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C La précipitation des hydroaluminates de calcium

Partie 2 : Mécanisme de retard d’hydratation

V. C La précipitation des hydroaluminates de calcium

V.C

La précipitation des hydroaluminates de calcium

Pour déterminer l’action des éthers de cellulose spécifiquement sur la précipitation des hydroaluminates de calcium, l’hydratation du C3A, dépourvue de source de sulfate et dans

une solution d’hydroxyde de calcium, est examinée. L’hydratation du C3A se résume à la for-

mation d’hydroaluminates métastables qui disparaissent au profit de l’hydrogrenat C3AH6.

Il est communément reconnu que les hydroaluminates de calcium formés sont C2AH8 et

C4AH13. Néanmoins, des résultats récents indiquent qu’il faut envisager non plus l’exis-

tence d’hydrates de stœchiométries parfaitement définies, mais plutôt d’hydroaluminates de calcium dont la stœchiométrie varie continûment avec les concentrations ioniques en so- lution, dans un domaine de solution solide dont les pôles seraient C2AH8et C4AH13[Minard, 2003]. D’après ces travaux, l’hydratation du C3A dans une solution d’hydroxyde de calcium

peut alors être décomposée en trois périodes distinctes :

⊲ Période 1 : Dissolution du C3A et précipitation d’hydroaluminates de calcium avec un rapport Ca/Al > 1,5. La précipitation de C

4AH13 est envisageable car pour cet

hydrate, Ca/Al= 2. Néanmoins, il semble plus pertinent de considérer la précipitation

d’hydroaluminates de calcium de type C2AHy et C4AHz avec un rapport Ca/Al > 1,5

[Minard, 2003] (équation 11).

⊲ Période 2 : Dissolution du C3A et précipitation d’hydroaluminates de calcium avec un rapport Ca/Al = 1,5. La précipitation d’une mole de C

2AH8 et C4AH13 pour 2

moles de C3A dissout est donc possible. Néanmoins, l’hypothèse la plus vraisemblable

semble la précipitation d’une solution solide d’hydroaluminates de calcium dont les pôles sont C2AH8 et C4AH13 avec un rapport Ca/Al égal à 1,5 (équation 11).

⊲ Période 3 : Dissolution des hydroaluminates et formation de l’hydrogrenat C3AH6.

2 Ca3Al2O6 + 12 H2O → 6 Ca2+ + 4 Al(OH)−4 + 8 OH− (a) 2 Ca2+ + 2 Al(OH)− 4 + 2 OH− + (y − 5) H2O → Ca2Al2(OH)10, (y − 5)H2O (b) 4 Ca2+ + 2 Al(OH)− 4 + 6 OH− + (z − 7) H2O → Ca4Al2(OH)14, (z − 7)H2O (c)

Equation 11 :Hydratation du C3A sans sulfate et dans une solution d’hydroxyde de calcium

Chapitre V : Impact des éthers de cellulose sur l’hydratation des phases cimentaires C3A sans sulfate. Nos résultats expérimentaux sont représentés sur la figure 75. Il est éga-

lement possible de rendre compte de l’évolution de ces concentrations ioniques en solution par rapport à la solubilité des différents hydrates susceptibles de précipiter. Il suffit pour cela de reporter les concentrations synchrones en calcium et en aluminates sur le diagramme chaux-alumine-eau (figure 76). Trois périodes distinctes sont observées :

⊲ Période 1 : La solution interstitielle est immédiatement sursaturée par rapport à l’hy- droaluminate de calcium C4AH13 et à l’hydrogrenat C3AH6 (figure 76). En outre, le

système est très proche de la courbe de solubilité de l’hydrate C2AH8, sans pour autant

être clairement sursaturé par rapport à celui-ci. La chute de la concentration en ions calcium, ainsi que l’augmentation de la concentration en ions aluminates (figure 75), indiquent une dissolution du C3A et une précipitation d’hydroaluminates de calcium

avec un rapport Ca/Al > 1,5 (équation 11).

⊲ Période 2 : Un palier de la concentration en ions calcium et aluminates apparaît. L’état du système est donc stationnaire et se situe sur le diagramme chaux-alumine- eau (figure 76) au niveau de l’intersection entre les courbes de solubilité de C2AH8 et

C4AH13. Cet état stationnaire, entre la dissolution du C3A et la précipitation des

hydroaluminates métastables, s’établit de telle sorte que la stœchiométrie des pro- duits qui précipitent, en terme de rapport Ca/Al, est identique à la stœchiométrie du

C3A qui se dissout. Ainsi, les vitesses de précipitation des hydroaluminates de calcium

s’établissent afin d’obtenir un rapport Ca/Al = 1,5 (équation 11).

⊲ Période 3 : L’apparition massive de l’hydrogrenat C3AH6 est mis en évidence par diffractométrie des rayons X. Cette précipitation de C3AH6 s’accompagne d’une aug-

mentation de la concentration en hydroxyde de calcium, qui pourrait être attribuée à la dissolution de C4AH13, qui est surstœchiométrique par rapport à C3AH6. Or

la solution est sursaturée par rapport à C4AH13, qui ne peut donc pas se dissoudre

(figure 76). Cette observation conforte l’hypothèse considérant l’existence d’une solu- tion solide dont les pôles sont C2AH8et C4AH13. Pour les trois périodes d’hydratation,

Paragraphe V.C : La précipitation des hydroaluminates de calcium

Figure 75 : Hydratation du C3A sans sulfate avec L/S= 20 et [Ca(OH)2] = 20 mM

Figure 76 : Diagramme chaux-alumine-eau et chemin associé à l’hydratation du C3A sans sulfate

et dans une solution d’hydroxyde de calcium (L/S = 20 et [Ca(OH)2] = 20 mM)

L’hydratation du C3A dans une solution d’hydroxyde de calcium sans sulfate est consi-

dérablement modifiée par l’éther de cellulose, qui présente un effet inhibiteur (figure 77 A). Ce ralentissement est plus ou moins marqué suivant la molécule introduite. L’adsorption des éthers de cellulose sur les hydroaluminates de calcium (obtenue par hydratation du C3A du-

rant 30 minutes àL/S= 20 et [Ca(OH)

2] = 20 mM) sont réalisées d’après le protocole décrit

au paragraphe II.D. Il apparaît que plus l’éther de cellulose présente une adsorption im- portante sur les hydroaluminates de calcium, plus son effet inhibiteur sur l’hydratation du C3A sans sulfate est conséquente (figure 77 B).

Chapitre V : Impact des éthers de cellulose sur l’hydratation des phases cimentaires

Figure 77 : Hydratation du C3A sans gypse avec L/S = 20,P/C = 2 % et [Ca(OH)2] = 20 mM

(A) et adsorption des éthers de cellulose pour une concentration initiale de 15 mg/g (B)

Pour mieux comprendre le mode d’action des éthers de cellulose sur l’hydratation du C3A, sans sulfate et dans une solution d’hydroxyde de calcium, le cas de la molécule H1

qui induit l’effet inhibiteur le plus conséquent est examiné. L’évolution de la conductivité et de la concentration en ions calcium et aluminates est reportée sur la figure 78. Le chemin associé à l’hydratation du C3A, sans sulfate et en présence de H1, est tracé sur le diagramme

chaux-alumine-eau (figure 79). Deux périodes sont observées :

⊲ Période 1 : La solution interstitielle est immédiatement sursaturée par rapport à l’hy- droaluminate de calcium C4AH13 et à l’hydrogrenat C3AH6. Mais contrairement à

l’hydratation sans éther de cellulose, il apparaît cette fois-ci que la solution devient également sursaturée par rapport à l’hydrate C2AH8(figure 79). La chute de la concen-

tration en ions calcium est très lente comparativement à l’hydratation du C3A sans

adjuvant, alors que l’augmentation de la concentration en ions aluminates est bien plus importante (figure 78). Ce comportement témoigne du ralentissement simultané de la vitesse de dissolution du C3A et de précipitation des hydroaluminates de cal-

cium. À la fin de cette période, la quantité d’hydroaluminates précipitée est si faible que le C3A est la seule phase cristalline identifiée par DRX.

⊲ Période 2 :La solution rejoint alors la courbe de solubilité de C4AH13 (figure 79). Le chemin cinétique associé à cette seconde période semble suivre la courbe de solubilité de C4AH13. La concentration en hydroxyde de calcium reste alors constante, tandis

que les ions aluminate sont lentement consommés (figure 78). Cette observation peut être le signe d’une précipitation d’hydroaluminates de calcium.

Paragraphe V.C : La précipitation des hydroaluminates de calcium

Figure 78 : Hydratation du C3A avec H1, L/S = 20,P/C = 2 % et [Ca(OH)2] = 20 mM

Figure 79 : Diagramme chaux-alumine-eau et chemin associé à l’hydratation du C3A sans sulfate

en présence de H1 avecL/S= 20, P/C = 2 % et [Ca(OH)2] = 20 mM

Nos observations montrent indéniablement un ralentissement aussi bien de la dissolu- tion du C3A, que de la précipitation des hydroaluminates de calcium. Néanmoins, il est

probable que l’action des éthers de cellulose ne soit ciblée que sur un seul de ces deux processus. En effet, comme nous l’avons montré dans le premier chapitre de ce mémoire, les vitesses de dissolution et de précipitation sont interdépendantes dans le cas du C3S (cf.

paragraphe I.A.3.c). Par exemple, il est concevable qu’un effet inhibiteur des éthers de cellulose sur la précipitation des hydroaluminates de calcium entraîne en conséquence une baisse de la vitesse de dissolution du C3A.

Chapitre V : Impact des éthers de cellulose sur l’hydratation des phases cimentaires Au regard de la corrélation entre les résultats d’adsorption des éthers de cellulose sur les hydroaluminates de calcium et l’effet inhibiteur sur la vitesse d’hydratation (figure 77), il semble plus probable de considérer un effet inhibiteur des éthers de cellulose sur la pré- cipitation des hydroaluminates de calcium, plutôt que sur la dissolution du C3A. En outre,

d’après les conclusions du paragraphe V.B, l’impact des éthers de cellulose sur la dissolu- tion des phases anhydres semble très faible dès que la précipitation des hydroaluminates de calcium commence. Ce résultat renforce notre hypothèse selon laquelle l’action des éthers de cellulose est plutôt ciblée sur les hydroaluminates de calcium.

Le mécanisme d’inhibition de la précipitation des hydroaluminates de calcium pourrait ainsi être relié aux phénomènes d’adsorption des éthers de cellulose. Les résultats obtenus au chapitreIIImontrent que les mécanismes faisant intervenir les degrés de substitution comme des paramètres clefs doivent retenir toute notre attention. Or, le nombre et la nature des groupements greffés représentent des paramètres clefs pour l’adsorption des éthers de cel- lulose sur les phases minérales. Notre hypothèse sur l’interaction éther de cellulose-C3A est

donc plutôt cohérente avec les résultats obtenus précédemment concernant l’influence des paramètres moléculaires sur le retard de précipitation de la portlandite.

Mécanisme envisageable pour l’hydratation du C3A sans gypse :

Les éthers de cellulose ayant une forte capacité d’adsorption sur les hydroaluminates de calcium, les processus de germination-croissance de ces phases hydratées sont perturbés. Ainsi, il est nécessaire d’atteindre une sursaturation élevée par rapport aux hydroalumi- nates de calcium pour que ces hydrates précipitent. En outre, les vitesses de dissolution et de précipitation étant interdépendantes, ce blocage de la précipitation des hydroaluminates de calcium par les éthers de cellulose induit certainement une baisse de la vitesse de disso- lution du C3A comparativement à l’hydratation sans éther de cellulose.

Les éthers de cellulose ralentissent la précipitation des hydroaluminates de calcium. Le mécanisme d’inhibition de la précipitation des hydroaluminates de calcium semble lié à la propension des éthers de cellulose à s’adsorber sur ces phases hydratées.