• Aucun résultat trouvé

1.6. IMPACT DES CHANGEMENTS CLIMATIQUES SUR LE PORTRAIT

1.6.1 Bilans des minéraux

1.6.1.3 Bilan d’azote des fermes laitières

Concernant le bilan de l’azote sur la ferme laitière, les principales entrées sont les aliments achetés, les fertilisants, la fixation de l’azote par les plantes et l’arrivée de nouveaux animaux (Bachand et al., 2008; Hristov et al., 2006; Mokhele et al., 2012).

L'azote est une composante essentielle des protéines qui construisent les matériaux cellulaires et les tissus des plantes. La teneur en azote des aliments peut donc être considérée comme une entrée d’azote dans le système (Mokhele et al., 2012). La fixation d’azote est faite seulement par les légumineuses, comme le

soya et la luzerne, qui utilisent l’azote atmosphérique par un processus biologique impliquant des bactéries rhizobium et leurs racines (Mokhele et al., 2012). Selon Van der Meer et Van der Putten (1995), la fertilisation en azote inorganique et les concentrés d'azote ont contribué aux incréments de la production de fourrages et à l’augmentation de la production laitière, mais aussi à l'augmentation des pertes de nutriments dans l'environnement.

Les principales sorties d’azote sont le lait, les animaux vendus ou morts, les fumiers (s'il y a vente) et les cultures vendues (Hristov et al., 2006; Bachand et al., 2008; Mokhele et al., 2012).

Comme pour le P, Hristov et al. (2006) ont fait un bilan de l’utilisation de l’azote sur les huit fermes laitières de leur étude en Idaho. Ils ont déterminé que les excédents d’azote pour l'ensemble des fermes choisies était en moyenne de 169 ± 47 kg de N par année par vache (169 kg de N/va/année ÷ 10086 litres de lait/vache/année = 1,675 kg de N/hL). Selon ces résultats, les aliments sont la source la plus importante des entrées d’azote avec une contribution moyenne de 90 %. En deuxième place vient la fixation d’azote avec 5 % suivit par les fertilisants et l’arrivée d'animaux qui ont eu une contribution moindre avec 2 % chacun. Dans ces résultats, les exportations proviennent principalement (53,5 %) de la vente du lait, tandis que la vente des excréments des animaux est responsables de 26,5 %, la vente des aliments de 12,1 % et la vente ou la mort des animaux de 7,9 %. Il est important de remarquer que cette répartition peut varier d’une région à l'autre ainsi que d’une ferme à l'autre.

Pour les fermes du Québec, Bachand et al. (2008) ont également déterminé le bilan moyen d’azote pour chaque catégorie d'animaux (Tableau 1.6 et 1.7). Selon ces résultats, une vache laitière de 630 kg produisant en moyenne 8500 kg de lait aura un apport en azote via sa ration en moyenne de 207 ± 37 kg de N. Pour une taure, l'apport via la ration sera d'environ 110 ± 20 kg de N et pour une génisse de 62 ± 11 kg de N.

Tableau 1.6 Les apports d’azote par la ration des bovins laitiers Catégorie Poids (kg) Consomm ation annuelle MS (kg) Protéines brutes (%) Apports annuels N (kg) Vaches et son veau (11 jours) 630

Ration 7766 16,4 203,8 Litière 555 3,9 3,5 Total 207 ± 37 Taure (15-26 mois) 340- 638 Ration 4750 14 106,4 Litière 548 3,9 3,4 Total 110 ± 20

Génisse (11 jours-15 mois) 55-340

Ration 2340 16,2 60,7

Litière 182 3,9 1,1

Total 62 ± 11

Source : Bachand et al. (2008).

La quantité d’azote retenue varie selon chaque groupe d'animaux, par exemple une vache laitière retient 47,3 ± 5,1 kg de N (dans le lait principalement), tandis les taures retiennent 7,08 ± 0,76 kg de N et les génisses 6,76 ± 0,73 kg de N (Tableau 1.7).

Les pertes d’azote entre le moment de la déjection et de l’épandage varient entre 15 et 45 % puisqu’il y a des pertes par volatilisation qui sont influencées entre autres par le type et la quantité de litière, la ventilation, le type de bâtiment et la présence d’un toit sur la structure d’entreposage des fumiers (Bachand et al., 2008). La quantité finale d’azote varie également selon la manière de gérer les déjections, une gestion solide amenant des pertes d'environ 48 % des rejets d’azote frais tandis qu’une gestion liquide réduit ces pertes à environ 31 %.

En résumé, l’azote dans l’effluent avec gestion solide des rejets par groupe d'animaux est approximativement de 83,8 ± 13,3 kg/an/vache, de 52,1 ± 10,7 kg/an/taures et de 28,8 ± 5,9 kg/an/génisse, tandis que par la gestion liquide elle est de 111,4 ± 25,8 kg/an/vache, de 69,2 ± 16,0 kg/an/taures et de 38,3 ± 8,8 kg/an/génisse (Bachand et al., 2008). Pour cet élément, les données de Bachand et al. (2008) sont inférieures à celles rapportées par Histrov 2006).

Tableau 1.7 Azote retenu et excrété par les bovins laitiers.

Catégorie Unité N retenu (kg/an) Rejeté (kg/an) Frais Effluents solides Effluents liquides Vaches Lait (kg/an) 8500 44,6

Gain de poids (kg/an) 36,5 0,9

Développement du veau (kg) 55 1,8 0,39

Total 47,3 ± 5,1 159,4 83,8 ± 17,3 111,4 ± 25,8

Taure (340-638 kg)

Gain de poids (kg/an) 298 7,08 ± 0,76 101,9 52,1 ± 10,7 69,2 ± 16,0

Génisse (55-340 kg)

Gain de poids (kg/an) 285 6,76 ± 0,73 55 28,8 ± 5,9 38,3 ± 8,8

Source : Bachand et al. (2008).

1.6.1.4 Comment les changements climatiques peuvent influencer le bilan en azote

Les changements climatiques pourraient influencer le bilan en azote des fermes laitières québécoises car ils pourraient contribuer à la modification des différentes entrées et sorties. En effet, l’augmentation de la concentration en CO2

atmosphérique pourrait stimuler la photosynthèse (Warrick, 1988) et l’augmentation des températures pourrait allonger la saison de croissance (Bélanger et Bootsma, 2002). Par conséquent, les rendements de certaines cultures, comme le maïs, la luzerne, le trèfle rouge et le soya, devraient être

améliorés (Bélanger et Bootsma., 2002; Lee et al., 2003; Bertrand et al., 2007; Debailleul et al., 2013). Ces nouvelles conditions amèneront un plus grand besoin de fertilisants pour faire face aux exigences des nouveaux rendements (Debailleul et al., 2013). Ces nouveaux besoins en azote pourraient accroître les risques d’impact environnemental négatif du système (Graux, 2011). Une augmentation des rendements des légumineuses comme la luzerne et le soya se traduit en un besoin accru en azote qui devrait être compensé en partie par la fixation de l’azote (Lee et al., 2003; Bertrand et al., 2007). Hristov et al. (2006) ont considéré que 60 % du contenu en azote des légumineuses provient de la fixation d’azote. Il serait raisonnable de penser que le besoin en azote provenant de la fixation pourrait diminuer à cause de la diminution de la concentration en protéines dans la luzerne ou le soya (Bertrand et al., 2007; Taub et al., 2008), mais l’augmentation des rendements annuels devrait compenser pour la teneur plus faible (Bélanger et Bootsma, 2002; Izaurralde et al., 2011). Un point de réflexion provient de la réduction probable de la survie à l'hiver de la luzerne (Bélanger et Bootsma., 2002). Dans ce cas, il est à prévoir que les cultures de graminées prendront plus de place rapidement dans la rotation, ce qui devrait se traduire par un besoin de fertilisation en azote plus intense et plus rapide pendant la durée de vie de la prairie.

Pour la période 1981 à 1996, Drury et al. (2007) ont fait une approximation de la concentration résiduelle d’azote (12,9 – 13,9 kg/ha) dans les sols du Canada et ont noté une augmentation pendant la période 1996 à 2001 (13,9 – 21 kg d’azote/ha). Une cause probable de cette variation pourrait être les changements dans l’utilisation des terres agricoles, plus précisément l’augmentation des superficies cultivées avec des légumineuses ainsi qu’un manque d’ajustement dans la fertilisation azotée de ces superficies pour considérer l’ajout de légumineuses. Ainsi, les entrées d’azote dans le bilan des fermes ont augmenté. Cette situation pourrait se répéter dans un contexte de changement climatique puisque les augmentations de rendement prévues étant supérieures pour la luzerne que pour les autres espèces comme la fléole des prés (Bélanger et al., 1999; Bertrand et al., 2011) pourraient favoriser la culture de cette légumineuse au détriment des

graminées. Également, on pourrait être capable de semer le soya et le maïs dans les régions situées plus au nord (Bélanger et Bootsma, 2002), ce qui signifie que des changements dans l’utilisation des terres sont à prévoir. Le maïs nécessite un apport important en azote (CRAAQ, 2010) et l’ajout de cette culture aux rotations pourrait aussi augmenter les besoins en fertilisant azoté.

Les sorties d’azote pourraient également être modifiées par les changements climatiques au Québec. Tout comme pour le P, l’augmentation des rendements de certaines cultures pourrait se solder par un accroissement des ventes (Bélanger et al., 1999; Bootsma et al., 2001; Bootsma et al., 2005; Hatfield et al., 2008; Hatfield et al., 2011; Izaurralde et al., 2011; Debailleul et al., 2013) qui se traduirait par une plus grande sortie d’azote sur la ferme avec comme résultat un bilan de la ferme modifié.

D'autre part, les études de projections climatiques prédisent une augmentation des évènements météorologiques extrêmes en Amérique du Nord (Field et al., 2007). Ces derniers pourraient affecter négativement les rendements des cultures. Dans ce cas, les sorties d’azote pourraient être affectées à la baisse pour certaines fermes à cause de ces conditions météorologiques (Drury et al., 2007).

Les performances animales pourraient aussi être affectées négativement suite à la variation de la valeur nutritive des fourrages et des concentrés occasionnée par l’augmentation des températures et de la concentration en CO2 de l’atmosphère

(Bertrand et al., 2007; Bertrand et al., 2008 ; Sanz-Sáez et al., 2012). Ainsi, pour faire face à la diminution de la valeur nutritive des fourrages, il serait nécessaire de faire une utilisation accrue d'aliments azotés, par exemple le tourteau de soya ou l’urée (Izaurralde et al., 2011). Ces derniers pourraient augmenter les entrées d’azote sur la ferme et finalement modifier son bilan d’azote. De plus, l’augmentation des températures pourrait contribuer à un accroissement du stress thermique chez les vaches. Il pourrait s'en suivre une diminution du volume de lait produit (Klinedinst et al., 1993 ; Staples et Thatcher, 2011 ; Hammami et al., 2013) de même qu’un changement dans sa teneur en protéines (Hammami et al., 2013). Donc, les sorties d’azote dans la ferme pourraient diminuer.

Finalement, l’augmentation prédites des précipitations hivernales (Ouranos., 2010) pourraient contribuer à accroître les pertes d’azote résiduel par lessivage du sol comme cela a été mentionné par Eilers et Lefebvre (2005).