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CHAPITRE 1 : INTRODUCTION

1.1 Qu’est ce qu’un biofilm ?

La première observation de biofilm est effectuée par Antoni van Leeuwenhoek au 18ème siècle, à l’aide d’un microscope de sa fabrication. Les biofilms qu’il observe (il parle d’agrégats d’ « animalcules ») sont issus d’échantillons de plaque dentaire (Costerton, 1999). Plus de deux siècles plus tard, Heukelekian et Heller (1940) observent l’ « effet bouteille » pour les microorganismes marins : les microorganismes se développent de manière sensiblement plus importante en présence d’une surface solide à laquelle s’attacher. Zobel (1943) va encore un peu plus loin et constate que les microorganismes marins se développent préférentiellement sur la surface solide à leur disposition. Le développement de l’observation des biofilms s’étend ensuite de la biologie marine à des domaines aussi variés que la santé publique (étude de la plaque dentaire au Forsyth Dental Center entre 1935 et 1978 par entre autres Gibbons et van Houte cf Costerton, 1999 , étude de la contamination des DUWS Dental Unit Water System par Blake en 1963 puis par bien d’autres cf Walker et Marsh, 2004 …), le traitement des eaux usées (e.g..Jones et. al.,.1969) ou les systèmes d’eau industrielle (e.g. Characklis, 1973). Tous ces travaux ont permis d’identifier diverses

bactériennes pouvant être présentes au sein d’un même biofilm), leur capacité à soutenir des sollicitations mécaniques relativement élevées (ce qui interdit le traitement des surfaces colonisées par simple rinçage), leur résistance élevée au traitement par désinfectant (comme par exemple par la chlorine), leur structure sous forme de bactéries incluses dans une matrice de polysaccharides, …. En 1978, Costertonet.al.Présentent la première théorie expliquant les mécanismes par lesquels les bactéries adhèrent aux interfaces solides et les avantages écologiques que les colonies bactériennes ainsi formées tirent de cette situation. La prise de conscience de l’importance des biofilms dans l’écologie bactérienne et de l’influence de ce mode de développement sur le comportement des bactéries ont conduit l’AAM (American Academy of Microbiology) à insister sur l’importance de prendre en compte la formation des biofilms sur les phénomènes impliquant des bactéries. En particulier, les erreurs que pouvaient générer le fait d’extrapoler des résultats obtenus par l’étude de cultures bactériennes planctoniques (c'est à dire se développant en suspension dans l’eau) mono espèces à des situations en systèmes naturels ou industriels ont été soulignées (cf. Costerton, 1999). L’étude des biofilms est donc un domaine en pleine expansion, en microbiologie en particulier mais aussi plus généralement dans tous les domaines où des biofilms peuvent jouer un rôle sur la dynamique des systèmes étudiés (en médecine, en traitement des eaux ou dans la maintenance des systèmes d’eau industrielle par exemple, pour citer les cas mis en avant ci dessus). Du point de vue strictement microbiologique, deux nouvelles approches ont eu un fort impact sur l’étude des biofilms au cours de la dernière décennie : l’utilisation de la microscopie confocale par balayage laser pour observer la structure tridimensionnelle des biofilms d’une part (e.g.: Palmer et Sternberg, 1999), et l’étude des gènes impliqués dans les mécanismes d’adhésion chez les bactéries d’autre part (Donlan, 2002). Le développement de la recherche sur les applications des biofilms est par exemple illustré au niveau français par la mise en place du Pôle de recherche National à Implantation Régionale (PNIR) « Biofilms » en

septembre 2003. L’étude présentée ici s’inscrit dans l’intérêt toujours croissant depuis plusieurs décennies pour les biofilms et leurs applications.

On peut proposer la définition suivante de la notion de biofilm : un biofilm est une colonie de micro organismes (bactéries, mais aussi levures, champignons ou protozoaires,

e.g..:. Block, 1992) se développant au sein d’une matrice de substances polymériques extracellulaires (souvent notées EPS, pour Extracellular. Polymeric. Substances), l’ensemble étant attaché de manière irréversible à une interface (la plupart du temps solide liquide, mais on peut aussi en trouver sur des interfaces types solide gaz, liquide gaz ou liquide liquide). On trouve dans les biofilms une fraction de biomasse active (les cellules bactériennes vivantes), une fraction d’EPS sécrétée par les bactéries (formant en général 75 % à 95 % de la masse totale du biofilm) et principalement composée de polysaccharides hautement hydratés et de protéines, une fraction de reste de cellules bactériennes mortes (ces deux dernières fractions composant ce qu’on appelle la biomasse inerte du biofilm) et une fraction de composés solubles issus de l’activité microbienne (souvent notés SMP, pour Soluble. Microbial. Products). Le lecteur peut se référer à Laspidou et Ritmann (2002) pour plus de détails sur la classification des différents composants d’un biofilm. Des matériaux non cellulaires, comme des minéraux, des particules argileuses ou des composés sanguins par exemple, peuvent également se trouver au sein de la biomasse, selon l’environnement dans lequel le biofilm se développe. En général, les biofilms abritent différentes espèces de bactéries, formant ainsi des consortia fonctionnels pouvant être le siège d’interactions complexes entre les différentes communautés de microorganismes. Néanmoins, il existe aussi des biofilms mono espèces, comme par exemple ceux qu’on peut trouver sur les valves cardiaques. Les biofilms peuvent avoir des structures tridimensionnelles extrêmement hétérogènes et variables (filamenteuses, corpusculaires, denses, ramifiées, …) suivant leurs

des biofilms peuvent être trouvés dans Donlan (2002) et Walker et Marsh (2004). La Figure 1 présente ainsi la structure de deux biofilms s’étant développés dans des environnements distincts et comportant des différences morphologiques significatives.

Figure 1 : Biofilms observés au microscope électronique à balayage (source : http://www.microbelibrary.org)

Enfin, une caractéristique remarquable des biofilms est leur capacité à se développer dans des environnements extrêmement divers : tuyauteries industrielles, système d’eau potable, système de ventilation, DUWS, cathéters, implants médicaux, sols et formations géologiques souterraines, galets de rivières … Ils peuvent s’adapter à des conditions extrêmement sévères, variées et fluctuantes (e.g. Block, 1992 ou encore Hall Stoodley et Stoodley, 2002). Cette capacité d’adaptation est une des principales sources d’intérêt des biofilms, qu’ils soient un problème à éradiquer (comme dans le monde médical, car ils peuvent abriter des espèces pathogènes) ou une force qu’il convient d’utiliser (comme dans les procédés biologiques, en bioremédiations ou autres).