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En cet instant de fin d'après-midi où l'heure de pointe gronde sourdement, où les feux de circulation tentent tant bien que mal d'orchestrer les pétarades de klaxons et où les carambolages en viennent à enterrer jusqu'aux sirènes d'ambulance, les tourniquets de la bibliothèque municipale, eux, sont toujours graissés à la perfection. Portiers muets d'un monde exempt de crissage de pneus, ils incitent au chuchotement et nous rappellent qu'à la bibliothèque, le principal stress est peut-être celui qu'engendre la peur de s'endormir par inadvertance sur l'un de ses si moelleux fauteuils. Aussi me sifflera-t-on « chut! » lorsque j'aurai laissé un peu trop tonner ma joie d'y être enfin arrivé.

Je m'y serai rendu sans trop savoir pourquoi, avec quelque vague question en tête, si vague que les moteurs de recherche mis à ma disposition ne me seront bons qu'à me confirmer ce que j'ai secrètement pressenti dès ma première consultation d'une fiche trouée, jadis : ce que la bibliothèque municipale prête de plus valable à ses membres n'a rien à voir avec les vulgaires « documents » ou « vedettes-matières » dont regorgent ses banques de données et ses rayons, mais est plutôt en rapport avec la paix que l'on peut y obtenir. Une fois seul entre les étagères de livres, alors qu'éternuera au loin quelque usager mal soigné, je relèverai un instant ma tête, en proie à cette idée que la soif de connaissance du citadin moyen se noierait sans doute d'elle-même si elle n'était pas tempérée par cette irremplaçable tranquillité, ce silence insoupçonnable que la bibliothèque municipale parvient à implanter au cœur de la ville.

Sa singularité tient du fait qu'il s'agit ici d'un silence public. II n'est donc pas parfait et l'on doit, pour l'apprécier, savoir réagir convenablement à ses débordements sonores : les brefs éclats de rire sont excusables, mais ceux en sanglots doivent être étouffés ; on ne devrait pas se faire regarder croche en échappant un « bonjour » un peu trop éclatant, tandis que les sonneries électroniques exaspéreront à coup sûr même les plus durs d'oreille ; le fait de chanter, particulièrement avec port d'écouteurs, est tout bonnement inacceptable, alors qu'il n'est pas nécessaire de se sentir mal lorsque son ordinateur portable éructe son test de son lors du démarrage : tout le monde sait que ce n'est pas vraiment de notre faute. C'est un silence qui a besoin d'indulgence, qui nous force à mettre en sourdine nos vacarmes intérieurs et nos disharmonies communes pour atteindre le fragile équilibre du gros bon sens. De toute façon, à la bibliothèque comme ailleurs, on entend ce que l'on veut bien entendre, paraît-il.

Acceptant ainsi de vivre dans l'imperfection du vivre-ensemble, le couinement d'un chariot de préposé, la quinte de toux d'un sans-abri qui, pour se réchauffer, lit tout l'après-midi des livres d'astronomie, les geignements des enfants mal-à-l'aise avec un tel calme ambiant, la cloche d'alarme rappelant à l'ordre les lunatiques ayant oublié de démagnétiser leur prêts, tout cela soudain ne me dérangera plus. Enfin, un peu plus tard, lorsque j'aurai convenablement écouté mes désirs, je ressortirai de la bibliothèque municipale avec probablement un livre, un document audiovisuel, le petit crayon de plomb (que j'oublie toujours de déposer après une recherche à l'ordinateur), le journal Droit de parole et une sorte de résonnance, quelque chose comme un murmure de grand sage.

Partie réflexion :

On vous donne si peu de marge, Pauvres vers liés en quatrains ! Albert Lozeau , Billets du soir, 1911.

Introduction : le billet quelconque

Quiconque feuillette les journaux ou slalome, en ligne, sur leurs versions numérisées, ne s'étonnera pas de tomber ici et là sur un texte, plus ou moins long, coiffé de l'appellation « billet ». Le mot est commun, presque banal : à peine peut-être l'aura-t-on remarqué. D'une manière vaguement inconsciente, l'on s'attendra à y trouver quelque chose comme une opinion, une brochette d'humeurs ou une interprétation personnelle d'un événement ou d'une anecdote en lien avec le titre dudit « billet » et l'on se doutera que les unes comme les autres seront remplacées le lendemain ou le surlendemain par d'autres légèrement différentes quoique tirées de ce même ordre d'idées, propre à son auteur. Vite lus, vite digérés, tous ces « billets du jour » paraissent n'avoir d'autre fonction que celle d'alimenter la rumeur du salmigondis que représente pour plusieurs la médiatisation toujours plus rapide et sophistiquée du monde moderne.

Gastronomiques, culturels, sportifs, internationaux : les « billets » font désormais partie intégrante du vocabulaire d'un corpus médiatique devenu si foisonnant qu'il pourrait devenir rapidement fastidieux de s'attarder trop longtemps sur le sens exact de ce que l'on aborde d'instinct comme étant, somme toute, quelque chose comme une chronique, c'est-à- dire reconnaissable essentiellement par son ton, « lequel correspond à une certaine idée de la conversation : spontanéité, fraîcheur, vivacité, aisance, souplesse et surtout légèreté3. »

Mais le fait est que si l'on restait constamment à l'affût des apparitions du terme « billet » dans le paysage communicationnel que nous offre notre époque où la démocratisation de l'information, de plus en plus totale, est divulguée à qui mieux-mieux par les hordes

3Sébastien Paré. Chroniqueur de l'urbanité: Arthur Buies à Québec, 1871-1877 (mémoire de maîtrise),

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d'individus désireux d'user à leur guise de leur droit de parole, et si l'on tentait de faire la synthèse d'une telle utilisation, le « billet » tendrait certainement de plus en plus à se définir comme : à peu près n 'importe quoi que n 'importe qui peut publier sur un blogue quelconque, ce qui, avouons-le, est assez large.

Le présent essai ne s'intéresse pas tant à commenter cette évidente popularité dont semble jouir de nos jours le terme « billet » - par ailleurs légitimement disponible à quiconque désire l'utiliser, bien entendu - qu'à considérer l'originalité de son éclosion dans l'imaginaire médiatique québécois à la lumière de ceux et de celles qui s'en sont servis et réclamés les premiers au début du XXe siècle, pour ultimement cerner au plus près ce que pourrait représenter idéalement une telle dénomination dans les pages d'un journal d'aujourd'hui. Étant le fruit de ce genre mineur, protéiforme et jusqu'à une certaine mesure indéfinissable qu'est la chronique qui, pour Laurent Mailhot, est « plus encore que la critique, [...] un des points de contacts et d'opposition les plus vifs entre la presse et la littérature- », il apparaît essentiel d'évaluer en quelle mesure l'acceptation initiale du « billet » chez les journalistes et le lectorat de l'époque est venue enrichir les possibilités créatrices et littéraires de l'écriture même de la chronique au sein de journaux dits d'information, a priori peu intéressés par de trop complexes figures de style n'allant pas directement aux faits, pour ultimement aider à mieux comprendre l'apport que la littérature est en mesure d'offrir aux médias écrits en général. Ce sont d'ailleurs ces mêmes journaux qui ont souvent permis à ces courts essais de perdurer par leurs rééditions en recueils à même leurs imprimeries, signe d'une volonté de souligner la valeur d'une telle démarche. C'est ainsi que, bien qu'ayant conscience qu'il est toujours préférable de lire toute parution dans un périodique directement dans son contexte d'origine (les journaux), ces recueils seront pour cette réflexion la source principale de citations textuelles, alors que ce n'est qu'en un deuxième temps que nous nous interrogerons sur les possibilités réelles d'autonomie auxquelles de tels textes sont en mesure d'aspirer une fois extraits de la mosaïque médiatique collective que représente un journal.

4 Laurent Mailhot, L'essai québécois depuis 1845, Étude et anthologie. Montréal : Hurtubise HMH, 2005, p.

Le billet classique

« Billet doux5 », « billet galant6 », « billet parfumé » : innocemment passé de main à

main, le billet aura été, au siècle classique, un terme utilisé pour désigner une forme de correspondance prisée surtout chez les nobles de cour et les gens de lettres. Habituellement plus bref que la « lettre » et dans lequel se voyait déployée la plume d'une âme sensible cherchant à peaufiner l'art du resserrement de sa pensée, le billet a permis un certain assouplissement des convenances, une familiarité accrue entre destinateurs et destinataires Ce dut être un phénomène patent, puisqu'en 1698 Richelet, dans son ouvrage Les plus belles lettres françaises sur toutes sortes de sujets, a même tenu à mettre au clair la manière de « faire » un billet:

Depuis vingt-cinq, ou trente ans, on ne s'écrit ordinairement qu'en Billets; c'est-à-dire, qu'on ne met ni Monsieur, ni Madame, à la tête, ni au bas de la Lettre [...] L'honnête homme qui écrit, se contente seulement de mettre son nom au bas de son Billet & sans aucune façon qui paraisse étudiée. Si pourtant elle est fine et ingénieuse, à la bonne heure ; mais que cela ne se connaisse nullement. La simplicité pure & naturelle est le véritable caractère du billet7.

Difficile, par cette définition, de s'imaginer un billet ouvertement haineux ou égoïste quant à ses fins, au contraire : le terme semble avoir depuis toujours dégagé quelque chose de sympathique, qui inspire la communication dépêtrée d'affectation jumelée à la joie d'écrire dans son sens le plus pur. Il s'agirait d'abord et avant tout d'alimenter une connivence, de la faire fleurir. C'est ainsi qu'offrant ordinairement son billet à lire à une seule personne, au mieux un être chéri ou (qui sait ?) courtisé, l'auteur ne s'empêchera pas de transmettre -

5 Le Petit Robert 2011, définition de « Billet », p. 255.

6 Mme de Villedieu (Marie-Catherine Desjardins), Lettres et billets galants (1683), Paris : Société d'étude du

XVIIe siècle, 1975, p. 3.

7 Pierre Richelet, Les plus belles lettres françaises sur toutes sortes de sujets, Paris : Michel Brunet, 1698,

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c'est un cliché - de vives effusions de sentiments s'il en ressent le besoin, effusions qui viendront peut-être empiéter sur une volonté initiale idéale, celle de produire un travail d'écriture novateur jumelant cohérence d'ensemble, trouvailles langagières et autres traits d'esprit. Mais n'oublions pas que ces débordements passionnels, s'ils font fi du jugement des esthéticiens présents ou futurs pour faire passer leur message plus efficacement, plus sincèrement, ne sont après tout pas de nos « affaires » et viennent poursuivre l'entretien d'une relation déjà intime, cachée, pleine d'épisodes inavouables et de non-dits énigmatiques : abîme insondable pour quiconque y serait extérieur et qui déroberait le billet du regard par-dessus une épaule concernée, petit bout de papier lisible, certes, mais à bien des égards indéchiffrable. D suffirait cependant que l'on ait fraternisé par ailleurs avec le destinateur ou le destinataire, qu'on se soit mis au fait de leur relation pour en venir à ressentir progressivement, au fil des billets, la chaleur de l'entre-deux-lignes et que sa lecture produise en nous une impression de complicité ainsi qu'un intérêt légitime puisque autorisé, désentravé de la honte de lire quelque chose qui ne nous est pas destiné. Richelet, toujours :

Regardant la personne à qui on écrit comme un autre soi-même, on traite avec elle sans façon, et d'un air familier et honnête. Cette manière d'écrire s'observe entre gens qui vivent ensemble galamment.

Un tel rapport à l'écriture, si proche et si courtois envers le lecteur que ce dernier s'y sent ainsi convié et concerné tout spécialement, cela devient en quelque sorte la posture, sinon idéale, du moins classique, qu'adopterait un auteur désireux d'écrire un texte pouvant de bonne foi être honnêtement qualifié de billet.

Enfin, à lire cette définition que fait Leopold Lamontagne de la chronique dans son livre sur Arthur Buies, on remarquera les possibilités d'accointances entre cette conception classique du billet établie par Richelet et la chronique au sens plus large, comme si l'un et l'autre avaient toujours été faits pour se rencontrer, un jour :

Ce petit genre littéraire exige plutôt le don de conter que de vues générales ; [...] plus de fraîcheur que de précision, plus de vivacité, de grâce et de souplesse que de

raisonnement ; plus de finesse, de sensibilité et d'imagination que de recherches scientifiques ; bref, plus d'esprit que de connaissance9.

Le « billet »

Cette idéalisation de la simplicité du rapport auteur-lecteur transparaît à la lecture des textes de l'anthologie réalisée en 2005 par Vincent Charles Lambert et intitulée « Une heure à soi : anthologie des billettistes 1900-1930 ». Ce dernier, ayant remarqué l'emploi du terme « billettistes » par Albert Lozeau10 pour désigner familièrement un certain groupe

de chroniqueurs au sein du journal Le Devoir, s'est penché, dans la préface, sur ce que semblait sous-tendre une telle dénomination pour cette époque particulière et en a retiré ces quelques conclusions :

Il nous renvoie à un type de chronique, le billet, que l'on associe d'ordinaire à une forme d'écriture privée, mais qui étrangement, au tournant du siècle dernier, se retrouve en première page d'un journal d'intérêt public. [...] Elle demeure libre de sa forme comme des sujets qu'elle choisit de traiter. Elle prend parfois l'aspect d'un court dialogue, d'un poème, d'un croquis, d'une lettre ou d'une rêverie.11

De par cette seule présence dans les journaux, on a affaire ici très certainement à un des genres littéraires qui fait le plus ressortir le contraste entre l'infiniment intérieur et l'absolument public, il se situe « au point de rencontre des sphères privées et publiques12»,

d'où l'intérêt que lui a porté Lambert. Pour sa part, Léon Lorrain, dans la préface qu'il offre à Monique (née Alice Benoit) pour son recueil Brins d'herbe constitué de ce qu'elle aussi appela billets, les décrit comme ceci :

Des journaux ont la coquetterie d'insérer entre le leader et l'information, sous une rubrique variable, une chronique alerte et brève, bulle de savon où les choses

Leopold Lamontagne, Arthur Buies. Homme de lettres, Québec : PUL, 1957, p. 113.

10 Dans une dédicace du premier de ses trois recueils de chroniques qu'il a fait paraître entre 1911 et 1918

sous le titre « Billets du soir », aux Imprimeries du Devoir.

11 Vincent Charles Lambert, Une heure à soi : anthologie des billettistes (1900-1930), Québec : Éditions Nota

bene, 2005, p. 5-12.

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passagères se colorent un moment avant de s'évanouir. [...] C'est un hors d'œuvre : il tire de l'œil dès qu'on déplie le journal.13

Il faut dire qu'une telle légèreté, voire insouciance, dans la chronique au Québec au tournant du siècle n'est pas ce par quoi l'on serait tenté de la définir de prime abord : « On n'a qu'à lire les chroniques d'Hector Fabre, d'Adolphe-Basile Routhier, d'Alphonse Lusignan, de Louis Frechette [...] pour s'en rendre compte. Sous la plume de ces écrivains, le genre prend du sérieux14. » Mais pour mieux concevoir ce ton pour le moins

lyrique que l'on rencontrait le plus souvent dans ces années fastes en « billets », voici une pensée extraite d'un billet de 1921 d'un dénommé Marius (pseudo. d'Antoine Bernard) plutôt représentative de la saveur, de l'esprit entourant le style propre à ce type de textes, et dans laquelle l'auteur dépeint en particulier cette nostalgie qu'apporte le retour de vacances, émotion si universellement partagée qu'il serait ingrat de prétendre ne pas la ressentir même aujourd'hui :

Ah ! voilà. Tout autant que la chaleur, ce mot vacances m'obsède, en peuplant mon cerveau de fantômes innombrables. A l'heure où tant de familles célèbrent le retour de la jeunesse écolier e, où tant d'âmes juvéniles vibrent des adieux d'hier, des saines émotions d'aujourd'hui, j e songe aux retours d'autrefois, aux fêtes qui ne reviennent plus, aux vides que le temps creuse dans nos vies éphémères...

Il y a aussi ces innombrables envolées métaphysiques plus ou moins redondantes, pleines de métaphores, qui bien souvent introduisent le propos du billet et qui servent à exprimer ou à imager, pour plusieurs billettistes, l'essentiel de leurs dispositions à l'écriture en tant qu'acte libérateur, nécessaire. Celle-ci, de Louyse de Bienville (née Marie-Louise Marmette), particulièrement truculente de mièvrerie (on y échappe rarement), ouvre son billet intitulé Impressions du golfe Saint-Laurent :

Comme le goéland étend ses ailes, ainsi ma pensée libre de toute contrainte, délivrée de tous les bruits de la ville, prend son vol entre le ciel et l'eau, ces deux éléments superbes que la main de l'homme ne peut étreindre parce qu 'ils sont l'ambiance prochaine de l'innommable, de l'équilibre du mouvement et le nombre de

l'espace...

13 Jean Lorrain dans : Monique « Brins d'herbes», Montréal : Imprimerie du Devoir, 1920, p. 9.

14 Benny M. Vigneault, Idéologie, « plurigénéricité » et figure du destinataire dans Fleurs champêtres de

Françoise (Robertine Barry) (mémoire de maîtrise), Québec : Faculté des lettres, Université Laval, 1999, p. 68.

15 Marius, Le Devoir, [microfiche] 15 juin 1921, p. 1.

Puis - et c'est là ce qui, en partie, vient faire de la pratique du billet quelque chose de véritablement original - certains traitent ouvertement de leur façon, aussi naïve soit-elle, de voir et de concevoir leur position médiatique et les influences sur les responsabilités d'une écriture vouée à être lue par un grand nombre de personnes. C'est notamment le cas de Ginevra (née Georgina Lefebvre), rédactrice au Soleil :

Je me suis dit, qu 'en somme, ce qu 'on pense, ce qu 'on dit et ce qu 'on écrit éveille un écho dans d'autres âmes, et que c 'est ce qui indique que nous sommes des humains, cette ressemblance de nos pensées et de nos actions avec celles de nos semblables. Tous nos sentiments trouvent aussi un écho dans d'autres cœurs. Si nous sommes gais, il y a des rires qui répondent aux nôtres; si nous sommes soucieux, il y a des fronts qui s'assombrissent de notre inquiétude. /7

Justement, plus loin dans sa réflexion, Vincent Charles Lambert insiste sur la particularité de cette résonance sentimentale offerte au monde :

À certains moments, la description très sensible d'un paysage, d'un climat particulier, ne sert de prétexte qu'à l'affirmation d'une moralité quelconque. [...] Aussi étrange que cela puisse paraître, à nous lecteurs d'aujourd'hui, cette morale était fort appréciée des lecteurs. Elle était signe de profondeur ; il fallait savoir retirer leçon du monde extérieur comme des mésaventures de l'existence.18

C'est là, dans cette prise en charge, par le journal, d'écrits radicalement personnels, introspectifs, tenant de la confidence moralisatrice et, en outre, foncièrement inactuels, dans ce curieux rapport d'altérité face aux textes journalistiques actuels, dans le journal, que réside la valeur et l'intérêt qu'il serait pertinent d'accorder encore aujourd'hui à ces billets relativement « nouveau genre » pour l'époque par rapport à ce que le mot avait pu représenter lors des siècles précédents. Autre signe probant de leur marginalité, le rapport au temps qu'ont eu les billettistes détonne énormément dans les pages d'un journal. C'est que les rêveries dans lesquelles les billettistes vont puiser l'essentiel de leur inspiration ont comme effet de désarticuler la course du temps régissant notamment la production du journal dans lequel elles émergent :

Le joli tableau que je regarde ressemble tant à ceux que chaque année met devant mes yeux, que je perds la notion du temps et que je feuillette comme dans un livre illustré tous les printemps passés.

17 Ginevra, Billets de Geneviève (1ère série), Québec : « Le Soleil » Limitée, 1922, p. 186.

18 Vincent Charles Lambert, op.cit., p. 16-17.

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C'est ainsi qu'en recherchant dans leurs journaux d'origine les textes que Lambert nous

Of.

propose de considérer comme étant représentatifs de « l'art du billet », on en vient à constater que, par le choix d'employer le terme « billet », on procède à une sorte de - non

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