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CHAPITRE 2 REVUE DE LITTÉRATURE

2.1 Composantes des géocomposites bentonitiques

2.1.1 Bentonite

2.1.1.1 Minéralogie et structure

Le terme « bentonite » désigne généralement une argile colloïdale formée par l’altération de cendres volcaniques dans un environnement marin, et composée majoritairement de minéraux argileux du groupe des smectites et plus spécifiquement, de montmorillonite (WSGS, 2014). La teneur massique en montmorillonite de la bentonite naturelle ou usinée varie selon les produits manufacturés. Les valeurs retrouvées dans la littérature varient de 47% à 96% (Egloffstein, 2001; Rowe et al., 2017; Shackelford et al., 2000; von Maubeuge, 2002). Quelques distributeurs de GCB

(Texel et Terrafix) indiquent des teneurs minimales de 90% de montmorillonite à la fiche technique de leurs produits. Outre la montmorillonite, la bentonite contient généralement du quartz, des feldspaths, des micas et des carbonates. La densité relative de la bentonite sèche est de l’ordre de 2,5 à 2,7.

La montmorillonite possède la structure minéralogique feuilletée des phyllosilicates TOT ou 2 :1. La couche élémentaire de la montmorillonite est faite de trois feuillets soit un feuillet octaédrique (O) d’alumine pris entre deux feuillets tétraédriques (T) de silice. Les sommets des octaèdres d’alumine et des tétraèdres de silice se confondent en partageant leurs molécules d’oxygène. La couche élémentaire a une épaisseur de l’ordre de 1 nm. Les couches élémentaires sont, quant à elles, retenues ensemble par des forces de van der Walls, ne produisant qu’un faible lien. La structure de la montmorillonite est illustrée à la figure 2-2.

Figure 2-2 : Représentations schématiques de la montmorillonite (Mitchell & Soga, 2005)

La structure feuilletée de la montmorillonite lui confère une surface spécifique élevée : elle est de 50-120 m²/g pour la surface externe des feuillets uniquement, et peut aller jusqu’à 840 m²/g en incluant l’espace interfoliaire (Mitchell & Soga, 2005).

Des substitutions isomorphiques surviennent au sein du réseau cristallin de la montmorillonite, au niveau de la couche octaédrique. Environ un ion Al3+ sur 6 est remplacé par un cation Mg2+ ou,

plus rarement, Fe2+, induisant ainsi une déficience en charges négatives. Cette dernière est

compensée par la présence de cations échangeables dans l’espace interfoliaire, majoritairement présents sous forme de Na+ et de Ca2+ mais également sous forme de K+, Mg2+ et Fe2+ (Egloffstein,

2001). Il en résulte également une capacité d’échange cationique (CEC) élevée, de l’ordre de 80 à 150 meq / 100 g (Mitchell & Soga, 2005). La CEC se définit comme étant la somme des charges négatives d’une surface minérale étant compensée par la présence de cations adsorbés (ASTM, 2010b).

Les divers types de bentonite peuvent être catégorisés selon la nature et la proportion des cations compensateurs présents. Lorsque les cations sont majoritairement du Na+, la bentonite est qualifiée

de « sodique », tandis que lorsque les ions Ca2+ sont en majorité, la bentonite est de type

« calcique ». Des bentonites activées peuvent également être retrouvées dans les géocomposites bentonitiques. Il s’agit d’une bentonite faite de montmorillonite calcique traitée au carbonate de sodium (Na2CO3) afin de favoriser la substitution du Ca2+ pour du Na+ et ainsi augmenter la teneur

en sodium du produit. Cette substitution est souhaitable puisque la présence de sodium en surface de la couche élémentaire augmente la capacité de gonflement du minéral lorsqu’hydraté, et diminue sa conductivité hydraulique par le fait même, tel qu’il sera expliqué plus en détails à la section suivante. Bien que l’activation de la montmorillonite calcique augmente la teneur en Na+ du

minéral, la bentonite sodique naturelle contient toujours un pourcentage plus élevé de sodium que de la bentonite activée (von Maubeuge, 2002). Tel que mentionné en introduction, la bentonite « nord-américaine » est majoritairement de type sodique, tandis que la bentonite « européenne » est principalement de type calcique (Eigenbrod, 2003b).

2.1.1.2 Mécanismes d’hydratation

La cohésion entre les couches élémentaires de montmorillonite sèche est assurée par des forces de Van der Waals relativement faibles. Les couches élémentaires peuvent ainsi facilement s’écarter et permettre la pénétration d’eau et d’ions ans les espaces interfoliaires.

L’hydratation de la montmorillonite s’effectue en deux phases consécutives. La première phase, la phase cristalline, se produit à partir de la montmorillonite sèche (McBride 1994, Prost et al., 1998). Les charges négatives nettes élevées en surface des couches élémentaires permettent alors

l’adsorption de molécule d’eau et de cations aux couches élémentaires. Plusieurs couches de molécules d’eau peuvent alors venir se fixer dans les espaces interfoliaires. Ces molécules d’eau, qualifiées « d’eau liée », sont considérées comme étant immobiles et ne contribuent pas à la porosité effective de la montmorillonite. Plus l’hydratation progresse, plus l’espace disponible pour l’écoulement d’un liquide entre les feuillets diminue, et plus le chemin d’écoulement de ce liquide est tortueux, ce qui explique la diminution de la conductivité hydraulique observée ainsi qu’un certain gonflement.

La phase osmotique d’hydratation se produit après la phase cristalline. Cette phase d’hydratation ne se produit toutefois que lorsque les cations adsorbés à la surface de la montmorillonite sont majoritairement monovalents (McBride, 1994; Prost et al., 1998). Lors de la phase osmotique, le nombre de couches de molécules d’eau liées à la montmorillonite continue d’augmenter. Le nombre de couches d’eau additionnelles adsorbées avant d’atteindre un équilibre dépend de l’abondance et de la charge des cations présents dans le liquide circulant entre les couches élémentaires. Le gonflement de l’argile se poursuit lors de cette phase. La bentonite sodique contenue dans un GCB a la capacité d’absorber de 200 à 700% de sa masse en eau (Egloffstein, 2001). La figure 2-3 représente schématiquement l’hydratation de montmorillonite sodique et son gonflement.

Figure 2-3 : Montmorillonite sodique à divers niveaux d’hydratation (Pradhan et al., 2015) : a) sèche ; b) 4 couches de molécules d’eau; c) 10 couches de molécules d’eau.

Plus il y a de cations multivalents à la surface des couches élémentaires de la montmorillonite, plus les forces d’attractions sont grandes et moins l’hydratation osmotique se produit. À l’extrême,

lorsqu’il n’y a que des cations multivalents à la surface des couches élémentaires, uniquement 4 couches de molécules d’eau peuvent alors se fixer dans l’espace interfoliaire (Jo et al., 2001). La conductivité hydraulique d’une montmorillonite contenant majoritairement des cations multivalents dans son espace interfoliaire a donc tendance à être plus élevée que pour une montmorillonite sodique hydratée dans les mêmes conditions et à avoir un gonflement moindre. Ces phénomènes sont entre autre observables pour la bentonite calcique, qui possède une conductivité hydraulique près de 1000 fois plus élevée que celle de la bentonite sodique lorsqu’hydraté avec de l’eau d’aqueduc (Gleason et al., 1997).

2.1.1.3 Échanges cationiques

Tel que mentionné à la section 2.1.1.1, la montmorillonite possède une CEC élevée. Ainsi, lorsque de la montmorillonite sèche ou hydratée subit une perméation par un liquide ayant une forte proportion de cations multivalents, une partie ou la totalité des cations initialement adsorbés peut être remplacée. L’équilibre préalablement établis est alors perturbé et une modification des forces électrostatiques et du nombre de couches de molécules d’eau dans l’espace interfoliaire se produit. La facilité avec laquelle les cations en place sont remplacés par d’autres cations dépend de la valence des cations présents dans le liquide circulant dans la bentonite, de l’abondance relative de ces cations ainsi que de leur dimension. Les échanges suivent habituellement la série lyotropique (Kolstad, Benson, & Edil, 2004), soit :

Li + < Na + < K+ < Rb+ < Cs+ < Mg2+ < Ca2+ < Ba2+ < Cu2+ <Al3+ < Fe3+

Il est toutefois possible qu’un cation ayant une faible capacité de remplacement prenne la place d’un cation ayant une forte capacité de remplacement (Na+ qui remplace Ca2+ par exemple) lorsque

la concentration du cation de faible capacité est élevée dans le liquide perméant, en comparaison à celle du cation de forte capacité.

La vitesse et l’ampleur des échanges cationiques dépendent respectivement de la force ionique (I) du liquide perméant et de l’abondance relative des cations (Benson & Meer, 2009; Kolstad, Benson, & Edil, 2004; Mitchell & Soga, 2005). La force ionique se calcule à l’aide de l’équation 2-1:

où ci est la concentration molaire (mol/l) de l'ion i et

zi est sa charge.

Le ratio des concentrations en cations monovalents et multivalents (RMD) permet d’évaluer l’abondance relative des cations dans un liquide perméant de la bentonite, à l’aide de l’équation 2-2 :

(2-2) où MM est la concentration molaire totale (mol/l) des cations monovalents et

MD est la concentration molaire totale (mol/l) des cations multivalents.

Le remplacement du sodium par des cations multivalents dans la montmorillonite sodique crée des liaisons plus fortes entre les silicates anioniques de la couche tétraédrique et les cations multivalents (Zhu et al., 2012). Cela se traduit physiquement par une réduction de l’espace interfoliaire et hydrauliquement par une augmentation de la conductivité hydraulique, vu la diminution de couches de molécules d’eau liée entre les couches élémentaires. Un liquide induisant une importante modification de la structure et des propriétés hydriques d’un GCB est qualifié d’incompatible (ASTM, 2014c).