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2.B Équation différentielle stochastique et processus de base

La dynamique continue dans un SHS est décrite par une équation différentielle stochastique (avec une partie diffusive éventuellement dégénérée, voire nulle dans le cas des processus déter-ministes par morceaux). On suppose donc donnés un processus de Markov eX, à valeurs dans E, un entier m ≥ 0 et m + 1 champs de vecteurs f, g1, . . . , gm sur E, satisfaisant aux conditions suivantes :

(2.8)Hypothèses.

i) f est mesurable et les gl sont continus (1 ≤ l ≤ m).

ii) eX est un processus de diffusion conservatif, constant à partir du temps τB= inf

t ≥ 0 | eXt∈ EB .

iii) L’univers eΩ porte un mouvement brownien m-dimensionnel eB, indépendant de eX0, tel que pour tout x ∈ E0 le processus eX est solution forte sous ePxde l’EDS

(2.9)        e X0 = x d eXt = f( eXt) dt + m X j=1 gj( eXt) d eBtj sur l’intervalle [0; τB].

L’EDS 2.9 est ici formulée avec des intégrales d’Itô, la formulation de Stratonovich n’ayant de sens que si les champs de vecteurs sont suffisamment réguliers (par exemple de classe C1). Le fait que le processus eX soit à valeurs dans l’espace hybride E ne pose en réalité aucun problème quant à l’interprétation de l’EDS 2.9, puisqu’étant continu il ne peut changer de composante connexe Eq. On peut ainsi reformuler l’hypothèse 2.8.iii en disant que, pour tout q ∈ Q tel que nq ≥ 1 et tout z ∈ E0

q, le processus eZ est solution forte sous eP(q,z)de l’EDS

(2.10)        e Z0 = z d eZt = f(q, eZt) dt + m X j=1 gj(q, eZt) d eBtj, à valeurs dans Rnq, sur l’intervalle [0; τB].

(2.11)Remarques.

a) Le comportement du processus après l’instant τB ne jouera aucun rôle puisque le premier saut a lieu au plus tard à cet instant : la condition « eX est constant à partir du temps τB» est donc là simplement pour fixer les idées (cf. la remarque II.3.28.b sur l’unicité du processus de base associé à un processus diffusif par morceaux). Remarquons également que ce temps τB

est strictement positif – ePx-presque sûrement, pour tout x ∈ E0– puisqu’on a fait l’hypothèse que EB est un fermé de E (en effet, si τB(ω) = 0il existe une suite de réels positifs tn, tels que eXtn(ω) ∈ EB et tn → 0, ce qui entraîne que eX0(ω) ∈ EB par continuité de t 7→ eXt(ω); or eX0= x presque sûrement).

b) Le processus eB est supposé brownien sous chacune des lois ePx. En d’autres termes, si on note (Wm, Wm, Wm)l’espace de Wiener m-dimensionnel, on a la relation ePx◦ eB−1= Wm, pour tout x ∈ E. Ceci sera de toute façon parfaitement évident dès que l’on considérera la réalisation canonique du processus de base sur l’espace eΩ = E × Wm, avec les lois ePx = δx× Wm.

c) La condition 2.8.i est une condition très faible, qui permet de donner un sens à l’EDS 2.9 mais pas en général de prouver l’existence et l’unicité de la solution. Nous aurons besoin pour cela d’hypothèses plus fortes, voir par exemple le théorème 2.12 ci après.

d) L’entier m est supposé ici indépendant du mode q ∈ Q, comme dans Bujorianu et Lygeros (2004a,c). Afin de ne pas compliquer inutilement le formalisme, nous n’avons pas retenu l’extension proposée dans Bujorianu et Lygeros (2004b), qui considère un entier m(q) ≥ 0 éventuellement différent pour chaque mode. On peut de toutes façons se ramener à la situation considérée ici dès que m = supqm(q) < +∞, en posant gk = 0sur Eq pour tout k > m(q). Rappel : la notion de solution forte pour une EDS

Quittons un instant l’espace hybride E pour rappeler ce que signifie la notion de solution forte pour une EDS de la forme 2.9 à valeurs dans Rn. On suppose donnés a priori un espace probabilisé complet (Ω, A, P)2, un mouvement brownien m-dimensionnel B et un vecteur aléatoire ξ, à valeurs dans Rn et indépendant de B. On dit alors que Z est solution forte de l’EDS 2.10, relativement au mouvement brownien B et avec la condition initiale ξ, si :

– Z est un processus continu à valeurs dans Rn, adapté à la filtration complète Gξ,B engendrée par ξ et B, et Z0= ξ presque sûrement ;

– de plus, presque sûrement, on a pour tout t ≥ 0 Z t 0  kf(Zs)k + m X j=1 kgj(Zs)k2ds < +∞ et Zt = Z0+ Z t 0 f(Zs) ds + m X j=1 Z t 0 gj(Zs) dBj s.

C’est le premier de ces deux points qui différencie une solution forte d’une solution faible : on s’est donné a priori un espace probabilisé et un mouvement brownien, et on exige que la solution au temps t ne dépende que de la condition initiale et de la trajectoire du brownien jusqu’au temps t (voir par exemple Kallenberg, 1997, chapitre 21, pour la notion de solution faible, dont nous ne nous servirons pas). La notion de solution forte sur un intervalle fermé [0; T ], où T est un Gξ,B -temps d’arrêt, est définie de manière similaire en restreignant simplement le deuxième point à l’évènementt ≤ T (Cherny et Engelbert, 2003).

Le théorème suivant énonce les conditions classiques d’existence et d’unicité d’une solution forte, toujours pour le cas d’une équation à valeurs dans Rn (voir par exemple Kallenberg, 1997, chapitre 21) :

(2.12)Théorème. Supposons que les champs de vecteurs f, g1, . . . , gm vérifient :

i) (champs de vecteurs localement lipschtiziens) pour tout entier N ≥ 1, il existe un réel KN > 0

tel que les m + 1 champs de vecteurs sont KN-lipschitziens sur kzk ≤ N ;

ii) (champs de vecteurs à croissance linéaire) il existe une constante C > 0 telle que, ∀z ∈ Rn, kf(z)k + m X j=1 kgj(z)k ≤ C (1 + kzk) .

Alors il existe une fonction mesurable Υ : Rn× Wm→ Wn, telle que :

iii) pour tout quintuplet (Ω, A, P, B, ξ) vérifiant les mêmes hypothèses que précédemment, le pro-cessus Υ (ξ, B) est solution forte de l’EDS ;

iv) toute autre solution de l’EDS définie sur le même espace (Ω, A, P), avec la même condi-tion initiale ξ et le même mouvement brownien B, est indistinguable de Υ (ξ, B) (unicité trajectorielle) ;

v) toutes les solutions de l’EDS avec la même loi initiale déterminent, indépendament de l’espace sur lequel elles sont définies, la même mesure de probabilité sur Wn (unicité en loi).

Pour une loi initiale µ donnée, la réalisation canonique de la solution (canonical set-up, Rogers et Williams (2000b)) est définie sur l’espace Ω = Rn× Wm, muni de la tribu B(Rn) ⊗ Wm et de la loi Pµ= µ ⊗ Wm, en posant pour tout ω = (z, w) ∈ Ω,

ξ(ω) = z , B(ω) = w , et Z(ω) = Υ (z, w) .

Il est alors bien connu que le processus Z ainsi construit, avec les lois Pz0 , Pδz0 et les opérateurs de translation θt: (z, w) 7→ (Zt(z, w), w(t + · )), est un processus de diffusion conservatif (Ikeda et Watanabe, 1981, section IV.6).

(2.13)Remarque. La définition de la notion de solution forte, telle qu’on l’a énoncée plus haut, exige seulement que le processus solution Z soit adapté à la filtration Pµ-complète engendrée par ξ et B, pour tout µ, donc à la filtration P-complète Gξ,B définie par :

Gξ,B = ∩µσ(ξ) ∨ FB t

µ⊗Wm

,

où µ parcourt l’ensemble des mesures de probabilité sur (E, E). En fait, il est possible d’être plus précis sous les hypothèses du théorème 2.12 : le processus Z est en fait adapté à la filtration B(Rn) ⊗ Hm

t , où Hm

t est la filtration naturelle sur l’espace de Wiener Wm, et Hm

t sa Wm -complétion (Rogers et Williams, 2000b, §10 et §13).

Conditions suffisantes d’existence pour le processus de base

On peut maintenant, à partir de ces résultats valables dans le cas euclidien, énoncer des condi-tions suffisantes pour l’existence d’un unique processus de base eX correspondant à un (m+1)-uplet de champs de vecteurs f, g1, . . . , gm sur l’espace hybride E.

(2.14)Corollaire. Supposons que

i) les champs de vecteurs f, g1, . . . , gmse prolongent sur `q∈Q Rnq en des champs de vecteurs

¯f, ¯g1, . . . , ¯gm qui vérifient les hypothèses du théorème 2.12 sur chacun des modes {q} × Rnq

de dimension nq ≥ 1.

Pour chaque q ∈ Q tel que nq ≥ 1, notons alors Zq le processus de diffusion associé à ces champs de vecteurs prolongés, définis sur l’espace canonique Ωq = Rnq× Wm et à valeurs dans Rnq, et introduisons le FZq

+ -temps d’arrêt Tq, défini par Tq = inf

t ≥ 0 | Ztq∈ E/ 0 q

ii) pour tout z ∈ E0 q, Pq

z-presque sûrement, Zq Tq ∈ EB

q.

Alors il existe un processus de diffusion conservatif eX sur E vérifiant les hypothèses 2.8.ii et 2.8.iii.

De plus, ce processus est caractérisé de manière unique, en loi, par ces hypothèses.

 Démonstration.

⊲ Commençons par justifier que Tq est bien un FZq

+ -temps d’arrêt. Fixons q ∈ Q tel que nq ≥ 1, et introduisons les temps

DqEB = inf

t ≥ 0 | Ztq ∈ EBq

et Tq

= inf {t > 0 | Ztq ∈ E/ q} . Le processus Zq étant continu, il est connu que Dq

EB et Tq

sont respectivement un FZq

-temps d’arrêt et un FZq

+ -temps d’arrêt, les ensembles EB

q et Eq étant fermés par hypothèse (voir par exemple Revuz et Yor, 1999, propositions 4.5 et 4.6). On en déduit que Tq est bien un FZq

+ -temps d’arrêt en observant que Tq = DEqB∧ Tq.

⊲ Soit q ∈ Q tel que nq ≥ 1. Notons eZq le processus Zq stoppé à l’instant Tq. Il est facile de vérifier que eZq est encore un processus de diffusion, la propriété de Markov forte et le caractère borélien découlant du fait que Tq est un FZq

+ -temps d’arrêt. Considérons maintenant l’évènement e

q = Eq× Wm dans Ωq. Pour tout ω ∈ eΩq, on a Zq

0(ω) ∈ Eq par construction de la réalisation canonique, ce qui implique que t 7→ eZtq(ω) est à valeurs dans Eq. Comme Pq

z(eΩq) = 1pour tout z ∈ Eq, on peut donc restreindre le processus eZq à eΩq de façon à obtenir un processus de diffusion conservatif sur Eq. De plus, par l’hypothèse 2.14.ii, le temps Tq coïncide presque sûrement avec l’instant où le processus atteint EB

q : le processus eZq est donc solution sur [0; τB]de l’EDS 2.10 (et ceci ne dépend bien sûr plus de l’extension des champs de vecteurs de l’hypothèse 2.14.i).

⊲ Finalement, il ne reste plus qu’à réunir les processus eZq, q ∈ Q, pour former un processus « composite » eX sur E, comme cela est décrit par Siegrist (1981, section 3). Pour les modes pure-ment discrets, on définit simplepure-ment eZq comme le processus constant ayant pour valeur l’unique point de Eq. Le processus composite est alors construit sur eΩ =`

q∈Q eq en posant eP(q,z)= Pqz, e

Xt(q, z, w) = q, eZtq(z, w)

et eBt(q, z, w) = w(t). (Remarquons au passage que eΩ = E × Wm.) Le processus ainsi obtenu est clairement un processus de diffusion conservatif vérifiant les hypo-thèses 2.8.ii et 2.8.iii. L’unicité en loi découle de la propriété d’unicité en loi pour l’EDS et du fait qu’on demande au processus d’être constant à partir du moment où il atteint EB.  (2.15)Remarque. L’hypothèse 2.14.i peut en fait être un peu affaiblie : il est suffisant de pouvoir prolonger les champs de vecteur à un voisinage ouvert de Eq dans Rnq, pour chaque q ∈ Q, pour obtenir le même résultat.