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CHAPITRE I: Des biocapteurs aux BioMEMS

I.4 Les BioMEMS

I.4.3 Les BioMEMS résonants

De manière générale, le signal de sortie de BioMEMS résonants est la fréquence de

résonance des structures. Un des avantages de ce fonctionnement provient du fait que la

conversion de la résonance mécanique de la structure en un signal électrique n’altère pas la

résolution. Le fonctionnement dynamique nécessite cependant une force active

d’actionnement et un principe de détection pour la mesure des fréquences. Comme il a été vu,

la réversibilité de l’effet piézoélectrique favorise l’utilisation de matériaux présentant cette

propriété dans les BioMEMS [124]. Les matériaux piézoélectriques les plus communs sont le

PZT et le ZnO. D’autres possibilités existent, telles que les effets magnétiques [125],

thermiques [126] ou électrostatiques [127]. Néanmoins, notamment pour les effets

électrostatiques, l’utilisation d’un espace entre la structure et l’électrode d’actionnement et/ou

détection empêche le fonctionnement en milieu liquide.

Au-delà de la fréquence de résonance (fn), qui est déterminante dans la sensibilité (Sn)

de la transduction, un autre paramètre capital pour la viabilité d’un BioMEMS résonant est le

facteur de qualité Q. Inverse de la dissipation présentée pour la microbalance à quartz, le

facteur de qualité permet la détermination de la masse minimum détectable. En effet, la masse

minimum détectable est décrite par l’équation :

Q

f

S

M n

n

2

1

min

!

"

# (1.6)

Comme le montre l’équation (1.6), plus le facteur de qualité sera élevé, plus la masse

minimum détectable sera faible. De manière plus représentative, la figure 1.30 montre le cas

de figure d’un facteur de qualité élevé et faible. S’il est faible, même si la sensibilité du

transducteur est élevée, une légère variation de la fréquence de résonance ne pourra être

mesurée. De nombreuses études sont ainsi menées dans l’augmentation du facteur de qualité

pour une utilisation optimale de BioMEMS résonants en milieu liquide.

Figure 1.30 : Principe de fonctionnement dynamique d’un micro-levier. Le graphe montre la

différence entre un facteur de qualité élevé (courbe jaune) et un facteur de qualité faible

(courbe orange)

Comme pour les BioMEMS statiques, de nombreuses applications en mode

dynamique concernent les microleviers. Malgré leur sensibilité massique élevée, la vibration

hors plan est nettement amortie en milieu liquide et se traduit par un faible facteur de qualité.

L’amortissement est en effet amplifié par l’immersion complète du levier, à cause du

cisaillement du fluide engendré par l’oscillation des structures. C’est pour ces raisons que

l’ensemble des applications de BioMEMS résonants à base de microleviers s’appuie sur des

mesures dans l’air avant et après la reconnaissance biologique. Dans ce cas, la sensibilité

massique élevée des microleviers a permis la détection d’espèces dans des gammes de masse

allant de la dizaine de femto grammes pour la détection de virus unique [128] à quelques pico

grammes pour la détection de bactéries [129]. Récemment, l’utilisation de leviers

piézoélectriques pour la détection de bacilles a été démontrée en milieu liquide et en temps

réel, par utilisation de modes plus élevés que le mode de résonance fondamental, augmentant

aussi le facteur de qualité [130].

Une des manières les plus élégantes de profiter de la sensibilité de microleviers et

contourner les faibles facteurs de qualité en milieu liquide a été proposée par l’équipe de S.

Manalis au MIT en intégrant un canal microfluidique dans le levier [131]. Ainsi, la vibration

des structures est suivie dans le vide mais la reconnaissance biologique a lieu en milieu

liquide, en temps réel. Les structures, présentées sur la figure 1.31a), sont actionnées

électrostatiquement et la détection se fait par OBD et grâce à l’individualisation des canaux

dans chaque levier, l’adressage pour l’immobilisation des biorécepteurs est intégré. Les

microleviers ainsi fonctionnalisés par un empilement de PLL-g-PEG-biotin, neutravidine et

anticorps anti-mouton biotinylés ont permis la reconnaissance spécifique d’anticorps de

mouton en temps-réel avec une limite de détection de 0.7 nM et des gammes cinétiques

jusqu’à une concentration de 0.7 µM (cf. figure 1.31b)).

Figure 1.31 : a) Principe d’un micro-levier intégrant un canal microfluidique. Gamme

cinétique lors de la détection d’anticorps par un micro-levier intégrant un canal

microfluidique (courtoisie de S. Manalis) [131].

Une autre approche pour obtenir un facteur de qualité important dans un liquide est de

s’affranchir de la vibration hors-plan. Pour cela, partant de l’efficacité de la microbalance à

quartz, des matrices de résonateurs en quartz ont pu être fabriquées (cf. figure 1.32a)) [132].

La vibration des structures par TSM permet un mouvement plan des résonateurs et la

miniaturisation permet l’intégration de plusieurs résonateurs sur la même puce. Malgré la

réduction de taille, l’augmentation de fréquence de résonance, par rapport à la QCM, n’a pas

amélioré la sensibilité des transducteurs. Le potentiel de ces structures n’a pour le moment pu

être montré que pour leur utilisation en tant que capteurs chimiques et pas en tant que

biocapteurs. Une autre alternative possible est celle développée par O. Brand à Georgia Tech

sur l’utilisation de résonateurs sous forme de disque (cf. figure 1.32b)) [133]. Dans ce cas, la

rotation des demi-disques (servant de masses sismiques) induit une torsion du bras central et

offre un mode de vibration plan. Les structures fabriquées permettent d’atteindre un facteur de

qualité de l’ordre de 100 dans un fluide, ce qui est deux décades supérieures, comparé aux

microleviers classiques. C’est ainsi que ces structures ont récemment été utilisées pour la

détection d’anticorps anti-β-galactosidase par l’enzyme β-galactosidase immobilisée au

niveau des demi-disques. Les travaux préliminaires sur l’utilisation en tant que biocapteur ont

permis la détection en temps-réel des anticorps à une concentration de 0.73 µg/ml.

Figure 1.32 : BioMEMS résonants en mouvement plan. a) Matrices de micro-résonateurs à

quartz. (Courtoisie de R. Lucklum) [132] b) Résonateurs plan sous forme de deux

demi-disques en rotation. (Courtoisie de O. Brand [133])

Enfin, une dernière alternative concerne l’utilisation de diaphragmes. Ces structures,

bien qu’ayant une vibration hors-plan, présentent l’avantage de n’être en contact avec le

liquide que par une seule face. Il a été démontré que des membranes circulaires intégrant un

matériau piézoélectrique ne connaissent qu’un faible amortissement lors du passage de l’air à

l’eau [134]. Les travaux initiés par Christian Bergaud au LAAS-CNRS ont montré le potentiel

de micromembranes en silicium intégrant une couche piézoélectrique pour la reconnaissance

de biomolécules. La détection de l’hybridation d’ADN par l’utilisation de colloïdes d’or a pu

être achevée [135]. Les matrices de micromembranes, de 150 µm de rayon, intègrent une

couche piézoélectrique de forme annulaire (cf. figure 1.33a)) servant à l’actionnement des

structures alors que la détection des fréquences de résonance est faite par ODB. Une

sensibilité élevée, de l’ordre de -3.9 pg/(mm².Hz) a été démontrée sur le deuxième mode de

vibration, permettant la détection spécifique de l’hybridation d’ADN avant et après

l’incubation avec les colloïdes d’or (cf. figure 1.33b)).

Figure 1.33 : a) Micromembranes circulaires intégrant une couche piézoélectrique annulaire.

b) Influence de la reconnaissance de colloïdes d’or streptavidine par la biotine sur la

fréquence de résonance de micromembranes circulaires [135].

Comme il a été vu, il n’existe pas, à l’heure actuelle, de biocapteur présentant

l’ensemble des performances requises. Un article publié dans Nature fait état des conditions

requises pour l’utilisation de biocapteurs dans les pays en voie de développement [137].

Ainsi, pour un « test diagnostic idéal », sont requis la sensibilité, la spécificité, la rapidité, la

portabilité, l’autonomie, la conservation, le coût. C’est dans un esprit similaire (l’article a été

publié après que nos objectifs ne soient définis) que nous avons approfondi les recherches

initiées par les travaux prometteurs de Mathieu Guirardel [136] sur le développement de

BioMEMS à actionnement et détection intégrées pour la reconnaissance d’espèces

biologiques. En effet, avec le potentiel de structures de type membranes, l’intégration d’une

couche piézoélectrique n’avait, jusqu’à présent, été utilisée que pour l’actionnement. Afin

d’être en accord avec la miniaturisation, l’actionnement et la détection intégrées étaient

nécessaires afin de répondre aux critères de portabilité et d’autonomie. De plus, la détection

intégrée de fréquences de résonance en milieu liquide n’avait pas été démontrée. Ces étapes

sont indispensables pour élaborer un biocapteur temps-réel, sans marquage (participant aux

critères de rapidité) à détection parallèle de la reconnaissance biologique. Nous avons choisi

de focaliser notre attention sur deux types d’application biocapteur :

• une première application vise à démontrer la capacité des micromembranes

pour la détection d’anticorps par des antigènes immobilisés et d’évaluer les

performances de la réponse obtenue, par comparaison aux techniques de

référence.

• Une seconde application vise à combiner les polymères à empreinte

moléculaire avec des BioMEMS. Les structures de type membranes sont

là-aussi des candidats intéressants. L’objectif de cette combinaison est de

répondre aux paramètres critiques des biocapteurs que sont la conservation et

la stabilité, couplés à la sensibilité, la portabilité et la rapidité.

Au travers de caractérisations et optimisations physiques des structures de type

micromembranes, nous avons pour objectif de montrer un degré d’aboutissement d’un

BioMEMS résonant capable d’être comparé aux techniques de référence telles que la SPR et

la QCM tout en profitant des avantages offerts par la miniaturisation. Les champs

d’application abordés illustreront le caractère générique de la transduction. Nous tenterons de

prouver que des structures de type micromembranes à actionnement et détection intégrés

représentent une méthode de transduction multicapteur universelle.