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Cette section a pour objectif de présenter les différentes techniques de caractérisation existantes permettant d’analyser les échantillons mémoires.

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Le Tableau I.1 recense les méthodes de caractérisation capables de donner une information sur la nature de l’empilement mémoire, avec leurs avantages et leurs inconvénients respectifs.

D’après le Tableau I.1, les techniques les plus adaptées pour l’étude de la distribution des éléments chimiques au cœur de la couche active d’une OxRRAM semblent être celles basées sur le STEM, puisqu’elles permettent d’atteindre une résolution nanométrique tout en donnant accès à une information chimique de l’échantillon. Cependant, il est intéressant de regarder plus en détail ce que chacune de ces méthodes a permis d’observer sur les mémoires résistives.

Avantages Inconvénients

C-AFM

(Microscope à force atomique conducteur)

Très bien résolu spatialement Donne accès à quelques propriétés électriques

Surfacique seulement Pas de détection chimique La pointe fonctionne comme électrode, sans reproduire la structure du dispositif

Impossible de cartographier les ions d’oxygène

XRD

(Diffraction de rayons X)

Méthode avec une grande statistique

Donne accès de façon très précise à la structure cristalline de l’échantillon

Très mauvaise résolution spatiale Impossible de cartographier les ions d’oxygène

GISAXS

(Diffraction à incidence rasante aux petits angles)

Méthode avec une grande statistique

Donne accès de façon très précise à la structure cristalline de l’échantillon

Très mauvaise résolution spatiale Impossible de cartographier les ions d’oxygène

SIMS

(Spectrométrie de masse des ions secondaires)

Donne accès de façon précise en profondeur à la composition chimique du matériau

Peu résolu dans le plan horizontal

STEM EDXS

(Spectroscopie de rayons X à dispersion d’énergie)

Bonne résolution spatiale Donne accès à la composition chimique du matériau

Peu précis pour éléments légers comme l’oxygène

Préparation d’échantillon liée au TEM plutôt lourde et délicate

STEM EELS

(Spectroscopie de perte d’énergie électronique)

Très bien résolu spatialement Donne accès à la chimie du matériau

Permet de cartographier les ions d’oxygène

Peu précis pour éléments lourds Préparation d’échantillon liée au TEM plutôt lourde et délicate

XPS

(Spectrométrie photoélectronique X)

Donne accès à la composition élémentaire ainsi qu’à la chimie, fonctionne également avec les ions d’oxygène

Peu résolu spatialement

Tableau I.1 : Techniques existantes permettant de caractériser la nature et/ou la composition chimique des empilements mémoires à l’échelle microscopique et particulièrement sur les ions d’oxygène.

Chapitre I - Mémoires résistives à base d’oxyde et méthodes d’observation operando

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La Figure I.12 présente le résultat d’une mesure de conductivité à la surface supérieure d’un empilement mémoire de HfO2 par Microscope à Force Atomique Conducteur (souvent noté « C-AFM »). Pour réaliser cette expérience, Pauline Calka [37] a fait commuter une mémoire résistive n’ayant pas d’électrode supérieure, et dont l’électrode inférieure était reliée à la masse., ceci de façon à pouvoir appliquer une tension électrique à la couche active de HfO2, puis dans un second temps, à scanner la topographie de surface de l’échantillon, et analyser sa conductivité.

Figure I.12 : Mesure de conductivité de la surface supérieure d’un empilement mémoire de HfO2 par C-AFM. a) image de topographie de surface b) image de résistance de la surface [37].

Le résultat affiché en Figure I.12 permet d’en apprendre sur les mémoires résistives, puisqu’il montre qu’il est possible de créer un canal de conduction électrique au sein d’une couche active de HfO2, et qu’il est également possible de détecter ce type de canal par C-AFM. Cependant, cette technique de caractérisation ne permet pas de sonder la couche active en profondeur, ni ne permet de connaitre le comportement d’une telle mémoire lorsque celle-ci est surmontée d’une électrode supérieure.

La Figure I.13 représente le résultat d’une analyse de diffraction de rayons X sur une mémoire résistive de Pr(Sr0.1Ca0.9)2Mn2O7 [38]. Lors de cette expérience deux empilements ont été fabriqués, avec des conditions de croissance différentes, de façon à favoriser deux structures cristallines différentes. Les spectres rouge et noir de la Figure I.13 ont chacun été acquis sur ces deux échantillons ayant subi chacun un recuit différent. Cette technique pourrait donc également permettre de détecter si un changement de cristallinité global qui aurait pu être induit dans l’empilement mémoire lors d’une commutation électrique.

D’après les auteurs de l’article [38], la comparaison des deux spectres normalisés révèlent que l’échantillon nommé PSCMO-2 possède une structure orthorhombique plus marquée. Ce second échantillon est celui dont la croissance a été plus lente que

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l’échantillon PSCMO-1. Les auteurs de cette étude ont déduit une amélioration de la cristallinité sur l’échantillon PSCMO-2 d’après les piques de diffraction plus fins et plus grands du spectre noir en Figure I.13(a).

Néanmoins, la résolution de cette méthode ne permet pas de détecter un éventuel nanofilament, même si celui-ci s’avérait être cristallin.

Figure I.13 : a) Schéma du montage électrique utilisé lors de la commutation de la mémoire et spectres de diffraction moyennés sur l’ensemble de chacun des échantillons b) et c) repré-sentent des images de microscopie électronique à balayage de la surface de chacun des deux empilements mémoires de Pr(Sr0.1Ca0.9)2Mn2O7 [38].

La Figure I.14 représente le résultat d’une analyse de diffraction à incidence rasante aux petits angles (notée « GISAXS ») sur un empilement mémoire dont la couche active est constituée de SrTiO3:Fe entre des électrodes de Nb:SrTiO3 et de Ti, ayant été préalablement commuté [39].

L’étude présentée en Figure I.14 montre que la technique de caractérisation par diffusion centrale des rayons x en incidence rasante (notée GISAXS) permet de détecter des filaments conducteurs de tailles nanométriques dans une telle mémoire résistive [39]. Pour cela, un faisceau rayons X (ou de neutrons dans le cas du GISANS), éclaire de façon rasante la surface de l’échantillon. Un cliché acquis par un détecteur bidimensionnel permet d’acquérir le signal partiellement réfléchi et réfracté par la surface. L’étude des pics de corrélation et des rebonds d’intensité, situés de par et d’autre de la tige spéculaire verticale (visible au centre du cliché Figure I.14(a)) permet de déduire des informations sur la structure de l’échantillon.

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Figure I.14 : a) image de diffraction en incidence rasante (angle d’incidence 0.7°) de la struc-ture mémoire représentée en d). b) coupe verticale le long de qy=0.2nm-1 c) coupe horizontale le long de qz=0.95nm-1. La courbe rouge représente le résultat simulé en utilisant le logiciel FitGISAXS et la base de données CXRO. d) schéma des filaments conducteurs détectés par l’expérience [39].

Cependant, cette méthode ne permet pas d’observer avec précision la couche active de l’empilement mémoire en profondeur à moins comme en Figure I.14, que l’expérience soit réalisée dans un synchrotron. La caractérisation GISAXS ne d’avoir accès à la nature des éléments chimiques qui composent ces filaments conducteurs.

La Figure I.15 représente le résultat d’une analyse par spectrométrie de masse des ions secondaires (noté « SIMS ») sur une mémoire résistive dont la couche active est composée de Ta2O5 et de TaOx [40]. Cette méthode d’analyse destructrice est bien résolue en profondeur et permet d’accéder à la composition chimique de l’échantillon pulvérisé par la caractérisation des ions éjectés.

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Figure I.15 : a) schéma expérimental de l’empilement mémoire à l’horizontal b) Profil chi-mique en profondeur de l’empilement mémoire obtenu par analyse SIMS c) schéma du dispo-sitif mémoire tel qu’il est fabriqué d) image en coupe du dispodispo-sitif mémoire par Microscopie Électronique en Transmission [40].

Dans cette étude, plusieurs séries de mémoires ont été caractérisées électriquement, chacune ayant des dimensions et des compositions chimiques nominales différentes. La Figure I.15(b) présente le résultat de composition élémentaire obtenu par SIMS sur une mémoire dont le comportement électrique était parfaitement celui cherché [40]. Mais cette technique de caractérisation ne permet d’accéder à une résolution suffisamment fine dans le plan horizontal pour détecter un éventuel nanofilament conducteur ni d’effectuer une seconde mesure après commutation électrique sur ces mêmes échantillons.

Il est à noter que, dans le cas de certains empilements mémoires dont la cristallinité est bien connue et plutôt régulière, des simulations par DFT (de l’anglais « Density of Functional Theory ») sont possibles. Ces simulations peuvent donner accès à des informations très intéressantes, comme par exemple, la mobilité de chacun des éléments chimiques du matériau, ou la nature des liaisons électroniques entre les éléments [41,42]. Cela permet d’en connaitre davantage sur l’effet de la migration de certains ions sur la valence des éléments chimiques environnants, et d’en déduire la conductivité du matériau mémoire ou d’un arrangement d’ions localisé dans celui-ci. Cela peut également permettre de cibler au mieux la méthode de caractérisation à employer connaissant les ions les plus susceptibles de migrer dans l’échantillon. La

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simulation d’une commutation électrique demande cependant énormément de ressources informatiques, ce qui rend ses calculs encore inaccessibles. Il est également difficile de simuler les effets des électrodes sur le comportement électrique de la couche active [43].

Parmi les techniques d’analyses de composition chimique, l’analyse STEM-EELS se place comme une très bonne méthode, car elle donne accès à la composition chimique de l’échantillon avec une résolution nanométrique, ce qui permettrait de détecter un éventuel filament conducteur au sein de la couche active du dispositif mémoire. Cette analyse peut également apporter des informations sur les liaisons électroniques des éléments à la condition que la signature spectrale de ces liaisons chimiques soient déjà connues. Bien sûr, il faut combiner plusieurs techniques pour connaitre avec précision un dispositif mémoire. En effet, cette méthode de caractérisation par STEM-EELS étant très résolue spatialement, elle ne permet, par exemple, pas de mesurer des grands nombres de séries d’échantillons.