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CHAPITRE I Etat de l’art : l’entreprise face au changement et à l’innovation vers la RSE

B. Analyse synthétique de la RSE

B.1. b La RSE comme contribution à l‟innovation

Depuis une quinzaine d‟années la Responsabilité Sociale de l‟Entreprise (RSE) prend une importance croissante dans les pratiques et les discours des organisations. Les revues scientifiques de gestion, de sociologie, de science politique, d‟économie lui ont consacré des numéros spéciaux. Certes la vision de la RSE comme idéologie généralisée est en soi assez récente, mais sa genèse date des premiers âges du capitalisme industriel (MCHUGH, 1988).

Il importe de souligner d‟entrée de jeu que, marginale il y a encore quelques décennies, l‟idée d‟une responsabilité sociale est aujourd‟hui devenue « la sagesse conventionnelle des milieux d‟affaires » (Stark, 1993). Depuis quelques années, on tend à défendre l‟idée que good ethics is good

business, et qu‟une entreprise responsable sera, à terme, une entreprise rentable, et vice versa

(Corinne, et al., 2004). À ce titre,des communautés académiques se sont constituées telles que l‟EABIS (European Academy of Business in Society), l‟EBEN (European Business Ethics Network), l‟ADERSE (Association pour le Développement de la Recherche et de l‟Enseignement sur la RSE), le RIODD (Réseau International de recherche sur les Organisations et le Développement Durable) et d‟autres encore. L‟importance médiatique du sujet n‟est plus à démontrer ; en effet, il existe des revues telles que « Business and Society » soutenue par l‟IABS (International Association for Business and Society), « Business Ethics Quarterly » soutenue par la SBE (Society for Business Ethics), ainsi que « Business Ethics: A European Review », « Society and Business Review », le « Journal of Business Ethics » qui, en raison de l‟intérêt porté à ce domaine, en ont fait leur principale spécialité et intérêt de recherche (Capron, et al., 2007).

environnementale, la prospérité économique et la justice sociale (Capron, et al., 2004). Plus communément, on la considère comme l‟ensemble des comportements des entreprises qui visent à régler des questions sociales (affectant les parties prenantes de l‟entreprise), sociétales et environnementales. Selon la Commission des Communautés européennes, la RSE signifie « non seulement satisfaire pleinement aux obligations juridiques applicables, mais aussi aller au-delà et d'investir “ davantage ” dans le capital humain, l'environnement et les relations avec les parties prenantes » (Glossaire du Livre Vert de l‟Union européenne, Commission des Communautés européennes, Promouvoir un cadre européen pour la responsabilité sociale des entreprises, Bruxelles, juillet 2001). Cette exigence de responsabilité au niveau de l‟entreprise n‟est pas nouvelle dans le domaine du management. Il y a eu à ce titre plusieurs avancées sur le sujet sur le plan international : les principes directeurs de grandes institutions internationales (OIT, OCDE), la norme concernant le Système de Management Environnemental et d‟Audit (SMEA) dont s‟était dotée l‟Union européenne, la mise en place de la déclaration des dix principes du Pacte mondial par les Nations Unies. Ce mouvement s‟est amplifié et a abouti au déploiement de la norme ISO 26000 que nous pouvons considérer comme un guide d‟orientation dont le contenu est fait de lignes directrices sur la RSE (Guidance on social responsibility).

Le processus de rédaction de cette norme qui a démarré en mars 2005 ne demandera pas moins de huit réunions de travail internationales, quatre versions (documents d‟experts WD) et deux versions intermédiaires de la norme (CD, DIS) pour aboutir en mai 2010 à un texte (FDIS) qui sera soumis au vote des pays, c'est-à-dire par les comités nationaux hébergés par les organismes de normalisation. L‟adhésion au processus s‟étant faite au cours du temps, ce sont 99 pays qui participent à la rédaction du texte final, et enfin l‟ensemble des pays membres de l‟ISO participe au vote. Loin d‟être un processus linéaire et logique, l‟élaboration de cette norme est le fruit de décisions et de compromis pris sur la base de rationalités partielles et différentes où les premières décisions créent un cadre qui va conduire à un repositionnement des différents acteurs impliqués (Brodhag, 2010)

Cette norme fournit certes des lignes directrices mais n‟est pas destinée à la certification par une tierce partie (ISO Standard providing guidance, not intended for third-party certification). Les acteurs ciblés par cette norme sont tous types d‟organisations. L‟ISO 26000 introduit la notion nouvelle de « normes internationales de comportement », où les objectifs de responsabilité sociétale ne sont pas des objectifs fixés par les parties prenantes mais sont inspirés par les textes internationaux (Brodhag, 2011).

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Le texte définit la responsabilité sociétale comme la contribution des organisations au développement durable : « responsabilité d‟une organisation vis-à-vis des impacts de ses décisions et activités sur la société et l‟environnement, se traduisant par un comportement éthique et transparent qui contribue au développement durable, incluant la santé et le bien être de la société (…) ». Mais cette définition a été le fruit de nombreux débats. Le système des Nations Unies parle de responsabilité « sociale et environnementale », ce qui explicitement limite la responsabilité sociale au seul volet « social » laissant ainsi la responsabilité environnementale dans le champ d‟institutions spécialisées de l‟environnement (Brodhag, 2010). Bien qu‟intégrant le volet environnemental, le terme employé dans la version de l‟ISO 26000 négociée en anglais est « social responsibility » mais pour marquer le caractère plus large, la traduction française retenue est sociétal, ce qui sous-entend social et environnemental.

Depuis quelques années, les recherches et publications concernant le développement durable (DD) et la RSE foisonnent. D‟après Alternatives Economiques, 222 articles de presse sont parus sur le sujet en 2001, et cela s‟est fortement accentué chaque année. Une simple recherche par mot clé sur le moteur de recherche « google scholar » nous donne depuis 2002, 15900 résultats pour l‟expression « responsabilité sociétale » et 3750 résultats pour le terme ISO 26000. Nous tenions à faire cette remarque car l‟objet de notre thèse n‟est pas de travailler sur les origines ni sur les convictions des différents points de vue au sujet de la RSE en tant que telle, ainsi que de la norme ISO 26000, qui peuvent émaner au sein de différentes écoles de pensée, mais bien de tirer profit du double intérêt de cette norme qui pour nous semble avoir deux propriétés et pouvoirs essentiels.

Premièrement, nous voyons en la RSE un véritable vecteur de changement et d‟innovation, et deuxièmement, étant donné que la norme ISO 26000 est applicable à toutes les formes d‟organisations, nous supposons que son utilisation comme objet de traduction du concept de la RSE pour l‟appliquer à notre objet de recherche est tout à fait plausible. C‟est d‟ailleurs dans ce contexte précédemment décrit – où l‟entreprise du 21e siècle rentre donc dans une nouvelle

dimension dans laquelle elle doit rentre compte non plus seulement à ses actionnaires mais aussi à la société dans son ensemble, non plus à l‟échelle locale mais à l‟échelle de l‟humanité dite globale – que nous avons décidé de construire notre projet de recherche en étudiant la possibilité d‟intégrer le changement dans une structure d‟ingénierie complexifiée par sa propre structure mais aussi par son organisation (deuxième partie de la thèse). L‟intégration d‟une démarche de RSE au service du DD au sein de cette structure d‟ingénierie pharmaceutique serait une forme d‟innovation à trois niveaux :

et la convention collective Syntec, aucune société d‟ingénierie pharmaceutique française n‟a mis en place une démarche de RSE pilotée par l‟ISO 26000.

Innovation liée au développement d‟un concept innovant : le concept de l‟ingénierie responsable donc durable.

Innovation liée au développement d‟un nouveau modèle pour faciliter l‟intégration de la RSE au sein de la structure d‟ingénierie sans en perturber son fonctionnement : il s‟agit d‟un modèle de vectorisation de la RSE, non pas classiquement par la structure organisationnelle mais par le métier de l‟ingénierie : le management de projet. L‟idée est d‟intégrer des principes de RSE au sein des étapes clés d‟ingénierie pharmaceutique. Le double principe de la sphère d‟influence combinée au partage des valeurs permettrait de construire une nouvelle forme de gestion de projet d‟ingénierie : l‟ingénierie de projet responsable. La conduite de plusieurs projets d‟ingénieries pharmaceutiques en intégrant dans les bonnes pratiques d‟ingénierie le modèle développé pourrait, à terme, concourir à l‟évolution de la structure organisationnelle de l‟ingénierie classique vers une ingénierie plus responsable pour une performance globale.

Cependant, deux éléments essentiels peuvent néanmoins venir freiner cet élan pour ce projet d‟innovation, au-delà des possibles fluctuations des économies de marché et de la pression des donneurs d‟ordres : la traduction du concept de la RSE au langage de l‟entreprise ainsi que l‟adaptation du concept de RSE au métier de l‟ingénierie. Ces problématiques feront partie de nos champs d‟explorations dans le cadre de notre thèse afin de démontrer l‟importance que représentent l‟appropriation et la traduction du concept de RSE par les entreprises avant d‟en espérer toute forme d‟intégration dans leurs fonctionnements en vue d‟atteindre une performance dite globale, car l‟appropriation du concept de développement durable en entreprise est toutefois un générateur d‟innovation et un levier de culture pour l‟entreprise (Brodhag, 2009) .

Profitant de cet intérêt nouveau pour la RSE, l‟entreprise est orientée presque de façon implicite pour aller, au-delà de la performance uniquement financière, vers la performance globale. C‟est donc dans ce contexte que nous décidons d‟asseoir notre champ d‟étude pour la conduite de notre thèse, en partant du postulat selon lequel toute entreprise désireuse de s‟inscrire dans une démarche de performance globale devra accepter d‟avoir une vision locale mais aussi globale (Brodhag, 2011) de son métier et de ses impacts à l‟échelle planétaire afin de s‟inscrire dans le champ du DD.

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C. La RSE : une fenêtre pour l’innovation sociétale