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CHAPITRE I Etat de l’art : l’entreprise face au changement et à l’innovation vers la RSE

A. Positionnement de la thèse

A.3. b Les principes de la Recherche-Intervention

Le chercheur tel que le précise David (David, 1999) se trouve dans un cadre où il obéit à quatre principes communs aux démarches scientifiques de recherche-intervention :

Le principe n° 1: le chercheur a pour objectif de comprendre en profondeur le

fonctionnement du système qu‟il étudie : à ce stade, le chercheur utilise sa position pour produire des connaissances depuis l‟intérieur du système et non depuis l‟extérieur : exerçant une activité professionnelle depuis 2008 dans le système étudié, ma position est conforme à ce premier principe.

Le principe n° 2 : la production de connaissance se fait par interaction avec le terrain. Le

chercheur est certes inclus dans le dispositif de recherche, mais il est délocalisé, car les

Théorie • Sciences de gestion • Sciences de l'ingénieur • Sciences économiques et sociales • Sciences de la vie Pratique • Le terrain d'observation • Les laboratoires pharmaceutiques • L'entreprise SNC-LAVALIN • Le métier de chef de projet

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données sont récoltées et analysées sur le terrain d‟observation et non pas collectées sur le terrain et analysées ailleurs comme le font classiquement les chercheurs. Dans notre cas, les données de l‟entreprise étant confidentielles, elles sont analysées principalement à l‟intérieur du département pharmacie SNC-Lavalin. L‟objectif final étant que le chercheur puisse au fur et à mesure du travail de recherche réussir à modéliser le terrain d‟observation, à réaliser sa recherche et ensuite à pouvoir progressivement s‟en dégager (Hatchuel, 1994).

Le principe n° 3 : le chercheur parcourt différents niveaux théoriques allant des théories

intermédiaires à des théories générales. Le niveau dans lequel nous nous situons est celui des théories intermédiaires (Glaser, et al., 1967) où la validation des connaissances (figure 5) passe par un échange avec le terrain et un dialogue avec les théories générales. Néanmoins, la validation des connaissances est une « validation transversale à plusieurs niveaux » (David, 1999) qui montre que dans ce type de recherche, il n‟est pas simple de trouver un équilibre parfait entre le travail de recherche sur le terrain et de faire une revue de littérature et de recherche bibliographique complète et fiable car, paradoxalement, l‟ensemble des théories existantes seront sans cesse dénaturées et revisitées par des études empiriques et par les modifications du terrain d‟observation qui sont dues implicitement au métier de l‟ingénierie.

Le principe n° 4 est celui du poids de la recherche-intervention sur la réalité. Cela justifie

donc son caractère normatif par rapport à des principes déontologiques (recherche de la vérité avec un esprit critique en adéquation avec les principes scientifiques de recherche) mais aussi encourage le respect des acteurs de la recherche.

A.3.c Le cadrage théorique de la Recherche-Intervention

L‟objectif central de notre recherche est de développer un concept novateur : le management de projet d‟ingénierie par la responsabilité sociétale (RS). La RS est vue ici non seulement comme une réponse potentielle au développement durable (DD) dans l‟organisation de projet, mais aussi comme un moyen de faire évoluer aussi le métier de l‟ingénierie, à travers le mécanisme de la sphère d‟influence (Loeve, 2010) et le phénomène de partage des valeurs (Porter, 2011).

L‟ISO 260002 le définit comme « un domaine, des relations politiques, contractuelles ou économiques à travers lesquelles une entreprise peut influencer les décisions ou les activités d’autres entreprises ou de personnes individuelles ».

La norme ISO 26000 identifie un certain nombre de principes (redevabilité, accountability, transparence, conduite éthique, respect des intérêts des parties prenantes (PP), conformité légale, respect des normes internationales de comportement et respect des droits humains) ainsi que des questions centrales (les droits de l‟homme, les relations et les conditions de travail, l‟environnement, la loyauté des pratiques, les questions relatives aux consommateurs et les relations avec les communautés et le développement local).

Le cadre de la RSE sous l‟angle de l‟ISO 26000 ainsi défini, met en avant l‟importance des relations de confiance et du partage des connaissances entre les différents acteurs de l‟organisation pour une « création de valeur partagée » (Mickael Porter, 2011). On comprend donc que le rôle des acteurs est primordial pour l‟intégration d‟une démarche de RSE, même si l‟ISO 26000 induit une « forme d’hybridation des positions des acteurs et des systèmes de pensée car cette norme

qui n’est pas un système de management a une double dimension procédurale mais aussi substantive » (Brodhag,

2010).

Notre projet de recherche se place donc dans le champ de l‟innovation, où l‟innovation est considérée autant en tant qu‟objet d‟analyse mais aussi comme moyen de construire notre projet de recherche par l‟étude de l‟innovation en tant que théorie. Étudier l‟intégration d‟une démarche de RSE portée par le métier de l‟ingénierie est en soi un sujet de recherche novateur où, grâce à l‟apport théorique, notamment des sciences de gestion dans le domaine de l‟innovation et du projet, nous serons en mesure d‟identifier l‟ensemble des leviers qui vont nous permettre à terme de faire évoluer le métier de l‟ingénierie avec la création d‟un nouveau concept, à savoir « l‟ingénierie durable ». L‟ingénierie durable serait pour nous une « ingénierie socialement responsable ».

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Passer du monde de l‟ingénierie classique au monde de l‟ingénierie durable est un véritable défi qui, d‟après nos travaux de recherche, semble envisageable avec la transformation d‟un des maillons essentiels du métier de l‟ingénierie : le management de projet. Il n‟en demeure pas moins qu‟à ce stade de la recherche, le problème du lien entre un concept (la RSE) et un métier (l‟ingénierie) se pose.

Dans le même temps, nous sommes confrontés à un autre défi : celui de l‟adaptation/traduction du concept de la RSE de manière à l‟adapter au langage de l‟ingénierie. À ce titre, un projet de norme expérimentale Afnor PR XP X30-029 visant à établir une « méthodologie d‟identification des domaines d‟action pertinents et importants de la RSE pour une organisation » peut nous servir de base en support de l‟ISO 26000 afin de nous permettre de traduire le langage de la RSE dans le langage de l‟ingénierie.

Il est néanmoins important de souligner qu‟aucune nouvelle norme ne peut remplacer le dialogue avec les Parties Prenantes (PP), qui est un élément essentiel dans les processus décisionnels (Brodhag, 2004). D‟ailleurs les phases d‟échanges avec les acteurs et les PP font partie intégrante du processus de R-I (tableau 4). Ces étapes sont indispensables pour avoir une vision concrète de la réalité (David, 1999) et dégager les facteurs et les niveaux d‟influence qui vont nous permettre de déclencher l‟innovation. Ce sont en effet le niveau d‟influence et les formes d‟engagement (Hamdouch, 2000) qui conditionnent et engendrent les processus d‟innovation.

L‟ensemble des interrogations soulevées ainsi que l‟étude des définitions des démarches de recherche (David, 1998) pour piloter le changement, nous démontrent que la méthodologie de R- I est la plus en adéquation avec notre projet de recherche. C‟est pourquoi, nous nous proposons de partir des cinq étapes de recherche-intervention (figure 4) décrites par Hatchuel et Molet pour construire notre propre méthodologie de recherche (figure 7).

A.3.d Élaboration de la méthodologie de Recherche-

Intervention en adéquation avec le contexte de la

thèse

Afin de mener notre travail de recherche, nous avons opté pour une démarche progressive de R-I (tableau 4). Celle-ci présente de nombreux avantages : tout d‟abord celui d‟apporter, par l‟observation, des connaissances qui vont nourrir la théorie, mais aussi la possibilité pour les chercheurs de s‟appuyer sur la théorie pour comprendre et démystifier ce qu‟ils observent. L‟ensemble de ce processus de R-I s‟inscrit dans une démarche de progrès continu visant à développer les connaissances et à concourir au progrès de la recherche scientifique.

Les résultats d’une Recherche

Action & Intervention Synthèse

Liu (LIU, 1997) (R-A) I. La résolution du problème concret en termes de démarches et de réalisation

II. Des connaissances validées par l‟expérimentation au cours de la recherche

III. La formation d‟une communauté éduquée : compétences individuelles et collectives

IV. Des questionnements nouveaux pour des actions ou des études ultérieures

David (David, 1999) (R-I) I. Contribue à la construction de la réalité : Du point de vue méthodologique :

observations, entretiens, analyse des données, investigation par test de l‟effet des outils sur les acteurs de l‟organisation

Du point de vue des résultats :

Représentations mentales des situations existantes

Conception d‟outils de gestion et de dispositifs organisationnelles, pilotage du changement

Tableau 4 : les avantages de la recherche-action et de la recherche-intervention

Ces méthodologies de recherche permettent aux chercheurs de ne pas s‟éloigner de la réalité en adoptant une démarche associant en parallèle l‟observation de terrain (interface directe avec le milieu professionnel) et la recherche bibliographique. Une description générale de notre méthodologie de recherche est présentée ci-dessous (figure 6).

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Figure 6 : Méthodologie de Recherche-Intervention inspiré de (Hatchuel, et al., 1986)

Entretiens avec des experts de l’ingénierie pharmaceutique et de la

pharmacie industrielle

Recherche bibliographique sur les cabinets d’ingénierie et sur leur politique de RSE

Développement d’outils d’investigation appropriés aux typologies d’entreprises

sélectionnées Recherche bibliographique

sur les méthodes d’investigation en sciences

sociales, de gestion et du management

Constitution d’une théorie de l’organisation associée aux problématiques soulevés par

l’analyse et l’observation

Récolte des impressions après retour d’expérience Recherche bibliographique

sur les outils et méthodes pouvant répondre à ces

demandes

Analyse des outils, limites et/ ou performance et infirmation

et/ou validation des hypothèses

Le mythe étant rationnel , l’outil devient cohérent car

nécessaire

Perception d’un problème: PHASE 1

Comment: Analyse des dysfonctionnements et des nécessités d’amélioration. Pré-formulation de la problématique centrale

et mise en place des hypothèses

Construction d’un mythe rationnel: Phase 2

Re-formulation des hypothèses à partir des observations et des apports théoriques

Phase expérimental: Phase 3

Analyse du contenu des données, recensement des attentes et des besoins en matière d’intégration de la RSE:

Nécessité de l’outil qui fera la jonction entre les interventions et les interactions

Définition d’un ensemble simplifié de logiques d’action: Phase 4

Expérimentation de l’outil à l’échelle de cabinets d’ingénieries sélectionnés

Amélioration du modèle et/ou généralisation à plus grande

échelle

Elaboration d’un guide de bonne pratique d’ingénierie

par la RSE

Processus de changement: Phase 5

Intégration du guide dans la gestion de projet d’ingénierie

S e n s d e c o n d u ite d e la r e c h e rc h e -in te rv e n tio n

B. Définition de l’intérêt du projet de recherche