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PREMIERE PARTIE

Section 3. L’état des lieux de la coopération décentralisée franco-marocaine

1.2. Le cadre juridique marocain

Tout comme le cadre juridique français, celui régissant les collectivités locales marocaines dans leurs relations de coopération avec des partenaires étrangers en général et français en particulier, a connu des évolutions successives émergeant des réalités historiques vécues. Ces évolutions ont été concomitantes avec le processus de la décentralisation car le parcours de la coopération décentralisée s’en est trouvé très lié : « La coopération décentralisée est inscrite dans le contexte historique du mouvement général de

222 « L'Agence française de développement » /AFD, disponible sur : <http://www.afd.fr/home/pays/mediterranee-et-moyen-orient/geo/maroc>

223-« La Direction générale des collectivités locales » /DGCL, disponible sur : <http://www.dgcl.interieur.gouv.fr/sections/a_votre_service/statistiques/collectivites_locale/les_ciollectivites _l/view>

224 - « Cités unies France /CUF »,< http://www.cites-unies-france.org/index.php>

225 - L'« Association française du conseil des communes et régions d'Europe » /AFCCRE, disponible sur : <http://www.afccre.org/fr>

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décentralisation » qui « constitue, pour une partie des pays en voie de développement, un effet différé de la décolonisation 227».

La coopération décentralisée franco-marocaine s’est vu assigner le rôle d’acteur se chargeant de l’appui institutionnel à la décentralisation et à la démocratisation au Maroc. Car y soutenir les processus de décentralisation et de l’amélioration de la gouvernance locale constitue l’une des orientations françaises pour l’action internationale des collectivités territoriales supervisée par la Direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats au sein du Ministère français des affaires étrangère. De même, selon les déclarations et les textes officiels, le Ministère français des Affaires Etrangères défend le rôle des autorités locales et régionales dans le développement auprès des Organisations internationales et au sein de l’Union Européenne.

Dès octobre 1996, sous l’impulsion de la Fédération mondiale des Cités Unies /FMCU, (ex-Fédération des villes jumelées) le sommet « Habitat II » à Istanbul ayant permis (en juin 1996) la création de la Coordination des associations mondiales des villes et autorités locales/CAMVAL, un « groupe- pays Maroc 228» est constitué, lors du séminaire de Marrakech par Cités Unies-France pour coordonner les programmes de coopération décentralisée qui allaient être initiés en complément avec la coopération d’Etat à Etat et celle avec les organisations non-gouvernementales. Ce fut le premier séminaire rassemblant une centaine de collectivités territoriales marocaines et françaises pour échanger leur expérience en matière de coopération décentralisée mais aussi pour faire démarrer des programmes d’accompagnement et d’appui à la décentralisation , à la démocratisation et au développement local au Maroc .

Ce fut donc la tâche dévolue aux différents programmes229 entrepris dans ce sens :

- Le « Programme Concerté Maroc »230 (PCM) en 3 phases entre 2002 et 2013,

227 - Laye Pierre, 2009, « La coopération décentralisée des collectivités territoriales », Du jumelage à la coopération décentralisée, p.19, Collection Dossier d’Experts, territorial-Editions 2009 ;

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- Le premier séminaire de la coopération décentralisée franco-marocaine a été organisé par les gouvernements des deux pays et l’Institut d’études et de recherche Europe-Méditerranée, les 29 et 30 octobre 1996 à Marrakech. Cités Unies France y a participé aux côtés de 35 collectivités locales marocaines et 25 de leurs partenaires français. Ce fut l’occasion pour Cités Unies France de décider de la création d’un « Groupe pays Maroc ». Les Journées de la coopération décentralisée Maroc-France à Fès, les 12 et 13 novembre 2001, seront à l’origine du « projet de fonds de solidarité prioritaire (FSP) qui donnera lieu à la mise en place d’un programme d’appui à la décentralisation au Maroc avec une composante PAD Maroc « laboratoire des maîtrises d’ouvrages » dédiée au soutien des projets de coopération décentralisée franco-marocaine.

229 - voir Chap. I, Section 2, 3 « Les différents programmes d’appui à la décentralisation au Maroc ».

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- Le « Programme d’accompagnement du processus de décentralisation marocain » (FSP 2003-43) signé les 4 et 5 juillet 2004,

- Le PAD Maroc (2007 à 2010) : « Projet d’accompagnement du processus de décentralisation marocain » lancé à Rabat le 25 avril 2005 avec une durée de quatre ans (Laboratoire des maîtrises d’ouvrage locales),

- Le « fonds de soutien conjoint à la coopération décentralisée franco-marocaine231 » signé le 27 avril 2011 et lancé le 22 juin 2011 : un « dispositif conjoint d’appui à la coopération décentralisée » avec une durée de 3 ans (2011-2013).Il fait suite au PAD Maroc et vient concrétiser l’engagement en faveur de la coopération décentralisée formulé lors des Assises d’Agadir en 2009,

- Un autre programme serait en perspective à propos de l’intercommunalité pour lequel un séminaire est prévu le 12 avril 2013232 Ouarzazate.

1.2.1. 1976, « an I de la décentralisation »

Le Dahir portant loi n° 1-76-583 (30 Septembre 1976) (5 chaoual 1396) relatif à l'organisation communale (B.O. 1

er

octobre 1976)233 est considéré « comme le véritable point de départ de la décentralisation au Maroc 234». Par son article 69 il abroge le dahir n° 1-59-315 du 28 hija 1379 (23 juin 1960) relatif à l'organisation communale.

Suite à la « Marche Verte » en novembre 1975 et après la promulgation de cette loi, des élections communales ont été organisées le 12 novembre 1976.Elles ont permis la mise en pratique de la Charte de 1976 qui a privilégié aussi bien l’orientation économique pour la commune que le renforcement de la démocratie locale.

Le Maroc nouvellement indépendant et héritant d’un système politico-administratif hybride (colonial et makhzénien), a stratégiquement décidé de s’engager dans un processus irrévocable de décentralisation à différents niveaux, de la commune rurale à la région.

231 - Le « fonds de soutien conjoint à la coopération décentralisée franco-marocaine » disponible sur : <http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/action-exterieure-des/appel-a-projets-et-fonds-en/fonds-conjoint-franco-marocain/>

232 - Ce texte a été rédigé le 31 mars 2013.

233 - Il sera abrogé par dahir n° 1-02-297 du 25 rejeb 1423 (3 octobre 2002) portant promulgation de la loi n° 78-00 portant charte communale, art 144 (B.O du 21 novembre 2002), à compter de la date de la proclamation officielle des résultats définitifs des premières élections préfectorales et provinciales postérieures à la publication de la loi 78-00.

234 - Benabdallah Mohamed Amine, « Propos sur la décentralisation territoriale au Maroc » in Les Collectivités locales, Mélanges en l’honneur de Jacques Moreau, contributions rassemblées par Jacques Petit,p.26 , Economia

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Cette période « expérimentale » a permis la configuration et la mise en place d’une décentralisation progressive à travers l’installation et l’organisation des Communes, des préfectures et provinces ainsi que l’élaboration des diverses modalités structurelles et organisationnelles nécessaires.

En 1992, la nouvelle Constitution235 a quelque peu renforcé le processus de la décentralisation en créant une nouvelle collectivité locale : la Région236 (qui n’était depuis 1971 qu’une « région économique » avec une « assemblée régionale consultative ».

Cependant, la tutelle, reste tout de même très présente que ce soit au niveau des communes et encore plus au niveau des assemblées préfectorales et provinciales (Article 31).

A ses débuts, le processus de la décentralisation se heurtait aussi à d’autres problèmes : manque de moyens humains, analphabétisme et inexpérience des élus, conflits politiques entre partis au sein des Conseils, absence de l’intérêt général au profit de l’intérêt personnel, manipulation et façonnement des résultats des urnes (autrement dit non-neutralité de l’Administration), multiplicité et non-application de textes législatifs237

. ▪ La Région, nouvelle collectivité locale, a vu son organisation tracée par la loi n° 47-96 relative à l’organisation de la région promulguée par le Dahir n° 1-97-84 du 23 kaada 1417 (2 avril 1997) portant promulgation de la loi (BO n° 4470 du 3 avril 1997) : « mode d’élection du conseil régional, attributions, moyens, mode de fonctionnement et relations avec les autres collectivités décentralisées ». Elle structure le Royaume en 16 Régions et spécifie attributions, budget, fiscalité, plan de développement, aménagement du territoire, formation professionnelle, mesures incitatives d’investissement privé, etc…

Avec la Région, l’architecture de la décentralisation au Maroc est constituée de trois niveaux hiérarchiques, géographiquement. Elles se complètent dans leurs fonctionnements :

- Niveau 3 : Le Conseils régionaux (au nombre de 13) ;

- Niveau 2 : Les Assemblée préfectorales ou provinciales (au nombre de 75)

- Niveau 1 : Les Conseils communaux (au nombre de 1503).

235 - Voir texte de la Constitution de 1992 disponible sur : <http://mjp.univ-perp.fr/constit/ma1992.htm>

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- la loi n° 47-96 relative à l'organisation de la région sera promulguée par le Dahir n°1-97-84 du 23 kaada 1417 (2 avril 1997) et complétée par le Dahir n°1-03-308 du 7 Kaada 1424 (31 décembre 2003)

237 - voir CHIKHAOUI S. « Dimension de la décentralisation au Maroc entre le poids du passé et les contraintes de l’avenir », International Conférence, Berlin, in Workshop II13, und 14. 09. 2000, [en ligne, consulté le 13 mars 2013] , disponible sur : <http://doc.abhatoo.net.ma/doc/IMG/pdf/decentralisation-2.pdf>

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Les élections communales du 13 juin 1997 viennent illustrer le progrès du processus de la décentralisation et une nouvelle Charte communale ouvrant des voies nouvelles pour une démocratie de proximité qui s’annonce238

.

1.2.2. Au niveau des Communes : la loi n° 78- 00 du 3octobre 2002239,

Le texte de la Charte communale portée par la loi n° 78- 00, votée au Parlement à la même date, se substitue à celui de 1976. Elle replace a priori les collectivités locales – et notamment municipales – au centre d’un vaste dispositif d’administration territoriale. Concernant donc les Communes marocaines (urbaines et rurales) le Dahir n° 1-02-297 du 25 rejeb 1423 (3 octobre 2002) portant promulgation de la loi n° 78-00 portant Charte communale (B.O. du 21 novembre 2002) stipule dans son article 42 (Coopération, association et partenariat) :

« Le conseil communal240 engage toutes actions de coopération, d' association ou de partenariat, de nature à promouvoir le développement économique, social et culturel de la commune, avec l' administration, les autres personnes morales de droit public, les acteurs économiques et sociaux privés et avec toute autre collectivité ou organisation étrangère. »241 A cet effet, il :

- examine et approuve les conventions de jumelage et de coopération décentralisée

- décide de l'adhésion et de la participation aux activités des associations des pouvoirs locaux, et de toutes formes d'échanges avec des collectivités territoriales étrangères, après accord de l'autorité de tutelle, et dans le respect des engagements internationaux du Royaume.

- Toutefois, aucune convention ne peut être passée entre une commune ou un groupement de collectivités locales avec un Etat étranger. »

Au niveau international, l'article 42 sus-cité autorise donc le conseil communal à engager des actions de coopération ou de partenariat avec des collectivités étrangères.

Par conséquent nulle convention ne peut être passée par une commune avec un Etat étranger.

238 - voir SEDJARI A. « Le renouveau municipal au Maroc et la philosophie du retour à l’unité de la ville » [en ligne, consulté le 13 mars 2013]

239 - loi n° 78-00 portant Charte communale, E-Bulletin officiel, B.O. du 21 nov.2002, p.1351, [en ligne, consulté le 12 mars 2013], disponible sur : http://www.sgg.gov.ma/LesBOs.aspx?id=142

240 - Au Maroc, le Président du Conseil communal est l’équivalent du Maire en France.

241

- voir SEDJARI A. « Le renouveau municipal au Maroc et la philosophie du retour à l’unité de la ville » [en ligne, consulté le 13 mars 2013], disponible sur : <http://www.abhatoo.net.ma/maalama-textuelle/developpement-economique-et social/developpement-social/etat-politique/decentralisation-et-deconcentration/le-renouveau-municipal-au-maroc-et-la-philosophie-du-retour-a-l-unite-de-la-ville>

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De même, les conventions de coopération, de partenariat et de jumelage sont signées par le président du conseil communal et les délibérations du conseil communal doivent porter sur les accords de coopération décentralisée et de jumelage avec des collectivités locales étrangères qui sont soumises à l'approbation préalable de l'autorité de tutelle.

« A travers ces dispositifs, il s’avère que les types de coopération se manifestent dans le cadre des conventions de jumelage, des conventions de coopération décentralisée intéressées par les affaires locales et la participation à ses activités 242».

1.2.3. Au niveau des Provinces et Préfectures

Pour les Préfectures et Provinces le Dahir n° 1-02-269 du 25 rejeb 1423 (3 octobre 2002) portant promulgation de la loi n° 79-00 relative à l'organisation des collectivités préfectorales et provinciales prévoit et organise la coopération au niveau international dans ses articles 36-59- et 66 à 71.

▪ Dans son Titre IV : Des Compétences, Chapitre premier : Les attributions du conseil préfectoral ou provincial :

- L’Article 36 stipule que le Conseil « examine et approuve les conventions de jumelage et de coopération décentralisée; décide de l'adhésion et de la participation aux activités des associations des pouvoirs locaux, et de toute forme d'échanges avec des collectivités territoriales étrangères, après accord de l'autorité de tutelle, et dans le respect des engagements internationaux du Royaume. Toutefois, aucune convention ne peut être passée entre une préfecture ou province ou un groupement de collectivités locales avec un Etat étranger ».

- L’Article 46 indique que le Conseil « conclut les conventions de coopération, de partenariat et de jumelage ».

De même dans son Titre VII « de la Coopération des Préfectures ou Provinces », l’Article 66 précise que « Les préfectures ou provinces peuvent conclure entre elles ou avec d'autres collectivités locales des conventions de coopération ou de partenariat pour la réalisation d'un projet d'intérêt commun, ne justifiant pas la création d'une personne morale de droit public ou privé.

La convention de coopération, conclue sur le vu des délibérations concordantes des conseils concernés, fixant notamment l'objet, le coût du projet, le montant ou la nature des

242 - Abdallah Saaf, S.Zniber, M.Bendir et Ghachim , « Sur la coopération décentralisée maroco-française », p.8 , Editions CERSS 2012 .

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apports, la durée et les modalités financières et comptables, est approuvée par le ministre de l'intérieur243 ».

En vertu de la loi 79.00, le conseil préfectoral ou provincial procède donc :

- à l’examen et l’approbation des conventions de jumelage et de coopération décentralisée,

- à la prise de la décision d'adhésion et de participation aux activités des associations des pouvoirs locaux et de toute forme d'échanges avec des collectivités territoriales étrangères après accord de l'autorité de tutelle, et dans le respect des engagements internationaux du Royaume sans qu’aucune convention ne puisse être passée entre une préfecture ou province et un Etat étranger.

Conformément aux délibérations du conseil préfectoral ou provincial, le Wali ou le Gouverneur244 de la préfecture ou la province peut conclure des conventions de coopération, de partenariat et de jumelage et prendre les mesures nécessaires à cet effet, après avis du président du conseil préfectoral ou provincial. Lesdites délibérations portant sur les accords de coopération décentralisée et de jumelage avec des collectivités locales étrangères ne sont exécutoires qu'après approbation de l'autorité de tutelle.

Cependant, au Titre VI (De la Tutelle), Chapitre unique : La tutelle sur les actes du conseil préfectoral ou provincial :

L’Article 59 indique que « Ne sont exécutoires qu'après avoir été approuvées par l'autorité de tutelle, les délibérations du conseil préfectoral ou provincial portant sur les objets suivants : [….] :

- convention d'association ou de partenariat ;

- accords de coopération décentralisée et de jumelage avec des collectivités locales étrangères 245 ».

1.2.4. Troisième niveau organique de la structure de la décentralisation au Maroc, la Région est organisée par la loi n°47-96 relative à l’organisation de la région promulguée par le Dahir n°1-97-84 du 23 Kaada 1417 (2 avril 1997), telle qu’elle a été complétée par le Dahir n°1-03-308 du 7 Kaada 1424 (31 décembre 2003).246

243 - loi n° 79-00 relative à l'organisation des collectivités préfectorales et provinciales [en ligne, consulté le 12 mars 2013] , disponible sur : <http://www.fec.org.ma/Textes/Loi79-00.pdf>

244 - Au Maroc, le Gouverneur est l’équivalent du Préfet en France

245

- Extrait de de la loi n° 79-00 du 3 octobre 2002) (Titre VI - De la Tutelle) relative à l'organisation des collectivités préfectorales et provinciales

246 - la loi n°47-96 relative à l’organisation de la région promulguée par le Dahir n°1-97-84 du 23 Kaada 1417 (2 avril 1997), telle qu’elle a été complétée par le Dahir n°1-03-308 du 7 Kaada 1424 (31 décembre 2003)-B.O. 4470 4 avril 1996.

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Dans ce cadre, au titre des compétences propres qui lui sont dévolues, le Conseil régional peut décider d’entreprendre toute action nécessaire au développement régional, en collaboration avec l'Etat ou toute autre personne morale de droit public, dans des conditions fixées par des conventions..

La législation et la réglementation relatives à la tutelle des régions sont applicables aux comités interrégionaux de coopération : en vertu donc de la loi n°78.00 portant charte communale et de la loi n°79.00 relative à l'organisation des collectivités préfectorales et provinciales, les régions peuvent aussi constituer avec les communes urbaines et rurales et les préfectures et provinces, des groupements de collectivités locales pour la réalisation d'une œuvre ou pour la gestion d'un service d'intérêt général du groupement.

S'agissant du droit à la coopération internationale au bénéfice des régions, cela n'est pas expressément consacré par la loi 47-96. Toutefois, en sa qualité de collectivité locale, au même titre que la commune, la préfecture et la province, dotées de la personnalité morale et de l'autonomie financière et gérée par une assemblée délibérante, rien n'interdit à la région de promouvoir et de développer des relations d'amitié et de coopération avec des partenaires étrangers et de recourir à l'éventail d'instruments juridiques prévus en la matière par le droit positif au bénéfice des communes, des préfectures et provinces.

« La loi n°47-96 ne stipule pas la possibilité pour les régions de nouer des relations et des partenariats avec les parties étrangères247

Toutefois, « la région, doit en tant qu’unité intégrée, opter pour l’intégration de ses composantes et profiter des compétences et moyens qui lui sont attribués afin de mobiliser les différentes compétences et toutes les énergies pour la réalisation d’un développement général et cohérent avec le milieu local 248»

Ainsi, dans les textes mais aussi dans l’esprit des bailleurs de fonds, la coopération décentralisée dans sa vocation à appuyer et à renforcer les collectivités locales marocaines, se trouve associée au processus de la décentralisation, à la promotion de la démocratie et aux démarches/projets de tout développement local. Les différents programmes d’appui à la décentralisation engagés dans le cadre de la coopération décentralisée maroco-française et les processus de décentralisation sont donc, au Maroc, très liés à tel point que la

247 - Abdallah Saaf, S.Zniber, M.Bendir et Ghachim , « Sur la coopération décentralisée maroco-française », p.9 , Editions CERSS 2012.

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coopération décentralisée, dans son parcours et à travers les actes juridiques qui le jalonnent, apparait comme un ensemble de processus approfondissant la décentralisation elle-même.

Néanmoins, bien que les textes juridiques attestent l’intention et la volonté du législateur marocain à légaliser l’action extérieure des collectivités locales, la réalité dans les faits et dans les pratiques reste soumise à la tutelle exercée par l’Etat marocain sur les mécanismes de la coopération décentralisée.

Mis à part les textes juridiques qui, formellement, sont assez conséquents, « la coopération décentralisée n’est pas suffisamment institutionnalisée et beaucoup de villes marocaines et de conseils régionaux ne disposent pas de services de coopération décentralisée »249 et, n’ayant pas d’ « organe250

spécifique» (une « CNCD marocaine »), pour encadrer, accompagner et montrer la voie à suivre, « le droit qui régit la coopération est encore embryonnaire 251» au Maroc. La coopération décentralisée franco-marocaine reste alors tributaire du recours à « des initiatives individuelles, incohérentes et marquées surtout par l’hésitation, l’improvisation…D’ailleurs, la plupart des collectivités locales manquent d’un plan d’action relatif à la coopération décentralisée ; la coopération décentralisée qui pâtit des contraintes et qui se trouve bloquée par une série de réglementations, ce qui sape les efforts pris en direction de l’étranger252

».

Bref, la coopération décentralisée franco-marocaine « demeure subordonnée à l’Etat, au pouvoir central 253» représenté par le Ministère marocain de l’Intérieur. Car, grosso modo, de 1976 à 1998, et en dépit de l’évolution actée dans les textes juridiques sus-mentionnés, se met en place l'essentiel d’un système de pratiques tacites fondées sur des concepts relevant du modèle marqué du sceau sécuritaire encore en action de nos jours, bien que dans circonstances inopportunes.

Ainsi, le législateur marocain « a constamment maintenu l’exercice d’une tutelle très étroite sur les élus ainsi que sur l’ensemble de leurs actes 254

», à tous les niveaux

249 - Abdallah Saaf, S.Zniber, M.Bendir et Ghachim

250

- Laabi Abdellatif, « Un autre Maroc : lettre à mes concitoyens », p.123, Editions de la Différence 2013 : « Le problème en politique , c’est que la pensée, quelque pertinente et visionnaire qu’elle soit, risque de rester lettre morte, suspendue dans le ciel des idées tant qu’elle n’a pas trouvé l’organe qui va la faire fonctionner et l’inscrire dans l’action ». Remplaçons le mot « politique » par « coopération décentralisée ».

251

- Abdallah Saaf, S.Zniber, M.Bendir et Ghachim

252 - Abdallah Saaf, S.Zniber, M.Bendir et Ghachim

253

- Abdallah Saaf, S.Zniber, M.Bendir et Ghachim

254 - voir Benabdallah Mohamed Amine, « Propos sur la décentralisation territoriale au Maroc » in Les