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Le cadre de référence

CHAPITRE 2 : LES THERAPIES BREVES DANS LE TROUBLE ANXIEUX

2. Le cadre de référence

Ce qui différencie principalement les thérapies brèves des thérapies psycho dynamiques, c’est le type de cadre de référence conceptuel. On peut en effet parler de changement de paradigme : ce n’est plus l’inconscient qui est l’objet de toutes les attentions du thérapeute, mais les interactions du sujet avec son environnement. Ceci dit, il convient de se rappeler que la théorie est une chose et la thérapie en est une autre.

2.1. Causalité linéaire vs circulaire

Si la causalité linéaire peut se définir en terme de cause à effet (une chute est cause d’une fracture ; un virus est cause d’une épidémie), la causalité circulaire établit qu’un évènement initial occasionne un effet qui va en retour donner un sens à l’évènement de départ (des difficultés professionnelles peuvent amener des parents à être moins disponibles à l’égard de leurs enfants qui peuvent à leur tour désinvestir la sphère scolaire et conduire leurs parents à porter de nouveau leur attention sur eux suite à une interpellation des enseignants) ; s’il n’est pas possible d’agir sur cet évènement, on peut par contre en modifier

54 le sens par le recours à un recadrage. La causalité circulaire se fonde sur la réciprocité des actions et des influences entre les différents éléments d’un système se transformant continuellement (un mari dominateur et violent – une épouse soumise et effrayée qui s’alcoolise progressivement - la réunion d’équipe hebdomadaire ne débute jamais à l’heure prévue – les participants arrivent en retard).

2.2. Théorie de l’iceberg vs théorie du bouchon

La « théorie de l’iceberg » caractérise les approches thérapeutiques causalistes et articulées autour de l’existence d’une cause inconnue directement ou inaccessible. La métaphore de l’existence d’une partie émergée de l’iceberg représente le symptôme autour duquel s’articule la plainte du patient ; cette plainte est consciente. Quant à la partie immergée, dite inconsciente et qui intéresse le thérapeute, elle contient le « vrai problème » dont le traitement des causes, grâce à un processus cathartique, permet de libérer le sujet de son symptôme. Dans cette optique, le symptôme est la manifestation d’un dysfonctionnement plus profond et inaccessible directement. La focalisation sur le symptôme et sa résolution, sans avoir découvert « le vrai problème », est pensée comme superficielle, inefficace et non avenue, elle ne pourra conduire qu’au déplacement du symptôme. Par ailleurs, la résolution rapide du symptôme est considérée comme un mécanisme de défense (la fuite dans la bonne santé), une tentative d’éviter de toucher aux zones douloureuses du psychisme (psychanalyse freudienne).

La « théorie du bouchon » (Doutrelugne, Cottencin, 2008), qui prévaut dans l’approche systémique, utilise la métaphore d’un bouchon qui flotte, et sous lequel il n’y a rien. Selon cette vision « le problème est le problème », ce qui conduit le thérapeute à viser directement la disparition du symptôme. Dans cette logique, le changement est envisagé comme durable et le déplacement du symptôme est considéré comme une exception : « Lorsque l’on enlève une pelure d’oignon, si une nouvelle apparaît, ce n’est la première qui s’est déplacée, c’est une autre, qui était dessous ». De plus le symptôme est pensé comme une solution qui donne du sens dans un contexte relationnel particulier.

2.3. Mauvaise compréhension, tentative de solution, renforcement

Le modèle en trois étapes présenté par Lucy Gill (2006) explique la genèse de la souffrance psychique. Au commencement, l’homme interprète son vécu à l’aune de ses expériences passées et de ses croyances, c’est-à-dire en fonction de sa carte du monde. Cette interprétation, basée sur sa représentation du monde (carte) et non sur la réalité (territoire), le conduit à une mauvaise compréhension de ses problèmes et de ses difficultés dans son rapport au monde, à lui et aux autres. C’est en appui sur ce biais cognitif qu’il va mettre en œuvre une tentative de solution, qui sera inefficace à résoudre son problème (car reposant sur des prémisses erronées). Devant l’inefficacité de cette tentative de solution, et au lieu d’en prendre acte, l’individu va poursuivre sa stratégie de façon répétitive et majorée ; ainsi se renforce la solution inefficace et s’amplifie le problème. C’est ce cycle répétitif et inchangé, dans sa structure profonde, qui a conduit les thérapeutes du MRI de formuler le célèbre adage : « plus ça change, plus c’est la même chose » et mettre en exergue le renforcement du système par un mécanisme d’auto-entretien.

2.4. La notion de changement

Gregory Bateson et son équipe se sont particulièrement intéressés à la question du changement, distinguant deux niveaux successifs (type 1 vs type 2) :

55 - Le changement de type 1 qui est basé sur la généralisation (élargissement du cadre d’application) et le transfert d’apprentissage (apprendre à apprendre). Ce type de changement intervient à l’intérieur du système et maintient l’homéostasie de celui- ci. L’exemple est l’accélération et la décélération lors de la conduite d’une voiture. - Le changement de type 2 consiste en une modification des prémisses afin de générer

des comportements nouveaux (apprendre à apprendre). Il s’agit, à ce niveau de changement, d’une relecture de la réalité qui induit une transformation du système. L’exemple est le changement de vitesse lors de la conduite d’une voiture. Ainsi, nous pourrions dire que le changement de type 2 se situe à un niveau conceptuel et d’apprentissage supérieur (niveau méta ; apprendre à apprendre) au changement de type 1. « Un système qui passe par tous les changements internes possibles (quel que soit leur nombre) sans effectuer de changement systémique, c’est-à-dire de changement 2, est décrit comme étant prisonnier d’un jeu sans fin. Il ne peut pas engendrer de l’intérieur les conditions de son propre changement ; il ne peut pas produire les règles qui lui permettraient de changer les règles. » (Watzlawick, Weakland, Fish, 1975).

3. L’esprit des thérapies brèves

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