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Chapitre 2 : Sélection et synthèse des matériaux d’anode

II.2 La basicité

Quelle que soit la structure pérovskite envisagée, la première des propriétés à prendre en compte dans l’électrolyse à conduction protonique est la basicité du matériau. En effet, c’est elle qui va contrôler l’équilibre de dissociation de la molécule d’eau en surface des grains du matériau d’anode.

Dans le cas d’oxydes de métaux, la basicité est décrite par la théorie de Lux Flood [18,19]. Contrairement à la théorie de Brønsted-Lowry, qui considère le proton comme l’espèce principale des réactions acide-base, la définition de Lux, élargie ensuite par Flood, décrit le comportement acido-basique des ions O2- présents dans la structure cristalline d’un oxyde [20]. Ce concept est apparu pour pallier la difficulté de description des systèmes non protiques ne relevant pas de la définition de Brønsted-Lowry comme les sels fondus comme illustré par la réaction suivante (équation 7) :

3

2 CaSiO

SiO

42 La base (ici CaO) est un donneur d’ions O2- et l’acide (SiO2) est un accepteur d’ions O2-. La théorie de Lux-Flood permet donc d’étendre le concept de réaction acido-basique à des oxydes anhydres. Une base de Lux-Flood correspond alors à un oxyde anhydre conduisant en présence d’eau à la formation d’une base de Brønsted-Lowry en solution comme l’illustre l’équation (8) :

+ + → +H O Ca 2OH CaO 2 2 (8)

De la même manière, un acide de Lux-Flood est un composé anhydre conduisant en présence d’eau à la formation d’un acide selon la définition de Brønsted-Lowry (exemple équation 9) :

-2 3 2 2 H O 2H SiO SiO + → + + (9)

La basicité des oxydes céramiques considérés pour cette étude peut donc être évaluée à partir de la théorie de Lux-Flood. Pour cela, dans un premier temps, il est nécessaire de distinguer les espèces acides et basiques. Une échelle d’acidité a été proposée par D.W. Smith basée sur un paramètre d’acidité a, calculé comme la racine carrée de l’enthalpie de la réaction entre l’oxyde et l’eau pris comme référence de par son caractère amphotère (équation 10). Par convention, aH2O vaut 0.

° ∆ − = = −a ) h(A,B) H a ( acide base 2 (10)

Avec h(A,B) qui est l’opposé de l’enthalpie standard de la réaction (ǻH°). Ainsi, lors des réactions avec l’eau, il est possible de calculer un paramètre d’acidité pour chaque oxyde permettant de les classer selon une échelle d’acidité (Figure 5) [21]. Selon cet auteur, les oxydes possédant un coefficient a inférieur à -5 sont purement basiques. Dans la gamme [-5 - 0] ils sont considérés comme amphotères et les valeurs positives sont décrites comme appartenant aux oxydes acides. Il devient ainsi évident que l’oxyde le plus basique est l’oxyde de césium Cs2O et l’oxyde le plus acide est l’oxyde de chlore Cl2O7.

Chapitre 2 – Sélection et synthèse des matériaux d’anode 43 NiO - 2,4 H2O 0,0 Cs2O - 15,2 CaO - 7,5 SrO - 9,4 BaO - 10,8 Y2O3 - 6,5 La2O3- 6,1 TiO2 - 0,7 CrO3 6,6 MnO - 4,8 Mn2O7 9,6 FeO - 3,4 Fe2O3 - 1,7 ZnO - 3,2 CoO - 3,8 CuO - 2,5 CO2 5,5 SiO2 0,9 SO2 7,1 ZrO2 0,1 Cl2O711,5 Acidité

Figure 5 : récapitulatif de quelques paramètres a calculés lors de réactions avec l’eau.

Certains auteurs évoquent une relation entre l’acidité d’un oxyde binaire et la différence d’électronégativité définie par Pauling au sein du composé [16]. Pivovarov [22] affirme ainsi que l’électronégativité caractérise en partie la basicité des composés chimiques. L’utilisation de cette échelle va permettre d’approximer la basicité moyenne de composés polyatomiques si un des éléments est rémanent entre les composés que l’on veut comparer (l’oxygène dans le cas des oxydes).

La variation d’enthalpie de formation d’oxydes tels que des sulfates, nitrates ou carbonates, lors de réactions entre l’oxygène et ces non-métaux les constituant, évolue de manière comparable. Dans ce cas, seul le cation va influer sur la valeur plus où moins élevée de l’enthalpie correspondant à sa réaction d’oxydation. De plus, Pivovarov a montré qu’il existait une évolution non linéaire entre l’enthalpie de formation de ces oxydes et la différence d’électronégativité entre l’oxygène et le non-métal considéré [22]. En transférant ce cas à des réactions entre l’eau et les oxydes,

44 il apparaît alors que, bien que la différence d’électronégativité joue un rôle non négligeable pour expliquer la basicité, elle n’est pas l’unique variable à prendre en compte.

Plus particulièrement, d’un point de vue réactionnel, un oxyde présentant une forte basicité a tendance à réagir avec des composés acides tel que l’eau ou encore le dioxyde de carbone. Cette réactivité peut alors devenir problématique si elle aboutit à la décomposition du matériau respectivement par hydrolyse ou carbonatation. De plus, cette réactivité est d’autant plus exacerbée que le composé présente des liaisons à tendance ionique. A l’inverse, une structure purement covalente rend l’oxyde plus stable. Expérimentalement, la formation des carbonates ou de sulfates peut être considérée comme résultant de la tendance d’un oxyde à se comporter comme un donneur d’ions O2- en présence de CO2 ou SO2 (gaz acides), autrement dit à être basique. Dans le domaine des PCFC, l’exemple le plus connu illustrant l’instabilité liée à la basicité est la décomposition de l’oxyde mixte BaCeO3

en carbonate de baryum et en oxyde de cérium lorsqu’il est mis en présence de dioxyde de carbone (équation 11) [23].

2 3

2

3 CO BaCO CeO

BaCeO + → + (11)

De la même manière, la réaction d’hydrolyse peut avoir lieu et s’écrit selon l’équation 12 [24] : 2 2 2 3 H O Ba(OH) CeO BaCeO + → + (12)

Dans le cas de l’électrolyse de la vapeur d’eau à haute température à conduction protonique, le matériau d’anode n’est pas en présence de CO2 mais est soumis à des pressions partielles d’eau élevée. En effet, c’est cette vapeur d’eau que l’oxyde doit dissocier pour former notamment des défauts protoniques (équation 3) sans pour autant s’hydrolyser. Il est donc nécessaire de trouver un compromis en termes de basicité afin de dissocier les molécules d’eau sans pour autant conduire à l’hydrolyse du composé anodique.

En corrélation avec les matériaux d’électrolyte les plus couramment utilisés, cette étude s’est donc tournée vers des éléments comme le baryum, le strontium, le calcium pour la basicité des oxydes mixte associée à l’élément en site A de la pérovskite. Et afin de moduler la basicité de l’oxyde mixte, si nécessaire, des

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substitutions par des éléments moins basiques et de rayons ioniques proches comme le lanthane et différents lanthanides ont été envisagées.

Pour conclure, il a été envisagé de moduler la basicité des différents matériaux d’anode pour cette étude au travers de différentes substitutions d’éléments en site A de la pérovskite. Ainsi, pour leur forte basicité, les alcalino-terreux tels que le baryum, le strontium et le calcium ont été sélectionnés avec la possibilité de les mélanger entre eux. Afin de moduler la basicité des matériaux, l’utilisation d’éléments moins basiques comme le lanthane ou les éléments de sa famille pourra s’avérer utile en cas de trop forte réactivité du matériau d’anode avec l’eau (hydrolyse).