• Aucun résultat trouvé

Chapitre III – La génération d´un cadre de conditions facilitantes comme facteur clé de

1. Barrières à la création de connaissance

La création de connaissance est un processus fragile qui, comme on l´a déjà souligné ci- dessus, n´est pas réceptif aux techniques de management traditionnelles. Les individus peuvent révéler une certaine réluctance ou même devenir incapables pour accepter de nouvelles leçons, réflexions, idées ou observations. En outre, les organisations peuvent devenir des champs de combat pour la création de nouvelles connaissances où leurs membres doivent surmonter de sévères barrières pour partager la connaissance avec les autres y compris la désapprobation d´un chef ou d´autres exécutifs si leur opinion n´est pas populaire. Il y a essentiellement deux types de barrières: individuelles et organisationnelles. Quoique différentes elles sont inter-relationnées et les organisations ont besoin de mécanismes intégrés pour les démanteler (Von Krogh et al., op.cit.).

Pourquoi est-il si difficile pour les individus d´accepter ou d´intégrer de nouvelles connaissances? En général on identifie deux barrières individuelles – l´accommodation limitée et l´auto-image menacée.

Chaque fois que quelqu´un se voit confronté avec un input sensoriel il lui répond tenant en ligne de compte ses expériences et convictions sur le monde (Maturana et Varela, 1987). En utilisant la terminologie du fameux psychologue Jean Piaget (1960), les personnes répondent aux inputs sensoriels à travers les "processus jumeaux" d´assimilation et d´accommodation. L´assimilation étant le processus par lequel un individu intègre les données dans ses expériences en essayant de leur donner du sens pour une compréhension du monde et l´accommodation est le processus selon lequel les personnes donnent du sens à de nouveaux inputs en les distinguant de tout ce qu´elles connaissaient déjà.

Quand l´accommodation devient trop défiante des barrières individuelles peuvent émerger. C´est le cas, par exemple, quand un opérationnel se voit confronté avec une nouvelle situation pour laquelle son antérieure expérience se révèle manifestement insuffisante et il se sent vraiment piégé en résultat d´une réponse émotionnelle déclenchant une forte barrière mentale à l´apprentissage.

L´acquisition de nouvelles connaissances peut aussi devenir une menace à l´auto-image quand les personnes reconnaissent que l´accommodation de nouvelles connaissances peut déclencher un profond changement existentiel (Polanyi, op.cit.). C´est le cas, par exemple, dans une firme où des marketers doivent coopérer avec les ouvriers de l´usine ou les vendeurs doivent travailler avec les scientifiques. Les personnes détestent en général nouvelles connaissances qui peuvent contrarier leurs histoires, spécialement si elles sont transmises par d´autres personnes ayant des backgrounds assez différents. Quoiqu´il est généralement reconnu que cette communication inter-fonctionnelle est nécessaire pour la création de connaissance, les managers ne doivent pas ignorer ses difficultés.

En ce qui concerne les barrières organisationnelles, on peut être confronté aux quatre types suivants: (1) le besoin d´un langage légitime, (2) histoires organisationnelles, (3) procédures et (4) paradigmes de l´organisation.

Avant tout, le langage est vraiment décisif pour l´apprentissage individuel et la réflexion. Dans le but de partager ce que chacun sait, la connaissance tacite doit devenir explicite à travers un langage commun qui soit acceptable par les autres membres de la communauté et de l´organisation en général.

Les histoires organisationnelles et les mythes des organisations peuvent en effet créer une espèce de sens commun capable d´isoler et de stigmatiser de nouvelles connaissances. L´exemple de ce qui s´est passé dans les grosses entreprises pharmaceutiques européennes, au début des années 1970, par rapport à la biotechnologie où circulaient des histoires sur l´apparent échec subi par Monsanto aux Etats Unis a vraiment contribué pour un découragement de ce type de recherche aux yeux des jeunes ingénieurs (Takeuchi et Nonaka,

op.cit.). Au lieu de les motiver à chercher l´extraction naturelle d´hormones, la synthèse

chimique ou la purification de substances naturelles, les jeunes ingénieurs européens se sont tournés vers les processus pharmaceutiques traditionnels.

Concernant les procédures, il s´agit bien d´une situation mixte - d´une part, les procédures représentent des solutions qui assurent l´efficience et l´efficacité des processus organisationnels, mais, d´autre part, en assurant la communication, la planification et le contrôle de ce qu´on doit faire on engendre parfois de vrais freins à l´innovation et à la création de connaissance. L´exemple cité par Brown et Duguid (op.cit.) à propos des techniciens chez Xerox illustrait bien que la façon plus efficace pour ces professionnels de résoudre les problèmes plus complexes se fondait dans le partage de connaissance chez des micro-communautés non-officielles. En fait, les manuels techniques et les procédures eux- mêmes étaient laissés de côté s´ils voulaient réussir dans la résolution de problèmes complexes.

Finalement, en ce qui concerne les paradigmes organisationnels il s´agit bien de la barrière plus importante à la création de connaissance car, en général, ils synthétisent le positionnement stratégique, la vision, la mission et les valeurs fondamentales des firmes. Ils influencent aussi les données et les informations dont les collaborateurs peuvent avoir accès

Chaque fois que les personnes se trouvent face aux barrières présentées ci-dessus, leurs grandes idées, grands arguments ou grands concepts ont du mal à triompher et devenir de produits ou services de succès. Les difficultés à partager de nouvelles connaissances fondées sur un nouveau langage, la paralysie face à des histoires d´échec dans le passé ou le poids des paradigmes organisationnels rendent la création de connaissance vraiment difficile et tendent à créer des collaborateurs passifs. En outre, on risque de perdre les meilleurs qui ayant décidé de s´en aller deviennent encore parfois de sérieux concurrents des firmes dont ils sont sortis.