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Biodétection et « mass balance analysis»

Chapitre I : Synthèse bibliographique Table des matières

2. Vers l’utilisation de méthodes de plus en plus intégratives

2.2 Les outils bioanalytiques

2.2.1 Biodétection et « mass balance analysis»

Les outils bioanalytiques sont basés sur l’utilisation de bioessais in vitro ou in vivo permettant de mesurer une réponse biologique précoce et/ou spécifique d’un mode d’action particulier. Ces outils permettent ainsi de détecter l’activité ou la toxicité qui est engendrée par un mélange en prenant en compte l’ensemble des composés présents dans un échantillon.

Les biotests sont par exemple réalisés sur des cellules isolées à partir d’un organe (cultures primaires) ou d’une tumeur immortalisée (lignées cellulaires permanentes). L’utilisation de bioessais in vitro n’a cessé d’augmenter en raison de leur facilité d’utilisation, leur sensibilité, mais également du fait de la diversité des effets étudiés. De plus, les possibilités d’automatisation de ces techniques de biodétection, en font des outils de choix pour un monitoring des masses d’eau. Sans être imposées par la directive cadre sur l’eau, ces méthodes sont fortement suggérées par le groupe de travail « surveillance chimique et contaminants émergents » dans le cadre la stratégie commune d’implémentation de la DCE (récital 18, 2013/39/EU) (Carere et al., 2012; Wernersson et al., 2015).

Il existe à l’heure actuelle des bioessais non-spécifiques qui permettent d’évaluer des paramètres globaux comme la cytotoxicité, la croissance et la viabilité cellulaire et des bioessais visant à mettre en évidence des toxicités dites réactives comme la génotoxicité. Enfin, des bioessais dits spécifiques permettent de mettre en évidence la présence de molécules impliquées dans l’activation de certains métabolismes ou encore d’intéragir avec certains récepteurs spécifiques (Tableau 5).

Tableau 5 : Exemples des différents bioessais en fonction de différents niveaux de mécanismes d’action (Poulsen et al., 2011).

Les tests faisant appel à des récepteurs spécifiques permettent en définitive de mettre en évidence la présence de composés ou groupe de composées ayant le même mécanisme d’action (Van Der Osst et al., 2017b). La mesure peut être ainsi qualifiée de biodétection, et

ne représente pas l’effet réel sur un organisme exposé. Devant l’intérêt croissant de la mise en évidence de perturbateurs endocriniens, les bioessais basés sur les récepteurs nucléaires se sont grandement développés (Balaguer et al., 2001). La superfamille des récepteurs nucléaires participe à la régulation de nombreux gènes impliqués par exemple dans la différenciation sexuée, la prolifération et différenciation cellulaire, l’homéostasie et le métabolisme. Les xénobiotiques peuvent activer différents catégories de récepteurs, qu’il est possible de regrouper en deux types : les récepteurs endogènes et notamment hormonaux (aux œstrogènes, aux androgènes, aux glucocorticoïdes), et les récepteurs aux xénobiotiques tels que les récepteurs AhR (aryl hydrocarbone) ou PXR (pregnan X receptor).

Actuellement, les bioessais in vitro basés sur l’expression de gènes naturels ou rapporteurs sont les plus utilisés pour la détection de molécules actives dans des extraits environnementaux. L’un des grands intérêts de ces outils ciblant un mécanisme d’action est qu’ils permettent de donner une valeur quantitative de l’effet précoce mesuré. Ainsi la présence de molécules capables d’intéragir avec le récepteur étudié va induire l’activation d’un gène rapporteur. L’intensité de la réponse est considérée comme proportionnelle à la concentration de molécules actives. L’activité biologique engendrée par un échantillon complexe peut être comparée à celle induite par un composé de référence à une concentration connue (facteur d’équivalent toxique).

Pour une évaluation pertinente de la présence de molécules actives comme les perturbateurs endocriniens, l’utilisation d’une batterie de bioessais in vitro a déjà démontré sa pertinence. Ce profilage multi-récepteurs permet notamment de hiérarchiser des sites par profil de contamination (Creusot et al., 2013b; Leusch et al., 2013; Jia et al., 2016). Une démonstration conséquente de profilage a été réalisée par Escher et son équipe en 2014. Dans cette étude, 103 tests in vitro (spécifiques, non spécifiques, réactifs) ont été utilisés afin de caractériser 10 eaux australiennes (effluent de STEU, eau pluviales, eaux de surface). Soixante-cinq bioessais ont été positifs au moins une fois, démontrant ainsi l’intérêt de réaliser des batteries de bioessais pour caractériser la qualité des eaux (Escher et al., 2014). L’intérêt d’utiliser une batterie de bioessais a également été démontré dans le cadre d’une étude prospective française en 2012. Cette méthode a notamment permis de hiérarchiser les niveaux et les profils contamination d’un grand nombre de sites (Aït-Aïssa et al., 2014). Par ailleurs, des stratégies récentes visent à établir à partir des bioessais in vitro des seuils de non dangers (i.e. effect base trigger) (Jarošová et al., 2014; Kunz et al., 2015; Van Der Osst et al., 2017b). Bien qu’ils donnent une image intégrée de la présence de molécules actives, les bioessais in vitro ne peuvent pas remplacer les informations données par les analyses chimiques. En effet, utiliser seuls, ils sont incapables d’identifier les molécules qui sont actives.

L’approche « mass balance » ou équilibre des masses (MBA) combine des analyses chimiques ciblées aux outils de biodétection afin de tenter, au moins en partie, d’expliquer la réponse biologique observée par des contaminants connus (Figure 11). Pour cela, une comparaison des équivalents biologiques (BEQ-bio) déterminés par les tests in vitro aux équivalents biologiques déterminés par les analyses chimiques (BEQ-chim) est réalisée (Figure 11).

Figure 11 : Principe de la « mass balance analysis » (MBA) d’après Ait-aissa (2009) et Creusot (2011).

Cependant, les molécules ciblées ne permettent pas toujours d’expliquer la totalité des effets biologiques observés. En effet, une récente étude a utilisé l’approche MBA pour évaluer la présence de perturbateurs endocriniens aux niveaux de 4 rivières européennes. Globalement, les analyses chimiques ciblant des molécules connues pour être des ligands avérés des récepteurs hormonaux, n’expliquent que de 0 à 77 % de l’activité œstrogénique, 1,5 % de l’activité androgénique et entre 2,2 et 28 % de l’activité glucocorticoïde (Tousova et al., 2017). De nombreuses études tendent à faire le même constat dans différentes matrices et notamment dans les eaux de surface et les effluents de STEU (Cargouët et al., 2004; Bellet et al., 2012; Creusot et al., 2014; Köning et al., 2017; Neale et al., 2017). Ce constat souligne

le besoin d’identifier les molécules actives sans pré-sélection d’une liste finie de molécules dans les échantillons environnementaux.