

NTK (kgN.m-3) 3,6 0,1 3,5

NH4+ (kgN.m-3) 2,7 0,0 2,6

DCO totale (kgO2.m-3) 38,2 3,7 37,4

DCO soluble (kgO2.m-3) 10,9 1,2 4,1

AGV (kgO2.m-3) 0,9 0,4 0,5 Ac acétique (kgO2.m-3) 0,4 0,2 0,4 Ac propionique (kgO2.m-3) 0,5 0,2 0,1 Ac butyrique (kgO2.m-3) 0,0 - 0,0 Valeurs expérimentales

Finalement, à l’aide d’une étude de sensibilité, la méthode alternative de calibration a permis de définir un jeu de paramètres calés transposable sur le pilote de traitement. Cependant, son domaine de validité reste restreint et le calage nécessite d’être confronté à d’autres données expérimentales.

0 2 4 6 8 10 12 14 16 0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 Temps (j)