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Bases de Gröbner non commutatives et présentations convergentes

1.2 Bases de Gröbner non commutatives

1.2.1 Bases de Gröbner non commutatives et présentations convergentes

Dans cette section, on définit les bases de Gröbner non commutatives et on les relie aux présentations convergentes. Avant cela, on effectue un bref rappel historique sur la découverte de ces bases.

1.2.1.1. Historique. La découverte des bases de Gröbner est attribuée à Buchberger dont l’objectif durant sa thèse [22, 23] était de déterminer des bases linéaires pour des quotients d’algèbres polynomiales par un idéal. La méthode proposée par Buchberger était d’exprimer de telles bases en termes de monômes en formes normales, c’est-à-dire, par des méthodes de réécriture. Il introduit la terminologie de base de Gröbner dans [24] en l’honneur de son directeur de thèse, celui-ci ayant en effet des idées quant à la façon d’attaquer le problème [50]. Les idées développées par Buchberger apparaissent dans des travaux antérieurs, par exemple [54] pour les anneaux de séries formelles. Cependant, Buchberger est le premier à avoir également étudié la question sous un angle algorithmique2.

2. L’aspect effectif des bases de Gröbner est l’un de leurs principaux intérêts. Cela permet en effet de calculer certains invariants, de nature homologique par exemple, associés à des algèbres. Le lien entre les bases de Gröbner et le calcul de ces invariants est abordé dans le chapitre 4.

Contemporain de Buchberger et motivé par l’étude de problèmes de décidabilité dans d’autres structures que les algèbres commutatives [82], Shirshov démontre l’analogue du lemme de Newman pour les algèbres de Lie [80, 81]3. Il introduit pour cela la notion d’ensemble stable dans une algèbre de Lie libre, ces ensembles étant les analogues de bases de Gröbner. Dans un cadre non commutatif, la découverte des bases de Gröbner est attribuée à Bokut [17] et Bergman [15] du fait de l’analogie de leurs travaux avec ceux de Buchberger. En effet, comme on l’a vu dans la section précédente, ils formulent un critère permettant de déterminer des bases d’algèbres associatives en termes de mots en formes normales. Pour finir, la notion de base de Gröbner non commutative et la définition formelle de celles-ci sont introduites par Mora [70]. Dans toute cette section, on reprend le formalisme de celui-ci.

1.2.1.2. Notation. Dans toute cette section, on fixe un ensemble X ainsi qu’un ordre mono- mial < sur X∗. Étant donnée une partie E de KX∗, on note

lm (E) = {lm (f ) , f ∈ E} .

1.2.1.3. Idéaux monomiaux.

1. Une partie I de X∗ est appelée un idéal monomial si, pour tout w ∈ I et pour tout couple de mots (w1, w2), w1ww2 appartient à I.

2. Soient I un idéal monomial et R une partie de I. On dit que R engendre I si, pour tout w ∈ I, il existe un sous-mot de w appartenant à R.

1.2.1.4. Remarque. Soit I un idéal de KX∗. Pour tout f ∈ I et pour tout couple de mots (w1, w2), w1f w2 appartient à I, de sorte que w1lm (f ) w2 = lm (w1f w2) appartient à lm (I). En particulier, lm (I) est un idéal monomial.

1.2.1.5. Définition. Soient I un idéal de KX∗ et R une partie de I. On dit que R est une base de Gröbner non commutative de I si lm (R) engendre lm (I).

1.2.1.6. Remarques.

1. On rappelle d’après [70, Théorème 1.8] que R est une base de Gröbner non commutative de I si et seulement si, pour tout f ∈ I, il existe g1, · · · , gn∈ R, w1, · · · , wn, w01, · · · , w0n∈ X∗ et des scalaires non nuls λ1, · · · , λn tels que

(a) w1lm (g1) w01= lm (f ),

(b) wi+1lm (gi+1) w0i+1< wilm (gi) w0i pour tout 1 ≤ i ≤ n − 1, et f = n X i=1 λiwigiw0i.

En particulier, si R est une base de Gröbner non commutative de I, alors R engendre I comme idéal.

2. Étant donnée une partie R de KX∗, on dit simplement que R est base de Gröbner non commutative s’il s’agit d’une base de Gröbner non commutative de l’idéal engendré I(R).

1.2.1.7. Notation. Soit I un idéal de KX∗. On note O(I) = X∗\ lm (I) .

1.2.1.8. Théorème [70, Théorème 1.3]. Soit I un idéal de KX∗. On a la décomposition en somme directe d’espaces vectoriels suivante

KX∗= I ⊕ KO(I).

Démonstration. Le caractère direct de la somme provient du fait que s’il existait un élément non nul f de I ∩ KO(I), alors lm (f ) appartiendrait à la fois à lm (I) et à O(I). Or, O(I) étant le complémentaire de lm (I) dans X∗, ces deux ensembles ont une intersection vide.

On montre à présent que tout f ∈ KX∗ peut s’écrire g + h avec g ∈ I et h ∈ KO(I). On pose

g0= 0, h0 = 0 et f0= f.

Soit n un entier. On suppose construits fn, gn et hn et que ceux-ci satisfont les conditions suivantes :

1. gn appartient à I, 2. hn appartient à KO(I), 3. fn+ gn+ hn est égal à f .

On suppose que fn est non nul. Si lm (fn) appartient à KO(I), alors on pose gn+1 = gn, hn+1= hn+ lc (fn) lm (fn) et fn+1= fn− lc (fn) lm (fn) .

Si lm (fn) appartient à lm (I), alors soit g ∈ I tel que lm (g) est égal à lm (fn) et lc (g) est égal à 1. On pose

gn+1= gn+ lc (fn) g, hn+1= hn et fn+1= fn− lc (fn) g.

En particulier, gn+1 appartient à I, hn+1 appartient à KO(I) et fn+1 est égal à gn+1+ hn+1. De plus, lm (fn+1) est strictement inférieur à lm (fn). L’ordre < étant monomial, il s’en suit qu’il existe un entier n0 tel que fn0 est nul. On pose alors

g = gn0 et h = hn0.

1.2.1.9. Bases de Gröbner non commutatives et présentations convergentes. Le lien entre les bases de Gröbner non commutatives et les présentations convergentes est donné par le théorème suivant :

1.2.1.10. Théorème. Soient A une algèbre et h(X, <) | Ri une présentation de A. Alors, h(X, <) | Ri est convergente si et seulement si R est une base de Gröbner non commutative.

Démonstration. On pose I = I(R). En particulier, hX | Ri étant une présentation de A, on a un isomorphisme d’algèbres

KX∗ I

∼ −→ A.

D’après le théorème 1.2.1.8, {w, w ∈ O(I)} est une base de A. De plus, R est une base de Gröbner non commutative si et seulement si O(I) est le complémentaire de l’idéal monomial engendré par lm (R), c’est-à-dire, si et seulement si O(I) est égal à l’ensemble des mots dont aucun sous-mot n’appartient à lm (R). Un mot dont aucun sous-mot n’appartient à lm (R) est précisément une forme normale pour h(X, <) | Ri, de sorte que R est une base de Gröbner non commutative si et seulement si {w, w ∈ X∗ est en forme normale} est une base de A. D’après le lemme du diamant, on conclut donc que R est une base de Gröbner non commutative si et seulement si la présentation h(X, <) | Ri est convergente.