• Aucun résultat trouvé

5.6.1 Vers une formule générale extraite des données de CODALEMA–II

Le détecteur de CODALEMA–II a permis d’étudier le champ électrique produit par les gerbes de rayons cosmiques. Contrairement aux générations de détecteurs précédentes, CODALEMA–II permet d’observer l’émission radio des gerbes tout en disposant d’une estimation de l’énergie au coup par coup, fournie par le détecteur au sol. Par rapport à l’autre expérience contemporaine LOPES, le détecteur CODALEMA–II permet d’observer clairement les signaux de gerbes indé-pendamment sur chaque signal d’antenne, là où un produit de corrélation entre tout les signaux est nécessaire avec l’expérience LOPES pour faire apparaitre le signal de gerbe.

La première leçon tirée de cette analyse est probablement que le seuil en énergie de notre dispositif radio est environ quatre fois plus élevé que ce qui avait été évalué précédemment. Cela a un effet important car la statistique des événements radio est nettement plus faible que prévue, la dynamique en énergie des rayons cosmique observée est diminuée d’autant. De plus, comme on travaille relativement proche du seuil de détection, l’analyse est plus difficile. Même si l’on dispose déjà de données bien plus complètes que lors des précédentes expériences, un détecteur de surface plus importante sera probablement nécessaire pour une caractérisation fine de l’émission radio des gerbes.

Un autre résultat important est que les observations sont bien reproduites en considérant un champ électrique proportionnel au produit vectoriel −~v×B~, comme suggéré par les modèles théoriques. Il s’agit bien sûr d’une description au premier ordre, d’autres contributions pouvant intervenir, par exemple à plus grande distance.

L’observation de la distribution de champ au sol par CODALEMA-I avait mis en évidence une variation exponentielle du champ avec la distance à l’axe ; cette même fonction décrit gé-néralement bien les événements observés avec CODALEMA-II. La portéeD0 a pu être mesurée sur un grand nombre d’événements, et sa variation avec l’angle zénithal a été mise en évidence.

Une corrélation en énergie a été obtenue, la valeur du champ sur l’axe est proche de 3µ/m/MHz, dépendant légèrement de la méthode, de la formule et des critères de sélection d’événements uti-lisés.

L’effet de l’angle zénithal sur la portée D0 a été estimé, cependant son influence sur l’am-plitude globale du champ n’a pas été obtenue expérimentalement. Notons que le détecteur au sol limite l’acceptance aux grands angles zénithaux car le nombre de particules au sol varie beaucoup avec l’épaisseur d’atmosphère traversée.

La variation semble être beaucoup plus faible pour les signaux radio, sinon l’effet aurait été simple à mettre en évidence. La simulation ReAIRES suggère avec la fonctionF(θ) une variation d’un facteur proche de deux entre 0 et 60, ce qui est compatible avec le cosθ présent dans la formule d’Allan, nous allons donc adopter cette dépendance en cosinus.

Nous pouvons maintenant regrouper des différentes dépendances obtenues au sein d’une unique formule, permettant de reproduire le champ électrique observé à Nançay, dans la bande 23–83 MHz : E = 178 Energie 1017 eV (−~v×B~) cosθ exp −d D0(θ) [µV/m] (5.8) où la portéeD0 est donnée par la relation suivante :D0(θ) = 176 (1 + 0.97×104θ2.47) m. Nous avons vu que cette formule permet d’associer une valeur de champ sur l’axe de la gerbe E0 qui permet de retrouver l’estimation de d’énergie estimée par détecteur au sol avec une précision de 30 % (hors cas pathologiques non représentés par la gaussienne utilisée). Cette formule permet aussi d’estimer chaque signal individuellement avec une précision de 40 %.

Cette formule représente donc relativement bien les signaux observés dans les conditions de CODALEMA, c’est à dire proche du seuil de détection du dispositif de 2×1017 eV, jusqu’à des

5.6 Bilan 119 distances à la gerbe de l’ordre de 300 m, avec la valeur du champ géomagnétique de Nançay et un filtrage dans la bande 23–83 MHz.

On peut généraliser cette formule en introduisant l’amplitude du champ géomagnétiqueB

valant 47µT à Nançay (le vecteur B~ ayant été défini unitaire). Pour obtenir une formule plus facilement comparable, on peut aussi la rapporter à une bande de 1 MHz, en supposant que le spectre en fréquence est plat et que cela n’a un effet que sur la constante initiale :

−→ Eν = 3.0 B 47 µT Energie 1017 eV (−~v×B~) cosθ exp −d D0(θ) [µV/m/MHz] (5.9) Les mesures indiquent cependant que la portée D0(θ) diminue avec la fréquence et avec l’énergie, mais ces dépendances n’ont pas encore été estimées.

5.6.2 Discussion

Un effet géomagnétique est clairement visible dans les données. Cet effet est bien représenté au premier ordre par un champ électrique proportionnel au vecteur−~v×B~, en amplitude et en polarisation. Cet effet de polarisation est fondamental pour l’interprétation des données et donc pour la détection radio en général.

Ce produit vectoriel apparait naturellement dans le modèle d’émission de gerbe ponctuelle très proche de l’axe de la gerbe (< 100 m), et jusqu’à des distances plus importantes avec une simulation de gerbe réaliste (300 m). Cependant, cette dépendance avec le vecteur −~v×B~

est une approximation, même dans les simulations. Il serait intéressant de mesurer le champ plus précisément, à plus grande distance et notamment à plus grande énergie pour caractériser l’émission radio des gerbes.

Concernant la discrimination possible des modèles d’émission, les résultats obtenus indiquent clairement une forte domination d’un effet géomagnétique. Nous avons vu que les dépendances sont bien reproduites par les modèles d’émission que nous avons étudié. Si la simulation ReAIRES comporte probablement un problème au niveau des l’amplitudes de signaux obtenues, elle re-produit correctement la dépendance avec la polarisation, ainsi que l’évolution qualitative de la portée D0 et du rayon de courbure du front de gerbeR0 avec l’angle zénithal.

L’étude expérimentale de ce rayon de courbure mériterait d’être optimisée, afin d’évaluer son intérêt potentiel en terme de mesure de Xmax et donc de la masse des rayons cosmiques primaires.

Afin de réduire les incertitudes et d’estimer la puissance de cette méthode de détection, l’analyse de ces données doit être affinée mais un réseau plus grand sera sûrement nécessaire, et c’est dans ce cadre que s’insère le chapitre qui suit, où nous allons tenter d’évaluer la possibilité de créer un grand réseau de détection ainsi que l’effet des incertitudes actuelles sur les résultats attendus.

Chapitre 6

Une fenêtre sur l’avenir

Maintenant que l’on a fait le point sur la connaissance actuelle de l’émission radio liée aux rayons cosmiques de haute énergie, nous allons nous tourner vers l’avenir, vers une détection à plus grande échelle. Cependant, la radiodétection n’en est pas encore au même stade de matu-rité que les techniques classiques que sont les détecteurs au sol et les détecteurs de fluorescence. Certains points restent flous et demandent des éclaircissements avant de pouvoir évaluer exac-tement les performances de cette technique, en terme de statistique et de résolution en masse. De nouveaux instruments sont en cours de développement pour répondre à ces questions et éventuellement commencer à bénéficier des informations radio, avec notamment le détecteur AERA à l’Observatoire Pierre Auger. Une simulation de réseau radio a été développée ; nous la détaillerons et tenterons d’évaluer les performances d’un réseau du type d’AERA.

6.1 Ce qu’il reste à comprendre sur la radio détection

Si la première détection radio des rayons cosmique a maintenant 45 ans, la compréhension du phénomène d’émission radio des gerbes atmosphériques n’est malheureusement toujours pas complète. Nous avons observé un certain nombre de dépendances, parmi lesquelles :

– une proportionnalité du champ avec le vecteur−~v×B~;

– une distance caractéristique de décroissance du champ avec la distance à l’axe de la gerbe

D0 de l’ordre de 100 à 200 m pour les gerbes peu inclinées, ainsi qu’une estimation de la variation avec l’angle zénithal ;

– une quasi proportionnalité avec l’énergie ;

– un rayon de courbure du front d’onde radio généralement proche de 5 km, et sa variation avec l’angle zénithal.

Cependant ces mesures sont limitées entre autres par :

– la faible statistique liée à la faible surface du détecteur ;

– la faible extension latérale du réseau d’antenne, du l’ordre de la taille caractéristique de l’empreinte radio de la gerbe (surtout pour les gerbes inclinées) ;

– une statistique extrêmement faible pour les gerbes inclinées, limitée par l’acceptance du détecteur au sol ;

– l’incertitude sur la réponse de la chaine d’acquisition, principalement au niveau de la simulation des antennes ;

– les effets de seuils et la faible dynamique en énergie des rayons cosmiques radiodétectés. Au delà des affinements possibles des valeurs obtenues expérimentalement, il faudrait aussi :

– S’assurer de la validité du modèle −~v×B~ lorsque l’on s’éloigne de la gerbe. Affiner ce modèle, qui n’est qu’une description au premier ordre.

– Etudier l’effet de l’angle zénithal sur le champ radio. Le traditionnel cosθque l’on a repris est extrêmement peu contraint par les mesures expérimentales actuelles, pas plus qu’il ne

découle naturellement de modèles.

– Etudier la détection avec des stations autonomes, et un trigger radio. – Etudier la résolution en énergie, la mesure de la nature du primaire, etc.

Parallèlement à ce travail, il va falloir réussir à reproduire correctement l’ensemble des résultats expérimentaux à partir de modèles, de simulations, qui permettent d’interpréter correctement les résultats et de les extrapoler de manière fiable.

Pour cela, d’avantage de données expérimentales sont nécessaires, notamment à plus grande distance de l’axe de la gerbe. Cela conduit naturellement à des gerbes de plus haute énergie, il va donc falloir couvrir d’avantage de surface. Les réseaux d’antennes actuels de CODALEMA et LOPES sont câblés à une acquisition centrale et déclenchés par un réseau de détecteur au sol câblé lui aussi, qui limite en outre l’acceptance zénithale du dispositif. Cette technique devient difficilement envisageable pour des réseaux beaucoup plus grands. Il devient alors nécessaire de développer des stations de radiodétection pouvant fonctionner de manière autonome, à la manière des détecteurs de particules actuellement utilisés sur les grands réseaux. En plus des composantes habituelles de ce type de détecteurs, il faut utiliser un système de déclenchement autonome capable de sélectionner les signaux transitoires. Malheureusement, les bruits transi-toires dans le domaine des radiofréquences sont actuellement assez peu connus. Il faut aussi minimiser l’émission radio de la station d’acquisition elle même pour ne pas perturber la mesure du champ sur les antennes situées à proximité.

Nous allons présenter différents projets de détecteurs autonomes avant de nous intéresser à une simulation développée pour étudier un futur réseau de détection radio, en tirant parti de l’expérience acquise grâce au détecteur CODALEMA.

Dans le document Des signaux radio aux rayons cosmiques (Page 127-131)