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3 | BAC+5 ET PLUS UNIVERSITAIRES : UNE NETTE DÉGRADATION

L’expansion scolaire a-t-elle modifié les conditions

3 | BAC+5 ET PLUS UNIVERSITAIRES : UNE NETTE DÉGRADATION

Pour les masters et doctorats, cinq années après leur sortie du système éducatif, la part des diplômés qui n’occupent pas un emploi de cadre parmi les masters et les doctorats en sciences de la génération 1992 s’élève à 18 %, contre 30 % pour la génération 2010. Dans les spécialités de sciences humaines et sociales, les mêmes proportions passent de 31 % à 46 % (tableau 1). Pour les deux grands domaines de spécialités, la proportion de non-cadres parmi les diplômés de masters et doctorats a donc augmenté de 12 à 15 points.

On retrouve cette dégradation relative des positions professionnelles dans l’étude de l’évolution des salaires. Le tableau 3 reprend les résultats du tableau 2, par domaine de formation, en soulignant le déficit de rendement salarial associé aux différents diplômes à bac+2 ou +3 quand on les compare aux masters et doctorats.

Céreq Essentiels 130

Tableau 3 | Évolutions des écarts de salaires toutes choses égales par ailleurs

Génération de sortants 1992 1998 2004 2010 Écarts de salaire par rapport aux masters et doctorat en Sciences %

BTS industriel (1) -35 -35 -27 -25

DUT industriel -30 -33 -24 -18

LP industrielle -19 -18

Écarts de salaire par rapport aux masters et doctorat en SHS %

BTS tertiaire -33 -34 -25 -22

DUT tertiaire -26 -30 -21 -19

LP tertiaire -20 -9

Licence générale SHS -17 -28 -19 -13

Source : Céreq, enquêtes comparables Génération 1992, 1998, 2004 et 2010, interrogations à 5 ans.

(1) pour obtenir l’écart de -0,35 pour 1992 à partir du tableau 2 : -0,03 (écart au BTS tertiaire 2010 pour les BTS industriels de 1992) -0,32 (écart au BTS tertiaire 2010 pour les masters et docteurs 1992 en sciences).

Lecture : l’écart de salaire estimé entre les BTS tertiaires de 1992 et les masters et docteurs en sciences de la même génération est de -35 %. Pour les générations 1998, 2004 et 2010, cet écart est respectivement de l’ordre de -35 %, -27 % et -25 %.

Le résultat est sans appel pour les générations qui suivent la mise en place du LMD, marquées notamment par l’augmentation considérable du nombre de masters professionnels (cf. supra) ; la plus-value salariale associée aux diplômes de master et doctorat diminue. Quelle que soit la filière, les écarts de salaire s’amenuisent ainsi d’environ 10 points entre les deux générations extrêmes.

La seule exception notable concerne les licences en SHS pour lesquelles la variation est moindre sur l’ensemble de la période (-4 points). Mais la diminution apparaît tout de même forte en regard de la génération 1998, sortie de formation initiale avant l’augmentation des effectifs de master professionnels.

CONCLUSION |

Les hiérarchies des conditions d’emplois cinq ans après la sortie du système éducatif entre filières et niveaux de diplôme du supérieur ont connu des évolutions notables entre les sortants de la génération 1992 et ceux de 2010.

Dans ce domaine, les performances des diplômes sont souvent évaluées à l’aune de leurs performances brutes sur le marché du travail, en comparant des moyennes de salaire, de taux d’accès à différentes qualifications ou de taux de chômage. L’analyse « toutes choses égales par ailleurs » conduit à relativiser ces hiérarchies en prenant en compte les spécificités des publics et les effets de structure.

Dans ce cadre d’analyse, à bac+2, les sortants de DUT ont un avantage marqué et durable au fil des cohortes examinées ici, sur les sortants de BTS, en termes d’accès à la qualification de technicien ou profession intermédiaire davantage qu’en termes de salaire. À bac+3, la situation des licences professionnelles est plus contrastée. Si les moyennes brutes de salaires leur sont globalement favorables, cet avantage s’amenuise fortement une fois que l’on raisonne « toutes choses égales par ailleurs ». Ainsi, pour la génération 2010 observée en 2015, les licences professionnelles industrielles conduisent à une insertion très comparable à celle des DUT industriels, observation qui traduit un effet de substitution du diplôme « traditionnel » par celui nouvellement créé. En effet, en dynamique, l’accès à la qualification de la première génération étudiée de diplômés de licences professionnelles (génération 2004) est comparable à celui des détenteurs de DUT, avant leur création en 1999 (génération 1998).

131 20 ans d’insertion professionnelle des jeunes : entre permanences et évolutions

Les précédents constats interrogent une expansion scolaire qui, dans le cas français, s’est appuyée sur la multiplication des filières, essentiellement professionnelles, alors que d’autres pays comme l’Allemagne et l’Angleterre ont plutôt fait le choix de premiers cycles du supérieur plus uniformes.

Quant aux diplômés d’université à bac+5 et plus, la dévalorisation salariale observée au fil des générations, qui s’accompagne d’un accès nettement décroissant au statut de cadre, pourrait bien résulter de la hausse des niveaux d’éducation et de la massification induite, donc d’une modification des rapports de concurrence pour l’accès aux « bons » emplois. Dans ce domaine, les investigations menées ici l’ont été à un niveau très agrégé. Nul doute que ces évolutions moyennes masquent de fortes disparités internes au sein des filières à un niveau fin de spécialités, voire selon les établissements de formation. En somme, tout cela suggère le renforcement d’un nouveau régime concurrentiel qui reste à préciser.

In fine, les résultats mitigés de l’insertion des bacs+3 à bacs+5 professionnels conduisent à poser deux questions fondamentales liées pour les futures politiques éducatives. D’une part, ces évolutions ont-elles plutôt contribué à renforcer ou au contraire à limiter les inégalités sociales dans les parcours éducatifs et au moment de l’insertion ? D’autre part, la dévalorisation observée au fil des générations des diplômes à bac+5 et au-delà est-elle le prix à payer par les nouvelles générations pour permettre à l’économie dans son ensemble de demeurer compétitive à moyen et long terme, grâce à une expansion scolaire supposée favoriser la croissance ? |

Céreq Essentiels 132

133 20 ans d’insertion professionnelle des jeunes : entre permanences et évolutions

Depuis 20061, le doctorat, diplôme le plus élevé et le plus prestigieux de l’enseignement supérieur français, a connu des transformations majeures empreintes de professionnalisation. Les différents décrets relatifs à la formation doctorale ont visé à améliorer l’encadrement de la thèse : recours au financement de thèse obligatoire, réduction de la durée de thèse, mise en place de modules de formation au sein du cursus de doctorat, sensibilisation des docteurs à la question de leur devenir professionnel, etc. L’objet de ces réformes visait à sécuriser les parcours professionnels des docteurs, souvent qualifiés de difficiles en comparaison des parcours des autres sortants de l’enseignement supérieur.

En effet, au début des années 2000, trois années après leur soutenance de thèse, le taux de chômage des docteurs2, bien que faible (6,5 % pour les sortants de génération 1998), était supérieur à celui des diplômés de grandes écoles, mais aussi à celui des diplômés de M2 universitaires. Progressivement, ce paradoxe a disparu. Ainsi, sous les effets de la conjoncture économique, parmi les jeunes de la génération 2010, le taux de chômage à trois ans des docteurs a augmenté – atteignant 9 % – mais cette progression est restée plus limitée que celle affectant le taux de chômage des sortants de bac+5 universitaire (11 %). Cependant, ce renversement ne concerne pas tous les docteurs et de fortes disparités disciplinaires existent. Par ailleurs, l’avantage des diplômés de grandes écoles persiste.

De plus, les débuts de carrières des docteurs sont marqués par la prégnance des emplois à durée déterminée.

Ces difficultés d’insertion récurrentes des jeunes docteurs s’expliquent en partie par leur faible intégration dans les entreprises – notamment dans celles du secteur de la recherche & développement (R&D) – au regard des autres diplômés de l’enseignement supérieur. Pourtant, ce début de siècle marque la volonté des pouvoirs publics d’encourager les docteurs à travailler en dehors de leurs débouchés traditionnels constitués des emplois de la recherche académique et de l’enseignement supérieur. Ce changement de paradigme est légitimé par les théories de la croissance et de la société de la connaissance, estimant que la diffusion de personnels hautement qualifiés à l’ensemble de l’économie permettrait d’augmenter la croissance économique des pays. Les déclarations au niveau européen3 vont dans le même sens et conduisent à militer pour une ouverture des carrières professionnelles des docteurs vers les entreprises et le développement de parcours qui les verraient alterner entre sphère publique et sphère privée.

Forte précarité des statuts d’emploi en début de carrière, faible intégration des docteurs dans les entreprises, ces éléments questionnent la rentabilité du doctorat sur le marché du travail. Grâce aux données des enquêtes Génération 1998, 2004 et 20104, dans une première partie nous interrogeons l’évolution des conditions d’emploi dans la recherche publique puis, dans un deuxième temps, l’accès et les conditions d’emploi dans le privé. Enfin, nous proposons une typologie des parcours d’insertion des docteurs.

1 - Date d’un décret sur la formation doctorale.

2 - Docteurs hors disciplines de santé

3 - Déclaration européenne des ministres en charge de l’enseignement supérieur, 2005.

4 - Les bases comparables portant sur la première interrogation à trois ans sont utilisées dans cet article, afin de pouvoir bénéficier des extensions « docteurs » financées par la DGESIP. Par ailleurs, pour rendre comparable le champ des docteurs couverts par les différentes enquêtes, les docteurs CIFRE et les étrangers ont aussi été écartés de nos analyses.

La place du doctorat

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