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Chapitre 1 : Recension des écrits

1.3 Bref survol de la littérature jeunesse à contenu LGBTQ

Partout en Amérique du Nord, y compris au Québec et en particulier aux États-Unis, des œuvres de fiction et des ouvrages documentaires à contenu LGBTQ de qualité sont aujourd’hui publiés couramment. Grâce à une visibilité accrue des réalités LGBTQ dans le monde de l’édition, la publication de matériel de qualité qui abordent ces thèmes n’est plus seulement l’affaire de quelques maisons d’édition rares, modestes et spécialisées (Ritchie et McNeill 2011, 61). Selon McKechnie et Rothbauer (1999, 32), la décennie 1990 a vu une augmentation importante du nombre de romans à contenu LGBTQ publiés aux États-Unis et au Canada. De 1988 à 1997, sur une période de 9 ans, 59 romans ont été publiés en anglais, comparativement à seulement 40 titres publiés dans les 18 années précédentes, de 1969 à 1987. Plus que jamais, des titres LGBTQ font l’objet d’articles, de comptes rendus et de critiques et sont considérés pour des prix littéraires. Dans le monde anglo-saxon, de nombreux titres qui s’adressent à un public jeunesse sont désormais publiés chaque année et, si l’on en

croit plusieurs des études que nous avons consultées dans le cadre de notre démarche de recherche, leur nombre n’a cessé d’augmenter au cours des dernières décennies. Au Québec, comme nous le verrons, il semble que ce soit surtout au cours de la dernière décennie que le nombre d’œuvres de littérature jeunesse a connu une augmentation.

Dans son mémoire de maîtrise, Dénommé-Beaudoin (2003) présente un tour d’horizon des œuvres de littérature jeunesse québécoise parues de 1988 à 2003 et qui comportent au moins un personnage homosexuel « actif ». Pour être considéré comme « actif », un personnage doit occuper une place importante dans la trame narrative de l’œuvre. Il doit donc s’agir soit d’un personnage principal, soit d’un personnage secondaire, mais qui joue un rôle substantiel dans l’histoire. Pour les quinze années auxquelles elle s’est intéressée, de 1988 à 2003, Dénommé-Beaudoin a recensé un total de 22 œuvres qui s’adressent à un public de 7 à 16 ans. Plus précisément, un seul livre de son corpus s’adresse à un public de 7 ans et plus. Il s’agit de Marius de Latifa Alaoui M. Les 21 autres livres de son corpus s’adressent à un public âgé d’au moins 11 ans. Fait à noter, l’ouvrage le plus récent de son corpus, Philippe avec un

grand H de Guillaume Bourgault (2003), est le seul à figurer aussi dans notre liste de

vérification. C’est aussi le plus ancien de notre liste. Ce que l’on remarque nécessairement dans le corpus d’œuvres répertoriées par Dénommée-Beaudoin, c’est l’absence d’albums destinés à un public de jeunes enfants. Cette absence ne témoigne vraisemblablement pas d’une omission de la part de la chercheure, ni d’un choix méthodologique, mais bien de l’inexistence de telles œuvres écrites, éditées et publiées au Québec avant 2003. Autrement dit, avant 2003, il existait des œuvres québécoises LGBTQ pour les jeunes, surtout pour les ados, mais pas pour les jeunes enfants.

Quelques années avant l’étude de Dénommée-Beaudoin, Esposito (1996, 54) a présenté, dans la revue Lurelu, les résultats de sa démarche de recensement des œuvres de littérature jeunesse québécoise comportant un ou plusieurs personnages d’orientation homosexuelle qui participent plus ou moins activement à l’histoire. Il en a repéré 10. Selon lui, ce nombre est alors représentatif d’un malaise qui entoure la représentation de

l’homosexualité dans les œuvres destinées à la jeunesse. Ce qu’il constate par ailleurs, c’est que la représentation de l’homosexualité dans ces œuvres est en général négative et tombe la plupart du temps dans le cliché et dans la victimisation. Il remarque aussi qu’un seul de ces dix livres met en scène des lesbiennes.

Quinze ans après Esposito (1996), également dans la revue Lurelu, Dufresne (2011, 17) a fait le même exercice : « Première constatation quant au sujet, il n’est guère plus populaire qu’il y a dix ans. À l’époque, une dizaine de romans étaient répertoriés, ce qui est à peu près semblable à la production de la dernière décennie ». Dufresne estime qu’au moins un titre de littérature jeunesse abordant l’homosexualité a été publié par année entre 1996 et 2011, ce qu’elle considère comme très peu. Bien que nous n’ayons pas, pour notre part, procédé à un inventaire exhaustif des œuvres de littérature jeunesse à contenu LGBTQ distribuées au Québec, notre seule liste de vérification contient 17 titres de littérature jeunesse québécoise à contenu LGBTQ parus entre 2013 et 2018. Nous en avons donc répertorié suffisamment pour croire que la situation a évolué depuis la publication de l’article de Dufresne. Par ailleurs, soulignons que les romans recensés par Dufresne (2011, 33) s’adressaient principalement aux ados. Un seul roman s’adressait aux lecteurs de 10 ans et plus et deux albums s’adressaient aux jeunes de sept ans et moins. Ces deux albums sont Marius (2001) et Ulysse et Alice (2006). Le second, Ulysse et Alice, figure aussi dans notre liste de vérification.

Le principal changement que Dufresne (2011, 17) observe, par rapport à Esposito (1996), a trait au contenu LGBTQ particulier des œuvres : « Si les romans des années 80 et 90 parlaient presque uniquement d’homosexualité masculine, les récentes publications accordent une place plus grande au lesbianisme ». Dans son analyse, elle classe les œuvres gaies et lesbiennes recensées en trois catégories : « D’abord, et en plus grand nombre, on retrouve les romans où l’homosexualité – plus précisément, la découverte de l’homosexualité – est au cœur de l’histoire. Ensuite il y a les romans et albums où le nœud de l’histoire tourne autour d’un parent homosexuel. Finalement, on trouve deux romans où apparaît un personnage secondaire homosexuel » (Dufresne 2011, 17). Plusieurs des titres de notre liste

de vérification tombent aussi dans ces catégories. Notre liste, il faut le souligner, comporte de plus des contenus trans et bisexuel. Le thème du coming out y est également présent, mais tous les romans gais et lesbiens de notre liste ne s’articulent pas autour de ce thème.