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Introduction. § 4.1. La procédure de règlement des différends dans le Projet de la Commission du droit international sur la responsabilité des États. § 4.2. Quelques considérations sur la procédure de jugement, en droit international général, dans l’optique du crime international de l’État: individuelle ou collective, horizontale (décentralisée) ou verticale (centralisée). § 4.3. Les sanctions envisagées par le Projet sur la responsabilité des États. § 4.4. Considérations brèves sur la nature de la peine et sur son application en droit international général. § 4.5. Analyse de la nature des sanctions prévues en droit international général. § 4.6. La gravité supérieure des sanctions criminelles dans le Projet sur la responsabilité des États de 1996. § 4.7. La forme de la sanction, notamment criminelle, en droit international général. § 4.8. Les contre-mesures comme procédure d’exécution des sanctions dans le cadre du Projet sur la responsabilité des États. § 4.9. La nature des contre-mesures en droit international général. § 4.10. L’exécution de la sanction criminelle des États en droit international général: individuelle ou collective, horizontale (décentralisée) ou verticale (centralisée). § 4.11. Le rapport entre le Projet sur la responsabilité des États et la Charte des Nations Unies, notamment le crime contre la paix et le déclenchement des réactions du chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Conclusion.

Introduction.

La commission d’une infraction engendre une procédure de jugement et, en cas d’avis positif sur la responsabilité, une sanction et une procédure d’exécution: tous ces éléments se conforment à la nature de la violation. En résumant, l’acte illicite civil, dans les ordres juridiques internes, est poursuivi en justice par le biais d’un procès entamé par la partie lésée, qui oppose l’auteur de l’infraction à la victime: en cas de condamnation, le responsable est tenu, essentiellement, à réparer le dommage causé et la procédure d’exécution, déclenchée en cas de non-acquittement de la sanction, consiste à obtenir l’exécution de la réparation due. En revanche, l’acte illicite pénal est traduit en justice par le biais d’un procès entamé et poursuivi par un organe qui prend la défense de la victime au nom de l’ensemble de la communauté lésée, notamment le procureur dans le modèle de Common Law, le magistrat d’instruction dans le modèle de Civil Law: en cas de condamnation, la sanction principale consiste dans la privation de la liberté personnelle ou dans le payement d’une amende en faveur de la communauté et la procédure d’exécution consiste dans l’emprisonnement du sujet condamné ainsi que dans la récupération de l’amende due, en cas de non-acquittement.619 Étant donnée cette

schématique, même très simplifiée, il est facile de comprendre que l’analyse de la procédure de jugement, ainsi que de la sanction et de la procédure d’exécution, peuvent éclairer la nature de l’infraction. Ces considérations valent aussi pour l’acte internationalement illicite.

Dans ce chapitre nous poursuivons l’étude objective en considérant la procédure de jugement, la sanction et la procédure d’exécution qui suivent au crime international de l’État.620 Tout d’abord nous pouvons élaborer, ainsi, un cadre systématique complet de

la responsabilité criminelle étatique du point de vue objectif. En outre cette analyse doit permettre de mieux déterminer la nature de la responsabilité majeure des États.621 Nous

619 Sur la différence entre la procédure de jugement et la sanction en droit civil et en droit pénal dans les

ordres internes voir H.L.A. HART, The Concept of Law (Il concetto di diritto), cit., p. 104-105.

620 Sur la relation entre les “crimes ” des États et un régime de conséquences spéciales en termes de

procédure et de sanction voir G. GAJA, Should All References to International Crimes Disappear from the I.L.C. Draft Articles on State Responsibility?, cit., p. 368. Voir, aussi, A. PELLET, Can a State Commit a Crime? Definitely, Yes!, cit., p. 430 s.

621 Dans le sens que la responsabilité des États doit être définie à partir de la sanction voir Ch.

développons ce type d’analyse en considérant la pratique coutumière générale des relations internationales autant que le système défini par le Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des États, qui, d’ailleurs, s’inspire des principes généraux en essayant de les rationaliser. Nous ne manquons pas de considérer les relations entre les procédures définies par le Projet de la C.D.I. et celles mises en place par d’autres textes de droit international, notamment le procès impliquant le C.d.S., qui est explicitement rappelé par le Projet sur la responsabilité des États.

§ 4.1. La procédure de règlement des différends dans le Projet de la Commission du droit international sur la responsabilité des États.

Le mécanisme de réglementation des différends, envisagé dans la deuxième et la troisième partie du Projet sur la responsabilité des États de 1996, s’inspire largement de la pratique générale du droit international, mais propose, en même temps, quelques importants éléments de nouveauté, surtout en ce qui concerne la possibilité de recourir à l’arbitrage.622

Il faut souligner que la deuxième et la troisième parties du Projet n’ont pas étés élaborées en même temps que la première partie, concernant les violations, ni par les mêmes auteurs, donc on doit prendre les indications avec une certaine prudence et il se peut qu’il existe des fautes de coordination entre les différentes parties.623

Le but de l’analyse consiste à comprendre le type de système procédural mis en place pour les infractions criminelles: une vision d’ensemble préliminaire est indispensable.

Classiquement le Projet prévoit le recours à la négociation (article 54) et envisage la possibilité des bons offices et de la médiation comme première réponse au fait illicite international (article 55).

Au cas où la négociation n’aboutirait pas à la solution du différend, l’État lésé pourrait avoir recours à l’adoption d’une sanction à titre d’autodéfense. En effet, même si le Projet de 1996 ne contient aucune disposition expresse concernant l’invocation de PRZETACZNIK, La responsabilité internationale de l’État à raison des préjudices à caractère moral causés à un autre État, cit., p. 921-922.

622 Pour un encadrement général de la deuxième et troisième partie du Projet voir W. Riphagen, Rapport

préliminaire sur la responsabilité des États, doc. A/CN.4/330, cit., p. 105 s.; W. Riphagen, Quatrième rapport sur la responsabilité des États, doc. A/CN.4/366 et Add. 1, cit., p. 8 s., § 3 s.; C.D.I., Comptes rendus analytiques des séances de la trente-cinquième session, 3 mai-22 juillet 1983, in Ann. C.D.I., 1983, vol. I, p. 1-342; C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa trente-deuxième session, 5 mai-25 juillet 1980, in Ann. C.D.I., 1980, vol. II, 2ème partie, p. 60-61, § 35-48; C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa trente-troisième session, 4 mai-24 juillet 1981, doc. A/36/10, in Ann. C.D.I., 1981, vol. II, 2ème partie, p. 143-146; G. Arangio-Ruiz, Rapport préliminaire sur la responsabilité des États, doc. A/CN.4/416 et Add.1, cit., p. 6 s.; C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarantième session, 9 mai-29 juillet 1988, in Ann. C.D.I., 1988, vol. II, 2ème partie, p. 110 s.; C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante et unième session, 2 mai-21 juillet 1989, in Ann. C.D.I., 1989, vol. II, 2ème partie, p. 80-83; G. Arangio-Ruiz, Cinquième rapport sur la responsabilité des États, doc. A/CN.4/453 et Add.1- 3. Pour un encadrement général des conséquences, substantielles et procédurales, des crimes, voir, C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-cinquième session, doc. A/48/10, cit., p. 120-157, § 283- 333. Pour un encadrement des sanctions et des mesures exécutives conséquentes aux crimes voir G. Arangio-Ruiz, Sixième rapport sur la responsabilité des États, Add.1, doc. A/CN.4/461/Add.1, cit., p. 1- 7. Sur les conséquences du crime étatique voir G. Arangio-Ruiz, Septième rapport sur la responsabilité des États, doc. A/CN.4/469. Pour une vision critique de la deuxième partie du Projet voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquante-deuxième session, doc. A/55/10, cit., p. 15, § 49.

623 Sur le fait que le Projet n’a jamais été travaillé dans son ensemble et sur la différence entre ses parties

voir J. CRAWFORD, On Re-reading Draft Articles on State Responsibility, cit., p. 295. Pour une présentation générale et critique de la deuxième et de la troisième partie du Projet voir A. PELLET, Remarques sur une révolution inachevée, cit. p. 15 s.

LE CÔTÉ OBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS: LA PROCÉDURE ET LA SANCTION

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la responsabilité par l’État lésé, on doit déduire cette possibilité de l’article 47 § 1, définissant les contre-mesures comme actions fonctionnelles à l’exécution des sanctions contemplées aux articles 41-46.624 En cas de crime, par déduction des articles 40 §3 et

53, il faut estimer que tous les États de la communauté internationale peuvent porter un jugement sur la responsabilité de l’État criminel.

Alternativement, les États en conflit pourraient se remettre au mécanisme traditionnel de la conciliation (articles 56-57 et annexe I).625

En cas d’échec de la conciliation, les États gardent la possibilité de recourir à l’arbitrage, solution que l’État frappé d’une éventuelle contre-mesure peut saisir de façon unilatérale (articles 58-59 et annexe II).626

624 Le Projet de la C.D.I. accueille, ainsi, le principe “inadimplenti non est adimplendum” typique de la

pratique générale des relations internationales, de sorte que l’État assume une fonction de type judiciaire (voir A. YAHI, La violation d’un traité: l’articulation du droit des traités et du droit de la responsabilité internationale, cit., p. 438, 441). Une partie de la doctrine remarque que cette solution peut se révéler, en cas de crime de l’État, très chaotique, entraînant, aux termes de l’article 40 § 3, un jugement par tous les États de la communauté internationale (voir D.W. BOWETT, Crimes of States and the 1999 Report of the I.L.C. on State Responsibility, cit., p. 171). Déjà le cinquième rapport de W. Riphagen, contenant les articles 5-16 de son Projet, envisageait largement la réponse autonome de l’État lésé en contre-mesure, après l’épuisement des tentatives de règlement pacifique du différend (voir W. Riphagen, Cinquième rapport sur la responsabilité des États, doc. A/CN.4/380, cit., p. 8-15; voir, également, le texte commenté des articles in C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa trente-sixième session, 7 mai- 27 juillet 1984, in Ann. C.D.I., 1984, vol. II, 2ème partie, p. 103-104; C.D.I., Comptes rendus analytiques des séances de la trente-septième session, cit., p. 82 s.; W. Riphagen, Sixième rapport sur la responsabilité des États, doc. A/CN.4/389, cit., p. 3 s.). Le septième rapport de Riphagen, enfin, contenant 5 articles et une annexe de la troisième partie du Projet, définissait les moyens procéduraux d’adoption des contre-mesures ainsi que les conséquences (voir W. Riphagen, Septième rapport sur la responsabilité des États, doc. A/CN.4/397 et Add.1, cit., p. 2-3; C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa trente-huitième session, 5 mai-11 juillet 1986, in Ann. C.D.I., 1986, vol. II, 2ème partie, p. 37-38; C.D.I., Comptes rendus analytiques des séances de la trente-huitième session, 5 mai-11 juillet 1986, in Ann. C.D.I., 1986, vol. I, p. 60-61; C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-septième session, cit., p. 137-206, § 320 s.). Sur la liberté de l’État de juger de façon autonome la lésion subie et d’agir en réaction avant qu’une éventuelle action judiciaire concertée ne soit entamée voir G. Arangio-Ruiz, Cinquième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 22 s., § 27 s.; G. Arangio-Ruiz, Septième rapport sur la responsabilité des États, doc. A/CN.4/469, cit., p.49, § 131; C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-septième session, cit., p. 149 s., § 352 s.; C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-huitième session, cit., p. 382-488; J. Crawford, Troisième rapport sur la responsabilité des États, Add. 3, cit., p. 1-42, § 285-367. D’après H. KELSEN, Reine Rechtslehre. Einleitung in die rechtvissenschaftliche Problematik (Lineamenti di dottrina pura del diritto), cit., p. 151, l’État lésé, dans le mécanisme de l’autodéfense, est appelé à effectuer une évaluation de type judiciaire, car il doit décider s’il se trouve en face d’un acte illicite dont un autre État serait responsable. En jurisprudence voir Trib. Arb., Interprétation de l’accord aérien du 27 mars 1946, sentence du 9 décembre 1978, États-Unis d’Amérique/France, in R.S.A., vol. XVIII, p. 454 s., § 91-94. Sur le rapport entre l’action en contre-mesure et les procédures de règlement des différends par tierce personne voir l’article 12 de la deuxième partie du Projet élaborée par G. Arangio-Ruiz en 1992, antécédent de l’article 48 § 1er, in G. Arangio-Ruiz, Quatrième rapport sur la responsabilité des États, cit., doc. A/CN.4/444. Voir, aussi, G. Arangio-Ruiz, Sixième rapport sur la responsabilité des États, doc. A/CN.4/ 461, cit., p. 1-2. Sur la possibilité qu’un État inflige une peine à l’État auteur de l’infraction voir l’opinion de P. Reuter in C.D.I., Comptes rendus analytiques de sa trente-troisième session, 4 mai-24 juillet 1981, in Ann. C.D.I., 1981, vol. I, p. 201, § 28.

625 Ce mécanisme s’inspire du procès mis en place par la Convention de Vienne sur le droit des traités du

23 mai 1969 qui prévoit, en cas de violation d’un traité par un État partie, un délai de quinze mois pour aboutir à une solution négociée du différend (article 65), faute de quoi, l’obligation de se remettre à une procédure de conciliation, détaillée dans une annexe, de la durée maximale de 12 mois.

626 Sur la relation entre l’adoption des contre-mesures et le recours à l’arbitrage, dans le sens d’exclure

l’arbitrage obligatoire, voir J. CRAWFORD, On Re-reading the Draft Articles on State Responsibility, cit., p. 298-299. Quant à l’organe arbitral, il pourra s’agir d’un chef d’État, tiers par rapport aux parties en litige, d’une commission mixte, composée des représentants des parties en litige (commission mixte arbitrale, commission de conciliation), ou bien d’un tribunal arbitral, qui comprend, toujours, un ou