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Au cœur de l’arrêtisme : le recueil périodique de jurisprudence

Titre I) L’établissement de l’arrêtisme contemporain (1791- (1791-1830)

Section 1) Au cœur de l’arrêtisme : le recueil périodique de jurisprudence

Les recueils périodiques de jurisprudence constituent le média-type de l’arrêtisme contemporain. En intitulant son étude pionnière « les recueils d’arrêts et les arrêtistes », Edmond Meynial affichait très justement le lien matriciel entre les arrêtistes et leurs journaux, communément appelés « recueils »308, qui renferment leurs travaux et leurs réflexions. Dans les tables ou dans les introductions programmatiques des recueils, certains arrêtistes vont ainsi chercher à légitimer leurs audacieuses et fastidieuses entreprises de diffusion et d’analyse des arrêts, en défendant un projet juridique qui n’a rien d’évident à leur époque : celui de l’étude de la jurisprudence (§1). Sur le premier tiers du siècle, l’arrêtisme se transforme alors lentement, mais profondément. Sous l’impulsion principale de Jean-Baptiste Sirey, les arrêtistes adoptent progressivement une position critique vis-à-vis des arrêts qu’ils publient ; ce passage de l’arrêtisme « descriptif » à l’arrêtisme « critique », caractérisé par la multiplication des notes, des études et par une prise de distance vis-à-vis de la jurisprudence rapportée, illustre l’entrée en maturité de la « science des arrêts » (§2).

308 Au XIXe siècle, l’usage du terme de « recueil » perdure pour définir les ouvrages publiant des « arrêts » ou de la « jurisprudence ». Toutefois, les recueils de l’arrêtisme contemporains sont tous des journaux périodiques, à la différence de leurs aïeux d’Ancien Droit. Si le Recueil Général des lois et des Arrêts de Sirey est le seul journal de jurisprudence à revêtir officiellement le titre de recueil, le Journal du Palais, celui des Audiences ou encore la Jurisprudence Générale de Dalloz sont également présentés comme des recueils, sans doute parce qu’il est d’usage d’en relier les numéros au sein de volumineuses tomaisons annuelles.

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§1)Etudier la jurisprudence

Pour les arrêtistes contemporains, l’étude de la jurisprudence doit tenir une place de choix dans la nouvelle science du droit. Ces derniers défendent ainsi âprement la « science des arrêts », face à une doctrine et à un enseignement juridique hostiles ou indifférents à la jurisprudence (A). Jean-Baptiste Sirey, pour sa part, développera un projet et un programme d’étude plus ambitieux encore : celui de la « philosophie de la jurisprudence » (B).

A) La défense de la « science des arrêts »

Si les arrêtistes et les jurisconsultes se sont très tôt interrogés sur la valeur des jugements et sur le rôle des arrêts dans la science du droit, Jean-Baptiste Sirey est toutefois le premier des arrêtistes contemporains à avoir explicitement considéré la jurisprudence comme un objet de droit, et surtout à en avoir fait un élément majeur de la nouvelle science juridique.

Publiée en 1811, la Table décennale du Recueil Général des Lois et des Arrêts délivre ainsi une synthèse de l’activité jurisprudentielle depuis la fondation du périodique, mais ce premier bilan est également l’occasion pour Sirey de rédiger un véritable « manifeste » pour l’étude de la jurisprudence309. Parce qu’elle rejette l’étude jurisprudentielle, la faculté de droit forme de mauvais juristes bien mal préparés à l’exercice de leurs futures carrières : « Il est bien vrai que la science des

arrêts a des détracteurs. - Ainsi, quelques jeunes légistes, au sortir de l’école où ils ont appris qu’il

faut juger par les lois et non par les exemples, par la raison et non par l’autorité, concluent de là qu’il leur est inutile de cultiver la science des arrêts : mais en cela, ils font abus d’un principe vrai et d’une habitude louable. Leurs professeurs ont bien dû leur remplir la tête de notions élémentaires, plutôt que d’espèces jugées : mais l’éducation du monde n’est pas celle des collèges : quand on entre au barreau, il ne faut plus se cultiver comme sur les bancs ; il ne suffit plus de savoir par cœur des cahiers ; il faut devenir familier avec les bons auteurs et avec les dossiers ; il faut surtout suivre les

audiences, et par suite, connaître les arrêts. Celui-là ne serait pas écouté, et aurait l’air très malhabile,

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Jean-Baptiste SIREY, « Introduction », Table alphabétique et raisonnée du Recueil général des lois et des arrêts en matière civile, criminelle et commerciale, ou notices décennales de législation et de jurisprudence depuis l’avènement de Napoléon (1800-1810), Hacquart – imprimeur du Corps Législatif, Paris, 1811.

qui viendrait faire de grands raisonnements sur un point déjà fixé par une longue série de décisions judiciaires »310.

Ces lacunes de la formation juridique trouvent leurs origines dans une pensée dominante qui écarte - par dogmatisme ou par réel désintérêt - la jurisprudence du champ de la science du droit. Pour Sirey, les premiers responsables de cette situation sont donc les « légistes », c’est-à-dire la doctrine. Le terme de légiste311, éminemment plus réducteur et péjoratif que celui de jurisconsulte, n’est évidemment pas choisi au hasard. Enfermés dans le culte des textes, étroitement encadrés par le pouvoir qui contrôle le contenu des cours, qui rejette toutes les branches complémentaires de la science juridique et qui censure toute audace doctrinale dans les ouvrages, les représentants « officiels » de la science – professeurs et commentateurs - s’éloignent de la figure du jurisconsultus

perfectus pour se faire les serviteurs d’un légalisme scientifiquement stérile. Ponctué de brocards

anciens, hostiles aux recueils et dictionnaires de jurisprudence, le discours de la doctrine réfuterait ainsi toute autorité à la jurisprudence : « Il est aussi » continue Sirey, « […] des légistes des plus recommandables à qui l’on entend dire, parfois, que ‘‘les recueils d’arrêts sont des magasins d’erreurs comme de vérités’’ ; que ‘‘les arrêts ne sont bons que pour ceux qui les obtiennent’’ ; que ‘‘la science des arrêts se réduit à un souvenir des espèces’’ ; et qu’en résultat, ‘‘c’est un éteignoir des lumières du

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Jean-Baptiste Sirey, « Introduction », Table alphabétique…, op. cit., p. VI. Dans son discours du 1er décembre 1829 prononcé à l’ouverture des conférences de la bibliothèque des avocats, le bâtonnier Dupin aîné tient un discours similaire sur l’insuffisance de la formation juridique dispensée par les facultés pour devenir un jurisconsulte de « pratique » : « Ce serait une erreur de croire que l’on sort des écoles de droit avec toutes les connaissances nécessaires à l’avocat. Sans doute, on y apprend tous les éléments de la science et trop d’éloges ne sauraient être accordés aux savants professeurs qui en déduisent les préceptes dans leurs leçons et qui les fixent dans leurs doctes écrits. Honneur surtout à ceux qui, s’affranchissant d’une marche trop routinière, savent quitter les gloses pour s’arracher aux textes, remonter aux sources, interroger l’histoire, user de critique, et emprunter à l’esprit du siècle une activité inconnue à leurs devanciers. Mais en rendant un juste hommage aux profondeurs de la théorie, on ne niera pas qu’il reste à l’homme des écoles à se rendre capable d’appliquer ses abstractions aux affaires de la société. S’il veut être avocat, juge, arbitre, homme utile à ses concitoyens ; s’il veut consulter, plaider, diriger une procédure, faire valoir un droit ; de nouveaux exercices lui sont nécessaires pour donner à ses premières études tout le développement pratique que comporte la profession d’avocat », Lettes sur la profession d’avocat, op. cit., pp. 2 et suiv.

311 Sur cette notion, v° notamment Jacques KRYNEN, « L’encombrante figure du légiste », Le Débat, n° 74, mars-avril 1993, pp. 45-53 ; Pierre LEGENDRE, Annie COLLOVALD et Bastien FRANÇOIS, « Qui dit légiste, dit loi et pouvoir. Entretien avec Pierre Legendre », Politix, vol. 8, n°32, 4ème trimestre 1995, pp. 23-44. Dupin pour sa part complète l’argumentaire de Sirey, en distinguant bien le légiste du jurisconsulte : « Il y a aussi deux classes de légistes : les uns n’aspirent qu’à se rendre capables de la direction ou de la défense des intérêts privés ; d’autres veulent réaliser, dans toute son étendue, l’idée qu’on se fait du véritable jurisconsulte. Pour ceux-ci, de nouvelles études, des études plus relevées et plus complètes sont indispensables. » S’adressant aux jeunes diplômés, Dupin leur prescrit un programme d’études bien plus vaste que celui dispensé par les facultés de droit : « Si tel est le but que vous voulez atteindre, ne vous contentez pas d’être licenciés en droit : étudiez la philosophie, l’histoire et la haute littérature ; vous le pouvez facilement aujourd’hui que ces cours sont professés, près de vous, par des hommes aussi honorables par l’élévation de leur caractère, que distingués par l’éminence de leur talent. », André-Marie-Jean-Jacques DUPIN, Profession d’avocat, recueil de pièces concernant l’exercice de cette profession, Paris, Alex Gobelet – B. Warée aîné, 1832, p. 5.

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jurisconsulte’’ »312. Cependant, depuis que les arrêts sont motivés, fidèlement publiés et censurés par une Cour suprême, cette méfiance excessive vis-à-vis de la jurisprudence n’est plus pertinente. Sirey rappelle d’ailleurs que si les « docteurs » aiment tant à réfuter l’autorité des arrêts, ils ne s’appuient pas moins sur les jugements pour renforcer le poids de leurs opinions ou pour en démontrer la validité313. Pour Sirey, il y a désormais sous l’empire du Code deux « espèces » de juristes : les « docteurs » de la théorie qui ne se soucient guère – ou trop peu – de la jurisprudence ; et les jurisconsultes de la pratique, qui montrent la voie de l’étude des arrêts.

Pour défendre cette « science des arrêts », Sirey déploie alors plusieurs séries d’arguments. Au niveau politique et social tout d’abord, l’arrêtiste emploie une rhétorique typiquement Révolutionnaire favorable à la publicité des jugements et à la connaissance du droit par tous les citoyens. En effet, le jurisconsulte estime que la diffusion et l’étude de la jurisprudence contribuent à la moralisation de la société et à la démocratisation du droit : « de sa nature, la science des arrêts tend à populariser le droit, peut-être même, sous ce rapport, à perfectionner la civilisation ; que, dans les tribunaux, elle maintient l’unité de la jurisprudence, et ajoute à l’efficacité de la loi tout l’empire de l’opinion ; que, par elle, la masse des citoyens doit, ou peut, devenir plus éclairée, plus morale, et conséquemment plus heureuse. »314 Toutefois, Sirey défend surtout l’étude de la jurisprudence pour des raisons d’ordre scientifique. En effet, si elle ne prend pas en compte les apports du Palais, la science du droit est non seulement lacunaire, mais aussi potentiellement erronée : « L’étude des arrêts est indispensable pour se préserver d’un excès de confiance dans ses propres idées ; pour vérifier les doctrines même les plus imposantes ; et surtout pour ne pas se laisser aller au charme des abstractions, des théories, des systèmes, qui ne sont le plus souvent que des paradoxes ou des rêves »315.

Pour pallier les lacunes de l’exégèse, l’arrêtiste sarladais propose donc un autre modèle, une autre « science » que doivent ériger les jurisconsultes contemporains : « Il n’est pas impossible d’étudier, à la fois, et d’apprécier les arrêts (depuis qu’ils sont motivés) ; de saisir, dans chaque espèce jugée, le mot qui la décide ; de rapprocher toutes les décisions analogues ; de remonter au principe primordial qui leur sert de lien, ou qui en est la source ; et de finir par se faire, à soi-même, la généalogie exacte de toutes les règles judiciaires : ce qui serait, à notre avis, la perfection de la science du

312

Jean-Baptiste SIREY, op. cit., p. VII.

313 « Heureusement, les mêmes docteurs, quand ils discutent, ne manquent pas de s’étayer du plus grand nombre d’arrêts possibles ; et s’ils combattent un adversaire qui se contente de leur opposer des principes ou des raisonnements, ils se hâtent de l’accabler du poids de cette autorité, qu’ils feignent ensuite de dédaigner. », Table alphabétique et raisonnée..., op. cit., p. VII.

314 Id.

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jurisconsulte »316. Cette « science du jurisconsulte » dont Sirey expose la méthode est celle que doivent ériger les arrêtistes. Il s’agit d’un idéal de l’arrêtisme, mais il est intéressant de constater que le Sirey considère cette « science » comme supérieure à celle des exégètes de l’Ecole. En effet, s’il postule l’importance de l’étude jurisprudentielle, ce n’est pas simplement pour défendre le labeur utile des arrêtistes, mais c’est surtout parce que la jurisprudence doit désormais tenir une place de choix au sein de la science juridique.

Certes, la méthode prônée par Sirey n’est pas tellement éloignée de celle mise en œuvre par les commentateurs de la doctrine qui explorent les lois du code : en effet, il s’agit toujours d’analyser un texte - celui de l’arrêt en l’occurrence, afin de déterminer le « mot » qui le « décide », de rechercher le « principe primordial » commun à un ensemble de jugements similaires ou encore d’établir la « généalogie » des règles en présence ; autant de démarches communes avec l’exégèse des textes législatifs. Il faut dire qu’en 1811, le texte de l’arrêt de cassation est encore largement conçu comme un horizon presque indépassable, puisqu’il n’est autre que le « commentaire officiel » de la loi. En appelant à considérer la jurisprudence d’un point de vue « scientifique », et en faisant de cette dernière le principal objet d’étude de la science du droit, Sirey tient toutefois ici un discours d’avant-garde en rupture avec la pensée juridique de l’époque. L’arrêtiste est d’ailleurs bien conscient de la rupture intellectuelle qu’il opère avec la doctrine dominante, et semble presque s’excuser d’ouvrir la voie d’une « autre » doctrine, celle de la jurisprudence : « Mais en combattant les détracteurs de la

science des arrêts, gardons-nous de tomber nous-mêmes dans une exagération contraire. N’exigeons

pas que chacun aperçoive, comme nous, un rapport plus ou moins intime entre le positif de la jurisprudence et la félicité publique ; entre des analyses d’arrêts et la métaphysique du droit, ou la législation générale des matières judiciaires. Bornons-nous à réclamer indulgence en faveur de l’arrêtiste qui serait épris d’un excessif amour pour la science des arrêts »317.

S’il est en rupture avec les « légistes », Sirey l’est aussi - mais d’une autre manière - avec un grand jurisconsulte et praticien du temps qui se soucie également de jurisprudence, l’avocat André Dupin (dit Dupin Aîné)318. Proche des arrêtistes Bavoux et Loiseau, lui-même un temps arrêtiste au Journal

du Palais, Dupin rédige en 1814 une longue introduction au Dictionnaire des arrêts modernes de

Loiseau et Laporte, intitulée « De la jurisprudence des arrêts »319. Cet exposé qui commence par 316 Id. 317 Id. 318

Sur Dupin aîné, v° notamment les références bibliographiques données supra, pp. 13-14.

319 Le jurisconsulte rééditera ce texte en 1822 sous le titre De la jurisprudence des arrêts, à l’usage de ceux qui les font, et de ceux qui les citent, op. cit.

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définir les arrêts et la jurisprudence, se poursuit par une étude portant sur leur autorité320, et par une véritable histoire littéraire et doctrinale de l’arrêtisme. Les chapitres suivants sont consacrés aux recueils d’arrêts modernes ainsi qu’aux règles à observer pour la retranscription et pour l’interprétation des arrêts. Remarquable synthèse historique et théorique sur la jurisprudence et sa littérature, la préface de Dupin est toutefois le travail d’un « autre temps ». En effet, comme souvent chez Dupin, l’érudition du propos est par trop encombrée de références à la pensée juridique de l’ancien droit ; l’avocat étudie ainsi la littérature des arrêts à l’aune d’une grille de lecture en partie surannée, ou du moins décalée avec les réalités de l’arrêtisme contemporain. Certes, dans un paragraphe VI consacré aux « avantages de la Jurisprudence actuelle sur l’ancienne », Dupin rappelle que la motivation des arrêts, l’unification du droit et l’institution de la Cour de cassation ont rendu la jurisprudence plus sûre qu’autrefois321. Il refuse toutefois de faire de la jurisprudence un objet de science, et se montre même d’une grande défiance envers les arrêtistes dont il diminue considérablement le ministère. Au milieu de considérations classiques sur la manière de rapporter et d’apprécier les jugements pointent en effet des remarques hostiles au développement d’une « doctrine arrêtiste ». L’avocat insinue en effet que les recueils d’arrêts sont devenus inutiles depuis la création du Bulletin Officiel des arrêts de la Cour de cassation, juridiction dont les décisions sont les plus dignes de confiance : « La Jurisprudence de la Cour de cassation est facile à recueillir ; elle est consignée dans un Bulletin Officiel où se trouvent tout à la fois et une courte notice du fait, et le texte même de l’Arrêt. Chaque article de ce Bulletin est rédigé par le Conseiller qui a rapporté l’affaire ; ainsi nulle compilation ne peut obtenir plus de confiance, et ne la mérite mieux en effet »322. Reprenant à son compte les Aphorismes de Bacon, Dupin propose notamment de soumettre les arrêtistes, qu’il appelle explicitement les « compilateurs des arrêts », au contrôle indirect du pouvoir :

320 Dupin retranscrit notamment la célèbre controverse sur le sujet agitée en 1763 au barreau de Metz : « On peut dire […] qu’il n’y a peut-être jamais eu de question plus controversée que celle de savoir quel cas on doit faire des Compilations d’Arrêts, et quelle autorité on doit accorder aux décisions qu’elles renferment. – Cette question fut solennellement agitée le 12 juin 1763, dans une Conférence de l’Ordre des Avocats du Parlement de Metz.- Un de ces Avocats soutint d’abord qu’il n’y avait pas d’autorité plus forte que celle des Arrêtistes, et qu’un point de Droit jugé par un Arrêt ne devait plus être remis en question. – Un second Avocat chercha, au contraire, à établir que les Arrêtistes sont des guides peu sûrs, et que le Jurisconsulte doit se déterminer par les principes et par les lois, beaucoup plus que par les préjugés et les exemples. – Enfin, un troisième Avocat, après avoir balancé les raisons des deux antagonistes, ouvrit un avis de conciliation, qui fut adopté à l’unanimité des suffrages. Cette controverse […] est assez curieuse pour que le lecteur nous sache gré de la rappeler ici », Dictionnaire des arrêts…, op. cit., p. V.

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« L’uniformité de Jurisprudence est garantie d’ailleurs par l’institution de cette Cour régulatrice qui, prenant pour devise la Loi, ramène à ce point, comme à un centre unique, tous les Arrêts qui tenteraient de s’en écarter. Il en résulte que la Jurisprudence n’est point, comme autrefois vacillante, incertaine, contradictoire, diversifiée suivant le caprice des Cours et la différence des climats ; ou du moins que s’il existe une variété d’opinions sur quelques points entre les Arrêts de plusieurs Cours, cette divergence est de nature à cesser bientôt par un recours qui amène une décision de la Cour suprême », Dictionnaire…, op. cit., pp. XVI-XVII.

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« Les compilateurs des Arrêts devraient être choisis parmi les Avocats les plus savants, et le Gouvernement fournirait aux honoraires de leurs travaux : Honorarium liberale ex publico excipiunto. On ne devrait, en aucun cas, confier ces soins importants aux Juges, de crainte qu’un trop grand attachement à leurs opinions ne les fît marcher hors des sentiers de la vérité et de la justice ». En préconisant la seule présentation chronologique des arrêts dans les recueils, Dupin interdit également tout travail élevé de synthèse, tout effort de science de la part de l’arrêtiste, dont le rôle doit se limiter à la soigneuse compilation des jugements par strates historiques323.

Mémoire du Palais, l’arrêtiste doit donc s’abstenir de contaminer la jurisprudence par ses opinions et ses interprétations personnelles. Depuis qu’elle est motivée, la jurisprudence se construit en effet exclusivement au Palais et n’a plus à être déformée par les arrêtistes : « En un mot, un arrêtiste moderne trouve dans l’Arrêt même dont il rend compte, tous les éléments nécessaires pour faire un