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TABLEAU INDICATIF DES SIGNATURES (NOTES ET DISSERTATIONS) PUBLIEES AU RECEUIL SIREY (1809-1833)

Section 2) Les œuvres de synthèse jurisprudentielle

Si les recueils périodiques de jurisprudence constituent le média de référence de l’arrêtisme contemporain, les œuvres de synthèse jurisprudentielle sont également des travaux classiques, voire traditionnels de la littérature arrêtiste. En effet, la plupart des recueils de l’Ancien droit n’étaient autre que des synthèses de la jurisprudence d’un Parlement, souvent organisées par ordre de matières, et parfois complétées par un appareil définitoire ou par d’autres sources du droit. Synthèses jurisprudentielles ou véritables synthèses « de jurisprudence »470, ces recueils proposaient dans une perspective plus ou moins encyclopédique une vue élevée et distanciée sur l’œuvre quotidienne du Palais, voire sur le droit en général. Alors que les réformes de la Révolution et de

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l’Empire rendent enfin possibles la diffusion et l’étude « au jour le jour » de la jurisprudence, les arrêtistes n’en continuent pas moins à rédiger - en plus de leurs études périodiques - des travaux de synthèse destinés à dresser un premier bilan de la nouvelle jurisprudence sous le droit codifié. Outre les premiers dictionnaires de jurisprudence de la Cour de cassation471 et les tables annuelles, décennales ou vicennales des recueils périodiques, certains travaux de synthèse se distinguent par leur originalité et par leurs qualités doctrinales : il s’agit des synthèses novatrices de Jean-Baptiste Sirey (§1), ainsi que du répertoire scientifique de Désiré Dalloz (§2).

§1) Jean-Baptiste Sirey, ou l’esprit d’innovation

Tout au long de sa carrière d’arrêtiste, Jean-Baptiste Sirey a rédigé plusieurs « synthèses » relatives à la jurisprudence ou à la législation. Nous ne parlerons pas ici des Tables décennales et vicennales de son recueil, sèches compilations d’arrêts organisés par matières qui ne présentent qu’un intérêt strictement utilitaire en dehors de leurs belles préfaces. Nous ne traiterons pas non plus des Lois

civiles intermédiaires, ouvrage rédigé en collaboration avec l’avocat Pierre Sanfourche-Laporte

(1774-1856)472. Ce travail louable de compilation qui clarifie l’état d’un droit civil obscurci par une multitude de réformes et de lois contradictoires est en effet plus « informatif » que « doctrinal ». Si cet ouvrage est souvent cité avec le Bulletin des lois comme l’une des rares références sur la période473, Joseph-Marie Quérard considère pour sa part dans la Revue bibliographique que le recueil de Sirey et Sanfourche est incomplet, et qu’il n’est pas d’une « grande utilité »474.

Dans le domaine de la synthèse jurisprudentielle, les Codes annotés de Sirey méritent en revanche une attention toute particulière (A). L’arrêtiste sarladais est également l’auteur de la première étude générale portant sur la jurisprudence administrative et sur sa juridiction : le Conseil d’Etat (B).

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V° supra, p. 62.

472 Jean-Baptiste SIREY, Pierre SANFOURCHE-LAPORTE, Lois civiles (intermédiaires), ou Collection des lois rendues sur l’état des personnes et la transmission des biens, depuis le 14 août 1789, jusqu’au 30 ventôse an 12 (mars 1804), époque du code civil, 4 vol, Paris, 1806.

473 V° notamment Franz von LASSAULX, Introduction à l’étude du Code Napoléon, Chez Antoine Bavoux, jeune, Libraire-Editeur de la jurisprudence du Code Napoléon, rue de l’Hirondelle, n°18, Paris, 1812, p. 219 ; Charles AUBRY et Charles-Frédéric RAU, Cours de droit civil français d’après l’ouvrage allemand de C.-S. Zachariae, 3ème éd., t.1, Cosse, imprimeur-éditeur, libraire de la Cour de cassation, Paris, 1856, p. 139.

474 Joseph-Marie QUERARD, Revue bibliographique, Journal de Bibliologie, d’Histoire Littéraire, d’Imprimerie et de Librairie, t.1, au Bureau de la Revue Bibliographique, Paris, 1839, p. 273.

A) Les Codes annotés, réinvention de la lexicographie juridique

En matière de synthèse jurisprudentielle, Sirey innove principalement avec ses Codes « commentés » ou « annotés ». A mi-chemin entre le répertoire portatif, le manuel de droit et la table de jurisprudence, le Code annoté est un ouvrage à la fois utilitaire, pédagogique et doctrinal. Maintes fois réédité, mis-à-jour, perfectionné mais aussi copié par une multitude d’auteurs, le premier Code

Napoléon annoté publié en 1813 forme un genre nouveau au sein de la lexicographie juridique475. En effet, depuis l’antique Verborum quae ad jus pertinent significatione du jurisconsulte Caecus Aelius Gallus, la lexicographie juridique a pu emprunter des formes très variées, mais toujours calquées sur les canons de la lexicographie littéraire. Depuis le Moyen-Âge, la littérature juridique a ainsi connu une multitude de dictionnaires, de lexiques, de glossaires, de répertoires et même d’encyclopédies476. Suivant un ordre alphabétique ou thématique des objets juridiques, ces travaux dont les articles oscillent souvent entre synthèses savantes, rubriques techniques et « forme brève » ont contribué, à partir de l’Epoque Moderne, à l’immense effort d’unification et de rationalisation du droit français. Les plus importants d’entre eux sont des recueils alphabétiques de jurisprudence. Dès le XVIIe siècle, ces derniers dépassent la simple synthèse des arrêts d’une Cour ou d’un ressort coutumier, pour devenir de véritables « dictionnaires de droit français » à la fois définitoires et didactiques, pratiques et doctrinaux. Leur objet est ainsi de répondre avec clarté et efficacité aux problèmes les plus immédiats de toutes les catégories de jurisconsultes, de l’étudiant au savant le plus confirmé.

Après la promulgation des Codes napoléoniens toutefois, la question de l’accessibilité du droit, de sa rationalisation et de sa systématisation n’est plus aussi décisive qu’autrefois, ou en tout cas, ne se pose plus de la même façon : le droit est désormais unifié, aisément accessible, organisé en articles clairs et concis. Gloire de l’Empire, le Code Napoléon est destiné à figurer dans la bibliothèque de chaque citoyen et « bons pères de famille » ; censé contenir l’ensemble du droit civil des français, il

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Jean-Baptiste SIREY, Le Code Napoléon annoté: des dispositions et décisions ultérieures de la législation et de la jurisprudence, avec renvoi, pour l’indication des matières, aux quatre principaux Recueils de jurisprudence, qui ont été publiés, depuis 13 ans, dans la Capitale, Lacroix, Paris, 1813. Sirey fera d’ailleurs la publicité de son ouvrage dans le Recueil Général des Lois et des Arrêts de 1814 (S.14.2.37). Sur des aspects historiques de la lexicographie juridique, v° les références données supra, p. 22.

476 Citons parmi les plus célèbres et les plus aboutis l’Enchiridion de Jean Imbert (Lyon, 1558) ; le Recueil de jurisprudence civile du pays de droit écrit et coutumier, par ordre alphabétique de Rousseau de Lacombe (Paris, 1746); le Dictionnaire de jurisprudence et des arrêts de Prost de Royer (Lyon, 1781-1788) ; la Collection des décisions nouvelles et de notions relatives à la jurisprudence actuelle de Jean-Baptiste Denisart (Paris, 1754-1756) ; le Dictionnaire de droit et de pratique de Claude-Joseph de Ferrière (continué par Antoine-Gaspard Boucher d’Argis en 1771) ; le Répertoire universel et raisonné de jurisprudence de Joseph-Nicolas Guyot, op. cit.

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rend en théorie inutiles les fastidieuses recherches dans les traités, les recueils et les dictionnaires antérieurs. Cependant, en à peine une décennie, un corps riche et complexe de jurisprudence et de doctrine se constitue en complément du droit codifié. C’est donc à nouveau la jurisprudence, révélatrice des besoins du commerce juridique, qui va stimuler la création des premiers ouvrages lexicographiques du XIXe siècle. Nous avons mentionné au chapitre précédent les dictionnaires d’arrêts de Jean de Montainville et de Jean-Simon Loiseau, auxquels il faudrait joindre les ouvrages lexicographiques assurant une transition générale entre le droit antérieur et le droit napoléonien comme le Répertoire et les Questions de droit de Merlin477, le Nouveau Ferrière de Charles Dagar ou encore la Clef des lois romaines de Fieffé-Lacroix478.

Publié en 1813, le Code Napoléon annoté de Sirey apparaît comme une véritable innovation au sein de ces dictionnaires juridiques. Adolphe Chauveau rappelle le succès que reçut en son temps cette première édition : « Notre premier arrêtiste, celui dont l’esprit philosophique et subtil a si puissamment contribué à faire ressortir les résultats des arrêts qu’il a le premier recueillis et publiés, le savant J.-B. Sirey conçut aussi le premier la pensée de rapprocher les questions jugées des articles de loi : il créa les Cinq codes annotés. Son livre, dont je me rappelle avoir acheté la première édition, fut bientôt dans toutes les mains : il popularisa la jurisprudence »479. Contrairement aux dictionnaires et répertoires classiques, le Code annoté de Sirey adopte en effet l’ordre originel du Code Napoléon en enrichissant ses articles de de commentaires plus ou moins succincts, de renvois à la jurisprudence et à la doctrine. A la rationalité « alphabétique » héritée des grammairiens, l’arrêtiste y substitue la rationalité « juridique » du Code. Le tour de force de Sirey est de s’être directement approprié l’œuvre du législateur dans sa forme officielle pour y ajouter à même le texte des articles des synthèses jurisprudentielles, mais aussi des éléments de définition et des points de doctrine. S’il est nouveau, le procédé n’est finalement pas étonnant de la part d’un arrêtiste habitué à commenter de façon similaire les jugements dans son recueil. Bien que le premier Code Napoléon annoté n’ait

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Philippe-Antoine MERLIN, Recueil alphabétique des Questions de Droit, qui se présentent le plus fréquemment dans les tribunaux ; ouvrage dans lequel l’auteur a fondu et classé un grand nombre de ses plaidoyers et réquisitoires, avec le texte des arrêts de la Cour de cassation qui s’en sont ensuivis, 5e éd., Garnery, Paris, 1827-1830 (1ère éd. 1803).

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Charles DAGAR, Nouveau Ferrière ou Dictionnaire de droit et de pratique, civil, commercial, criminel et judiciaire ; contenant l’explication de tous les termes du droit, anciens et modernes etc., Dagar, Garnery, Levrault, Schoell et Cie, Paris, 1804 ; FIEFFE-LACROIX, La clef des lois romaines, ou dictionnaire analytique et raisonné de toutes les matières contenues dans le Corps de Droit […], avec les renvois sur chaque article au Code Napoléon, aux Codes de procédure civile et criminelle, au Code de commerce, etc. etc., t.1, Lamort, imprimeur et éditeur propriétaire, Metz, 1809.

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Adolphe CHAUVEAU, « Rapport sur l’ouvrage intitulé : Supplément aux Codes annotés de Sirey », Recueil de l’Académie de Législation de Toulouse, 1867, pp. 207-212. A noter que le Code civil et le Code de commerce annotés ont été traduits en allemand dès 1838 par Guillaume Thilo, qui y a comparé les décisions judiciaires françaises avec celles du pays de Bade.

pas la prétention de former un véritable « dictionnaire de droit civil », il n’est pas qu’un simple code tenu à jour de la jurisprudence. Synthétique et utilitaire, l’ouvrage renferme aussi quelques analyses de fond, des réflexions, et parfois même d’étonnantes interrogations insérées sous les articles qui offrent matière à controverse480.

Deux ans après le Code Napoléon annoté paraît une première édition du Code de procédure civile

annoté, suivi en 1816 du Code de commerce annoté. De 1817 à 1819, Sirey publie Les cinq Codes, avec notes pour servir à un cours complet de droit français à l’usage des étudiants481. Ces rééditions affichent désormais des ambitions didactiques, et même doctrinales. Plus riche en notices jurisprudentielles et en commentaires, les Cinq codes annotés contiennent en outre une série de courts traités introduisant les codes destinés « à l’usage des étudiants en droit et de toutes les classes de citoyens cultivés »482. Suite à l’invention de Sirey, les Codes napoléoniens ne seront plus édités « nus », mais seront systématiquement publiés avec des annotations plus ou moins importantes, plus ou moins pratiques, doctrinales ou pédagogiques. Très rapidement, ces Codes enrichis paraissent dans un format portatif483 qui facilite encore davantage leur manipulation, et qui les distingue des volumineux Dictionnaires, Répertoires ou Encyclopédies juridiques habituellement publiés aux formats in-4° ou même in-2°. Sirey a donc rénové l’édition des Codes tout en ouvrant de nouvelles perspectives dans la conception de la lexicographie juridique.

En effet, certains Codes annotés deviendront de véritables lexiques de droit comme le Code civil

expliqué publiés en 1825 par Rogron et son collaborateur Ortolan. Si pour Rogron « la publication de

nos Codes, […] a permis à chaque citoyen d’avoir dans sa bibliothèque le livre qui contient réunies les

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V° par exemple les réflexions et interrogations posées à propos de l’état des personnes, dans la partie intitulée « Esprit de la jurisprudence sur l’effet rétroactif » sous l’art. 2 : « Comment se forme l’état des personnes ? Quel degré faut-il d’intelligence ? Quelle indépendance de volonté ? Quelles mœurs ? Quelle sociabilité ? Quelle aptitude aux magistratures domestiques, civiles et politiques ? – En d’autres termes, quand est-ce qu’un individu peut être reconnu avoir ce droit premier que les auteurs (en le restreignant) appellent Suitas ? Quand peut-il s’engager et obliger les autres, par des conventions ? Quand peut-il être réputé membre du corps social, coauteur de toute loi, personne par excellence ?... Grandes questions, qui sont plus que de droit privé, qui intéressent éminemment l’ordre public, même dans les matières de droit civil ».

481 Jean-Baptiste SIREY, Code de procédure civile annoté, Paris, imprimerie de Gratiot, 1ère éd. 1815-17 ; Code de commerce annoté, Paris, imprimerie Renaudière, 1816 ; Les cinq Codes, avec notes pour servir à un cours complet de droit français à l’usage des étudiants, Paris, imprimerie d’Hantel, 1817-19.

482 Ces traités sont les suivants : « Notions élémentaires sur le droit en général ; sur les différentes espèces de droit, spécialement sur le droit naturel et le droit civil » ; « Notions de jurisprudence universelle, sur la nature des lois judiciaires, leur effet, leur étendue » ; « Esprit de la jurisprudence sur l’effet rétroactif des lois » ; « Esprit de la jurisprudence sur les nullités en procédure civile et en procédure criminelle » ; « Théorie sur les actions, exceptions, déchéances, juridictions ». Le volume est terminé par un « Traité du pourvoi en cassation », et par un « Traité de la justice administrative, gracieuse, discrétionnaire et surtout contentieuse, ou du recours au Conseil d’Etat » dans lequel Sirey résume les doctrines qu’il a développées en 1818 dans son ouvrage Du Conseil d’Etat selon la Charte. Sur ce livre, v° spécifiquement infra, pp. 147 et suiv.

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lois de son pays », ces textes demeurent souvent obscurs aux « personnes étrangères aux principes et à la langue du droit ». Pour pallier ces difficultés et rendre le droit accessible aux personnes « qui veulent comprendre le Code et non l’approfondir », Rogron se propose donc d’éclairer les dispositions de la loi en suivant le plan du législateur par ses motifs, en analysant les principes généraux qui dominent chaque titre et bien sûr en donnant « les définitions que le législateur avait écarté comme inutiles dans les dispositions impératives de la loi ».

Au fil des années, les codes annotés deviendront le véritable couteau suisse de la littérature juridique, dont le contenu à la fois lexicographique, pédagogique, pratique et doctrinal s’adresse à toutes les classes de lecteurs. Certains d’entre eux, comme les Codes français annotés offrant, sous

chaque article, l’état de la doctrine, de la jurisprudence et de la législation de Teulet, d’Auvilliers et

Sulpicy, se distinguent par leur caractère scientifique prononcé. En 1845, Séruzier fait l’éloge de ces Codes qui sont en réalité de véritables manuels juridiques : « Les Codes de MM. Teulet, d’Auvilliers et Sulpicy se recommandent non-seulement par leur nouveauté, mais encore par la plus exacte concordance des articles entre eux, et par une abondance de matières et documents dont aucun ouvrage n’avait encore approché. L’exposition de la doctrine en est aussi très-consciencieuse et présente un véritable cours de droit français »484. A la fin du XIXe siècle, le compte-rendu bibliographique de la Nouvelle Revue Historique de droit français et étranger présente le genre littéraire du Code annoté sous ce même aspect universel, suffisamment riche et éclectique pour servir à tous les lecteurs : « Il convient de remarquer que les travaux de ce genre ont un double mérite et présentent une double utilité ; car ils constituent à la fois une œuvre d’érudition en ce qu’ils approfondissent tous les sujets, et une œuvre de vulgarisation en ce qu’ils mettent, par la facilité qu’ils donnent aux recherches, la science à la portée de tous. C’est pourquoi le succès de telles publications ne peut manquer d’être considérable, non seulement dans le cercle nécessairement restreint des hommes de loi, mais encore auprès du grand public qui se compose de tous les hommes d’affaires et aussi de tous les hommes d’intelligence »485.

Résolument moderne, le concept du Code annoté s’est rapidement adapté aux attentes d’un public élargi. S’adressant dans un premier temps aux praticiens, Sirey a très vite compris que les codes pouvaient rassembler des commentaires pédagogiques utiles aux étudiants, qui apprenaient à la Faculté le droit dans l’ordre des articles. Beaucoup moins coûteux que les répertoires savants

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Charles SERUZIER, Précis historique sur les codes français, accompagné de notes bibliographiques françaises et étrangères sur la généralité des codes et suivi d’une dissertation sur la codification, Videcoq père et fils éditeurs, Paris, 1845, p. 43.

485 Henri ALPY, « Comptes rendus bibliographiques – Code Civil annoté par Fuzier-Herman », Nouvelle Revue Historique de droit français et étranger, 1882, pp. 628-630.

étendus sur plusieurs volumes, beaucoup plus aisés à manipuler qu’un gros dictionnaire juridique pour des recherches ciblées, les codes annotés pouvaient véritablement entrer dans la bibliothèque des écoliers, des praticiens et même des citoyens peu fortunés. Ainsi, la formule de Sirey a sans doute eu le mérite de permettre au vieux rêve encyclopédique et révolutionnaire, celui de rendre le droit accessible à « toutes les classes de citoyens », de se réaliser486. De plus, comme le disait très justement Chauveau, les codes de Sirey ont « popularisé la jurisprudence ». Le projet originel d’assortir au code les grandes décisions qui en ont éclairé et interprété les articles est en effet révélateur de la méthode de l’arrêtiste, consistant à étudier le droit à travers son application judiciaire ; depuis Sirey, accoler la jurisprudence au texte des articles est devenu une évidence éditoriale qui se perpétue encore aujourd’hui. Il ne fait pas de doute qu’aucun autre genre de la littérature juridique n’a su combiner, de façon aussi naturelle et plébiscitée, le texte des lois à celui des arrêts. En cela, les codes annotés imaginés par Sirey sont peut-être la plus grande réussite des arrêtistes contemporains.

Outre les Codes annotés, Jean-Baptiste Sirey est également un précurseur de l’étude de la jurisprudence administrative dont il publiera une première synthèse.

B) Dévoiler la « jurisprudence administrative »

Jean-Baptiste Sirey peut à juste titre être considéré comme l’un des pionniers de la doctrine administrative contemporaine. Il est en effet l’un des premiers auteurs à s’être intéressé à la justice administrative, et à avoir légitimé l’ordre administratif aux côtés de l’ordre civil. Visionnaire, Sirey a également très tôt perçu que le droit administratif et ses principes se forgeaient également – voire même principalement – au contentieux : au tournant des années 1820, l’arrêtiste va alors composer un premier ouvrage entièrement dédié au Conseil d’Etat (1), ainsi qu’une première étude synthétique de sa jurisprudence (2).

1) Une réflexion précoce sur la justice administrative

S’il a abandonné toute velléité politique depuis sa tragique expérience devant le Tribunal révolutionnaire, Sirey n’en défend pas moins des positions quelquefois engagées dans ses travaux.

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Bien sûr, l’autoritarisme de l’Empire a fortement comprimé les audaces juridiques et politiques de l’auteur. Pendant cette période, le Recueil Général des Lois et des Arrêts est plus descriptif que critique et les remarques ayant trait au pouvoir, à la politique ou à l’Etat y sont quasi-inexistantes, même si l’arrêtiste recrute dès cette époque des collaborateurs libéraux comme Comte ou Mérilhou.

Il faut donc attendre la chute de l’Empire, « dans le débat politique qu’autorise (non sans restrictions) la Charte de 1814 »487, pour que Sirey commence à exposer timidement dans ses écrits sa conception libérale du pouvoir, au sein de laquelle il assigne un rôle tout particulier au droit