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V ALORISATION LOCALE DES FLUX D ’ AIDE

III. OÙ ET COMMENT COMPTABILISER L’AIDE : QUESTIONS TECHNIQUES

4. V ALORISATION LOCALE DES FLUX D ’ AIDE

Tout flux d’aide doit être enregistré d’une façon ou d’une autre car il engendre forcément un

«effet» dans l’économie malienne, même lorsque la dépense n’est pas effectuée au Mali. En revanche, il conviendrait sans doute de différencier la valorisation de l’aide selon qu’elle est comptabilisée du point de vue du donateur et du point de vue du receveur. Les donateurs ont dépensé 230 milliards de FCFA pour le Mali en 1998, mais cela ne veut pas dire que le Mali a reçu 230 milliards d’aide.

32. Y compris l’aide accordée aux ONG du Nord qui n’est pas considérée comme liée par le CAD, mais qui de fait l’est généralement en pratique très fermement.

33. Et ainsi de pouvoir en faire le suivi. A l’heure actuelle, nul ne connaît le nombre d’assistants techniques travaillant pour le gouvernement au Mali.

Cela peut se voir à travers deux exemples opposés. A un extrême, se trouve l’aide budgétaire : dans ce cas ce qui est reçu par le bénéficiaire est exactement ce qui est versé par le donateur. A l’autre extrême, se situent les dépenses de fonctionnement des agences : on peut considérer dans ce cas que le bénéficiaire ne reçoit rien, même si les donateurs ont réalisé des dépenses et que ces dépenses ont leur place dans la comptabilité nationale ou la balance des paiements maliennes. Entre ces extrêmes il existe toute sorte de situations. Dans le cas de l’aide liée, et en particulier de l’assistance technique, il est tout à fait légitime de valoriser le don pour les bénéficiaires, non au prix où le donateur le paye, mais plutôt au coût de substitution locale.

A terme, il serait bon que les pays bénéficiaires (et pourquoi pas le Mali) se livrent à leur propre comptabilisation de l’aide, selon leurs propres règles, et déterminent ainsi une comptabilisation de ce qu’ils reçoivent, complémentaire à la comptabilisation de ce que les donateurs dépensent.

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La comptabilisation de l’aide (première étape pour un meilleur pilotage national) est un sujet extrêmement complexe qui ne peut être traité que dans un partenariat étroit entre le gouvernement et l’ensemble des partenaires au développement. A ce titre le dispositif institutionnel de la réforme de l’aide apparaît pour le Mali comme un avantage certain pour progresser sur cette question et un cadre tout à fait approprié pour discuter des pistes d’amélioration. On envisagera ici rapidement les préalables institutionnels à une meilleure comptabilisation de l’aide, les voies d’amélioration de l’existant et les pistes de réformes plus ambitieuses pour se donner les moyens d’une réelle transparence.

1. Les préalables

Le préalable le plus important à l’amélioration de la comptabilisation de l’aide est que cela réponde à un réel besoin national, ce qui est loin d’être évident. On peut légitimement se poser la question, devant toutes les priorités auxquelles le Mali doit faire face, de la nécessité de se lancer dans une entreprise complexe sans profit immédiat évident. C’est la question de la nécessité du pilotage global de l’économie, et de la maîtrise nationale de l’aide, qui est ainsi posée. Dans le passé, l’absence de demande, jointe à la complexification croissante des instruments et procédures, semble être la principale raison qui a présidé à la détérioration de la comptabilisation de l’aide. Aujourd’hui encore, la mauvaise qualité du budget d’investissement, largement connue, ne semble guère susciter de réelle préoccupation.

Il est ainsi symptomatique de remarquer que les bailleurs de fonds opérant sur dons ne font l’objet, à l’heure actuelle, d’aucune demande d’information sur le suivi des décaissements de la part du gouvernement34. Seul le PNUD s’est intéressé à cette question, et publie régulièrement un bilan de la coopération avec le Mali. Ce document (et la base de données associée) semble cependant très peu utilisé par les donateurs et plus encore par les institutions maliennes. Le manque d’intérêt manifesté pour ce travail est à lui seul un témoignage de la faiblesse de la demande pour une meilleure comptabilisation globale des flux d’aide.

Le deuxième préalable est une réelle volonté de simplification institutionnelle et de développement de la fonction économique dans le partenariat avec les donateurs. L’éclatement des institutions partenaires des bailleurs de fonds est une entrave à la coordination qui a été plusieurs fois reconnue. La diversité des personnes et des structures responsabilisées dans la mise en œuvre de la dépense

34. A l’exception de la BCEAO qui envoie annuellement un questionnaire pour les besoins de la balance des paiements.

sur fonds extérieur rend tout système centralisé d’information extrêmement difficile à faire fonctionner. La prédominance des fonctions diplomatiques, techniques ou financières sur la fonction économique dans la gestion de l’aide fait passer au second plan les missions de coordination, d’orientation et de comptabilisation de l’aide. Une meilleure comptabilisation de l’aide passe par une réforme institutionnelle conférant une vision globale sur l’ensemble des flux d’aide à une structure à vocation économique.

Le troisième préalable est une réelle volonté de transparence des donateurs. On ne peut que constater en général la faible disponibilité avec laquelle les donateurs rendent compte de leurs activités au cours des enquêtes nationales35, si ces opérations ne sont pas précédées d’une sensibilisation active menée au niveau politique par le gouvernement malien. On peut ainsi citer le cas de la BCEAO qui envoie, pratiquement sans résultats, un questionnaire annuel (pourtant relativement simple) aux donateurs afin de mieux établir la balance des paiements du Mali.

Comment lever ces préalables ? Il est certain que le processus de réforme de l’aide constitue une occasion privilégiée de progresser sur cette question de comptabilisation de l’aide. Il est susceptible de susciter des opportunités et un climat de dialogue propices à améliorer les échanges d’information et à favoriser une transparence réciproque. Ce doit être également l’occasion d’attirer l’attention du gouvernement sur la question de la gestion économique de l’aide, et de la dégradation des instruments actuels. L’amélioration du BSI figure d’ailleurs au programme du processus de réforme de l’aide. Enfin, ce processus a déjà permis d’attirer l’attention sur la nécessité d’une réforme institutionnelle, allant dans le sens d’une gestion institutionnelle plus économique et moins diversifiée du partenariat avec les bailleurs de fonds. Le processus de réforme de l’aide apparaît donc comme un instrument privilégié pour lever les préalables évoqués, et ainsi progresser vers une meilleure comptabilisation de l’aide.

On peut également supposer que la prise de conscience de l’ampleur du problème de la sous-comptabilisation des flux d’aide n’a pas été pleinement réalisée. De ce point de vue, la communication au niveau politique d’un certain nombre de faiblesses pourrait être susceptible de créer un choc, et ainsi de susciter une réelle demande d’information.

Il est ainsi sans doute souhaitable d’insister sur les aspects les plus marquants des comparaisons de données effectuées ci-dessus : 100 milliards de flux extérieurs échappant à toute comptabilisation nationale, une balance des paiements réalisée dans l’ignorance des dépenses d’assistance technique, un budget d’investissement qui traduit une augmentation spectaculaire des financements extérieurs alors que l’aide stagne en réalité, etc. Ces résultats illustrent que les principaux tableaux de suivi de l’économie malienne- TOFE, balance des paiements, comptabilité nationale-, qui constituent par ailleurs des instruments réguliers de travail pour le gouvernement et les bailleurs de fonds, sont très sensiblement faussés par la mauvaise prise en compte de l’aide extérieure.

2. Améliorer l’existant

L’amélioration de la fiabilité et la couverture du BSI apparaît comme un objectif à la fois nécessaire, pour un meilleur pilotage de l’économie, et relativement accessible. Il «suffirait» de confronter les informations existantes avec celles détenues par les bailleurs de fonds et de compléter la liste des projets en cours et d’améliorer le suivi des décaissements. Cela pourrait être réalisé sous la forme d’une série de consultations menées par les cadres de la DNP auprès des principaux bailleurs sur place36. La mise en place de ce processus de conciliation demanderait un travail important et nécessiterait sans doute un apport spécifique en ressources humaines. Par la suite, ce processus de concertation, de confrontation des

35. Et plus encore lorsqu’il s’agit d’enquêtes menées par des institutions internationales comme le PNUD.

36. Et d’échanges d’informations pour les autres, voire de déplacements dans la région à Dakar pour l’aide japonaise ou à Abidjan pour la BAD pour ne donner que quelques exemples.

sources et de conciliation aurait vocation à devenir régulier et demanderait une charge de travail moins importante.

Ce processus d’amélioration du BSI devrait bénéficier du dispositif institutionnel et du climat de collaboration du processus de réforme de l’aide, dont c’est un des objectifs inscrits à son programme de travail. Il pourrait également grandement profiter de l’expérience et de la base de données du PNUD, ainsi que des bases de données CAD, et donner lieu à une collaboration active entre la DNP, ses correspondants habituels (notamment les Ministères techniques) le PNUD, le dispositif de la réforme de l’aide et l’ensemble des bailleurs de fonds.

Lorsque le champ et la fiabilité du PTI/BSI auront été améliorés, on pourra alors aborder la question plus complexe de l’analyse des projets selon différentes typologies - secteur, champ géographique, type d’acteur, type de dépenses - nécessaire pour conduire et suivre les politiques de développement.

Même si certaines améliorations apparaissent assez simples (telles que compléter la liste des projets inscrits à partir de la base de données du PNUD), il ne faut cependant pas minimiser les difficultés pour la «régénération» du processus du PTI/BSI.

Cela nécessite en premier lieu de rompre avec des habitudes ancrées depuis l’origine de ces instruments quant à l’organisation d’une collecte d’information purement interne à l’administration37. Il est indispensable que l’exercice de collecte d’information s’ouvre aux donateurs et éventuellement à des sources d’informations externes (base de données CAD) ou para-étatiques. Cela change la nature de la tâche qui, d’une simple collecte et agrégation d’information, devient un complexe exercice de comparaison et d’arbitrage entre des sources différentes. Il est alors nécessaire de redéfinir toutes les étapes de l’élaboration du PTI/BSI, selon cette nouvelle approche, afin d’aboutir à une nouvelle «routine»

administrative, pleinement maîtrisée par la structure en charge.

Le problème des capacités est également posé. La DNP a des attributions extrêmement larges - élaboration des politiques de développement, élaboration des plans, analyse économique, programmation et suivi du programme et du budget d’investissement, prévision à moyen et à court terme -ce qui était remarqué par les conclusions de l’atelier sur les réformes institutionnelles pour une meilleure coordination de l’aide au Mali » qui notait dans ses constats : « Les attributions disproportionnées de la DNP, qui l’amènent à centraliser les missions attribuées à trois directions dans certains pays de la sous région». L’objectif d’amélioration du PTI/BSI est donc confronté à ce problème institutionnel à un moment où des priorités de grande importance, telles que la préparation d’un Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP), reposent sur l’administration économique malienne.

Le problème de l’amélioration de l’existant se pose dans les mêmes termes pour les autres tableaux économiques du Mali (TOFE, balance des paiements, comptabilité nationale) : une meilleure prise de conscience de la diversité de l’aide et des lacunes actuelles, des confrontations avec les sources existantes (CAD, PNUD) et des contacts directs si besoin est avec les bailleurs de fonds. La prise de conscience doit également venir des bailleurs de fonds qui devraient faire l’effort de fournir, à la demande de la BCEAO, les informations utiles à la confection de la balance des paiements malienne.

37. La seule exception est la soumission pour avis du PTI/BSI à la Banque Mondiale.

3. Aller vers de réformes plus ambitieuses

Une amélioration du BSI est une chose importante mais ne résoudra pas tous les problèmes techniques répertoriés dans la section précédente. Des réformes plus ambitieuses seraient nécessaires à un suivi et un pilotage réel des flux d’aide. On peut ici suggérer quelques pistes pour ces réformes :

La visibilité globale de l’aide au Mali repose forcément sur une simplification du dispositif institutionnel de gestion de l’aide. Les procédures d’engagement, d’ordonnancement et d’exécution sont actuellement trop diverses, et souvent trop ad hoc, pour permettre un suivi de l’aide à l’intérieur du dispositif administratif national. Cette simplification doit reposer sur un petit nombre de principes simples :

− Essayer de réduire la diversité existante chez les donateurs en traitant dans la procédure nationale chaque donateur de la même façon, avec les mêmes interlocuteurs ;

− Rapprocher le circuit de la dépense des actions d’aide des structures chargées du suivi de la dépense dans le dispositif national ;

− Confier à une structure bien identifiée la responsabilité de coordination économique globale de l’aide, et faire de cette structure l’interlocuteur principal des bailleurs de fonds.

Ces principes ont déjà été affirmés lors de l’atelier déjà mentionné. Ils impliquent un réexamen du rôle des différents Ministères impliqués dans la gestion de l’aide selon des axes une nouvelle fois définis par l’atelier en question (voir encadré page suivante).

Ces conclusions doivent être adaptées à la fusion récente des anciens Ministères des Finances et de l’Economie du Plan et de l’Intégration. Cette fusion crée d’ailleurs un environnement plus favorable encore à la réforme telle qu’elle est proposée, puisque les fonctions économiques et financières de la gestion de l’aide se trouvent réunies sous une autorité commune.

La seconde recommandation importante de cet atelier, parfaitement confirmée par les analyses faites ci-dessus, est la création d’une structure technique, à vocation économique, chargée du suivi global des financements des investissements publics. On a vu que cette mission de suivi de la dépense publique, notamment d’origine externe, va au-delà des instruments PTI/BSI existants qui se concentrent sur la dépense budgétaire.

Il y a sans doute la place, comme c’est le cas dans la plupart des pays voisins, de deux structures à vocation économique (travaillant naturellement en étroite collaboration) : l’une s’occupant spécifiquement du budget d’investissement de l’Etat et l’autre de l’ensemble du financement du développement38, en particulier sur fonds extérieur. Cette structure serait en contact permanent avec les bailleurs de fonds et suivrait les financements contractés avec l’Etat, mais aussi l’ensemble des financements extérieurs et notamment ce que l’on a appelé ci-dessus le «secteur public non enregistré », approximativement évalué à une dépense de 100 milliards de FCFA en 1997. Elle devrait également posséder une base complète et mise à jour des accords et conventions signés par le Mali avec ses différents partenaires extérieurs.

Extrait de la synthèse des travaux de l’atelier sur les réformes institutionnelles pour une meilleure coordination de l’aide au Mali (22-24 novembre 1999)

38. Une telle structure existe dans la plupart des pays voisins au sein du ministère du plan ou du ministère des finances parfois intitulée Direction de la Coopération Internationale, parfois Direction du Financement des Investissements.

S’agissant de la coordination du financement des investissements publics, l’atelier a recommandé :

1. L’attribution de la responsabilité de la fonction de coordination économique au Ministère chargé de l’Economie et du Plan pour lui permettre d’avoir une vision globale de l’ensemble des financements des investissements publics au Mali. Ce Ministère doit être l’interlocuteur principal des partenaires au développement en ce qui concerne l’investissement public en collaboration avec les autres départements. A ce titre il sera chargé de la détermination des priorités, de l’orientation de l’organisation et de la conduite des concertations techniques (revues périodiques, Revue de l'aide, commissions mixtes et table ronde ; la préparation et la conduite des arbitrages.

2. Le maintien sous la responsabilité du Ministère chargé des Affaires Etrangères de la conduite des rapports diplomatiques et politiques avec les partenaires extérieurs et de la mise à disposition de l’information sur les formes et les domaines de coopération possibles aux départements ministériels dans le cadre de la préparation du terrain pour les négociations. Ce Ministère est également chargé de la conclusion des accords et traités.

3. La responsabilisation du ministère chargé des finances sur la coordination financière (gestion de crédits de paiement, les procédures de décaissement, la comptabilisation et les audits ).

4. Une révision institutionnelle au sein du ministère chargé de l’Economie pour lui permettre d’assurer ses nouvelles fonctions. En particulier, la dotation du Ministère chargé de l’Economie en une structure chargée du suivi global des financements des investissements publics (une nouvelle création ou une structure existante renforcée).

5. La nécessité de disposer d’instruments et d’outils permettant d’orienter les financements vers les secteurs qui en ont le plus besoin (élaboration de programmes sectoriels et de programmes d’investissement pluriannuels).

6. La mise en place d’un mécanisme de concertation opérationnelle regroupant toutes les structures impliquées dans la coordination et la gestion de l’aide et les partenaires au développement.

Un suivi plus complet de l’aide extérieure (des accords et conventions aussi bien que des engagements et décaissements), distinguant dépense budgétaire et dépense publique, dépense des donateurs et réception des bénéficiaires, projets et instruments souples ne peut être réalisé que si le suivi des dépenses publiques externes devient l’attribution d’une structure spécifiquement chargée de cette tâche.

Dans le cas du Mali, deux solutions apparaissent envisageables : créer une nouvelle structure ou responsabiliser de manière plus large la Direction Générale de la Dette Publique39 sur le suivi des financements extérieurs, tâche que cette direction effectue pour les tirages de prêts et qu’elle a commencé à explorer en ce qui concerne les dons.

Enfin, il convient, comme cela a déjà été mentionné dans la section précédente, d’inciter les donateurs à se rapprocher des procédures budgétaires et comptables nationales. Ce mouvement est déjà en cours avec la mise en place de programmes dans différents domaines (éducation, santé, décentralisation). Il doit être encouragé et poursuivi, au rythme autorisé par les contraintes de souplesse et d’efficacité. Il dépend également de la volonté de l’Etat malien d’inscrire lui-même les projets financés par l’extérieur dans son propre programme de développement et de dépenses publiques, en favorisant par exemple les projets co-financés par les donateurs et l’Etat.

39. Ce qui implique d’ouvrir cette direction à des préoccupations économiques et non plus seulement financières.

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