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Sur le management à distance

L’avènement des TIC a accompagné, voire accentué l’éclatement de l’activité professionnelle dans différen- tes zones géographiques, avec de nouvelles formes d’or- ganisations du travail, comme le management à distance et les équipes virtuelles. Si certains cadres exercent leur activité professionnelle de leur domicile, d’autres privi- légient plutôt une activité nomade et travaillent dans différents lieux en exerçant ou en subissant un manage- ment de distance. Les managers sont ainsi séparés géo- graphiquement de leurs collaborateurs et utilisent les TIC comme moyen de gestion, d’animation et de coordi- nation des équipes.

Dans cette activité de plus en plus dématérialisée, le cadre doit alors apprendre à articuler des sphères tem- porelles à court terme (résolutions de problèmes) et à plus long terme (collecte d’informations, positionne- ment stratégique) en se référant à un savoir-faire indi- viduel et un savoir-faire collectif qu’il acquiert au fil de l’expérience. Le travail s’appuie sur des collaborations multiples qui mettent au cœur du process la communi- cation entre les acteurs. L’enjeu n’est plus de faire cir- culer un flux informationnel mais de le rendre pertinent, de l’enrichir, de le filtrer pour les acteurs-collaborateurs en situation de collaboration/coopération. Cet accapa- rement risque de détourner le cadre de sa fonction de management de proximité.

De même, dans certaines structures, on a remarqué que les relations interpersonnelles de proximité s’estompent et se déshumanisent au profit d’échanges virtuels, plus brefs, plus rapides, et davantage impersonnels, consa- crant l’ère du management à distance. Deux effets res- sortent :

– On observe l’émergence d’équipes de travail désincar- nées, dont le sentiment d’appartenance communautaire (d’intérêts, de valeurs), de partage d’expériences, de vivre ensemble s’étiole. Le collectif de travail se réduit alors à une collection d’individus exposés à l’isolement. Autrement dit, si les personnes travaillent effective- ment davantage ensemble par l’entremise des TIC, elles collaborent néanmoins séparément, c’est-à-dire seules devant leur ordinateur. On gère le travail collectif en juxtaposant les individus au gré des besoins de l’activité et des sollicitations numériques.

– Mais ce management à distance peut s’avérer être une alternative acceptable pour le suivi des équipes de tra- vail, à la condition, d’une part, qu’il complète des métho- des classiques d’animation et lorsque, d’autre part, les circonstances l’exigent (éloignement des sites, activité nomade du manager…). On a ainsi pu observer que des pratiques singulières de TIC (usage du SMS, la manière de rédiger des mails…) apportaient un certain niveau d’attention et de reconnaissance aux collaborateurs.

Sur l’usage et/ou l’impact des TIC dans les mobilités professionnelles

Les outils techniques facilitent de nouvelles formes d’or- ganisation et de gestion du travail, tout particulièrement le nomadisme. Si certains cadres exercent leur activité professionnelle de leur domicile, d’autres privilégient plutôt une activité nomade et travaillent à différents endroits. Les managers sont ainsi séparés géographique- ment de leurs collaborateurs et utilisent les TIC comme moyen de gestion, d’animation et de coordination des équipes. Ces managers, nomades et dispersés, mènent une activité à la fois mobile mais aussi localisée dans différents environnements, qui requiert des usages spé- cifiques d’outils.

On a vu aussi que le cadre doit de plus en plus improviser dans des contextes de travail qui changent sans cesse, qui surgissent au gré des exigences et les sollicitations de son environnement numérique. Le basculement entre les contextes de travail est également fortement présent dans les situations de mobilité professionnelle dans les- quelles les technologies maintiennent la connectivité et l’interactivité avec l’environnement professionnel (mai- son, déplacement, client, hôtel…).

Ainsi, le nomadisme et la mobilité redessinent largement le travail d’une partie des cadres. Le lieu n’est plus un déterminant exclusif, ni même toujours majeur, du tra- vail. Celui-ci s’exporte largement hors du site où il est censé se réaliser. Les technologies accompagnent phy- siquement et virtuellement cette migration de l’activité et la facilitent (par le bureau permanent technologique dont on équipe les salariés).

Du coup, la limite entre espace privé et professionnel s’estompe un peu plus à chaque fois, sous les effets conjugués des nouvelles modalités de travail (noma- disme, home-office) et la diffusion des équipements technologiques. Ces mêmes outils sont également utili- sés dans la vie privée et professionnelle. On parle d’ob- jets frontières (ordinateur portable, smartphone comme le smartphone) où se mélangent usages professionnels et personnels, propices au débordement du temps de tra- vail sur la sphère privée.

Enfin, dans un travail mobile et nomade, l’activité des personnes devient moins visible et plus difficilement mesurable. Elle échappe au contrôle et à l’évaluation de l’entreprise et des encadrants. L’évaluation passe alors par la mise en place d’indicateurs numériques et des dispositifs de suivi d’activité (de type reporting) : mail, ERP, SMS, espace partagé de travail…

• Les spécificités de l’activité du cadre

Le rôle de plus en plus important de l’événementiel, de l’aléa, dans le travail est ainsi le premier indicateur de l’évolution de la notion de compétence. Un deuxième indicateur est la crise de la prescription. Si l’on consi- dère la distinction, dorénavant classique en ergonomie, entre travail prescrit et travail réel, nous pouvons nous questionner sur l’origine de la prescription. Qui sont les prescripteurs ? Traditionnellement, dans l’industrie, les prescripteurs sont les techniciens et ingénieurs qui tra- vaillent dans les bureaux d’études et des méthodes. Ils organisent le travail que réaliseront les personnels de production. Mais posons la question pour ces cadres : qui prescrit le travail d’un cadre? Son supérieur hiérar- chique ? À moins que ce ne soit le cadre lui-même, dans une démarche d’auto-prescription ?

Il apparaît toutefois que le cadre est peu confronté à une prescription des procédures ou de ses modes opéra- toires mais plus spécifiquement à des résultats et délais. On peut qualifier cette tâche de discrétionnaire pour signifier une prescription fixant le but, mais laissant l’or- ganisation de l’activité à la discrétion des cadres. Cette autonomie relative s’accompagne du développement d’une activité centrée sur la mobilisation de ressources (repérage, négociation) pour remplir la tâche confiée. Ce « travail » en amont, pour s’engager dans la tâche, est un préalable déterminant. Il ressort que l’activité du cadre est difficilement appréhendable tant de mul- tiples opérations réalisées en périphérie y contribuent. Faiblement encadrée par une prescription, elle sollicite davantage l’intelligence de la situation.

• Vers un essai de définition du point de vue de la psychologie du travail

Au niveau de la psychologie du travail, la compétence se caractérise par la capacité à s’adapter aux imprévus, et d’une façon plus générale aux événements dans sa dimen- sion d’inattendu. Dès lors, savoir exécuter ne suffit plus pour repérer la compétence. Celui qui est compétent est celui qui sait adapter son action à l’extrême variété des situations qu’il peut rencontrer dans une même classe de tâches. Une des dimensions majeure de la compétence porte sur la gestion de l’inédit.

Enfin, l’évolution du travail a amené la notion de com- pétence à évoluer dans sa signification : on est passé d’une compétence d’exécution à une compétence d’adap- tation. Elle permet ainsi l’anticipation et l’adaptation à la variété des situations.

Pour la clarté de l’exposé, nous distinguerons 3 pôles de compétences liés, qui reprennent la classification de Gaudart & Weill-Fassina (1999) :

– Un pôle « Système », qui se rapporte à la tâche : buts et moyens disponibles (outils, matériel, équipement, règles, structure hiérarchique) et que nous qualifierons également de macro ;

– Un pôle « Autres » qui se rapporte aux aspects collec- tifs du travail (collègues, hiérarchie) et à la vie privée, qualifié également de méso ;

– Un pôle « Soi », qui se rapporte à l’opérateur lui-même, à ses buts, sa subjectivité, sa formation, ses possibilités physiologiques et psychologiques, qualifié également de micro.

Ainsi la compétence ne se réduit pas aux exigences de la tâche, mais consiste à savoir gérer les ressources du système, à compenser les aléas de son fonctionnement, en élaborant des compromis qui satisfassent autant que possible les trois pôles de l’activité.

L’ÉVOLUTION DE LA COMPÉTENCE OU DES COMPÉTENCES DES CADRES

CHAPITRE IV : bILAN ET ENSEIGNEMENTS

L’organisation du travail n’est pas seulement consom- matrice de compétences, elle génère le développement des compétences. L’intégration des TIC dans l’activité des cadres tend à la qualifier mais également à la com- plexifier. Elle s’enrichit aussi de nouvelles activités, de nouvelles procédures, de nouvelles exigences.

Les différents chantiers présentés permettent de déga- ger des rapports différenciés aux TIC selon le type de cadre (dirigeant, manager, expert), qui tiennent proba- blement :

– aux bénéfices escomptés,

– au type d’asservissement perçu et à sa capacité de s’en

dégager,

– au sentiment de compétence vis-à-vis des TIC, – à l’enrichissement perçu de son activité et sa valori- sation,

– au positionnement institutionnel qui en découle, – aux modalités de gestion de l’activité (mode projet, équipe virtuelle…),

– aux types de relations interpersonnelles (management à distance, collectif de travail…),

– à la puissance d’agir que la personne tire de ses usa- ges,