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Chapitre 1: Introduction bibliographique

3- Biomarqueurs pour la sélection d’animaux résistants

mesurés suite à un stress au niveau des organismes entiers, au niveau

tissulaire ou au niveau des fluides.

Pour notre étude, la nature du stress est l’infection par V. tapetis. Les

paramètres choisis concernent principalement ceux impliqués dans la défense

immunitaire et donc ceux en relation avec les hémocytes et le plasma dans

lequel ils baignent. Dans les populations de R. philippinarum européennes et

de la côte est des Etats-Unis, des paramètres hémocytaires ont été rapportés

dans diverses études liées à la MAB, suite ou non à une inoculation de V.

tapetis, sur le terrain ou en laboratoire (Paillard et al., 1994, 1995 ; Oubella et

al., 1993, 1994, 1996 ; Ford et Paillard, 2007 ; Allam et Paillard, 1998, Allam

et al., 2000a, 2000b, 2001, 2002a, 2006 ; Reid et al., 2003 ; Flye Sainte-Marie

et al., 2007a, 2009a). Plus récemment une étude a montré une différence de

susceptibilité face à la MAB sur plusieurs générations entre deux stocks

aquacoles de palourdes japonaises (Trinkler et al., 2010). Les biomarqueurs

recherchés concernent ceux impliqués dans la résistance à la MAB associés

soit à des capacités de lutte contre la bactérie sans qu’il y ait de

développement de symptômes soit à des capacités de réparation coquillière

ou guérison.

A ce jour, aucune donnée sur les paramètres hémocytaires n’a été apportée

au niveau individuel sur des populations de palourdes d’écloserie à

susceptibilité différentielle face à la MAB.

3-1-Les hémocytes

Chez les invertébrés, l’hémolymphe participe à différents processus

physiologiques : digestion, transport de métabolites, réparation coquillière

(Mount et al., 2004 ; Trinkler et al., 2011). Mais, de par sa constitution en

hémocytes, un de ses rôles majeurs est de participer aux mécanismes de

défense immunitaire (pour revue, Donaghy et al., 2009).

Les cellules circulantes de défense ou hémocytes baignent dans le plasma de

l’hémolymphe et des fluides extrapalléaux. L’hémolymphe circule à travers

l’organisme grâce au système circulatoire semi-ouvert en contact avec les

tissus. Chez les bivalves, les fluides extrapalléaux sont en contact avec le

manteau et la coquille (Allam et Paillard, 1998.)

Les différents types d’hémocytes sont caractérisés par leur morphologie ou

leurs composants métabolites et leur fonction. Chez la palourde japonaise,

trois types de cellules hémocytaires sont recensées : les granulocytes

(cellules granuleuses), les hyalinocytes (cellules agranuleuses) et les blastes

(Auffret, 1988, Allam et al., 2002, Matozzo et al., 2008).

Les paramètres environnementaux influent sur la concentration en hémocytes

de R. philippinarum. Soudant et al., 2004 ont montré qu’avec des

températures estivales plus élevées, la concentration en hémocytes totaux

(THC) était plus élevée. D’autre part, l’effet combiné d’une température élevée

à 30°C à une forte salinité (38‰) affecte des répon ses fonctionnelles des

hémocytes de la palourde japonaise (Munari et al., 2011).

Une augmentation des cellules de l’hémolymphe serait liée à l’alimentation et

aux périodes de reproduction chez l’huître et la palourde (Ford et al., 1993,

Oubella et al., 1994 ; Delaporte et al., 2003).

L’environnement cellulaire peut jouer sur la morphologie des hémocytes. En

effet, un arrondissement des cellules suite à une exposition à du cuivre

(Fagotti et al., 1996) ou à un contact bactérien a été démontré (Choquet et al.,

2003).

3-1-1 Phagocytose

Le processus biologique de phagocytose permet l’élimination de petites

particules telles que les virus et les bactéries. La membrane cytoplasmique de

l’hémocyte englobe la particule étrangère après sa reconnaissance et son

adhésion. Le phagosome internalise la particule puis fusionne avec des

lysosomes pour former un phagolysosome qui sera par la suite détruit par des

molécules (enzymes lysosomiales et espèces réactives de l’oxygène).

Des variations dans l’activité de phagocytose ont été démontrées suite à des

stress bactériens ou selon différentes conditions environnementales. Une

baisse de la phagocytose est observée chez la palourde européenne

Ruditapes decussatus en présence du parasite Perkinsus atlanticus (Ordas et

al., 1999). Des palourdes japonaises de la côte ouest des Etats-Unis

présentent une activité de phagocytose plus importante que celle des

baisse de la phagocytose intervient en période de reproduction chez l’huître et

chez l’ormeau (Delaporte et al., 2006, Gagnaire et al., 2006, Travers et al.,

2008) et après à une augmentation de la température (Hégaret et Wikfors,

2005a, 2005b).

La phagocytose du V. tapetis par les hémocytes de R. philippinarum est

illustrée dans la figure 2.

Fig. 2 : Processus de phagocytose de V. tapetis par les hémocytes de la palourde japonaise

3-1-2-Les réactions humorales

L’immunité humorale se traduit par l’intervention de molécules solubles à

caractère cytotoxique produites par les hémocytes. Les effecteurs humoraux

tels que les peptides antimicrobiens, les inhibiteurs de protéases, les

enzymes lysosomales, les lectines interviennent dans la réponse

hémocytaire. En effet, les hémocytes des bivalves synthétisent par exemple

les lectines ayant un rôle de reconnaissance et d’agglutination de microbes

tandis que les peptides antimicrobiens (defensin, mytilin, …) ont

principalement une fonction bactéricide. Des peptides antimicrobiens ont été

identifiés suite à des challenges bactériens chez la palourde européenne ou

chez la palourde japonaise (Gestal et al., 2007 ; Zhao et al., 2010).

Les enzymes lysosomiales contenues dans l’hémolymphe émanent des

hémocytes et sont d’autres facteurs intervenant dans le processus

immunitaire comme la lysozyme ou la Leucine Amino Peptidase (LAP)

(Oubella et al., 1994).

L’existence de mémoire immunitaire spécifique commence à être acceptée

chez les invertébrés (Rowley et Powell, 2007). Chez le gastéropode

Biomphalaria. glabrata, des molécules proches des immunoglobulines, les

IgSF présentent une hypervariabilité génétique rappelant le système de

reconnaissance des Ig des vertébrés. Une telle mémoire immunitaire n’a pas

été démontrée chez la palourde japonaise. Cependant, récemment des

expériences ont été menées afin de voir l’effet d’une inoculation répétée sur

des paramètres hémocytaires, le développement du dépôt brun et sur la

réparation. Il semble que des individus déjà exposés à la bactérie

développent une réparation plus rapide (Trinkler, 2009).

Les espèces réactives de l’oxygène (ROS) (oxygène O

2

, superoxyde O

2

-,

radical hydroxyl OH, peroxyde d’hydrogène H

2

O

2

) et azotées (RNS) (oxyde

nitrique NO, peroxynitrite ONOO) participent à la réponse immunitaire après

une stimulation des hémocytes par des agents bactériens. Ces ROS et RNS

sont utiles pour la destruction des pathogènes. Elles sont composées de

radicaux libres tels que le radical hydroxyl (OH), les ions peroxydes et l’oxyde

nitrique NO (Fig. 3). Ces radicaux étant très réactifs peuvent également être

nocifs aux cellules de l’organisme lorsqu’ils sont présents en grande quantité.

Leur dégradation est contrôlée par l’intervention d’enzymes antioxydantes. Le

peroxyde d’hydrogène H

2

O

2

est généré par l’intervention de la superoxyde

dismutase. La catalase dégrade le peroxyde d’hydrogène en O

2

et H

2

O. L’ion

superoxyde (O

2

), en présence de l’oxyde nitrique (NO) produit du peroxinitrite

(ONOO).

Fig. 3: Schéma de la production des espèces réactives de l’oxygène (ROS) et de l’azote (RNS). D’après la revue de Fang 2004.

3-1-2-1-L’oxyde nitrique

Le NO est une molécule radicalaire peu stable.

La nitrique oxyde synthase (NOS) produit l’oxyde nitrique (NO) en

transformant la L-arginine en L-citrulline en présence d’oxygène (Fig. 3 et 4).

Le radical NO agit avec le dioxygène pour produire du NO

3

- et NO

2

-. Ces

deux composés sont mesurables par différentes méthodes spectrométriques

comme celle de la réaction de Griess (cf chapitre 2 : matériels et méthodes).

Fig. 4: Biosynthèse d’oxyde nitrique (NO) par la NOS d’après Torreilles, 2001.

La synthèse du NO est induite par la stimulation des hémocytes en présence

de particules microbiennes. La molécule de NO est toxique pour les agents

pathogènes mais à une certaine concentration, elle devient toxique pour les

cellules de l’hôte. Produite par induction par les hémocytes, le NO a pour rôle

de détruire les bactéries empêchant leur multiplication.

Des productions de NO engendrées par des agents pathogènes ou des

substances bactériennes ont été estimées chez la moule de Méditerranée

Mytilus galloprovincialis, chez l’huître américaine (Villamil et al., 2007), chez la

palourde européenne R. decussatus (Novas et al., 2007 ; Taffala et al., 2003,

Mar Costa et al , 2008). Par contre, aucune mesure sur la production de NO

chez R. philippinarum n’a encore été faite.

Chez les vertébrés, il existe trois formes de Oxyde Nirique Synthase (NOS) :

1) nNOS ou NOS I forme retrouvée dans les cellules nerveuses, 2)iNOS ou

NOS II forme inductible de l’enzyme et 3) eNOS ou NOS III forme retrouvée

principalement dans les cellules endothéliales. Mais, chez les invertébrés, la

NOS correspond davantage à la forme inductible. Certains auteurs ont montré

l’existence d’un pattern d’expression constitutive et inductible de la NOS

3-1-2-2 La phénoloxydase

L’activation de la prophénoloxydase (ProPO) est une mécanisme de défense

immunitaire chez les invertébrés contre les infections microbiennes (Soderhall

et Cerenius, 1998). La cascade de la réaction de la prophénoloxydase en

phénoloxydase est stimulée par la présence de peptidoglycane,

lipopolyssacharides et de 1-3 B-glucanes (pour revue Cerenius et Soderhall,

2004) (Fig. 5).

Des réactions en cascade par des sérines protéases endogènes permettent le

clivage de la ProPO en PO active. La phénoloxydase (PO) catalyse des

quinones précurseurs de la mélanine (Soderhall et al., 1994, Kan et al., 2008).

Les quinones participent à la défense contre des microorganismes comme les

radicaux hydroxyles. Néanmoins, en quantités excessives, les quinones et la

mélanine peuvent devenir dangereux pour l’hôte les synthétisant (Kan et al.,

2008). La mélanine est un composé bactéricide permettant l’encapsulation de

corps étrangers.

Fig. 5: Système de l’activation de la prophénol-oxydase des arthropodes et réactions en chaîne menant à la synthèse de mélanine (d’après Cerenius et Soderhall, 2004).

Plusieurs études concernent l’activité de la PO chez des invertébrés marins.

Munoz et ses collaborateurs (2006) ont montré une activité de la PO des

palourdes européennes plus forte pour une infestation faible du parasite

Perkinsus sp par rapport à une infestation élevée. La présence du Bonamia

sp semble diminuer l’activité de la PO de O. edulis (Cochennec-Laureau et

al., 2003, da Silva et al., 2008). Très récemment, Luna-Acosta et ses

collaborateurs (2011) ont démontré que l’activité antimicrobienne chez l’huître

C. gigas induit les réactions des phénoloxydases et en particulier celle de la

laccase.

Un suivi de la PO sur 6 mois a été réalisé sur des populations de palourdes

japonaises en effectuant des ponctions d’hémolymphes répétées. Les valeurs

les plus fortes sont mesurées lors de la première ponction (Ford et Paillard,

2007). Des animaux présentant au départ du suivi des fortes activités PO sont

significativement moins sujets à développer la maladie (Paillard, Comm pers).

De plus, cette espèce développe une couche de conchyoline mélanisée

lorsqu’elle est atteinte par la maladie de l’anneau brun. Une relation entre

l’activité de la PO et le développement du symptôme de la maladie est

suggérée. Une activité de PO plus élevée a été mise en évidence sur des

huîtres S. glomerata résistantes à la maladie QX (Newton et al., 2004).

D’autre part, les périodes de reproduction et sont mises en cause dans les

variations de l’activité PO (Travers et al., 2008). Chez l’ormeau Haliotis

tuberculata, l’activité PO est plus faible après la période de ponte.

3-1-3 La capacité d’adhérence

L’arrondissement des cellules est causée par la diminution des extensions

membranaires des hémocytes après des expositions à des agents

pathogènes (Lane et Birkbeck, 1999 ; Choquet et al., 2003, Allam et Ford,

2006, Labreuche et al., 2006). Lane et Birkbeck (1999) ont associé

l’arrondissement des cellules hémocytaires de la moule à la présence de

composés à la surface des bactéries ou à des produits excrétés par les

bactéries V. anguillarum et V. alginolyticus. Plus récemment, Mateo et al

(2009) ont injecté Vibrio splendidus dans le muscle adducteur de la mye

circulants dans l’hémolymphe. Les hémocytes perdant leur adhérence ont

plus de difficulté à phagocyter les corps étrangers et peuvent donc moins se

défendre. La perte de la capacité d’adhérence des hémocytes suite à

l’arrondissement des cellules constitue une réponse caractéristique

quantifiable par des mesures en cytométrie en flux. Les souches de V. tapetis

pathogènes pour la palourde induisent toutes un fort taux de cellules non

adhérentes significativement plus fort que celui obtenu avec d’autres espèces

de vibrions (Choquet et al., 2003).

3-2 Outils génétiques

3-2-1 Les microsatellites

Le génome nucléaire des eucaryotes possède des répétitions de petites

séquences appelées minisatellites ou microsatellites suivant la longueur de la

séquence répétée et du nombre de répétitions. La séquence la plus souvent

identifiée est composée par la répétition de AT. Les minisatellites sont formés

par de longues séquences de 10 à 100 pb répétées en tandem jusqu’à 100

fois (Jeffreys et al., 1984). Les microsatelittes sont composés de séquences

répétées plus courtes (2 à 6 nucléotides). La variabilité de longueur au sein

de chaque microsatellite découle de mutation, de délétion ou d’insertion au

cours des réplications. Cependant, ces phénomènes n’interviennent qu’à une

fréquence de 10

-8

à 10

-11

par paire de bases répliquées (Drake et al., 1998).

Les caractères héréditaires des microsatellites suivent la loi de Mendel. Ainsi,

les microsatellites sont des marqueurs de choix pour les analyses de parenté.

De nombreux microsatellites ont été identifiés chez de nombreuses espèces

de vertébrés, d’invertébrés et de bactéries. Les recherches de nouveaux

microsatellites ont été notamment effectuées sur des espèces aquacoles

d’intérêts économiques comme les ormeaux, les huîtres et les palourdes afin

d’être utilisés dans des études de génétique de populations (Evans et al.,

2000, Selvamani et al., 2000; Lallias et al., 2009b, Yasuda et al., 2007).

Yasuda et ses collaborateurs (2007) puis An et al., (2010) ont identifié des

microsatellites de la palourde japonaise issus de populations de la mer du

Japon ainsi que des côtes de la Corée. Ces auteurs ont montré un

polymorphisme important pour certains microsatellites. L’utilisation des loci

microsatellites est un atout pour l’élaboration et la reconnaissance des

familles au sein d’une population. En milieu contrôlé ou en milieu naturel les

populations constituées de plusieurs familles subissent les pressions de

sélection de façon similaire. Mélanger les familles lors des pontes permet

d’éviter d’éventuels biais au cours des premiers stades de développement

larvaires par des effets bacs (Herbinger et al., 1999). Lorsque l’isolation de

chaque famille n’est pas réalisable, le mélange des familles en une population

est nécessaire, l’analyse par les microsatellites permet alors de retrouver les

familles (Zhang et al., 2005).

Cependant, l’outil microsatellite présente quelques faiblesses telles qu’une

possible existence d’allèles nuls non détectables lors de l’amplification par

PCR dûs à une ou plusieurs bases différentes dans la séquence des

amorces. Cette présence d’allèle nul est vérifiable dans la descendance.

3-2-2 Les banques soustractives

La réalisation de banques soustractives permet d’identifier des gènes

différemment exprimés à partir de séquences clonées après amplification des

acides ribonucléiques messagers (ARNm). Les transcrits présentant des

redondances importantes ou impliqués dans des fonctions biologiques cibles

peuvent alors être utilisés comme biomarqueurs. Depuis la description de la

méthode par Diatchenko et al. (1996), de nombreux travaux ont permis

d’isoler des gènes impliqués dans des réponses face aux stress abiotiques

comme des protéines ribosomales chez le pecten Argopecten purpuratus et

l’huître C. gigas (Zapata et al., 2009 ; Meistertzheim et al., 2007 ; Tanguy et

al., 2004) et également sur les stress dus aux agents pathogènes chez

différentes espèces de mollusques tels que des lectines et la ferritine

(Perrigault et al., 2009 ; Song et al., 2006 ; Travers et al., 2010, Morga et al.,

2011).

Peu de banques soustractives ont été réalisées spécifiquement sur le

manteau de bivalves (Perrigault et al., 2009, Duplat et al., 2006). Cependant,

des gènes corrélés à la résistance ont été identifiés au niveau du manteau

dans des populations de M. mercenaria considérées résistantes au parasite

QPX (Perrigault et al., 2009).

Enfin, une grande quantité de gènes a été identifiée ces dernières années

chez la palourde japonaise (Milan et al., 2011 ; Moreira et al., 2012) mais les

gènes spécifiquement impliqués suite à un stress par V. tapetis n’ont pas

encore été mis en évidence.