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Chapitre II. Comprendre l’intéret du contrôle de la temperature de

III. B.2.  Trois hypothèses pour proposer une diminution du DMSO

Pour proposer une stratégie permettant de diminuer la proportion de DMSO utilisée dans les procédures de cryoconservation de type congélation-lente, nous nous sommes appuyés sur les hypothèses suivantes :

1ère Hypothèse : Les procédures de congélation-lente ont été optimisées selon certains paramètres particuliers mais de nouvelles optimisations sont possibles.

Il est possible qu’une combinaison des paramètres des procédures de cryoconservation puisse être meilleure que les combinaisons utilisées actuellement. La recherche de nouveaux CPA est toujours en cours et les procédures de cryoconservation sont de mieux en mieux comprises. La découverte des

transitions vitreuses intracellulaires1 [126], la mise au point de nouvelles techniques de refroidissements ou réchauffements [293], etc., peuvent laisser penser qu’une optimisation des procédure est encore possible.

2ème Hypothèse : L’optimisation de la proportion de CPA pénétrants dans la solution de cryoconservation permet de trouver une formulation offrant de bonnes conditions de vitrification.

Les modélisations qui ont montré que l’amélioration des procédures de cryoconservation est impossible si elle implique une diminution trop importante de l’utilisation des CPA pénétrants (<1 mol.L-1) [253], ont étudié cette réduction sans essayer d’utiliser d’autres composés CPA aux propriétés complètement différentes de celles des CPA actuellement utilisés. Le DMSO est certes l’un des CPA les mieux placés pour remplir les rôles qui sont demandés à un CPA (outre sa cytotoxicité) mais il est envisageable qu’une combinaison de CPA différents puisse également être compatible avec la survie cellulaire.

Les études portant sur la réduction de la proportion de CPA pénétrants se sont donc poursuivies. Il a ainsi été montré que la proportion de CPA pénétrant nécessaire pour conduire à une vitrification cellulaire peut être réduite s’il intervient une forte déshydratation cellulaire [350]. En effet, le milieu cytoplasmique intracellulaire possède une grande propension à vitrifier du fait de la présence de nombreuses macromolécules [126,127,281,456]. La présence en solution intracellulaire d’une grande proportion de protéines et d’autres composés organiques (macromolécules), accompagnée d’une déshydratation du milieu, suffit pour favoriser la vitrification [126,127]. Dans une procédure de type vitrification, à l’aide de bains successifs d’équilibration osmotique, les cellules sont placées dans des solutions contenant des CPA pénétrants. Il a été proposé par Kuleshova et al. [228] de remplacer, dans les procédures de vitrification, une grande partie des CPA pénétrants par des polymères pénétrants (PVP, dextrane, ficoll, etc.). Dans le dernier bain d’équilibration osmotique, des CPA non-pénétrants (sucres ou polymères) sont ajoutés pour favoriser la déshydratation cellulaire juste avant la plongée dans l’azote liquide. C’est l’action osmotique de ces CPA non-pénétrants qui permet de favoriser la vitrification du milieu intracellulaire et de garantir la réussite de la procédure avec une quantité plus faible de CPA pénétrants [350].

Par ailleurs, des expérimentations ont montré l’existence de transitions colloïdales dans les cellules lors de leur déshydratation [295,456]. Ces transitions peuvent favoriser la vitrification intracellulaire2

et potentiellement protéger les cellules. C’est pourquoi, nous supposons qu’en congélation-lente, en combinant convenablement l’abaissement en température et la déshydratation cellulaire, il est possible de forcer la transition colloïdale intracellulaire à la bonne température et de réduire les dégâts causés aux cellules.

Une déshydratation cellulaire n’est cependant pas envisageable sur de longues périodes lorsque la température demeure élevée. Lors d’une procédure de vitrification, la durée de déshydratation est courte3. Lors d’une congélation-lente, la déshydratation ne doit pas intervenir de manière trop prononcée sous peine de conduire à un collapsus cellulaire (cf. partie I.D.). Pour résoudre ce problème, nous nous appuyons sur les travaux de Mazur et al. [273] qui ont proposé une variante aux

1 Cette découverte est notamment intéressante car elle a permis de montrer que les transitions vitreuses intracellulaires interviennent à des températures bien inférieures à celles des transitions vitreuses extracellulaires.

2 Puisque les cytoplasmes cellulaires sont souvent fortement chargés en grosses molécules, ils peuvent vitrifier facilement [228,341,456].

protocoles de cryoconservation cellulaire classique en amenant rapidement les cellules jusqu’à une température assez basse pour que les effets de la déshydratation cellulaire soient moins délétères. Cette température doit cependant rester supérieure à la température de nucléation du milieu intracellulaire. Un palier est alors effectué à cette température intermédiaire pour permettre l’équilibration des milieux. Ensuite, le refroidissement continue à une vitesse lente jusqu’à la plongée dans l’azote liquide. Ce type de protocole est nommé « refroidissement rapide interrompu »4. Nous supposons que, lors de l’utilisation de ce type de protocole, il serait possible d’autoriser une déshydratation cellulaire plus rapide (ceci est déjà toléré dans le cas des procédures de vitrification).

3ème Hypothèse : L’utilisation de CPA non-pénétrants peut, en optimisant la procédure de refroidissement et réchauffement, permettre de réduire la proportion nécessaire de CPA pénétrants.

Cette 3ème hypothèse semble découler directement de la 2ème. Cependant, le recours à des CPA non-pénétrants osmotiquement actifs en solution induit une évolution importante de la différence d’osmolalité entre les milieux intra- et extracellulaire. Pour une procédure de type congélation-lente où la formation de la glace est permise et souhaitée, l’action osmotique du CPA non-pénétrant devient de plus en plus importante à mesure que la proportion d’eau dans le milieu extracellulaire diminue. A l’inverse, dans le milieu intracellulaire, c’est principalement le CPA pénétrant qui participe à l’action osmotique. Il y a donc un décalage entre ces 2 milieux dans l’évolution des osmolalités qui accentue la déshydratation cellulaire et augmente la contraction cellulaire à une vitesse de refroidissement donnée. Sur la courbe schématique de variation du taux de survie obtenu en fonction de la vitesse de refroidissement appliquée (cf. Fig.III.B-1), la branche gauche du pic de survie se décale alors vers des vitesses de refroidissement plus rapides en supposant qu’après l’ajout d’une petite quantité de sucre, le risque de nucléation intracellulaire en fonction de la vitesse de refroidissement évolue peu. Il en résulte une diminution du taux de survie atteignable lors de l’application de la vitesse optimale de refroidissement (cf. Fig.III.B-1).

Compte tenu du lien entre abaissement cryoscopique et osmolalité en solution, pour n’importe quelle solution à l’équilibre des phases, il y a, à une température donnée, une osmolalité équivalente en solution. L’osmolalité peut être due à différents solutés, mais lors d’une congélation lente, l’osmolalité totale attendue doit être proche de la valeur à l’équilibre des phases (en la considérant comme une succession d’états d’équilibre à mesure que la température diminue). La composition de la solution correspondante doit être la moins délétère possible d’un point de vue biologique. Or, plus les produits dissous en solution possèdent une faible osmolalité, plus leur concentration équivalente doit être importante pour atteindre l’osmolalité à l’équilibre des phases. Le DMSO est un CPA qui induit une évolution importante de l’osmolalité en fonction de sa concentration en solution. A une température donnée, l’osmolalité équivalente sera atteinte avec une concentration de DMSO très inférieure à celle d’autres composés. Ceci en fait un très bon CPA, mais il est possible que lors de l’ajout d’une petite quantité de sucre dans la solution de cryoconservation, l’effet osmotique du DMSO reste prédominant.

4 Notons qu’afin d’éviter les phénomènes de cristallisation intervenant avec une situation hautement hors équilibre (c.-à-d. une forte amplitude de surfusion), un seeding est tout de même effectué dans ce type de protocole. Il y a ensuite maintien de la température pendant environ 2 minutes, puis un refroidissement rapide (≈-50°C.min-1) est appliqué jusqu’à un palier (à une température intermédiaire).

Pour estimer cet effet, nous avons utilisé le formalisme de Prickett et al. [333] expliquant l’association des actions osmotiques entre les constituants afin de tracer l’évolution de l’osmolalité dans le mélange H2O-DMSO-Saccharose. Nous avons ainsi utilisé l’équation N°23 de leur article [333] donnant l’équation osmotique du viriel pour 2 solutés non-électrolytiques5. Nous avons considéré une proportion en DMSO évoluant de 0 à 15 mol.kg-1, et, pour chacune de ces proportions, une proportion de saccharose égale au 1/10 de mol en DMSO6. Le graphique (Fig.III.B-2) illustre comment l’ajout en solution de saccharose ne réduit pas fortement l’évolution de la proportion de DMSO en solution. Or, le DMSO est associé à la toxicité et c’est le seul composé susceptible de pénétrer dans le milieu intracellulaire (le saccharose est non-pénétrant). Cette courbe illustre ainsi comment l’ajout, en solution, de saccharose ne réduit pas la toxicité exprimée par le DMSO au cours du processus.

5 Nous avons utilisé une variante de l’équation N°23 sans intégrer le coefficient du viriel du 3ème degré (« C ») : ߨ ൌ ݉ଶ൅ ݉ଷ൅ ܤଶ݉ଶ൅ ܤଷ݉ଷ൅ ሺܤଶ൅ ܤଷሻ݉ଶ݉ଷ

6 Le fait de conserver à 1/10 de mole la proportion de saccharose en solution par rapport au DMSO revient à fixer le rapport molaire initial entre le saccharose et le DMSO. Puis, ce rapport molaire est conservé en solution résiduelle même lorsque de la glace est formée et que les concentrations évoluent. Ainsi, la proportion en DMSO évolue en fonction de la température avec la même proportion que celle de saccharose. La proportion molaire des deux composés est ainsi conservée dans la solution résiduelle à la cristallisation. Ceci permet de matérialiser l’influence de la quantité de glace formée sur la molalité en solution initiée par le DMSO.

Fig.III.B-1 : Courbe schématique classique de variation du taux de survie obtenu en fonction de la vitesse de refroidissement appliquée lors de l’ajout d’un sucre en tant que CPA non-pénétrant (ex : saccharose).

Dans les faits, l’ajout en solution de CPA pénétrants, dans une proportion raisonnable en congélation lente (>1 mol.L-1) et en vitrification (>3 mol.L-1), est considéré indispensable à la survie cellulaire des cellules de type embryons de mammifère [253]. Nous nous dégageons de cette tendance pour faire une proposition d’optimisation des procédures de congélation-lente visant à augmenter la survie cellulaire à l’aide de CPA non-pénétrants et une proportion initiale de CPA pénétrants inférieure à 1 mol.L-1. Nous avons choisi d’étudier la possibilité d’effectuer une cryoconservation avec 5%(v/v) de DMSO en solution initiale.