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Chapitre 5 : Etude de la raie Lyman α de l’hydrogène

V. 4c) Modèles à deux populations

Dans ce paragraphe, je ne m’intéresse qu’aux deux observations présentées sur la figure 5.1 (orbite 1514 et 1541). Au-dessus de l’exobase, on suppose l’existence de deux populations : une population dite « froide » correspondant à la population thermique atmosphérique qui est le prolongement de la population située au-dessous de l’exobase, une population dite « chaude » caractérisée par une température plus élevée et supposée n’exister qu’au-dessus de l’exobase. Quelle que soit l’origine de cette population chaude, elle est décrite par une distribution de Chamberlain (Annexe A) caractérisée par sa densité et sa température à l’exobase (nh, Th). La température de la population froide (Tc) est fixée à 200 K qui est une température proche de celle estimée par Leblanc et al. (2006 ; 2007) à partir de l’étude de la variation de l’intensité des bandes de CO2+, CO et N2 avec l’altitude pour des observations proches de celles étudiées ici (voir chapitre 3). La densité de la population froide est aussi fixée et l’on cherche ensuite les paramètres de la population chaude permettant de reproduire les données au mieux en déterminant le minimum de la fonction χ2. Cette étude est réalisée pour plusieurs valeurs de la densité de la population froide. Cette densité est choisie dans une

5.4 Analyse des observations SPICAM

gamme telle que l’intensité aux basses altitudes soit bien reproduite par la population « froide » seule qui doit dominer. La figure 5.11 donne un exemple d’ajustement obtenu pour chacune des observations avec un modèle à deux populations9. Le profil d’intensité obtenu en ne considérant que la population froide est représentée en pointillés. On peut voir que l’effet de la population chaude, pour l’observation à SZA ~ 30° (5.11a) est d’augmenter l’intensité aux hautes altitudes (> 800 km) par rapport à l’intensité de la seule population froide (l’effet de la diffusion est prépondérant par rapport à l’effet de l’auto-absorption), tandis qu’aux basses altitudes ( < 800 km), l’intensité obtenue avec deux populations est plus faible que l’intensité obtenue avec la seule population froide (l’auto-absorption domine par rapport à la diffusion). Pour l’observation à SZA ~ 90°, l’intensité obtenue en présence de deux populations est supérieure à l’intensité obtenue en présence de la population froide seule à toutes les altitudes.

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IG. 5.11 – Meilleurs profils obtenus avec un modèle à deux populations (trait continu) pour l’orbite 1541 à SZA ~30° (a) et pour l’orbite 1514 à SZA ~90° (b). La contribution de la population froide seule est représentée

en trait discontinu.

Ces effets permettent d’estimer les valeurs de densité de la population froide. Pour l’observation à SZA ~ 90°, des modèles avec une densité de la population froide nc = 1.6, 1.8, 2.0, 2.2 x105 cm-3 ont été calculés. Pour l’observation à SZA ~ 30°, des modèles avec une densité de la population froide nc = 0.6, 0.8, 1.0, 1.2x105 cm-3 ont été calculés. Le tableau 5.6 donne la valeur du paramètre nh reproduisant le mieux les observations (la température Th est très mal contrainte) ainsi que le rapport nh/nc obtenu pour les différents choix de nc pour chacune des observations.

9 Le calcul de transfert de rayonnement est fait en supposant une température identique de 200 K pour les deux populations (σ0 et la largeur de profil spectral dépendent en réalité de la température).

orbite nc (x105 cm-3) χ2 min nh (x104 cm-3) nh/nc 1.6 3.5 2.3 14% 1.8 1.8 1.9 11% 2.0 1.6 1.2 6% 1514 (SZA ≈ 90°) 2.2 3.4 0.8 4% 0.6 27.3 3.6 60% 0.8 3.2 3.0 38% 1.0 1.8 1.9 19% 1541 (SZA ≈ 30°) 1.2 6.4 1.3 11%

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AB. 5.6 – Valeurs de la densité de la population chaude permettant de mieux reproduire les données pour

différentes valeurs de la densité de la population froide pour les observations faites lors des orbites 1514 et 1541. La valeur minimale de la fonction χ2 est aussi indiquée.

La gamme de densité de la population froide choisie est suffisante puisque la valeur minimale de la fonction χ2 augmente à la fois au début et à la fin de cette gamme.

Pour l’observation à SZA ~90°, la meilleure valeur de densité de la population froide nc est 2.0±0.2x105 cm-3. Pour nc = 2x105 cm-3, les valeurs des paramètres nh et Th sont : 1.2±0.5x104 cm-3 et Th > 600 K

Pour l’observation à SZA ~30°, la meilleure valeur de densité de la population chaude nh est 1.0±0.2x105 cm-3. Pour nc = 1x105 cm-3, Les valeurs des paramètres nh et Th sont : 1.9±0.5x104 cm-3 et Th > 580 K.

Les valeurs de densité obtenues pour la population froide sont inférieures respectivement d’un facteur 2 et 4 par rapport à la densité prédite en période de minimum d’activité solaire (T = 200 K) de Krasnopolsky (2002), mais plus élevée que les valeurs déduites des observations Mariner 6 et 7 (3x104 cm-3). Ces valeurs sont supérieures respectivement d’un facteur 8 et 16 par rapport aux valeurs estimées par Galli et al. (2007) à partir de l’analyse des données du détecteur de particules neutres (NPD) de l’instrument ASPERA-3 à bord de Mars Express qui est sensible au rayonnement UV en plus de son objectif principal de détection des neutres énergétiques (Barabash et Lundin 2006). Les intensités mesurées par NPD sont beaucoup plus faibles que celles mesurées par SPICAM et par les missions Mariner 6 et 7 à hautes altitudes. Les profils donnés par Galli et al. (2007) indiquent une intensité de 0.5 kR à 4000 km d’altitude tandis que les intensités mesurées par SPICAM à 4000 km sont plutôt de l’ordre de 3kR (Figure 5.4b) et celles mesurées par les missions Mariner 6 et 7 de l’ordre de 2kR (Barth et al. 1971) ces auteurs expliquent cette différence par une forte variabilité spatiale et temporelle de la couronne d’hydrogène. Cette variation temporelle n’étant pas visible entre les observations faites par SPICAM et les spectromètres UV à bord des missions Mariner 6 et 7, un problème dans la calibration de NPD, dont on a vu l’importance pour l’estimation des paramètres exosphériques est très certainement à l’origine de cette différence significative et nous les rejetons comme fausses.

Le rapport de densité de la population chaude et de la population froide déduit est d’environ 20 % pour l’observation à SZA ~30° et de 6% soit trois fois plus faible pour l’observation à SZA ~90°. Il semblerait donc, que la densité de la population chaude diminue avec SZA tandis que la densité de la population froide augmente avec SZA. Les profils de densité correspondant aux valeurs des paramètres donnés ci-dessus et extrapolés jusqu’à 50 000 km sont représentés sur la figure 5.12 et comparés au profil de densité déduit des missions Mariner (Anderson et Hord 1971, 1972).

5.4 Analyse des observations SPICAM

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IG. 5.12 – profils de densité d’hydrogène déduit des observations des orbites 1541 (a) et 1514 (b) (trait continu). Les courbes en pointillés représentent les profils des populations chaude et froide. Les points représentent les valeurs de la densité pour les paramètres déduits des missions Mariner 6 et 7 (profil donné dans

la correction Anderson et Hord 1972).

Pour l’observation à SZA ~ 90°, la population chaude devient dominante vers 20 000 km (nh

~ 10 - 100 cm-3) tandis que pour l’observation à SZA ~ 30° elle devient dominante vers 4000 km (n ~ 1000 cm-3). La comparaison avec le profil de densité obtenu par les missions Mariner 6 et 7 montre qu’au-dessus de 5000 km, la densité déduite des missions Mariner est seulement 40 % plus faible que celle déduite par SPICAM pour l’observation 1541 à SZA ~30° et donc en très bon accord. La différence est plus grande au terminateur (densité Mariner deux fois plus faible que celle estimée par SPICAM/MEX). Lorsque l’on avait ajusté le profil d’intensité avec une seule population, la valeur de la température déduite pour l’observation à SZA ~ 90° était de 365±20 K en très bon accord avec la température déduite des mesures durant les missions Mariner. L’évaluation de la température à partir des mesures Lyman-α lors des survols de Mars par Mariner 6 et 7 pourrait donc avoir été fortement dépendante de l’hypothèse d’une seule population. Pour les altitudes inférieures à 5000 km, le désaccord est plus grand. Cependant il faut noter que l’analyse fait par Anderson et Hord (1971,1972) n’utilise que des données situées au-dessus de 950 km d’altitude et la valeur de densité à l’exobase (située à 250 km) est obtenue par extrapolation de leur modèle d’exosphère à une seule composante.

V.5) Interprétation des résultats