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111.3.4 Les bactériocines

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Le terme bactériocine a d'abord été utilisé pour des substances produites par des bactéries à Gram négatif telles les colicines produites par Escherichia coli.

Pour les bactéries à Gram positif, le terme bactériocine est employé pour des molécules qui répondent à la définition de TAGG et coli. (1976). Les bactériocines sont des substances qui ont un spectre d'action étroit. En effet, seules les espèces taxonomiquement proches de la souche productrice peuvent être inhibées. Les bactériocines comportent une partie protéique nécessaire à leur activité. Leur mode d'action est bactéricide. L'action inhibitrice nécessite un récepteur spécifique localisé

sur la cellule cible. La synthèse des bactériocines et des molécules qui immunisent les cellules productrices contre leur propre bactériocine est contrôlée par des plasmides.

La définition de TÀGG et coll. a été largement discutée puisque tous ces critères ne sont pas toujours rencontrés. De ce fait, une redéfinition du terme bactériocine a été suggérée par KONISKY (1982). Une bactériocine est une molécule de nature protéique dont le mode d'action est bactéricide. Cette définition est discutable car elle peut à la limite englober des antibiotiques polypeptidiques.

L'intérêt considérable qui s'est manifesté ces dernières années pour l'étude des phénomènes d'inhibition des bactéries lactiques a abouti à la mise en évidence de nombreuses molécules [STILES et HASTINGS, 1991; CHIKINDAS et coll., 1993].

Parmi les bactériocines deux types peuvent être distingués. Le premier de ces types comprend des substances bactéricides à spectre étroit, affectant seulement les espèces très proches. C'est le cas du plus grand nombre de bactériocines des bactéries lactiques. Parmi ces bactériocines on trouve la diplococcine et la lactococcine produite par les Lactococcus sp. [DARVEY et RICHARDSON 1981; DUFOUR et coll., 1991], la lactacine et la brevicine produite par les Lactobacillus sp. [RAMHELSBERG et RADLER, 1990; NURIANA et KLAENHANMER, 1991] et enfin la leucocine, la mésentericine et la leuconocine produite par les

Leuconostocs sp. [HASTINGS et STILES, 1991; DABA et coll., 1991;

LEWUS et coll., 1992; MAFTAH et coll., 1993].

Figure 7. Structure chimique de la nisine d’après GROSS (1975)

et SCHNELL et coll. (1988).

Dha, déhydroalanine; Dhb, déhydrobutyrine; Àla- lanthionine; Aba, acide alpha-aminobutyrine; Àba-S-Àba, méthyllanthionine.

S-Ala béta

Le second de ces types, plus rare, comprend des substances bactéricides à l'égard de nombreux genres de bactéries à Gram positif: c'est le cas de la nisine et de la pédiocine [BISWÀS et coll., 1991; DEGNAN et coll., 1992; HARRIS et coll., 1992].

III.3.4.1 La nisine.

La nisine est un polypeptide de 3.500 Daltons produit par certaines bactéries lactigues (Lactococcus lactis et Leuconostoc

dextranicum). Cette molécule de 34 acides aminés renferme (figure

7), à côté des acides aminés courants, d'autres acides aminés rarement rencontrés dans le métabolisme bactérien tel gue la déhydroalanine, la déhydrobutyrine, la lanthionine et la beta méthyllanthionine [HARRIS et coll., 1992]. La nisine est insensible aux enzymes protéolytiques excepté à l'alpha chymotrypsine. Sa structure en anneaux confère à cette molécule une thermorésistance remarquable. La nisine est bactéricide vis- à-vis de différents germes à Gram positif [STEVENS et coll., 1991].

Le mécanisme d'action de la nisine sur les bactéries à Gram positif n'est pas encore clairement élucidé. Les arguments qui ont été proposés confirment que l'action bactéricide de la nisine résulte d'un déséquilibre de la membrane cytoplasmique [HALL, 1966; GAO et coll. 1991]. L'action de la nisine commence d'abord par une adhésion de manière spécifique et irréversible aux parois des bactéries sensibles. Elle se met ensuite en contact avec la membrane cytoplasmique. Il en résulte une chute du potentiel de cette membrane et un arrêt de toute biosynthèse. La nisine se comporte comme un détergent cationique provoquant un flux d'acides aminés, d'ATP et d'ions potassiques [BRUNO et coll., 1992].

autres effets de la nisine, comme l'inhibition de la synthèse de la paroi bactérienne sont probablement des conséquences de la chute du potentiel de la membrane [SAHL et coll., 1985].

Les études réalisées pour mettre en évidence le support génétique impliqué dans la production de la nisine ont donné des résultats contradictoires. TSAI et SANDINE (1987), BROADBENT et RONDO (1991) ont montré que le gène codant pour la nisine est localisé sur un plasmide de 28 Kb. Par contre, DAVEY et PEARCE (1982) ont montré que le gène codant pour la nisine est localisé sur le chromosome. Récemment, les études menées par STEEN et coll. (1991), DODD et coll. (1992) confirment l'hypothèse de la localisation chromosomique du gène.

III.3.4.2 La pédiocine.

Les Pediococcus sp. sont des bactéries lactiques

homofermentaires utilisées essentiellement pour la fermentation des viandes et des végétaux [LIEPE 1983; SMITH et PALUHBO, 1982]. De nombreuses études ont montré que ces bactéries produisent des bactériocines actives sur des bactéries à Gram positif {Listeria

monocytogenes, Clostridium perfringens et Staphylococcus aureus)

et sur deux espèces à Gram négatif {Aeromonas hydrophyla et

Pseudomonas putida) [BERRY et coll., 1991; DEGNAN et coll., 1992;

FOEGEDING et coll., 1992]. BHUNIA et coll. (1988) ont caractérisé et purifié une bactériocine, la pédiocine AcH. Cette bactériocine est un peptide de 2.700 Daltons, sensible aux protéases, thermorésistant et stable à différentes valeurs de pH comprises entre 2,5 et 9. GONZALEZ et KUNKA (1987) ont montré que le

Pédiococcus acidilactis produit une autre bactériocine appelée

pédiocine PA-1 dont le poids moléculaire est estimé à 16.5 kDaltons et qui possède les mêmes propriétés physiques que la pédiocine AcH.

Figure 8. Mécanisme d’altération de la membrane cytoplasmique des bactéries à Gram

positif sensibles par la pédiocine AcH d’après BHUNIA et coll. (1987).

À, bac^erie à Gram positif résistante à la pédiocine AcH (P):

,i,2f bactérie à Gram positif sensible à la pédiocine AcH; CW, paroi cellulaire; CM, membrane cytoplasmique; ICM, matériel

Le mécanisme d'action des pédiocines n'est pas clairement établi. Selon l'hypothèse de BHUNIA et coll., (1987), schématisé dans la figure 8, l'action de la pédiocine AcH se situe au niveau de la membrane bactérienne. Cette bactériocine commence par s'adsorber sur un récepteur spécifique situé sur la paroi cellulaire des bactéries à Gram positif. Ensuite, pour les bactéries résistantes, aucun changement de la configuration de la paroi cellulaire n'a été observée par ces auteurs. Par contre, pour les bactéries sensibles la pédiocine AcH entraîne une altération de la configuration de la paroi cellulaire, déstabilise le fonctionnement de la membrane cytoplasmique et entraîne la mort de la bactérie.

III.4.5 Application des bactériocines.

Les potentialités des bactéries inhibitrices sont importantes. Les progrès réalisés dans la connaissance des mécanismes d'inhibition, en particulier au niveau des conditions permettant leur manifestation devraient permettre d'accroître leur utilisation en tant qu'agents de conservation des produits alimentaires. Actuellement, la nisine est employée comme agent de conservation dans les industries alimentaires. L'emploi de cette molécule en tant qu'additif permettant la conservation de denrées alimentaires est autorisé dans 48 pays [LIPINSKA, 1977; HURST, 1983; RAY et DAESCHEL, 1992].

L'utilisation de la nisine comme agent de conservation des denrées alimentaires est limitée par plusieurs paramètres, à savoir:

- son manque de spécificité (inhibition des bactéries lactiques), - son manque de stabilité,

- son manque de diffusion, - sa faible solubilité,

- l'interaction avec les phospholipides [HENNING et coll., 1986], - l'apparition de souches résistante de L. monocytogenes

[HARRIS et coll., 1991; MING et DAESCHEL, 1993].

Quant à l'application de la pédiocine comme agent de conservation, cette molécule s'est montrée efficace dans certains produits alimentaires d'origine animale et végétale [PUCCI et coll., 1988; NIELSON et coll., 1990]. Par contre, dans d'autres études notamment celle de HASTINGS et STl^LES (1991) l'efficacité de la pédiocine a diminué considérablement dans les viandes.

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