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Chapitre 5 : L’époque contemporaine I – l’influence des facteurs endogènes

4. Brian Hayden

Dans l’un de ses premiers articles spécifiquement consacrés à la transition néolithique (Hayden 1992), Hayden présente tous les arguments qui l’amènent à rejeter les conceptions processualistes sur cette question, qu’il regroupe sous l’appellation de la « pression démographique » - et, pour chacun d’entre eux, ceux qui démontrent le bien-fondé de son propre modèle. Il part du constat, dressé par Bettinger mais aussi par plusieurs néodarwiniens, que de nombreuses populations de chasseurs-cueilleurs effec- tuent des « manipulation(s) de la productivité des espèces sauvages » par le biais de pratiques comme

celles du transport des semences, du brûlis, de l’irrigation, de la transplantation, de l’ensemencement ou du stockage. Ces manipulations, qu’il qualifie d’élémentaires, n’en font pas des agriculteurs pour autant car elles ne traduiraient pas, selon lui, des « comportements intentionnels calculés dans le but de changer les propriétés physiques des espèces sauvages ». De toute évidence, Hayden se réfère ici au débat sur l’intentionnalité qui avait été suscité par les thèses de Rindos. Il présente ensuite un résumé de la théorie de la « pression démographique » qu’il estime entièrement fondé sur un « scénario …malthusien classique ». Il formule ensuite son propre « modèle du festin compétitif » en postulant d’abord que la base de subsistance des chasseurs-cueilleurs était généralement limitée et fluctuante ». Leur survie impose de toute évidence un partage de la nourriture au sein du groupe mais aussi la négo- ciation d’alliances entre groupes qui visent à obtenir de l’aide lors de disettes. Les attitudes que forgent ces deux impératifs auraient considérablement varié suivant qu’un groupe de chasseurs-cueilleurs ap- partenait au type « généralisé » ou à celui qu’il qualifiera plus tard de « transégalitaire complexe ». Plusieurs pratiques qui sont typiques à ces bandes « transégalitaires complexes » seraient inconciliables avec la survie d’une bande de type « généralisé » : Hayden cite notamment « les revendications de pro- priété privée, la compétition basée sur les ressources économiques, et le comportement égotiste » (Hay- den 1992, pp. 11-12).

Dans une bande de type « généralisé », il aurait été de toute manière absurde d’investir du temps et des efforts dans des activités agricoles « puisque ce sont essentiellement les autres qui en profiteront à cau- se du partage obligatoire de la nourriture ». Un seul facteur permettrait à une bande de type « généra- lisé » d’évoluer en bande « transégalitaire complexe »: les ressources alimentaires de son milieu doi- vent être « abondantes, plus fiables, et invulnérables à la surexploitation ». Ce facteur est bien entendu conditionné par le milieu lui-même mais également par la technologie dont dispose une bande. Celle-ci peut lui permettre d’accroître considérablement la quantité de nourriture qui peut être prélevée dans un milieu, même s’il est moyennement pourvu en ressources alimentaires. Ces deux conditions ne seront finalement réunies, selon Hayden, qu’au cours du Mésolithique. Dès le Paléolithique supérieur, il était possible de compter sur un approvisionnement constitué d’une grande quantité de viande, offerte par les « hordes d’espèces migratoires qui ne pouvaient être surexploitées, compte tenu de leur grande tail- le ». Mais, selon Hayden, il faut attendre, les innovations technologiques du Mésolithique pour que des ressources plus humbles - constituées d’un grand nombre d’individus de la même espèce (qualifiée d’espèce « r ») comme les céréales ou le poisson - puissent être exploitées de manière exhaustive dans le contexte d’une intensification des activités de subsistance. Selon lui, ces innovations englobent entre autres la vannerie, le pilon, le mortier, le traîneau, le canot, le filet, le piège, le brûlis, le barrage, le mi- crolithe, l’arc et la flèche. Une fois réunies les deux conditions identifiées plus haut, la compétition

pour les ressources devient possible puisqu’elle ne menace plus la capacité de support du milieu, dont le plafond se trouve ainsi haussé, comme les thèses évoquant des processus de type biologique ou dar- winien l’avaient postulé (Hayden 1992, pp. 11-12). Hayden, comme Bender, évoque donc lui aussi des arguments qui sont à la fois sociaux (ou endogènes) et écologiques (ou exogènes).

Selon Hayden, cette compétition aurait revêtu la forme de « festins compétitifs » impliquant des « ri- valités socioéconomiques » qui rappellent beaucoup la thèse avancée antérieurement par Bender. Ce genre de rituel aurait comporté des ressorts à la fois psychologiques et politiques : ce sont des « indivi- dus ambitieux » qui y recourent afin de « s’assurer le contrôle du travail, de la loyauté et des dettes des gens ». Hayden les qualifiera plus tard d’individus enclins à « s’agrandir » (« aggrandizer » en anglais). De tous les stratagèmes auxquels ils recourent, celui du contrôle du travail d’autrui est le plus impor- tant dans la mesure où il aurait constitué un symbole de succès et de pouvoir. La relation entre le rituel du « festin compétitif », la poursuite des objectifs qui viennent d’être décrits et la naissance de l’agri- culture lui semble évidente. Des aliments produits au moyen d’espèces domestiquées ont sans doute été considérés comme hautement désirables par plusieurs sous-groupes mais difficiles à produire parce qu’ils exigeaient beaucoup de main d’œuvre et de savoir-faire, du moins au cours d’une première pha- se. Leur production ne peut donc être conçue que dans le contexte du « festin compétitif », qui aurait été le premier dans lequel il aurait été possible de contrôler le travail d’autrui. Encore faut-il identifier des critères qui légitimeraient son modèle du « festin compétitif » et son lien avec la naissance de l’a- griculture. Hayden en identifie sept, qu’il considère en même temps comme les éléments qui forment le « cœur » de son modèle (Hayden 1992, pp. 12-13) :

1. Après que le rituel du « festin compétitif » ait inévitablement engendré une « inégalité so- cioéconomique », la strate la plus démunie des « bandes complexes » aurait pu être exposée à des disettes récurrentes.

2. Les premières espèces auraient été domestiquées dans les zones écologiques les plus riches, rece- lant entre autres ces espèces de type « r » qui sont constituées d’herbacées, de poisson ou de toute autre espèce dont chaque spécimen ne fournit individuellement qu’une petite quantité de nourritu- re : leur exploitation exige généralement beaucoup de main d’œuvre.

3. Ce sont des « bandes complexes » qui domestiquent les premières espèces et elles se démarque- raient des « bandes généralisées » par les caractéristiques suivantes : une densité démographique

relativement élevée, une semi-sédentarité, des inégalités socioéconomiques, la production de biens artisanaux ostentatoires à haute valeur ajoutée et l’échange de biens exotiques.

4. Des indicateurs doivent permettre d’identifier sur les sites archéologiques des lieux ou des structu- res où des festins compétitifs seraient survenus.

5. Les premières espèces domestiquées n’étaient pas des « aliments de base » mais ils convenaient à des festins parce qu’ils étaient perçus comme des « mets délicats » exigeant beaucoup d’efforts.

6. Puisque les festins n’étaient organisés que sporadiquement et que les espèces domestiquées leur étaient réservées, celles-ci n’auraient d’abord occupé qu’une place marginale dans l’alimentation.

7. Dans le contexte d’un processus de diffusion, les « bandes complexes » seraient plus portées que les « bandes généralisées » à intégrer des « festins compétitifs » à leurs rituels.

Hayden compare ensuite systématiquement le degré de conformité des modèles de la « pression démo- graphique » et du « festin compétitif » à ces sept critères. Il cite entre autres plusieurs travaux – ceux de Roosevelt (1984) sur les squelettes préhistoriques entre autres, auxquels Rindos s’était déjà référé – qui démontrent clairement qu’aucune pression démographique n’est détectable sur le plan archéologique au cours du Pléistocène. Pourtant, une nouvelle génération d’études paléoclimatiques publiées par Ri- cherson (2001) notamment à partir de la fin des années 1980 avait démontré le caractère récurrent des événements climatiques extrêmes qui prévalaient au cours de cette période. Ces événements ou épiso- des auraient favorisé des déséquilibres entre la croissance démographique et la disponibilité de ressour- ces alimentaires – auxquels les modèles processualistes ont fait appel afin d’expliquer la transition néo- lithique - à des époques reculées comme à la toute fin du Pléistocène. Comme Braidwood et plusieurs autres l’avaient ensuite souligné, ces épisodes n’avaient cependant pas entraîné le déclenchement d’un processus de domestication au cours du Pléistocène. Les modèles de la « pression démographique » n’expliquent pas non plus, selon Hayden, pourquoi l’agriculture naît dans l’Ancien et le Nouveau Mon- de à quelques milliers d’années d’intervalle alors que le premier, peuplé beaucoup plus anciennement, était de ce fait particulièrement exposé à de tels déséquilibres. Plusieurs modèles de la « pression dé- mographique » postulaient par ailleurs que les premières espèces avaient été domestiquées dans des zones marginales disposant de maigres ressources. Le profil écologique des premières régions du mon- de où l’agriculture naît – comme le Levant, les littoraux du Jomon et la vallée de l’Oaxaca – démontre

tout le contraire : les céréales sont d’abord domestiquées dans des zones bien arrosées où abondent les ressources alimentaires (Hayden 1992, pp. 13-16).

En fait, les premières espèces auraient été domestiquées, selon Hayden, par des sociétés relativement complexes de chasseurs-cueilleurs qui disposaient de surplus alimentaires, chez lesquelles on détecte des indices d’inégalité sociale et qui échangeaient une gamme importante de biens exotiques. Ce por- trait constitue tout le contraire, encore une fois, des hordes d’émigrants affamés qu’avait imaginées Binford – le premier à avoir conçu un modèle processualiste de la transition néolithique – qui en au- raient été réduites à consommer des aliments associés aux disettes comme des grains de céréales sau- vages dans des zones arides. D’autre part, Hayden croit discerner dans le Natoufien (à Beidha notam- ment) et dans le Jomon des places publiques – qu’il désigne comme des « plazzas » de style mésoamé- ricain – où des festins auraient pu se dérouler, bien qu’il admette que son registre est ténu sur ce plan. Il précise par ailleurs que les premières espèces domestiquées dans plusieurs parties du monde – en A- mérique centrale, en Amérique du nord et au Japon en particulier – ne constituaient pas des aliments typiquement consommés au cours de disettes. Le piment, la gourde, la courge, l’avocat, la menthe, etc. – les premières espèces consommées dans ces régions - n’auraient pu apporter qu’une faible contribu- tion à la diète lors de disettes. Hayden en conclut qu’ils n’auraient comporté un intérêt alimentaire que dans le contexte de festins où l’on consomme des « condiments et des mets délicats ». Il admet en re- tour que ce statut ne pourrait être reconnu aux céréales du Proche-Orient, qui constituaient des aliments de base, mais il avance aussitôt l’hypothèse (formulée en 1990 par Dietler) qu’elles auraient surtout servi à fabriquer de la bière – consommée bien entendu lors de « festins compétitifs »! Comme l’ense- mencement et la récolte des céréales exigent une main d’œuvre abondante, de surcroît, Hayden formule l’hypothèse que seuls de « riches individus » pouvaient s’offrir le luxe de la bière, bien susceptible (par ailleurs) de favoriser une « mobilisation des travailleurs »! Le modèle du « festin compétitif » postule enfin, contrairement à celui de la « pression démographique », que la place occupée par les aliments produits au moyen des espèces domestiquées serait longtemps demeurée marginale précisément parce qu’ils n’auraient été consommés que dans un contexte exceptionnel (Hayden 1992, pp. 13-16).

Hayden attribue par ailleurs la rapide diffusion de l’agriculture chez les chasseurs–cueilleurs du Méso- lithique européen et de l’Archaïque nord-américain, ainsi que la brève durée de ces deux périodes, à une évolution technologique qui les aurait rapidement transformés en bandes de type « complexe » avant même l’arrivée de la première vague de néolithisation : elles seraient ainsi devenues « mûres » pour l’adoption de l’agriculture – une expression qui rappelle fortement la formule célèbre de Braid- wood. Bien que tous ces arguments tirés des registres archéologique et ethnographique démontrent

clairement selon lui la supériorité de son modèle, en termes de potentiel explicatif, Hayden n’exclut pas pour autant que ce dernier puisse être bonifié : il admet par exemple que des chasseurs-cueilleurs de ty- pe « généralisé », dans certaines conditions, auraient pu adopter rapidement l’agriculture. Ce constat l’amène à introduire dans son modèle une troisième condition : quel qu’ait été le type prévalent de ban- des, l’agriculture ne sera diffusée ou adoptée que dans la mesure où elle offre un « retour net » sur l’in- vestissement – en termes d’efforts et de temps vraisemblablement – qui est égal ou supérieur à la cueil- lette ou à la récolte d’espèces sauvages. Se référant à Flannery, Hayden présume qu’une évolution génétique relativement longue a dû survenir, dans le cas d’une espèce comme le maïs, pour que ce ratio tourne en faveur d’une culture plutôt que d’une cueillette. Il avoue qu’il serait tenté de formuler des « hypothèses auxiliaires » afin de concilier en quelque sorte les modèles de la « pression démographi- que » et du « festin compétitif » mais le potentiel explicatif des premiers, par rapport au sien, lui sem- ble tellement faible qu’une telle tentative lui semble « peu réaliste » (Hayden 1992, pp. 16-18).

Conclusion

Les modèles inspirés par le postprocessualisme ou l’archéologie sociale qui ont été décrits dans ce cha- pitre et qui ont été conçus, pour la plupart, au cours des vingt dernières années ont pris en compte les tendances récentes de la recherche. Ils les ont cependant interprétées dans un sens très différent des modèles antérieurs – inspirés pour leur part par le processualisme, le néodarwinisme et d’autres appro- ches qui mettent l’emphase sur des facteurs exogènes, dont ils constituent en quelque sorte l’antithèse. Ces derniers, comme on l’a vu dans les chapitres précédents, avaient souligné le rôle de l’environne- ment, de la capacité de support du milieu, de la technologie et de la démographie, qu’ils considèrent le plus souvent comme la dimension la plus biologique de l’homme. Le registre archéologique – après avoir été considérablement enrichi - n’avait pourtant pas permis de démontrer clairement que la transi- tion néolithique était attribuable aux stress démographiques ou alimentaires invoqués depuis la fin des années 1960 afin d’expliquer la transition néolithique : pour cette raison, une approche alternative de- venait possible.

Pour leur part, les modèles inspirés par le postprocessualisme et l’archéologie sociale allaient puiser leurs racines dans une gamme de données ou de facteurs qui avaient généralement été ignorés ou négli- gés par leurs prédécesseurs, bien qu’ils aient constitué de tous temps des éléments centraux du registre archéologique : plus spécifiquement dans toutes les caractéristiques sociales, politiques, religieuses ou idéologiques que ce registre comportait. Portée par le structuralisme et parfois le marxisme, tel que les sciences humaines françaises les avaient interprétées, cette réaction s’imposait après plusieurs décen-

nies de théories ou de modèles qui s’étaient cantonnés à une gamme étroite de facteurs. Le champ théo- rique offrait d’autres avenues qui pouvaient légitimement être explorées et qui élargiraient la gamme des interprétations possibles, permettant d’aborder la question de la transition néolithique sous tous ses angles. En effet, contrairement à leurs prédécesseurs (à peu d’exceptions près), les approches inspirées par le postprocessualisme et l’archéologie sociale ne nient pas l’importance des facteurs environne- mentaux tels que la présence dans un milieu d’espèces propices à la domestication, ainsi que le rôle dé- terminant de l’évolution à la fois morphologique et génétique de ces espèces. Cette attitude d’ouverture a facilité l’émergence de positions plus consensuelles : plusieurs chercheurs qui se réclament toujours du processualisme et du néodarwinisme admettent aujourd’hui que les facteurs sociaux ou culturels ont joué un rôle significatif lors de la transition néolithique.

Comme ce chapitre en témoigne, les approches inspirées par l’archéologie sociale partagent avec les postprocessualistes plusieurs positions communes en ce qui concerne l’interprétation de la transition néolithique. Fondamentalement, les deux approches rejettent les théories ou les modèles qui attribuent un rôle exclusif à des facteurs exogènes comme le milieu ou à des facteurs endogènes, comme la re- production (ou l’alimentation), qui mettent l’emphase sur les fonctions biologiques de l’être humain. Les approches inspirées par le postprocessualisme et l’archéologie sociale admettent en même temps, comme l’école ou la tradition culturelle-historique, que le milieu géographique ou la biologie humaine ont joué un rôle important dans la transition néolithique, de concert avec les facteurs sociaux ou sym- boliques. Bender et Hayden ont souligné par exemple, comme Flannery, que le processus de domesti- cation ne peut se déclencher sans l’existence d’espèces domesticables dans un milieu. Les contribu- tions de Cauvin et d’Hayden se démarquent d’autre part par certaines tentatives de rapprochement avec d’autres écoles. La première comporte une continuité par rapport aux positions culturelles-historiques de Braidwood et aux interprétations avancées par de nombreux spécialistes du Néolithique de l’Asie du sud-ouest, à partir de Childe et Kenyon. La seconde a tenté d’intégrer des approches processualistes comme la pression exercée par le milieu et la démographie tout en se référant parfois au modèle de Cauvin.

Les approches inspirées par le postprocessualisme et l’archéologie sociale incarnent manifestement, par ailleurs, des tendances assez divergentes avec leur emphase respective sur les facteurs symboliques et sociaux. Encore ne faudrait-il pas exagérer cette dichotomie : les structures symboliques d’Hodder, bien qu’elles conservent leur autonomie et évoluent (partiellement du moins) suivant leurs propres rè- gles, sont par exemple manipulées par une succession de groupes sociaux en fonction de leurs intérêts économiques ou politiques. Ces divergences entre les deux types d’approches s’avèrent par ailleurs bé-

néfiques sur au moins deux plans du point de vue de l’interprétation de la transition néolithique. En premier lieu, elles permettent d’occuper plusieurs des dernières positions qui étaient encore libres sur l’échiquier (ou la partition) que représente la gamme des interprétations de la transition néolithique et que l’on pouvait légitimement s’attendre de voir surgir au sein d’une science humaine. Tout comme la thèse processualiste appelait la formulation d’une antithèse inspirée par le postprocessualisme et l’ar- chéologie sociale, par ailleurs, cette antithèse ne pouvait logiquement se confiner à une version exclu- sivement sociale ou idéologique, basée sur l’une et l’autre de ces deux approches : en effet, l’une se se- rait avérée insuffisante en l’absence de l’autre. Il n’aurait sans doute pas été possible, d’autre part, de formuler de façon exhaustive l’une et l’autre de ces versions de cette antithèse - dans une discipline comme l’archéologie qui doit s’appuyer sur de multiples références au registre qui lui est propre com- me à celui de l’ethnographie - sans l’édification de modèles distincts.

Cette dichotomie est par ailleurs bénéfique sur un autre plan à l’enrichissement du champ des interpré- tations : l’archéologie sociale, qui se situe par définition au point d’intersection de la nature et de la culture, permet en effet de faire le pont entre les interprétations qui mettent l’emphase sur des facteurs exogènes comme le climat, l’environnement ou la biologie d’une part et des facteurs endogènes comme l’idéologie, la croyance ou l’art d’autre part. Les hypothèses avancées par Bender, de fait, permettent d’emprunter de nombreuses pistes qui faciliteraient des arrimages avec d’autres approches, culturelles- historiques et postprocessualistes en particulier. Certaines versions du modèle conçu par Hayden, moins focalisées sur le « festin compétitif », offrent aussi d’autres perspectives d’arrimage par rapport à ces mêmes écoles ou même aux modèles processualistes, qu’Hayden a d’ailleurs ébauchées. L’éta- blissement de ce type de pont ou d’arrimage pavait enfin la voie à la formulation d’approches intégrées ou syncrétistes.

Notes :

1. Mentionnons l’approche « contextuelle », qui cherche entre autres à identifier des schèmes cognitifs et des croyances préhistoriques en les déduisant d’observations ou d’expériences phénoménologiques