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CHAPITRE I: Des biocapteurs aux BioMEMS

I.4 Les BioMEMS

I.4.2 BioMEMS statiques

Le champ des BioMEMS en fonctionnement statique concerne essentiellement des

microleviers. Ces leviers microfabriqués sont typiquement des barreaux de forme

rectangulaire en silicium. Ces structures sont principalement utilisées comme des capteurs de

force pour imager la topographie d’une surface par les techniques de microscopie à force

atomique (AFM) [117]. Dans ces méthodes, un levier avec une pointe fine parcourt une

surface conductrice ou non selon deux modes : soit la pointe est en contact direct avec la

surface (mode contact), soit la pointe oscille pour interagir avec la surface sur une courte

période pendant les cycles d’oscillation (mode dynamique, sans contact). Quelque soit le

mode de fonctionnement, la déformation du levier est habituellement mesurée par une

détection optique de la position d’un faisceau laser positionné au bout du levier. Dans le cas

de BioMEMS à base de microleviers, la pointe et la surface ne sont pas nécessaires, comme

dans le cas de l’AFM. En mode statique, une reconnaissance biologique sur une des deux

faces du levier (typiquement, la face supérieure) se traduit par une réponse mécanique du

levier. En effet, la contrainte de surface générée par la reconnaissance de l’analyte se traduit

par une déformation statique du levier. Comme le montre la figure 1.26, la déformation d’un

levier due à une contrainte en compression est régie par l’équation [118]:

)

(

)

1

(

4 1 2

2

!

!

"

#

$

#

$

%

&

'

(

)

*

=

#

E

h

l

z (1.4)

avec υ et E le coefficient de poisson et le module de Young du matériau, h l’épaisseur globale

du levier, Δσ1 la variation de contrainte sur la face supérieure du levier et Δσ2 la variation de

contrainte sur la face inférieure. Hormis l’influence d’une contrainte générée sur la

déformation verticale du levier, cette équation met aussi en évidence le besoin de

fonctionnaliser la face inférieure du levier afin d’éviter des adsorptions (spécifiques ou non)

qui empêcheraient la déflexion du levier.

Figure 1.26 : Principe de la transduction mécanique pour un micro-levier lors d’une

reconnaissance biologique.

Les méthodes de détection de la déformation du levier peuvent dériver directement de

celles utilisées pour l’AFM. Comme il a été vu, l’utilisation d’un faisceau laser sur l’extrémité

libre du levier permet la mesure de sa déflexion avec une grande précision (cf figure 1.27a)).

Les déviations du rayon optique sont recueillies dans un photodétecteur par mesure du

photocourant (cette technique est connue sous le nom d’Optical Beam Deflection (OBD)).

C’est d’ailleurs principalement cette méthode qui est utilisée dans les BioMEMS statiques. De

nombreuses applications, et pionnières dans le domaine, ont utilisé des réseaux de

microleviers avec détection par OBD pour la détection de l’hybridation d’ADN [119].

Plus récemment, cette même technique a montré un fort potentiel pour la

reconnaissance sans marquage d’analyte selon un modèle antigène-anticorps. L’analyte

concerné est la Prostate Serum Albumin (PSA), marqueur sérique du cancer de la prostate. Le

système utilisé, décrit sur la figure 1.27a), utilise des microleviers triangulaires en nitrure de

silicium (avec une couche d’or sur la face supérieure) de 200 µm de long pour une épaisseur

de 0.5 µm, immergés dans un système fluidique régulé en température et intégrant la détection

optique [120]. Ainsi, la déformation du levier est mesurée en temps-réel. Après la

fonctionnalisation des leviers avec des anticorps anti-PSA, une saturation du levier par la BSA

est faite pour éviter les adsorptions non-spécifiques. Afin de se rapprocher d’un cas clinique,

lors de l’injection de PSA, la solution comprend également des protéines du sérum telles que

la HSA et la plasminogène humaine (HP) à une concentration de 1 mg/ml. Une concentration

en PSA de 0.2 ng/ml a pu être détectée spécifiquement, ce qui montre la haute sensibilité de

ce système et la gamme dynamique de concentration a atteint 60 µg/ml (figure 1.27b)).

Néanmoins, la méthode de détection externe nécessite l’utilisation d’un ou plusieurs éléments

physiques extérieurs au capteur, ce qui est en désaccord avec la miniaturisation et le niveau

d’intégration qui va avec. Aussi, un autre inconvénient provient de la focalisation laborieuse

du faisceau en milieu liquide due au phénomène de diffraction. C’est pourquoi les méthodes

de détection intégrées ont connu un essor important pour la mesure de la déformation des

microleviers.

Figure 1.27 : a) Principe de la détection du mouvement de micro-leviers par Optical Beam

Deflection (OBD). b) Mesure temps-réel de la déflexion d’un micro-levier lors de

l’interaction anticorps anti-PSA / PSA (courtoisie de A. Majumdar) [120].

De part leur simplicité de fabrication et leur efficacité, les jauges piézorésistives ont

montré des capacités intéressantes. La déformation de la microstructure engendre une

contrainte (c’est à l’encastrement du levier que la contrainte est la plus forte) qui se traduit par

une variation de la résistance. Souvent montées en pont de Wheatstone, deux piézorésistances

dans le substrat servent de référence et deux autres sont sur des leviers permettant à

l’ensemble du montage une mesure différentielle (cf. figure 1.28) [121].

Figure 1.28 : Micro-leviers piézorésistifs montés en pont de Wheatstone (courtoisie de A.

Boisen) [121].

Les changements au niveau des piézorésistances sont détectés (ΔR/R) par une tension

de sortie V0 par le pont de Wheatstone soumis à une tension V. La tension de sortie est

donnée par :

R

R

V

V = .!

4

1

0 (1.5)

C’est ainsi que des leviers intégrant une piézorésistance ont pu être utilisés en phase vapeur

[122] ou liquide pour la détection de molécules [121]. Une autre approche pour la détection de

la déformation de microleviers concerne l’intégration d’un transistor MOSFET à

l’encastrement du levier [123]. Dans ce cas, le changement de contrainte dû à la déflexion du

levier change les propriétés de la grille du transistor (cf. figure 1.29a)), se traduisant par une

variation du courant de drain pour une tension de drain imposée, par rapport à un levier de

référence. Ainsi, ce type de microlevier, comprenant une couche d’or supérieure, a permis la

détection de biotine par la streptavidine immobilisée à une concentration minimale de 100

fg/ml (0.4 pM). Ce système, très sensible, a aussi permis la détection en temps-réel

d’immunoglobuline G de lapin par des anticorps anti-lapin à une concentration de 100 µg/ml

(0.6 µM) (cf. figure 1.29b)). Non seulement cette application montre la corrélation étroite

entre les BioMEMS et la microélectronique, mais aussi indique la variété des possibilités pour

la détection sensible, sans marquage, intégrée et temps-réel d’une reconnaissance biologique.

Figure 1.29 : a) Principe de fonctionnement du transistor MOSFET intégré à l’encastrement

d’un micro-levier. b) Variation du courant de drain du transistor MOSFET lors de la

reconnaissance par des anticorps anti-lapin d’immunoglobulines de lapin (courtoisie de V.

Dravid) [123].

Malgré les avantages (notamment la sensibilité) de BioMEMS statiques, ces structures

souffrent de la difficulté d’obtenir des données quantitatives sur la reconnaissance d’analyte.

En effet, la déformation de microleviers étant due à des changements de contrainte, leur

calibration pour obtenir des données sur la densité de greffage, par exemple, est difficile.

Aussi, même si cette idée est implicite, il est clair que le changement de contrainte dû à

l’interaction biologique part du principe que la couche formée est répartie de façon homogène

sur la surface et que les biorécepteurs doivent être immobilisés de manière uniforme. Cette

condition n’est pas remplie dans le cas d’analytes de grande taille tels que des cellules, lors de

l’interaction sur des anticorps immobilisés ou dans le cas de la détection de très faibles

quantités d’analyte, avec un objectif de la molécule unique. C’est pourquoi, l’utilisation de

BioMEMS fonctionnant en mode dynamique a trouvé des intérêts puisque ce sont des

capteurs de masse et comme il a été vu pour la microbalance à quartz, ce principe de détection

reste universel.