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Chapitre 1. Introduction générale

1.2 La mer Méditerranée, un point chaud de la biodiversité et du changement global

1.2.1 Biodiversité : Origines et caractéristiques

La mer Méditerranée, du latin Mare Mediterraneum (littéralement : "la mer au milieu des terres"), est un vestige de l’océan Téthys. Formée il y a de cela 50 à 60 millions d’années par la convergence des plaques continentales africaine et eurasienne, elle est le fruit d’une histoire géologique complexe. Avec une surface de près de 2.5 millions de km² et une profondeur moyenne de 1460 m (profondeur maximale de 5267 m en mer Ionienne), la Méditerranée représente la mer fermée, ou plutôt semi-fermée, la plus large et la plus profonde de notre planète. Elle est connectée à l’océan Atlantique via le détroit de Gibraltar, à la

mer Noire par le détroit des Dardanelles puis du Bosphore et sur la mer Rouge par le canal de Suez. Le détroit de Sicile, caractérisé par la présence d'un haut-fond (environ 460 m de profondeur) issu du prolongement du plateau continental tunisien, sépare le bassin en 2 entités relativement distinctes d’un point de vue hydrodynamique et biologique, les bassins occidental (≈ 0.85 million de km²) et oriental (≈ 1.65 millions de km²). Le plateau continental méditerranéen se caractérise quant à lui par son étroitesse. Il ne représente que 20 % seulement de la surface totale du bassin, le reste appartenant à la haute mer (Figure 5).

Figure 5 : Cartographie du bassin méditerranéen et bathymétrie associée (en mètre).

Des conditions physico-chimiques et de la circulation des masses d’eaux dans le bassin méditerranéen résultent un gradient croissant de température (< 14°C au nord-ouest, > 24°C au sud-est) et de salinité (< 36 à l’endroit de Gibraltar, > 39 dans le bassin Levantin) d’ouest en est. Ces conditions sont également à l’origine de la distribution et de la variabilité temporelle des processus biogéochimiques, l’enrichissement planctonique en surface dépendant principalement des apports extérieurs (bassin versant) et de la stimulation des processus liés à la formation et à la mise en mouvement des masses d’eaux de sub- surface. La disponibilité en sels nutritifs est globalement faible en Méditerranée, ce qui lui confère le statut de mer oligotrophe, caractérisé par un gradient décroissant de production primaire (inverse au gradient de température et de salinité) allant du nord-ouest au sud-est (Bosc et al., 2004). Toutefois, des exceptions existent le long des côtes où des efflorescences massives de phyto et zooplancton, premiers maillons des réseaux trophiques, peuvent survenir au printemps. Ces exceptions sont principalement dues au

déversement de grands fleuves (e.g. le Rhône, le Po, l’Elbre ou encore le Nil) et à des dynamiques physiques complexes (fronts, gyres, convections hivernales par exemple) (Siokou-Frangou et al. 2010).

En dépit de son statut oligotrophe, la mer Méditerranée est un point chaud de la biodiversité marine mondiale (Coll et al., 2010; Costello et al., 2010; Myers et al., 2000). Considérée comme un haut lieu d’endémisme, son histoire géologique tourmentée, associée à une importante diversité climatique et hydrologique a conduit à la coexistence d'espèces issues de milieux tempérés et subtropicaux (Lejeusne et al., 2010). Cet océan miniature abrite plus de 17 000 espèces marines (650 sont des espèces de poisson dont 200 sont d'intérêt commercial) et contribue de l’ordre de 7 % à la biodiversité mondiale, ce qui est considérable sachant que la Méditerranée ne représente que 0.82 % en surface et 0.3 % en volume de l’océan mondiale (Coll et al., 2010; de la Hoz et al., 2018). Le taux d’endémisme avoisine quant à lui les 25 % (Bianchi and Morri, 2000; Coll et al., 2010). 67 % des espèces connues sont recensées dans l’ouest de la Méditerranée, 38 % en mer Adriatique, 35 % en Méditerranée centrale, 44 % en mer Égée et 28 % au cœur du bassin Levantin. En lien avec les gradients de productions primaire et secondaire, il existe un gradient de diversité décroissant entre les régions nord et sud d’une part, ouest et est d’autre part (Coll et al., 2010). Ce grand écosystème marin (LME, Large Marine Ecosystem en anglais) est le siège d’une diversité emblématique et abrite de nombreuses espèces menacées comme la tortue Caretta caretta, le phoque moine Monachus monachus ou encore le rorqual commun Balaenoptera physalus. Autre espèce emblématique et caractéristique du bassin, le thon rouge Thunnus thynnus, pour lequel la Méditerranée constitue l’un des principaux lieux de reproduction à la fin du printemps. La présence d’habitats marins essentiels tel que l’herbier à Posidonia oceanica ou d’habitats sensibles comme les bancs de Maërl et autres récifs coralligènes participent à cette formidable diversité biologique.

Depuis au moins 4000 ans, les écosystèmes du bassin méditerranéen sont le siège d'un ensemble de processus et de fonctions bénéficiant directement aux développement des sociétés humaines. On parle de services écosystémiques ou de contribution des systèmes naturels au bien-être humain. Ces contributions revêtent des formes multiples, allant de la fourniture d'aliments nutritifs à la régulation du climat et des maladies en passant par la fourniture d'avantages récréatifs, culturels ou bien spirituels (Liquete et al., 2016). En dépit de l'importance capitale des services d'ordre culturel, d'approvisionnement, de régulation et de soutien fournis par les écosystèmes pour le développement des civilisations humaines, leur durabilité est, depuis quelques décennies, remise en cause. Les forces motrices conduisant à une disparition ou à une réduction des services écosystémiques sont multiples et interactives. Malgré la difficulté d'isoler une force en particulier comme étant à l'origine d'un changement dans l'écosystème, les changements globaux dans leur ensemble fragilisent les écosystèmes et les services écosystémiques

associés dont les humains dépendent, à travers l'eutrophisation des eaux, la perte ou la dégradation d'habitats, la pollution, les invasions biologiques, la surexploitation des ressources ou encore le changement climatique. Ce constat est valable à l'échelle mondiale, comme l'indique le dernier rapport du Millenium

Ecosystem assessment (Hassan et al. 2005), tout autant qu'à l'échelle du bassin méditerranéen (Liquete et

al., 2016). Avant de poursuivre, il convient donc de dresser un bilan, même non exhaustif, des menaces et pressions s'exerçant sur les biotopes et biocénoses de la mer Méditerranée.